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La grève dans le transport maritime en Côte d'Ivoire


par David GBENAGNON
Université catholique de l'Afrique de l'Ouest - Maà®trise en droit carrières judiciaires 2008
  

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Paragraphe 2 : Cas des grèves déclenchées par les professions portuaires

Dans le secteur maritime, les conflits collectifs de travail sont l'oeuvre pour l'essentiel des marins et des dockers, voire des entreprises de remorquage.

Les agents de l'outillage public comme les grutiers, de par leur qualité d'agent public, relèvent d'un régime particulier.

A côté de ces secteurs, on remarque que les entreprises de lamanage et les services du pilotage, par la nature de leur activité, sont soumis à un régime particulier et sont donc à écarter de notre étude.

En ce qui concerne les entreprises de remorquage, leur rôle consiste à amarrer le navire à quai. C'est une opération importante en pratique, car un mauvais amarrage peut avoir de redoutables incidences sur le navire lui même, sur les autres navires, voire même sur les tiers52(*).

L'opération de lamanage contribue à la sécurité intérieure et à la lutte contre les pollutions.

Ainsi en France, dans une affaire concernant le port de Gênes (CJCE, Corsica Ferries, 18 juin 1998) la Cour Européenne a jugé que les activités de lamanage accomplissent des missions de service public, qui concourent à la sécurité portuaire.

La CJCE estime que « l'obligation de recourir à un service de lamanage local... pourrait être justifiée au titre de l'article 56 du traité CE, par des considérations de sécurité publique »53(*).

Il s'ensuit donc que la grève dans de tel secteur est strictement réglementée et ne se résume en pratique qu'à de simples déclarations d'intention.

Quant au pilotage portuaire54(*), il consiste en « l'assistance donnée au capitaine, par une personne commissionnée par l'Etat, pour la conduite des navires à l'entrée et à la sortie des ports, rades et eaux maritimes des fleuves et des canaux » ; telle est la définition du pilotage posée par le Code de la Marine Marchande.

Cette disposition législative démontre la volonté politique de « préserver » lesdits services des risques de grève.

Sur ce fondement, la directive sur la libéralisation des services portuaires a écarté le pilotage de son champ d'application, après de vives réactions des différents syndicats de pilotes ; en conséquence les services du pilotage ne peuvent pas s'accorder pour une cessation collective et concertée de leur activité. En Côte d'Ivoire, les pilotes sont admis à s'accorder pour une cessation collective et concertée de leur travail.

Ainsi, les conflits collectifs de travail sont l'oeuvre pour l'essentiel, des dockers (A) et des marins (B) voir des entreprises de remorquage (C) et aussi de manutention (D).

On remarque, de plus, qu'étant donné l'interdépendance des activités portuaires, la grève d'un corps professionnel engendre le plus souvent un arrêt de travail généralisé à plusieurs corps professionnels. Ce genre de manifestation ne reflète sûrement pas la célèbre solidarité des gens de mer.

A. Les marins

Le marin exerce son travail à bord d'un navire sur lequel il doit se rendre pour exécuter son service, au jour et à l'heure, qui lui sont indiqués par l'armateur.

Le lien du marin au navire domine la relation entre l'armateur et le marin à un point tel, que l'ancien Code de la Marine Marchande sanctionne le délit de désertion.

Le marin reste tenu d'accomplir son service dans les conditions déterminées par le contrat, et d'obéir aux ordres de ses employeurs. L'étude de la grève chez les marins (1) et de la grève en mer (2), permettra d'éclairer notre compréhension.

1. la grève chez les marins 

La vie à bord d'un navire et la sécurité de la navigation, ont entraîné l'instauration d'un régime spécifique de discipline, qui place l'équipage sous l'autorité du capitaine, comme le précise le Code de la marine Marchande. La Convention Collective du 28 Mai 1997 affirme, d'ailleurs qu'un manquement à la discipline ou un refus d'embarquement sont passibles de sanctions.

Dans le milieu maritime, la grève revêt un aspect particulier. Le marin étant tenu à une discipline particulière à bord, le refus de travailler est en conséquence difficilement admis.

Les membres de l'équipage ne sont pas des salariés ordinaires, même s'ils bénéficient des mêmes droits que les salariés « terrestres », au premier rang desquels se trouve le droit de grève. Mais la manifestation de ce droit de grève est tout à fait spécifique au milieu.

En revanche, on peut se poser la question de savoir si le capitaine en tant que mandataire de l'armateur, en ce qui concerne l'accomplissement de tout acte commercial, peut faire grève.

La loi faite du capitaine un préposé de l'armateur, si on ajoute que le droit de grève est inscrit dans la Constitution et qu'aucun texte législatif ou réglementaire ne l'interdit aux capitaines de navires marchands, force est de conclure que le capitaine peut faire grève55(*).

La grève, envisagée à bord d'un navire naviguant, est rarement utilisé en pratique, d'une part pour des raisons de sécurité, et d'autre part parce que le marin doit obéir aux ordres de ses supérieurs et assurer le soin du navire et de la cargaison.

Lorsqu'un mouvement de grève est prévu dans une entreprise à terre, quel que soit le moment de son déclenchement, il cause une gêne à la direction. Une grève en mer est peu concevable pour les raisons évoquées précédemment.

C'est pourquoi, les marins ont recours à une forme spécifique, le retard à l'appareillage. Ce dernier peut prendre plusieurs formes : les marins refusent d'embarquer, bloquent les moyens d'accès au navire, montent à bord mais refusent d'appareiller. Cette dernière possibilité est largement utilisée par les équipages des ferries.

Il convient cependant d'insister sur le fait que, les marins dans leur ensemble sont peu syndiqués et représentent un pourcentage très réduit de la population active en Côte d'Ivoire.

Leur activité, très spécifique, s'exerce dans un cadre géographique limité. Il est cependant à la fois trop vaste, les navires étant présents sur toutes les mers du monde et trop restreints, la grève n'ayant physiquement lieu qu'au port ; or on ne trouve jamais tous les navires dans un port en même temps.

Un mouvement de grève, déclenché dans ces conditions, ne peut avoir le retentissement de celui déclenché dans certains secteurs d'activité, sauf si le retard des marins à l'appareillage affecte certains services, de passagers notamment ou bloque la desserte territoriale du pays par exemple. Le juge devra prendre en compte, s'il est saisi, le caractère déraisonnable ou non des revendications56(*).

Ceci dit, l'armateur a la possibilité de résoudre ce problème, en procédant au dépôt du rôle d'équipage pendant la durée de la grève, suspendant ainsi le paiement des salaires et le contrat d'engagement. Ce genre de situation s'apparente au lock-out qui permet à l'armateur de « fermer » l'activité de l'entreprise pendant toute la durée de la grève.

Par ailleurs, s'il est abusif, le lock-out entraîne à la charge de l'armateur des dédommagements pour les marins congédiés, et l'obligation de payer les salaires aux marins dont le contrat d'engagement est suspendue57(*).

2. La grève en mer 

La grève, envisagée à bord d'un navire en mer, n'est guère possible, cependant il y a eu des précédents.

Les deux principales affaires qui illustrent le cas de grève en mer sont d'une part, l'affaire du navire France 58(*)et d'autre part, l'affaire du ferry Saint Germain59(*).

Dans l'affaire du France, les membres de l'équipage et les permanents syndicaux, espérant éviter le désarmement du France, ont obligé le commandant à mouiller le navire dans le chenal d'entrée du port du Havre, perturbant de ce fait les activités commerciales du port. Aucune poursuite pénale n'a été intentée, seuls les licenciements économiques ont été prononcés. En ce qui concerne le navire on connaît la suite...

Dans l'affaire du ferry Saint Germain, l'équipage, pour s'opposer au désarmement du navire, a séquestré le commandant et mouillé le navire dans l'entrée du port de Dunkerque.

Seule l'Association des Capitaines de Navire a porté plainte et un seul marin a été déclaré coupable, celui qui avait ouvertement déclaré prendre le commandement. Or, le 5 mai 1989, le tribunal correctionnel de Dunkerque appliqua aux faits de l'espèce, la loi d'amnistie du 20 juillet 1988 qui couvrait les infractions commises lors d'actions syndicales.

L'étendue de ces deux affaires révèle tout d'abord que les seuls cas de « grève en mer » ont eu lieu à proximité d'un port. La grève avait bien lieu en mer, mais pas en pleine mer en laissant un navire à la dérive, les risques pour le navire et la navigation, étaient donc réduits. Les marins étant conscients des dangers que peut entraîner une grève en pleine mer, il est peu probable que la jurisprudence ait à connaître d'une telle affaire un jour.

Ensuite, on constate que dans l'affaire du France aucune sanction particulière n'a été prise à l'égard de l'équipage, sauf le licenciement économique, mais qui, de toute façon, résultait du désarmement du navire au « quai de l'oubli ». Dans l'affaire du Saint Germain, la « mutinerie » a été assimilée par le tribunal à une simple occupation des locaux pour motif syndical.

A croire que « la grève en mer » n'est pas considérée comme illégale et qu'il y a donc là une perte évidente du particularisme de droit maritime, eu égard aux règles plus générales encadrant le droit de grève.

En ce qui concerne un sujet aussi vaste que celui traité, il est un secteur où le vocable de grève est souvent utilisé à plus ou bon escient, il s'agit du secteur de la manutention portuaire.

On utilisera dans les prochains développements, le terme de docker employé sur les rivages de la Méditerranée et dans notre pays, et non celui de stevedore utilisé sur la côte Atlantique, les premiers accomplissent des opérations juridiques alors que les seconds se contentent d'opérer essentiellement la manutention du fret. En tout état de cause, une telle distinction n'a pas lieu d'être lorsque l'on se place dans le cadre d'une grève.

* 52 CA Rennes, 31 octobre 1989, navire Corsica, DMF 1990, p. 487 ; DMF 1991, p. 88. Obs. P. Bonassies.

* 53 P. Bonassies, DMF 1998, p. 859

* 54 Il existe un pilotage hauturier

* 55 La Tribune Maritime, Nov-Déc 2002.

* 56 Cass. Ass. Plén. 4 juillet 1986, D. 1986, p. 477, grève à propos de la réduction des équipages sur certains avions.

* 57 R. Rodière, Traité de Maritime, R. Jambu-Merlin. Les gens de mer, n°214-1.

* 58 DMF 1979, p. 596, Gazette du Palais 1979, p. 295.

* 59 DMF 1989, 22 juin 1989.

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