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L'application de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples

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par Blé Eddie Zakri
Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest- Unité Universitaire d'Abidjan (UCAO-UUA) - Master 2 Recherche Droit public fondamental 2014
  

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CHAPITRE 2 : LA FAIBLESSE DU MECANISME DE SAUVEGARDE

Les systèmes de défense de droits l'homme européen et interaméricain donnent l'impression qu'une cour de droits de l'homme est une composante essentielle, voire indispensable d'un régime de protection effective des droits de l'homme. L'idée ici est que les normes prescrivant la conduite des Etats ne sont véritablement significatives que si leur application fait l'objet d'un contrôle par des institutions contraignantes et effectives.

Dans le cas du système africain, ce truisme mérite une attention spéciale car le mécanisme de contrôle prévu par la CADHP est perçu comme étant faible et ineffectif145(*). D'où la nécessité de mettre en place une cour de droits de l'homme, une institution destinée à corriger les énormes failles du système africain. En effet, « que sont les droits de l'homme s'ils ne bénéficient pas de mécanismes et de structures aptes à en assurer l'effectivité, tant sur le plan interne que sur le plan international ? » Cette interrogation de l'ancien secrétaire général des Nations unies, Boutros Boutros GHALI146(*) a sûrement été entendue par les Etats africains.

Mais la question se pose de savoir si le nouveau système permettra de combler les lacunes tant décriées (Section 2). Avant de nous y appesantir, il convient de relever les insuffisances du mécanisme instauré par la CADHP (Section 1).

Section 1 : Les insuffisances du mécanisme instauré par la Charte

A la différence des systèmes européen et américain, le système africain de protection des droits de l'homme opte au travers de la CADHP pour un seul mécanisme de contrôle basé sur un règlement amiable des différends portant sur les violations des droits de l'homme147(*). La Charte africaine en effet ne prévoit qu'une commission comme seul organe chargé au titre des « mesures de sauvegarde » de promouvoir et de protéger les droits de l'homme148(*) (Paragraphe 1). Cette commission n'a cependant pas pu remplir sa mission, vu les faiblesses dont elle fait preuve (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le choix initial d'une Commission

C'est l'article 35 de la CADHP qui instaure une Commission des droits de l'homme et des peuples dont il convient de voir l'architecture (B). Mais avant de nous y pencher, il n'est pas sans intérêt de dire quelques mots sur les raisons ayant guidé ce choix (A).

A- Les raisons du choix d'une Commission

La Commission ADHP restera jusqu'à l'entrée en vigueur du protocole de 1998, le premier et l'unique organe du système africain. Pourtant, il y a bien eu des propositions tendant à la création d'une cour africaine des droits de l'homme. La première fois, elle fut le fait de la commission international des juristes réunie au congrès de Lagos en janvier 1961149(*). Cette proposition sera encore reprise au moment de la conférence de Banjul lors de l'adoption de la Charte africaine. La Cour africaine des droits de l'homme devait avoir pour mission non seulement de sanctionner les violations des droits de l'homme et des peuples, mais aussi de juger les coupables de crimes contre l'humanité.

Malheureusement, les efforts pour sa création n'ont pas été fournis par les Etats africains. Deux raisons concurrentes ont été avancées pour justifier l'option et le maintien, pendant 18 années, de la conciliation, du compromis ou du règlement politique comme modes de règlement des conflits résultant d'une violation de droit en Afrique.

D'une part, il est manifeste que les Etats africains rechignaient à l'idée de création d'une cour des droits de l'homme150(*). Car ceux-ci percevaient l'avènement d'une cour comme une menace à leur souveraineté. En effet, il semble que ce soit l'obstination des leaders politiques africains d'alors à n'accepter aucune autre autorité qui soit supérieure aux leurs, parce que très accrochés à la souveraineté de l'État, qui les ont déterminés à récuser toute idée d'institution d'une Cour qui aurait vocation à les soumettre au droit150(*). Car, contrairement à une simple commission ou un comité des droits de l'homme, une juridiction internationale aurait pour mission de sanctionner, par des décisions ayant force obligatoire, les violations des droits de l'homme. Ce qui était loin d'être accepté par ces Etats151(*) quifaisaient notamment prévaloir que la question des droits de l'homme relevait des affaires intérieures.

D'autre part, il convient d'ajouter également que le choix d'une commission des droits de l'homme en lieu et place d'une cour procède d'une idéalisation des valeurs de la négociation, d'une volonté de rechercher à tout prix la solution ou la sanction d'une violation des droits de l'homme dans la négociation et dans le règlement amiable du différend152(*). Il faut noter en effet que la justice africaine est traditionnellement une justice basée sur les modes alternatifs de règlement des différends tel la médiation et la conciliation. L'important étant d'aboutir à une paix perpétuelle et la quiétude du village. Par conséquent les problèmes sont réglés dans la communauté et l'on pouvait se passer d'une instance juridictionnelle pour trancher153(*).Ne dit-on pas d'ailleurs à ce sujet que l'Afrique n'a pas la tradition judiciaire reposant sur les Cours et Tribunaux à l'instar de l'Occident ?

Transactionnelle, cette justice ne fait donc pas intervenir nécessairement les règles juridiques pertinentes154(*). La décision à intervenir est généralement un consensus155(*). Il convient de noter d'ailleurs que tous les traités initiés par l'OUA sont imprégnés de cette philosophie du droit156(*). Après avoir donné les raisons du choix d'une commission, il est temps de voir comment elle se compose et quelles sont ses fonctions.

B- La composition et les fonctions de la Commission

C'est la deuxième partie de la CADHP qui traite de la CommissionADHP. Cette partie composée de 33 articles s'étend sur sa composition et ses compétences.

En ce qui concerne sa composition, il faut relever que la CommissionADHP est composée de 11 membres157(*). Selon l'article 31, ceux-ci « doivent être choisis parmi les personnalités africaines jouissant de la plus haute considération, connues pour leur haute moralité, leur intégrité et leur impartialité, et possédant une compétence en matière de droits de l'homme et des peuples, un intérêt particulier devant être donné à la participation de personnes ayant une expérience en matière de droit »158(*). Les candidats à l'élection des membres de la commission sont présentés par les Etats parties et doivent avoir la nationalité d'un des Etats. La commission ne peut comprendre plus d'un ressortissant du même Etat159(*). Les commissaires sont élus au scrutin secret par la conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'UA pour une durée de six renouvelable.

Relativement à ses fonctions, la Commission ADHP est chargée par l'article 30 de promouvoir les droits de l'homme et des peuples et d'assurer leur protection en Afrique.

Mais c'est l'article 45 qui précisera amplement sa mission. Comme mentionné par l'article 30, il s'agit de promouvoir les droits de l'homme et des peuples dans les pays africains. Pour cela, la Commission rassemble la documentation, fait des études et recherches sur les problèmes africains dans le domaine des droits de l'homme et des peuples, organise des séminaires, colloques et conférences, coopère avec les autres institutions s'intéressant aux droits de l'homme. Elle donne également des avis et fait des recommandations aux gouvernements. Dans ce cadre toujours, la Commission peut « formuler et élaborer, en vue de servir de base à l'adoption de textes législatifs par les gouvernements africains, des principes et règles qui permettent de résoudre les problèmes juridiques relatifs à la jouissance des droits de l'homme et des peuples et des libertés fondamentales ».

Il s'agit également d'assurer la protection des droits de l'homme dans les conditions prévues par la CADHP. A cette fin, elle peut être saisie par les Etats parties, les individus mais aussi les organisations internationales et non gouvernementales. A cet égard, elle est saisie par des « communications». Ces communications sont soit étatiques soit individuelles. Les communications étatiques sont mises à la charge des Etats parties à la Charte pour mettre en cause la responsabilité des autres Etats parties pour manquement aux droits de l'Homme et des peuples reconnus dans la CADHP mais aussi pour violations des autres droits découlant d'autres sources conventionnelles ou non et s'imposant à l'Etat concerné160(*).

A côté de ces principales missions, s'ajoutent d'autres fonctions. La Commission interprète toute disposition de la CADHP à la demande d'un Etat partie, d'une institution de l'UA ou d'une organisation africaine reconnue par l'UA161(*) et exécute toutes autres tâches qui lui seront confiées par la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement162(*). Cependant, la Commission ADHP, au-delà de ses mérites, est en proie à un certain nombre de faiblesses et déficiences qui amenuisent son rendement.

* 145 Voir Fabienne MAQUILLERE-MAJZOUB qui qualifie de « fantôme » le système de contrôle mis en place par la Charte africaine, MAQUILLERE-MAJZOUB (F.), « L'option juridictionnelle de la protection des droits de l'homme en Afrique », RTDH, N°44, octobre 2000, p.730.

* 146 Cité par Alain Didier OLINGA, « L'Afrique face à la globalisation des techniques de protection des droits fondamentaux »,op.cit., p.68.

* 147Avant l'entrée en vigueur du Protocole N°11, le système européen instaurait deux mécanismes destinés à assurer le respect des droits de l'homme : la Commission européenne des droits de l'homme et la Cour européenne des droits de l'homme. Il en est de même dans le système interaméricain qui lui aussi a créé une Commission et une Cour.

* 148 Cette solution retenue s'inspire des solutions déjà appliquées dans le cadre des Nations unies.

* 149 Au terme dudit congrès sera adoptée la « loi de Lagos » tendant à « la création d'un tribunal approprié et de voies de recours ouvertes à toutes les personnes relevant de la juridiction des Etats ».

* 150 DELAS (O.) et NTAGANDA (E.), « La création de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : mécanisme efficace de protection des droits de l'homme ? » op.cit., p.120 ; MBAYE (K.), Les droits de l'homme en Afrique, op.cit., p.307.

* 151 GONIDEC (P.-F.), « Les droits de l'homme », op.cit., p.373.

* 152 KOWOUVIH (S.), « La cour africaine des droits de l'homme et des peuples : une rectification institutionnelle du concept de « spécificité africaine » en matière de droits de l'homme », RTDH, n°59, 2004, p.761.

* 153 BOUTROS ABDEL-NOUR (M.), La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, élaboration et inspiration, op.cit., p.34.

* 154BOUTROS ABDEL-NOUR (M.), La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, élaboration et inspiration, op.cit., p.34.

* 155 MBAYE (K), Les droits de l'homme en Afrique, op.cit., p.189.

* 156Idem.

* 157 Selon Valère Eteka YEMET, la composition de la Commission ressemble à celles des organes onusiens et américains en ce sens qu'ils ne se composent pas d'un nombre de sièges égal à celui des Etats membres. Ce fait les amènerait à échapper mieux à l'emprise des Etats parties que des organes européens, YEMET (V. E.), La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, L'Harmattan, Paris, 1996, p.255.

* 158 Ces qualifications coïncident à bien d'égards avec celles posées par le Protocole international des droits civils et politiques (art.28. 2), la Convention européenne des droits de l'homme (art.21, 3 et 39. 3) et la convention américaine des droits de l'homme (art.34 et 52).

* 159 Il est cependant autorisé à chaque Etat de présenter deux candidats, dont un peut être de nationalité d'un autre Etat partie. Voir en ce sens l'article 34 de la CADHP.

* 160 Cette extension du bloc de légalité de la Commission ressort des articles 60 et 61 de la Charte prévoyant la possibilité pour la commission de s'inspirer du droit international des droits de l'Homme.

* 161 Article 45 (3) de la CADHP.

* 162Article 45 (4) de la CADHP.

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