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Politique de l'enseignement universitaire en République Démocratique du Congo (1947-1993)

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par Aurélie Maketa
Université de Kinshasa - Licence 2011
  

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C. L'enseignement supérieur pour indigènes

L'enseignement supérieur pour Noirs existait déjà avant l'ouverture de la première année d'université à Léopoldville en 1954. L'apprentissage d'un métier pour les jeunes congolais commençait à partir de la fin du cycle primaire comme nous l'avons expliqué dans le point précédent et à partir de 1910 déjà, l'enseignement supérieur s'était spécialisé dans la colonie avec des structures telles que l'école A.M.I, créée par l'Etat, ensuite avec la FOMULAC (1927) et la CADULAC (1933) affiliées à l'Université Catholique de Louvain. Pourtant quand l'idée de la création d'une université pour indigènes a commencé à voir le jour dans le milieu de la métropole, de nombreuses voix se sont levées pour protester. Pourquoi ?

L'enseignement supérieur, qui avait cours avant 1954 et l'ouverture du C.U.L, était considéré comme un enseignement professionnel à un degré supérieur. Il servait surtout à procurer à la colonie la main d'oeuvre dont elle avait besoin pour son développement et aussi des aides efficaces pour les milieux administratif, médical ou même agricole.

14 Idem, p. 150 : avec deux cycles de trois ans chacun. Le premier était commun à tous et le second différencié en cinq options : la section administrative et commerciale, la section des géomètres arpenteurs, la section normale, la section éducation physique, et la section sciences.

15 LACROIX, B., Op. Cit., p. 14

Pour comprendre le parcours suivi par les étudiants de ces écoles supérieures spécialisées et la valeur que l'Etat a donné à leurs diplômes, nous prendrons l'exemple de l'enseignement médical pour indigènes16 qui existait dans plusieurs grandes agglomérations telles que Kisantu et Kamponde. On y formait au départ des infirmiers, des infirmières accoucheuses et par la suite des assistants médicaux. Le cas des assistants médicaux, particulièrement, pourrait nous éclairer sur le système.

Le parcours que les jeunes devaient effectuer pour pouvoir devenir assistant médical était long. Certains comparent même ces années à la formation des médecins européens. Ce processus débutait par un cycle primaire qui durait six ans, et qui se complétait par quatre années d'études post-primaires. Avant de pouvoir intégrer la formation d'assistant médical, l'élève était soumis à un test d'entrée. Ceux qui réussissaient commençaient une formation qui durait six ans ; quatre années de théorie, complétées par deux années de stage pratique. A la fin de ce cycle de formation, ils recevaient un diplôme qui prouvait qu'ils avaient effectivement reçu la formation donnée aux assistants médicaux.

Après ce long combat, qui permettait de faire un « tri » et qui ne laissait filtrer que les meilleurs éléments, quels étaient les attributions des assistants médicaux indigènes ?

Les assistants médicaux indigènes étaient habilités à :

- Diriger des dispensaires ;

- Diagnostiquer des maladies qu'ils ne pouvaient pas soigner, quand le cas les dépassaient, ils renvoyaient les malades vers les hôpitaux où des médecins s'occupaient d'eux;

- Administrer des traitements simples et pratiques ;

- Tenir à jour la situation épidémiologique des centres médicaux ruraux ; - Vacciner ;

- Piquer et distribuer des médicaments17.

Ces assistants médicaux n'étaient pas des médecins mais pas des infirmiers non plus. Ils étaient d'un statut inférieur à celui de médecin et ne pouvaient assumer aucune grande responsabilité. Cela pouvait à la longue se révéler assez frustrant pour les intéressés. Paul Bolya, un assistant médical qui faisait partie des meilleurs de ce métier, déclare ce qui suit, « La formation que les belges nous ont donnée était une

16 Pour avoir un aperçu de ce que représentaient ces instituts d'enseignements, nous allons ici parler essentiellement de l'enseignement médical, car c'est là que l'on trouvait les plus de filières et aussi la meilleure organisation.

17 MUNAYENO, M., Les infections sexuellement transmissibles (maladies vénériennes) et la santé publique au Congo. Contribution à l'histoire socio-épidémiologique des IST en milieux urbains (1885-1960), thèse de doctorat, volume I, 2009-2010, p. 124

formation humaine très poussée [...] Sans responsabilité. [...] assistant médical proche des médecins en profession, je ne pouvais signer aucun papier même si j'opérais ; c'était toujours sous la responsabilité d'un Blanc. En l'absence du médecin, dans une formation médicale, c'est toujours une infirmière religieuse qui assumait l'intérim » 18.

Dans ces écoles supérieures, il ne s'agit pas de la formation de l'élite noire : même si elle avait été formée, faute d'études secondaires générales et de valeurs accordées aux diplômes, leurs compétences n'auraient pas été reconnues. Il s'agit plutôt d'une formation professionnelle pour les autochtones du Congo, pour parler plus simplement, on leur apprenait un métier. C'est cela qui différencie tellement l'enseignement supérieur avant 1954 d'un enseignement totalement universitaire. Il faut comprendre que la tâche dévolue à une université est plus que l'apprentissage d'un métier. L'université a aussi le devoir de détecter les problèmes cruciaux de la société, de révéler les maux de la communauté et de catalyser les idées nouvelles. A cette fin, elle exige de la rigueur et de la liberté dans ses recherches ainsi qu'un certain culte de l'objectivité tant dans le domaine scientifique, social que culturel. On comprend que l'Université ne se contente pas de transmettre le savoir mais qu'elle élabore aussi de nouvelles connaissances en encourageant l'effort, l'assiduité et la créativité quotidienne. A y regarder de près, on se rend compte qu'il ne s'agit pas de cela dans ces écoles spécialisées.

En résumé, on peut dire que même si le niveau supérieur était très dur, que la sélection y était extrêmement rude et la formation assez profonde. Ce type d'enseignement supérieur était considéré comme étant des écoles professionnelles, en aucun cas universitaire. Ainsi, on comprend pourquoi la possibilité de former des universitaires congolais était, encore en 1947, un sujet de discussion qui ne mettait pas tout le monde d'accord dans la métropole.

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