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Le monopole bancaire français face au droit de l'union européenne

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par Romain Bony-Cisternes
Université Panthéon Sorbonne Paris 1 - Master 2 droit financier 2013
  

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TITRE INTRODUCTIF:

LE « SHADOW BANKING » DANS LE PAYSAGE FINANCIER

Le terme shadow banking est apparu entre les années 2000 et 2008. Il est défini de la manière suivante par le Conseil de stabilité financière : « système d'intermédiation de crédit qui implique des entités et activités extérieures au système bancaire ordinaire139. » Hors du système bancaire classique, les entités du « shadow banking system » ne sont par définition pas des banques et ne collectent donc pas de dépôts du public, ni ne sont soumises, a priori, à la règlementation prudentielle pesant sur les établissements de crédit140. Si ces entités ne sont

139 V. FSB « Shadow banking : strengthening oversight and regulation », Recommendation 27 sept 2011; CASSOU P-Y., «Quelles initiatives en matière de shadow banking?», in Revue Banque

140 V. notamment toutes les directives bancaires y compris le package CRD IV / CRR I : Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE, Règlement (UE) n 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement et modifiant le règlement (UE) n 648/2012, Directive 2006/48/CE du Parlement européen et

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pas soumises aux mêmes exigences que les banques car elles n'en sont juridiquement pas, il demeure que leurs activités économiques sont, en revanche, semblables à celles des banques 141: elles ont des activités de crédit et de financement, rapprochent les investisseurs et les emprunteurs, réalisent des opérations de pension, participent à des émissions de titres d'emprunt et à la titrisation ou encore opèrent des transferts de fonds vers les paradis fiscaux142. Ainsi, ces entités opèrent alors avec un incontestable atout concurrentiel car elles n'ont pas à intégrer le réel cout du risque pris en compte dans la règlementation prudentielle. Ces acteurs sont les hedge funds, les fonds monétaires de type OPCVM monétaires (« money market funds » ou MMF's), véhicules d'investissement structurés et autres institutions financières non bancaires. Ce système bancaire parallèle n'est ni illégal, ni irrégulier, et présente certains avantages : c'est, notamment, une source alternative de financement et de liquidités (comme nous l'avons défendu tout au long de ce travail). De même, et c'est encore une idée que nous avons défendue, ces entités peuvent avoir des compétences que les banques classiques n'ont pas (en matière de capital-investissement, de distressed debt).

Le shadow banking system, catégorie d'entités d'origine doctrinale, donc innomée, recouvre de larges réalités. A ce titre, la société de financement introduite en droit français, en ce qu'elle ne constitue pas un établissement de crédit, appartient de facto à cette catégorie. Tel est également le cas des banques d'investissement qui ne collectent pas de dépôts.

Le rôle de shadow banking system s'est considérablement accru avec les limitations d'origine prudentielle aux activités des banques. On connait son implication sur le marché secondaire de la dette, et notamment le marché du refinancement : les entités interviennent majoritairement sur les marchés du rachat de créance et de la titrisation. Pour autant, les pressions se font aujourd'hui de plus en plus fortes pour que les régulateurs à travers le monde assouplissent les différentes règlementations tenant au statut des établissements financiers non bancaires, afin que ceux-ci puissent intervenir directement sur le marché du crédit en « originant » les prêts. Une fois n'est pas coutume, citons ici la Banque nationale d'Irlande qui en appelle à l'Union européenne afin que celle-ci établisse un cadre juridique permettant

du Conseil du 14 juin 2006 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice, Directive 2002/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2002 relative à la surveillance complémentaire des établissements de crédit, des entreprises d'assurance et des entreprises d'investissement appartenant à un conglomérat financier, et modifiant les directives 73/239/CEE, 79/267/CEE, 92/49/CEE, 92/96/CEE, 93/6/CEE et 93/22/CEE du Conseil et les directives 98/78/CE et 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil

141 BONNEAU T., « Régulation bancaire et financière européenne et internationale », p148, n°223, Bruylant, 2013

142 V. Commission européenne, « Livre vert sur le système bancaire parallèle », COM (2012)102 final, Bruxelles le 19 mars 2012 ; GOURIO G., THEBAULT L., « Publication d'un livre vert sur le shadow banking » in Revue de droit bancaire et financier, mai-juin 2012, n°101.

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aux fonds d'investissement d'originer les prêts 143: elle estime que la législation actuelle est insuffisante en ce sens que d'une part les fonds d'investissement réglementés (type OPCVM-UCITS) ou FIA (AIF) ne peuvent investir que dans une catégorie limitée d'actifs, qui exclue les créances bancaires144, et que, d'autre part, il existe certains monopoles bancaires nationaux prohibant à des entités autres que les banques d'intervenir sur le marché primaire ou secondaire du crédit ou que, à tout le moins, les fonds d'investissement ne peuvent intervenir que sur le marché secondaire.

La question du shadow banking présente, pour notre étude, un intérêt, en ce sens que se poser la question de l'attitude de l'Union européenne vis-à-vis du monopole bancaire français (et vis-à-vis des monopoles bancaires en général) et en déduire que l'Union est favorable à un démantèlement des monopoles et à une libéralisation du crédit, c'est également poser la question des enjeux que cela entraine au niveau du shadow banking puisque la libéralisation des monopoles bancaires s'accompagne mécaniquement de la percée de ces entités, d'où l'intérêt d'étudier l'attitude à la fois de l'UE et de la France envers elles à l'heure où les monopoles bancaires sont démantelés.

En effet, l'UE, tout à son désir de libéraliser le crédit, n'en reste pas moins très axée sur la stabilité financière. Que l'on en juge par la multitude de textes et de mécanismes instaurés pour faire face à ces perturbations145. C'est bien que les avantages du shadow banking ne doivent pas en faire oublier les inconvénients.

En effet, le SBS peut devenir une source de risque systémique 146en raison des interconnections existant avec le système bancaire classique, notamment si les banques

143 Op. cit. Central Bank of Ireland, discussion paper, July 2013, « Loan origination by investment funds », disponible ici : http://www.centralbank.ie/regulation/marketsupdate/Documents/Discussion%20Paper%20Loan%20Origination %20by%20Investment%20Funds.pdf

144 Directive 2009/65/EC on the coordination of laws, regulations and administrative provisions relating to undertakings for collective investment in transferable securities (UCITS). This directive replaces the previous UCITS Directive 85/611/EEC.

145V. notamment Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit ; Règlement (UE) n° 1022/2013 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 modifiant le règlement (UE) n° 1093/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne) en ce qui concerne des missions spécifiques confiées à la Banque centrale européenne en application du règlement (UE) n° 1024/2013 ; GOURIO A., THEBAULT L., « Union bancaire : volet supervision » et « Union bancaire : volet résolution » in Revue de droit bancaire et financier, mars 2014, n°67. 146 «Systemic risk refers to the tendency of financial institutions to collectively underestimate liquidity risk in good times when funding markets are functioning well because they are convinced that the central bank will almost certainly intervene in times of stress to maintain such markets, prevent the failure of financial institutions, and thus limit the impact of liquidity shortfalls on other financial institutions and on the real economy» in MURPHY E., What is systemic risk? Does it apply to recent JP Morgan Losses?» May 2012

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d'investissement qui contrôlent les hedge funds se financent auprès de banques de dépôts leur appartenant ce qui peut engendrer des crises de liquidité.

De manière plus générale, les entités du shadow banking, outre leurs liens avec le système bancaire classique, peuvent courir des risques de liquidité, de contrepartie et de « runs 147». Risque d'illiquidité car ces entités effectuent des opérations de transformation d'échéances ou de maturité, même si elles ne collectent pas des dépôts. Elles peuvent, ainsi, comme dans le cas d'un OPCVM monétaire ou d'un organisme de titrisation, investir dans des créances risquées via l'argent des épargnants investi dans le fonds. Si les épargnants sentent le marché se dégrader et veulent, en même temps, sortir du fonds (le « run »), ce dernier courre un risque d'illiquidité qui peut précipiter son insolvabilité et l'acculer à la faillite. De plus, une entité telle qu'un hedge fund ou autre fond de capital-investissement qui exercerait des prêts risqués en se finançant lui-même sur les marchés serait exposé au risque de contrepartie de ses débiteurs, ce qui les empêcherait de rembourser leurs propres créanciers ce qui serait susceptible d'entrainer des réactions en chaine.

D'où la vigilance de l'Union européenne (cf : livre vert) et des instances internationales de régulation148. Il faut bien garder à l'esprit que tout à son désir de libéraliser le crédit, sous quelque forme que ce soit 149(marché primaire / secondaire, financement direct / refinancement) et de démanteler les monopoles, l'UE va cependant décider d'encadrer les entités exerçant des tâches analogues aux banques.

L'enjeu sera, alors, de déterminer le degré d'encadrement de ces structures : trop les réguler et les assimiler aux banques reviendrait à tuer leurs potentialités en les rendant peu attractives, pas assez les réguler exposerait à la réalisation des risques ci-dessus. Pour certains auteurs, la règlementation des entités du shadow banking doit être sur mesure, parce qu'elles répondent à des besoins précis. Ils en appellent à une approche globale différenciée 150et non pas à un

147 Les activités du système bancaire parallèle sont exposées à des risques financiers analogues à ceux des banques sans être soumises aux contraintes découlant de la réglementation et de la surveillance bancaire. Ainsi, certaines activités du système bancaire parallèle reposent sur des financements à court terme, avec le risque de retraits brutaux et massifs des fonds des clients.

148 « Les travaux du CSF ont mis en lumière le fait que la défaillance désordonnée d'entités du système bancaire parallèle pouvait entraîner un risque systémique, soit directement, soit par l'intermédiaire des liens de l'entité avec le système bancaire classique » V. Commission européenne, « Livre vert sur le système bancaire parallèle », COM (2012)102 final, Bruxelles le 19 mars 2012

149 « Le système bancaire parallèle peut constituer un élément utile du système financier en remplissant les fonctions suivantes: i) offrir une alternative aux dépôts bancaires pour les investisseurs; ii) affecter avec plus d'efficacité les ressources à des besoins spécifiques du fait d'une plus grande spécialisation; iii) offrir à l'économie réelle un mode de financement alternatif pouvant s'avérer particulièrement utile en période de mauvais fonctionnement du système bancaire traditionnel et des marchés; iv) constituer une possibilité de diversification des risques par rapport au système bancaire. » ibid.

150 CASSOU P-Y., « Réguler le shadow banking system implique une approche globale différentiée » in Revue Banque 28 févr 2012 ainsi que « Réguler le shadow banking : oui, mais avec discernement »

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simple décalque de la règlementation bancaire. Reste à voir, en pratique, comment les législateurs français et européens ont opéré.

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