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Les changements comportementaux des acteurs de la pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la filière

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par BA Gorgui Aly
Université de Strasbourg - Diplôme des Hautes Etudes des Pratiques Sociales 2015
  

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3- L'impact socio-économique de la pêche

Le Sénégal est situé dans une des zones les plus poissonneuses de l'Afrique. La pêche y est une activité ancienne et traditionnelle qui a une grande importance sur les plans culturel, social et économique et joue un rôle primordial dans l'alimentation humaine. La pêche joue un rôle stratégique dans l'économie nationale à travers sa contribution importante au

18 Le braisage correspond au poisson braisé-séché. Le tambadiang est une variété de poissons fermentés séchés.

19 Apa, publié le 27/06/2013

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Produit Intérieur Brut, l'apport en devises, le nombre important d'emplois générés, la sécurité alimentaire. Les produits de la pêche constituent aussi une des principales ressources d'exportation.

3-1- Contribution au Produit Intérieur Brut

En 201120, cette contribution se situe à 1,3 %. Il est utile de noter que l'évaluation de ce Produit Intérieur Brut ne tient pas en compte les activités post-captures, notamment le mareyage, la transformation artisanale et industrielle.

Mais celle-ci a connu une baisse entre 2005 et 2011, et des travaux de la FAO ont montré que la pêche artisanale, le mareyage et la transformation représentent 4,8 % du PIB.

3-2- Contribution à la balance commerciale

En 2011, la pêche a contribué à la hauteur de 12,5 % aux exportations totales du Sénégal occupant ainsi la troisième place derrière les produits pétroliers et l'acide phosphorique. Ce troisième rang dans les exportations est due à la surexploitation des principales ressources destinées à l'exportation mais par les résultats obtenus des autres secteurs en matière d'exportation.

3-3- Contribution au budget de l'Etat

Grâce aux accords de pêche avec les pays étrangers, la pêche contribue aux recettes de l'Etat. En sus des redevances perçues, les accords de pêche donnent lieu à une série de contreparties économiques, commerciales et techniques. En plus de la compensation financière directe, s'ajoutent les redevances perçues lors de l'octroi de licence de pêche aux bateaux, les amendes occasionnées par les infractions à la réglementation et les diverses taxes

20 Ministère de la pêche et des affaires maritimes, Conseil interministériel sur la pêche, document introductif, 2013, p.40

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Par ailleurs en 2011, la contribution financière de la pêche au budget de l'Etat s'élève à 691 865 353 FCFA au titre de la vente des licences de pêche industrielle aux nationaux, la vente des permis de pêche aux pêcheurs se chiffre à 3,09 millions de FCFA, et la contrepartie financière liée aux autorisations exceptionnelles accordées aux chalutiers pélagiques est de 839 265 469 FCFA (1 279 452 euros)21.

3-4- Contribution à la sécurité alimentaire

Le poisson représente une importante source de protéines animales pour les populations du Sénégal. En raison du déclin de l'agriculture et de l'élevage, pourvoyeurs traditionnels de protéines végétales et animales, la pêche contribue à la satisfaction des besoins en protéines animales sénégalaises. Elle est une composante essentielle de la politique de l'Etat en matière de sécurité alimentaire pour la lutte contre la pauvreté et la famine. Ce secteur couvre une part importante des besoins en protéines animales des populations et à des prix relativement bas. Dans toutes les régions du Sénégal la part du poisson dans la consommation de protéines animales est supérieure à 70 %. Ainsi la consommation per capita au Sénégal est de 26 kg et se situe au dessus de la moyenne mondiale qui est de 16,8 kg. Aussi, le Sénégal fait partie des plus gros consommateurs de poisson en Afrique, comparé à la Tunisie (10,1 kg), la Mauritanie (10 kg) et le Maroc (7,5 kg).

3-5- Contribution à l'emploi22 :

Traditionnellement, la pêche occupe une place prépondérante dans la politique de création d'emplois. Elle joue ainsi un rôle important dans la lutte contre le chômage avec la création environ de 600 000 emplois directs ou indirects. Mais ce chiffre doit être revu à la baisse ces

21 Ministère de la pêche et des affaires maritimes, Conseil interministériel sur la pêche, document introductif, 2013, p.40

22 Ministère de la pêche et des affaires maritimes, Conseil interministériel sur la pêche, document introductif, 2013, p.40

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dernières années avec la fermeture des usines de transformation due à la rareté des ressources halieutiques.

Ces dernières années, on constate avec l'effondrement des ressources halieutiques, une diminution des revenus des différents acteurs de la pêche, le coût onéreux du poisson pour les consommateurs et à la fermeture des industries de transformation qui ont entrainé des pertes d'emplois considérables.

Avec la rareté des ressources halieutiques, les pêcheurs professionnels qui ne peuvent plus subvenir à leurs besoins quotidiens, ont préféré, au risque de leur vie, prendre leurs pirogues de pêche pour immigrer clandestinement vers les pays de l'Europe.

Effectivement, ces pêcheurs qui sont dans le désespoir, ont choisi avec la complicité de leurs parents, d'immigrer clandestinement pour vivre mieux ailleurs. Néanmoins l'immigration clandestine ou légale a toujours été considérée comme une source de revenus pour les familles sénégalaises. Longtemps considérée banale, elle visait à trouver un moyen pour vivre mieux ailleurs. Le secteur de la pêche est alors sinistré avec le départ de la majeure partie de ses pêcheurs professionnels vers l'Espagne.

Face à la mauvaise gestion des ressources halieutiques et le départ des pêcheurs expérimentés, on constate dans tous les centres de pêche au Sénégal, ceux qui n'ont pas immigré se plaignent d'une baisse substantielle de leur chiffre d'affaires.

En plus, on peut voir en mer, des dizaines de pirogues qui sont attachées à leur port, par manque de pêcheurs expérimentés.

De même, les mareyeurs et les transformatrices se plaignent de voir leurs revenus baisser, faute de matières premières nécessaires à leurs activités.

D'après quelques pêcheurs rencontrés au niveau des centres de débarquement, ils se disent tous prêts à rejoindre les côtes européennes au prix de leur vie car, il n'y a que la misère et la survie, malgré le durcissement de l'accès à l'espace européen.

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Sur le plan social, au Sénégal, les clandestins en Europe ne sont pas mal vus. Ils sont considérés comme des personnes qui ont bravé la mer, la faim, la soif, qui ont risqué leur vie pour un objectif noble, celui d'accéder au marché du travail et de chercher à sortir sa famille de la pauvreté. Il y a donc plusieurs raisons pour émigrer : le chômage, la pauvreté, la faible rémunération, la crise des pêcheries, le manque d'épanouissement pour les jeunes, etc.

Depuis 2006, des milliers de sénégalais ont risqué leur vie pour émigrer en Europe. Le phénomène, appelé par les sénégalais «Barça ou Barsakh» (Barcelone ou la mort), a causé des milliers de victimes sénégalaises.

Pour l'Espagne qui est le premier point de chute, cette immigration permet une main d'oeuvre dans le domaine agricole, un secteur où les espagnols ne souhaitent pas travailler. Le pays n'est pas totalement contre le phénomène. Sa politique d'immigration est considérée comme ambigüe par certains experts. Les autorités espagnoles affirment que l'économie relative à ces immigrants clandestins serait de 20 % du PIB23 du pays. L'Espagne est reconnue pour fermer les yeux sur les immigrants qui réussissent à franchir les frontières illégalement. Le pays a peu de mesures de réprimande pour le travail clandestin, certains disent même qu'il est toléré.

Chapitre II: Une activité professionnelle soumise à la diminution des ressources halieutiques

L'économie sénégalaise qui s'est reposée depuis de longues années sur l'exploitation des ressources halieutiques est confrontée ces dernières années à une crise aigue liée à une dégradation et surexplotation de ces ressources et, aussi à une surcapacité de capture et de traitement à terre. Les conséquences de cette situation sont la baisse des revenus des acteurs

23 Viviane Joëssel, analyste en formation, Ecole de politique appliquée, Faculté des lettres et sciences humaines, université de Sherbrooke, l'Espagne dépassée par le phénomène de l'immigration clandestine, février 2007.

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du secteur, une chute de l'emploi et une baisse de la contribution économique et financière du secteur.

En effet, la pêche satisfait des exigences nutritionnelles essentielles car, prés de la moitié de la population sénégalaise dépend de l'océan atlantique pour son alimentation. De nos jours, la pêche maritime sénégalaise utilise des techniques de plus en plus perfectionnées. Aussi, des bateaux ( nationaux et étrangers) de plus en plus grands et nombreux, les navires-usines, capturent de plus en plus de poissons et de plus en plus profondément, conduisant ainsi à une surpêche.

1- Les difficultés actuelles du secteur de la pêche au Sénégal

Aujourd'hui, le secteur de la pêche artisanale rencontre, entre autres, un certain nombre difficultés notamment liées à la raréfaction de la ressource, la surexploitation de la ressource (aussi bien par les nationaux que les étrangers), les insuffisances et l'absence ou la mauvaise application de la réglementation en vigueur, la mauvaise gouvernance des ressources, les difficiles conditions de vie des professionnels (pêcheurs, mareyeurs et transformatrices), l'accès libre à la ressource pour la pêche artisanale, des politiques de pêche conçues avec une faible implication des acteurs et plus orientées à résoudre des problèmes qu'à planifier le développement de la pêche à moyen et long terme, la gestion étatique des ressources halieutiques.

En effet, nous constatons que beaucoup d'efforts sont consentis par l'Etat pour promouvoir une politique des pêches dont les populations au même titre que les autres parties prenantes du secteur sont les porteurs. Cette option a été consolidée par, le gouvernement du Sénégal par la mise en oeuvre d'une approche de cogestion (CLPA) mais aussi des programmes et projets pour accompagner et appuyer les initiatives des acteurs.

En plus des raisons évoquées ci-dessus, cette surpêche entraînant une diminution des ressources halieutiques est aussi occasionnée par:

1-1- Les accords de pêche

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Dans le cadre des accords de pêche, le Sénégal signe des accords avec les pays développés et à des pays en voie de développement. Les accords avec les pays voisins permettent aux pêcheurs sénégalais de pêcher dans leurs eaux maritimes moyennant le paiement des licences. Par contre, les accords signés avec les pays développés permettent aux navires de ces pays de venir pêchées dans les eaux territoriales sénégalaises moyennant une compensation financière.

Avec la précarité du secteur de la filière pêche aujourd'hui, faut-il arrêter de dénoncer les accords de pêche entre les pays étrangers et le Sénégal? Non, ce secteur souffrant des maux qui sont: surpêche, concurrence des chalutiers étrangers, trop grand nombre de pirogues, l'avenir de cette activité qui donne du travail à environ 600 000 personnes ( 17% de la population active du pays), dont de nombreuses femmes, reste trés précaire. En fait, les femmes jouent un rôle prépondérant dans le secteur de la pêche et interviennent notamment dans la transformation, la conservation et la distribution du poisson à l'intérieur du pays. Elles occupent une place importante dans la filière de la pêche car dirigeant le plus souvent toutes les opérations. Ce sont des revendeuses indépendantes ou travailleuses à la commission pour les pêcheurs. En plus, certaines pirogues dépendent d'une organisation familiale: le mari pêche et la femme se charge de la vente et du traitement du poisson capturé. Elles travaillent aussi dans les industries de conserveries et de traitement des produits de pêche.

Cependant depuis 1979, le gouvernement du Sénégal permet l'accès de ces ressources halieutiques aux pays de l'Union européenne à travers la signature des accords de pêche. Ces accords autorisent les navires de l'Union européenne venus principalement d'Espagne, du Portugal, de Grèce et d'Italie à pêcher dans les eaux sénégalaises à hauteur d'un volume de 8000 tonnes par an, dont 1500 tonnes d'espèces côtières. Ces accords ont permis à l'Union européenne de redéployer un grand nombre de navires de pêche de ses zones de pêche surexploitées vers le Sénégal et d'autres pays africains.

En contrepartie des captures opèrées en principe sous la surveillance d'observateurs sénégalais, le gouvernement du Sénégal perçoit des droits, négociés à 48 millions d'euros par an pour la période de 1997-2001.

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Cette enveloppe a été portée en 2002 à 64 millions d'euros (1,15 % du PIB du pays) et les négociations ont repris, avant d'être de nouveau rompues en juin 2006. Depuis, la pêche européenne a cessé, faute d'accord entre Dakar et Bruxelles tant sur le montant des droits de pêche que sur les volumes autorisés24.

Malgré les dispositifs en matière de lois, la pêche illicite non déclarée et non réglementée reste une véritable catastrophe. Elle contribue à appauvrir les stocks de poissons et à détruire les habitats marins. Elle est source d'une distorsion de concurrence pour les pêcheurs honnêtes et responsables. La pêche est perçue comme un facteur d'affaiblissement des communautés côtières et surtout dans les pays en voie de développement.

Il est attendu de l'Union européenne un rôle majeur dans la lutte contre ce fléau . Les mesures proposées par rapport à cela sont du type à autoriser l'accès au marché de l'Union européenne, aux seuls produits de la pêche certifiés conformes à la réglementation par l'Etat du pavillon ou par l'Etat d'exportation concerné.

L'établissement d'une liste noire européenne des navires s'adonnant à la pêche illicite non déclarée et non réglementée et des Etats complaisants à leur égard est le second palier. Les attentes par rapport à la démarche restent la prise de sanctions dissuasives au niveau des acteurs le pratiquant dans les eaux de l'Union européenne et des opérateurs la pratiquant dans les autres parties du monde.

D'une certaine manière, la lutte contre la pêche illégale est campée dans un cadre plus large de la politique de l'Union européenne en faveur de l'exploitation durable des mers.

Pour ce qui concerne ces accords, on note que l'Union européenne pour la restructuration de ses pêcheries, principalement à l'avantage des compagnies de pêche françaises, portugaises et espagnoles, a exporté le problème de surpêche du nord vers le sud. C'est pourquoi, en 2002, le gouvernement du Sénégal avait momentanément interdit l'accès de ces eaux territoriales

24 Déclaration de la directrice de l'océanographie et des pêches maritimes dans « Seneweb » du 21 juillet 2006

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aux chalutiers européens. Ce fût un geste médiatique qui avait accompagné sa décision de suspendre les négociations sur le renouvèlement des accords de pêche passés en 1980 avec Bruxelles. Ce gel des accords avait été salué par les pêcheurs sénégalais et leurs partenaires associatifs européens, engagés dans la longue date dans une lutte contre des accords qui contribuent à une surexploitation des ressources dont souffrent les artisans locaux.

Le Sénégal avait l'habitude de conclure avec l'Union européenne un accord de pêche depuis 1979 et, cet accord a été renouvelé 17 fois. Le dernier renouvellement qui datait de 2004 pour une durée de 4 ans, n'a pas été renouvelé en 2011.

1-2- Le pillage des ressources halieutiques

Depuis quelques années, on constate une chute libre des captures dans tous les centres de débarquements de poissons du Sénégal. La pêche traverse une crise sans précédent, en raison d'une surexploitation de la plupart des stocks halieutiques et de la présence récurrente dans les eaux sénégalaises de navires pirates s'adonnant à la pêche illicite, non déclarée, non réglementée.

Les bateaux russes pêchant illégalement dans les eaux territoriales sénégalaises sont devenus un véritable fléau. Selon le diagnostic du plan d'aménagement de la pêcherie des sardinelles, leur présence accentue la baisse des ressources halieutiques et contribue au déclin d'un secteur important de l'économie sénégalaise. Il est aussi établi aujourd'hui, que le pillage des ressources halieutiques est imputable aux navires asiatiques qui exploitent ces ressources illégalement et sans contre partie financière25.

Les pêcheurs sénégalais ne cessent de nourrir des craintes depuis que des bateaux étrangers ont commencé à piller les ressources halieutiques du pays. Selon les statistiques disponibles, entre 2011 et 2012, 26 bateaux chalutiers russes ciblant les espèces pélagiques ont opéré dans

25 Forum civil, Rapport, Gouvernance et corruption dans le domaine des ressources naturelles et de l'environnement au Sénégal, novembre 2006.

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la Zone Economique Exclusive (ZEE) du Sénégal. Le diagnostic du plan d'aménagement de la pêche des sardinelles présenté le 26 novembre 2013, pour son adoption, vient confirmer les craintes de ces pêcheurs.

Le document conclut en effet que les activités de pêche menées par ces bateaux étrangers s'ajoutent à la mauvaise gestion des pêcheries traditionnelles pour induire une baisse sensible des ressources et des revenus dans le secteur. Cette tendance affecte principalement la pêche artisanale, particulièrement la pêche à la sardinelle.

Avec prés de 70% des débarquements de la pêche artisanale, la sardinelle est aujourd'hui menacée. Le constat fait par la Direction des pêches maritimes montre que l'accroissement de l'effort de la flottille artisanale très dynamique aux niveaux national et sous-régional et d'une flottille industrielle chalutière étrangère constitue un danger pour les ressources halieutiques du pays. La conjonction de ces deux types de pêche accentue la pression exercée sur cette ressource partagée entre le Maroc, la Mauritanie, le Sénégal et la Gambie et constitue une menace pour la durabilité de la pêcherie et toutes les fonctions socio-économiques qui y sont associées, alerte les spécialistes de la pêche.

Cependant, cette diminution des ressources halieutiques montre que la pêche maritime sénégalaise connait actuellement des difficultés, dont les manifestations apparaissent à tous les niveaux du système.

2- Les conséquences de la gestion irrationnelle des ressources halieutiques

Au Sénégal, les ressources halieutiques sont considérées traditionnellement comme inépuisables et jouant ainsi un rôle primordial dans la vie économique, sociale et culturelle. C'est pourquoi, l'exploitation de ces ressources s'est faite de manière anarchique et aujourd'hui, les progrès technologiques et l'accroissement des besoins en protéines animales des populations sont des pressions énormes exercées sur les ressources marines disponibles. Ce qui a entraîné une dégradation des ressources ayant des conséquences sur l'environnement socio-économique, sur le stock de poissons (baisse des captures et disparition de certaines espèces de poissons).

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Depuis de longues années avec l'abondance du poisson, le gouvernement du Sénégal ne se préoccupe pas de la pêche non répertoriée et non réglementée (libre accès à la mer). Aujourd'hui, des quotas (pour la pêche industrielle) de pêche ont été instaurés pour renouveler les stocks de poisson sans imager que cela encouragerait les navires à pratiquer de plus en plus la pêche illicite. La plupart des poissons pêchés illégalement sont destinés dans les pays industrialisés sans que les populations locales n'en tirent profit. Le plus souvent aussi, ces bateaux ne respectent pas les quotas qui leur sont alloués. Or, le Sénégal ne dispose pas de moyens de contrôle efficaces. Il y a donc un risque important de surexploitation, en particulier sur les juvéniles, et donc de disparition de certains stocks. Cette disparition a des conséquences désastreuses sur la vie socio-économique des populations locales (manque de protéines animales, baisse des revenus des ménages, etc.).

La surexploitation des ressources halieutiques est, dans un premier temps, un risque majeur de réduction des stocks d'espèces, visées ou non, et de destruction par effet indirect de l'écosystème marin. La pêche excessive, combinée à la surpêche fait perdre à l'économie sénégalaise plusieurs recettes.

Aujourd'hui, certaines espèces de poissons et de mammifères marins sont en voie d'extinction : le thon rouge, les baleines, les espèces profondes (mérous par exemple). Demain d'autres le seront. Si cela continue à ce rythme, il n'y'aura plus de poissons dans les eaux maritimes sénégalaises dans quelques années.

A cet effet, un changement de comportements des autorités gouvernementales s'avère utile aujourd'hui dans la manière d'administrer le secteur de la pêche. Une telle action s'impose pour stabiliser aussi bien les ressources halieutiques que le secteur de la pêche.

Ce changement doit nécessairement entraîner des réflexions aux alternatives et mesures compensatoires tout en prenant en compte toutes les composantes (environnementale, socio-économique, politique, culturelle...) afin de trouver une solution durable à la gestion du secteur.

3- La disparition de certaines espèces (l'exemple du mérou)

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Les eaux au large du Sénégal se sont vidées de leurs mérous. Comment ce poisson emblématique du pays a-t-il pu quasiment disparaître ? Une équipe franco- sénégalaise vient de montrer que l'effondrement des stocks est dû à l'essor de la pêche artisanale vue en général comme une alternative durable aux pêcheries industrielles. En 30 ans, le nombre de pirogues a quadruplé.

La technologie augmente sans cesse la puissance de pêche de la flotte. Pour réduire la pression sur la ressource, les chercheurs préconisent de mettre en place une gestion des petites pêcheries et de réguler l'exportation, qui fait grimper les prix au kilo et fait du mérou une denrée toujours très rentable malgré la rareté du poisson.

Depuis dix ans, le « mérou blanc »26 manque cruellement au Sénégal. Poisson emblématique du pays, il constituait encore récemment la base du plat national, le « thiéboudiène27 ». Aujourd'hui, il se fait très rare sur les étals des marchés et affiche un prix au kilo exorbitant.

Sous la pression de la demande mondiale, en particulier européenne, le nombre de pirogues a été multiplié par quatre (l'attrait pour la pêche au mérou a été amplifié par la hausse de son prix local, accélérée par la dévaluation de 50 % du franc CFA en 1994). Grâce aux données du CRODT, les chercheurs ont montré la corrélation entre cet essor de la petite pêcherie et la chute du mérou, au cours des dernières décennies.

En fait, les décisions portant sur la conservation et l'aménagement dans le domaine de la pêche devraient être fondées sur des données scientifiques les plus fiables disponibles, en tenant compte également des connaissances traditionnelles relatives aux ressources et à leur habitat, ainsi que des facteurs environnementaux, économiques et sociaux pertinents. Le Sénégal devrait accorder la priorité à la conduite de recherches et à la collecte de données, pour améliorer les connaissances scientifiques et techniques sur les pêcheries, y compris sur les interactions avec l'écosystème.

26 Voir photographie 10 des annexes.

27 Thiéboudiène, en français riz au poisson

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4- La surveillance des côtes maritimes

Surexploitées par l?industrie de la pêche, les ressources halieutiques du Sénégal sont en danger. Au Sénégal, par manque de moyens, les autorités peinent à faire respecter la ZEE28. Pourtant la protection des poissons et autres ressources est vitale pour la majeure partie du pays, et pourrait rapporter gros à l?Etat qui perd chaque année entre 50 et 250 milliards de FCFA ( entre 76 et 380 millions d?euros)29.

Mais aujourd?hui, les stocks de poissons sont surexploités. Le niveau de prélèvement actuel est supérieur à la capacité de reconstitution de certaines espèces. Si les requins et les raies sont en danger, l?espèce emblématique reste le thiof? ( mérou en français) qui est au centre des débats actuels. Certaines espèces se raréfient et si l?on continue à les pêcher à ce rythme, on risque de voir l?extinction de ces espèces. Il faut donc laisser le temps aux espèces de se reconstituer, au lieu de les prélever sans limites. Pourtant des limites, le gouvernement en impose selon un fonctionnaire rencontré. L?octroi des licences de pêche est le principal mode de contrôle des ressources.

L?Etat contrôle aussi les filets, pour permettre aux espèces de grandir, et donc de se reproduire. Les pêcheurs ont une taille minimale à respecter, en dessous de laquelle ils encourent une amende. Enfin, des zones de protection existent, dans lesquelles les navires ne peuvent pas pêcher afin de permettre aux poissons de se reproduire.

Pour la surveillance des côtes, le Sénégal dispose d?une flotte composée d?un avion et de six navires, «un seul navire sort tous les jours, parfois deux, mais rarement plus», faute de moyens. Même s?ils sont en pannes, l?administration éprouve des difficultés à les réparer. La surveillance aérienne se résume à quelques heures mensuelles «offertes» par l?armée française pour constater la présence ou non de bateaux dans la ZEE.

28 Une Zone Economique Exclusive(ZEE) est, d?après le droit de la mer, un espace maritime sur lequel un Etat côtier exerce des droits souverains en matière d?exploration et d?usage des ressources. Elle s?étend à partir de la ligne de base de l?Etat jusqu?à 200 milles marins (environ 370 km) de ses côtes au maximum, au-delà il s?agit des eaux internationales.

29 Sébastien Renouil, Médiapart, Pêche ouest-africaine en danger, le cas du Sénégal, publié le 21/08/2013

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Face au manque de moyens, les autorités sénégalaises ont mis en place un système de cogestion et de surveillance participative en collaboration avec les pêcheurs. Ces pêcheurs sont élus par leurs pairs pour surveiller l'activité de pêche. En cas de non respect des règles, ces élus peuvent rappeler à l'ordre leurs confrères, ou les signaler à l'administration des pêches.

Cependant, il faut faire attention à la délation, le milieu de la pêche, c'est une multitude de rivalités à gérer. On se méfie aux délations qui seraient dues à la jalousie d'un pêcheur qui ramène moins de prises que son voisin.

Ces pêcheurs surveillent aussi les chalutiers qui prélèvent massivement le gagne-pain des artisans pêcheurs. Pour ce faire, ils observent les gros navires, et lorsqu'ils voient des irrégularités depuis leurs pirogues, les pêcheurs n'hésitent pas à prendre des notes et même des photos, pour les transmettre à l'administration.

Ce système de surveillance fonctionne bien et se révèle parfois très efficace. Ainsi en 201230, ce sont 47 navires de pêche qui ont été arraisonnés pour des infractions plus ou moins graves. Il reste tout de même absolument insuffisant. Ce système a permis de renflouer les caisses du trésor public en 2012 de 436 millions de FCFA ( 660 000 euros) d'amende. C'est une somme importante, mais qui reste marginale face aux pertes estimées à 381 000 000 euros. Cette perte énorme est le résultat du manque de moyens du Sénégal pour réellement contrôler ses côtes maritimes.

5- Le niveau de rentabilité des revenus en baisse31.

30 Entretien réalisé avec un fonctionnaire de la DSPS, le 12/01/2015, Dakar.

31 Ministère de la pêche et des affaires maritimes, Conseil interministériel sur la pêche, document introductif, 2013, p.40

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Pourtant, la pêche artisanale fournit un emploi direct à environ à 60 000 pêcheurs artisanaux dont les 20%, soit prés de 12 000 pêcheurs, relèvent la seule pêcherie de sardinelles. Aujourd'hui, ce secteur voit ses performances économiques se réduire au fil des ans. Cela se traduit par une baisse drastique des revenus:

Le coût de création d'emplois passe ainsi de 453 500 francs CFA en 1993 à 656 000 fracs CFA en 2011 pour l'unité de la senne tournante contre 465 742 francs et 942 857 francs CFA pour l'unité de filet maillant encerclant, relèvent les spécialistes de l'administration des pêches maritimes.

Il est apparu dans cette recherche, toute suppression de quelque forme que ce soit pour les unités de pêche artisanales de pélagiques ne fera qu'augmenter la dégradation des formes d'exploitation des pêcheurs et conséquemment rendre le poisson bon marché de moins en moins accessible pour les populations locales et accentuer par la même occasion le déficit en protéines reporté à l'intérieur du pays.

Le plan d'aménagement de la sardinelle a été ainsi élaboré par le renforcement des capacités dans les domaines de la gouvernance des pêches, de la lutte contre la pêche illégale, et l'accroissement de la valeur ajoutée des produits halieutiques.

Ainsi les professionnels de la pêche déclarent que l'Etat du Sénégal doit durcir la législation du secteur de la pêche pour rendre beaucoup plus stricte à l'encontre des bateaux pirates. Le gouvernement fait la pression sur nous et laisse les étrangers qui ont plus de moyens que nous piller nos ressources. Il doit lutter énergiquement contre la pêche illégale en renforçant le dispositif législatif, martèlent les professionnels.

Depuis 2010, selon les professionnels de la pêche rencontrés, 10 bateaux russes pêchent illégalement dans les eaux territoriales sénégalaises. Ces bateaux ayant des capacités de prélèvement de 250 tonnes chacun par jour, contribuent sans doute à la raréfaction de la ressource halieutique et pire la sardinelle pêchée est transformée par ceux-ci en farine de poisson pour l'alimentation de bétail, alors qu'elle reste au Sénégal une denrée de consommation de premier ordre.

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Ainsi, dans la nuit du 4 au 5 janvier 2014, un bateau russe du nom de Oleg Neydanov a même été séquestré avec son équipage dans une zone militaire à Dakar. Cette fois-ci les autorités ont bien joué le jeu en arraisonnant ce bateau et sa cargaison, et en réclamant une amende.

D'après les textes actuels du Sénégal, la sanction maximale pour la pêche illicite dans les eaux sénégalaises, est la saisie de l'engin de pêche, la saisie de la cargaison et une amende maximale de 200 millions de FCFA ( prés de 350 000 euros), montant qui peut être doublé en cas de récidive. Une étude de l'Agence américaine pour le développement international (USAID) a établi que le Sénégal perdait tous les ans cent cinquante milliards de FCFA ( prés de 228,7 millions d'euros) du fait des bateaux qui pillent les ressources du pays. L'arraisonnement du bateau russe Oleg Neydanov a été salué par tous les acteurs de la pêche.

En effet, lors d'une conférence de presse à l'AFP, le 22/01/2014, le ministre russe des affaires étrangères, Serguei Lavrov avait fait état d'un progrès dans les négociations. Ils ont aussi bénéficié du soutien de partenaires étrangers qui ont des relations particulières avec les autorités sénégalaises pour régler définitivement le problème.

Ainsi, la partie russe a proposé une somme d'un million de dollars qui a satisfait la partie sénégalaise pour la levée du séquestre du chalutier arraisonné. Cette transaction a été confirmée par le ministre sénégalais de la pêche qui déclare que l'amende a été versée au trésor public au titre de deux bateaux russes accusés par le Sénégal de pêche illégale, le bateau Oleg Neydanov32, qui a été arraisonné et placé sous séquestre au port de Dakar et le capitaine Bogomodov, qui lui était en fuite.

Tout cela confirme que les eaux maritimes sénégalaises sont régulièrement piratées par des bateaux qui y pêchent illégalement, c'est pourquoi, les autorités publiques sénégalaises doivent tout mettre en oeuvre pour surveiller la Zone Economique Exclusive d'où dépend la survie de la pêche artisanale, la survie de l'économie nationale.

32 Voir photographie 14 des annexes.

BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015

Les Changements comportementaux des acteurs de la pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la filière.Page 43

Le poisson joue un rôle central dans l'héritage économique et culturel du Sénégal. Le secteur de la pêche n'a cependant pas encore atteint son plein potentiel. En conséquence de quoi, toute une série d'initiatives sont en cours dans le pays avec pour objectif d'améliorer la gouvernance et d'adopter des pratiques durables encourageant la croissance de l'industrie de la pêche, notamment par la collaboration de tous les acteurs de la pêche. Les potentialités du secteur se voient toutefois limitées par une gouvernance insuffisante et une augmentation de la surpêche, ce qui représente une menace non seulement pour les recettes et l'emploi mais aussi pour l'alimentation, le poisson étant une importante source de protéines animales pour les populations.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore