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Vision africaine du droit des peuples à  disposer d'eux-mêmes

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par Wendeyida Jessie Josias OUEDRAOGO
Université Privée de Ouagadougou - Licences es Sciences Juridiques; Option: Droit public 2012
  

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2. Domaine d'application du droit des peuples à l'autodétermination

Le véritable problème qui se pose ici concerne l'aspect externe du droit à l'autodétermination. En effet, de nombreux publicistes ont voulu limiter cette composante au contexte de la décolonisation et aux situations qui y sont assimilées.

Selon Jean Charpentier, « la fonction première du droit international est, en effet, de déterminer les obligations qui pèsent sur les États et accessoirement, sur les autres acteurs de la vie internationale. Les conditions nécessaires à l'accomplissement de cette fonction sont, d'une part, une normativité suffisante, c'est-à-dire, en particulier, un degré de précision du contenu des règles de droit suffisant pour orienter le comportement de leurs destinataires, et d'autre part, une positivité, c'est-à-dire une force d'application de ces règles qui, s'agissant d'États souverains, passe par leur consentement exprès ou tacite et se traduit normalement dans un instrument conventionnel ou une pratique coutumière. Or, la positivité, et plus encore la normativité du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes sont profondément équivoque »38(*).

Considérant « le droit qu'aurait tout peuple opprimé à l'indépendance » comme étant la version la plus controversée du droit des peuples, il affirme que si l'on a pu recourir à l'expression « droit des peuples », celle-ci a été abusivement utilisée pour justifier la décolonisation. Sans contester la valeur juridique de l'article 1 de la Charte des Nations Unies, il estime qu'« il ne proclame ni le droit de tout peuple à l'indépendance, ni même celui des seuls peuples soumis à domination coloniale »39(*) ; il s'agirait plutôt tout simplement d'une affirmation du principe de non-intervention dans les affaires intérieures des États. Il dénonce alors un fallacieux amalgame entre un droit des peuples à l'indépendance et l'obligation de décoloniser40(*).

Cette doctrine tendant à limiter l'aspect externe du droit à l'autodétermination au seul contexte de la décolonisation fera toutefois l'objet de nombreuses critiques.

Pour Alain Pellet, la Charte des Nations Unies ne veut pas mettre fin au colonialisme mais tout simplement en règlementer l'exercice. Cependant, « même si elle ne visait nullement à cela, la proclamation du principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes allait constituer un formidable outil juridique de la décolonisation. Son caractère indéterminé et sa "force explosive" lui ont conféré "une dynamique propre" qui en a facilité "une récupération et une utilisation extensive et inattendue" »41(*). Pellet souligne également qu'« aucun des instruments internationaux pertinents ne limite le droit à l'autodétermination aux seuls peuples coloniaux (et à ceux, très rares, qui leur sont assimilés) ; bien au contraire tant les résolutions 1514 (XV) et 2625 (XXV) de l'Assemblée générale que l'article 1er des deux Pactes internationaux de 1966 relatifs aux droits de l'homme disposent que "tous les peuples" ont le droit de disposer d'eux-mêmes »42(*).

De nombreux auteurs estiment que « reconnaître un droit à l'autodétermination et à l'indépendance aux peuples coloniaux et refuser ce droit à toute population qui ne porte pas l'étiquette coloniale, constitue une contradiction »43(*) car malgré la disparité des situations, il y a un facteur commun qu'on ne saurait nier : l'accès à l'indépendance.

Selon S. Calogeropoulos-Stratis, « limiter le droit à la libre détermination uniquement à la libération coloniale, présumer la volonté des intéressés et déclarer qu'une fois l'indépendance acquise, rien ne peut être mis en cause, concernant le statut qui en résulte, est contraire à la conception du principe même du droit des peuples et à l'idée démocratique où prime la volonté des intéressés [...]. On introduit ainsi l'idée qu'une fois l'État constitué, celui-ci est le dépositaire et le garant de la libre disposition du peuple qu'il régit, ce qui amène à faire du droit des peuples un droit de l'État et non du peuple »44(*).

En doctrine africaine, Mamadou Hébié affirme qu'« à la vérité, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes conserve toute sa pertinence juridique et ne s'éteint pas une fois l'indépendance acquise, la domination étrangère terminée ou le régime raciste disparu »45(*). Pour lui, « le droit à l'autodétermination dans l'article 20, alinéa 1 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples se décline comme suit : pour les peuples assujettis à une domination coloniale, à un régime raciste ou à une domination étrangère, il exprime l'obligation de libérer ces peuples de leur joug respectif. Pour les peuples déjà constitués sous forme étatique, il garantit leur capacité d'exercer les autres modalités du droit à l'autodétermination et apporte un soutien à leur revendication de décolonisation totale »46(*).

* 38 Jean CHARPENTIER, « Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et le droit international positif », Revue québécoise de droit international, 1985, pp. 195-197.

* 39 Ibid., p. 199.

* 40 Ibid., pp. 200-205.

« Cette assimilation repose, en effet, sur l'idée - on dirait presque le postulat - que tous les peuples colonisés veulent l'indépendance ; dès lors, parler de décolonisation ou parler d'autodétermination revient au même. Mais ce n'est pas vrai dans tous les cas et la valeur d'une construction juridique s'apprécie à son aptitude à s'appliquer aux cas marginaux ; ce n'est pas vrai notamment dans certains petits territoires où la population peut préférer conserver des liens avec une métropole lointaine et riche plutôt que de s'en séparer pour tomber sous la domination d'un voisin moins riche et moins libéral. [...] L'autodétermination n'est [pourtant] prise en compte par l'ONU que dans la mesure où elle constitue un instrument de la décolonisation ».

Selon lui, deux distinctions principales existe entre droit à l'indépendance et obligation de décoloniser : « En premier lieu, une telle obligation s'adresse à des États, ce qui est le propre de toute obligation internationale classique, alors que le droit des peuples à l'indépendance laissait entrevoir l'idée que les peuples pouvaient devenir - étaient même devenus - des sujets du droit international [...]. En second lieu, cette obligation impartie aux puissances coloniales est en quelque sorte objective, « réelle » au sens du droit civil, liée au territoire. Il s'agit pour elles de renoncer à leur souveraineté sur les territoires coloniaux, de cesser d'y exercer des compétences territoriales, sous-entendu et corrélativement, dans les frontières qui étaient les leurs à l'époque de la colonisation. C'est clair et définitif, alors que le droit des peuples passe par l'expression subjective de la volonté de ces peuples ; ce qui soulève encore de très grandes difficultés pratiques et des risques de manipulation infinis... ».

* 41 Alain PELLET, op. cit., p. 256.

* 42 Ibid., pp. 257-258.

* 43 J. CHARPENTIER, Institutions internationales, 4e édition, Paris, Dalloz, 1972, p.17 cités par Denis GINGRAS, op. cit., pp. 367-368.

* 44 Cité par Denis GINGRAS, op. cit., p. 368.

* 45 Mamadou HEBIE, op cit., p. 466.

* 46 Ibid., p. 471.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams