3- L'impact socio-économique de la pêche
Le Sénégal est situé dans une des zones
les plus poissonneuses de l'Afrique. La pêche y est une activité
ancienne et traditionnelle qui a une grande importance sur les plans culturel,
social et économique et joue un rôle primordial dans
l'alimentation humaine. La pêche joue un rôle stratégique
dans l'économie nationale à travers sa contribution importante
au
18 Le braisage correspond au poisson
braisé-séché. Le tambadiang est une variété
de poissons fermentés séchés.
19 Apa, publié le 27/06/2013
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Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 28
Produit Intérieur Brut, l'apport en devises, le nombre
important d'emplois générés, la sécurité
alimentaire. Les produits de la pêche constituent aussi une des
principales ressources d'exportation.
3-1- Contribution au Produit Intérieur Brut
En 201120, cette contribution se situe à 1,3
%. Il est utile de noter que l'évaluation de ce Produit Intérieur
Brut ne tient pas en compte les activités post-captures, notamment le
mareyage, la transformation artisanale et industrielle.
Mais celle-ci a connu une baisse entre 2005 et 2011, et des
travaux de la FAO ont montré que la pêche artisanale, le mareyage
et la transformation représentent 4,8 % du PIB.
3-2- Contribution à la balance commerciale
En 2011, la pêche a contribué à la hauteur
de 12,5 % aux exportations totales du Sénégal occupant ainsi la
troisième place derrière les produits pétroliers et
l'acide phosphorique. Ce troisième rang dans les exportations est due
à la surexploitation des principales ressources destinées
à l'exportation mais par les résultats obtenus des autres
secteurs en matière d'exportation.
3-3- Contribution au budget de l'Etat
Grâce aux accords de pêche avec les pays
étrangers, la pêche contribue aux recettes de l'Etat. En sus des
redevances perçues, les accords de pêche donnent lieu à une
série de contreparties économiques, commerciales et techniques.
En plus de la compensation financière directe, s'ajoutent les redevances
perçues lors de l'octroi de licence de pêche aux bateaux, les
amendes occasionnées par les infractions à la
réglementation et les diverses taxes
20 Ministère de la pêche et des affaires
maritimes, Conseil interministériel sur la pêche, document
introductif, 2013, p.40
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 29
Par ailleurs en 2011, la contribution financière de la
pêche au budget de l'Etat s'élève à 691 865 353 FCFA
au titre de la vente des licences de pêche industrielle aux nationaux, la
vente des permis de pêche aux pêcheurs se chiffre à 3,09
millions de FCFA, et la contrepartie financière liée aux
autorisations exceptionnelles accordées aux chalutiers pélagiques
est de 839 265 469 FCFA (1 279 452 euros)21.
3-4- Contribution à la sécurité
alimentaire
Le poisson représente une importante source de
protéines animales pour les populations du Sénégal. En
raison du déclin de l'agriculture et de l'élevage, pourvoyeurs
traditionnels de protéines végétales et animales, la
pêche contribue à la satisfaction des besoins en protéines
animales sénégalaises. Elle est une composante essentielle de la
politique de l'Etat en matière de sécurité alimentaire
pour la lutte contre la pauvreté et la famine. Ce secteur couvre une
part importante des besoins en protéines animales des populations et
à des prix relativement bas. Dans toutes les régions du
Sénégal la part du poisson dans la consommation de
protéines animales est supérieure à 70 %. Ainsi la
consommation per capita au Sénégal est de 26 kg et se
situe au dessus de la moyenne mondiale qui est de 16,8 kg. Aussi, le
Sénégal fait partie des plus gros consommateurs de poisson en
Afrique, comparé à la Tunisie (10,1 kg), la Mauritanie (10 kg) et
le Maroc (7,5 kg).
3-5- Contribution à l'emploi22 :
Traditionnellement, la pêche occupe une place
prépondérante dans la politique de création d'emplois.
Elle joue ainsi un rôle important dans la lutte contre le chômage
avec la création environ de 600 000 emplois directs ou indirects. Mais
ce chiffre doit être revu à la baisse ces
21 Ministère de la pêche et des
affaires maritimes, Conseil interministériel sur la pêche,
document introductif, 2013, p.40
22 Ministère de la pêche et des
affaires maritimes, Conseil interministériel sur la pêche,
document introductif, 2013, p.40
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filière.Page 30
dernières années avec la fermeture des usines de
transformation due à la rareté des ressources halieutiques.
Ces dernières années, on constate avec
l'effondrement des ressources halieutiques, une diminution des revenus des
différents acteurs de la pêche, le coût onéreux du
poisson pour les consommateurs et à la fermeture des industries de
transformation qui ont entrainé des pertes d'emplois
considérables.
Avec la rareté des ressources halieutiques, les
pêcheurs professionnels qui ne peuvent plus subvenir à leurs
besoins quotidiens, ont préféré, au risque de leur vie,
prendre leurs pirogues de pêche pour immigrer clandestinement vers les
pays de l'Europe.
Effectivement, ces pêcheurs qui sont dans le
désespoir, ont choisi avec la complicité de leurs parents,
d'immigrer clandestinement pour vivre mieux ailleurs. Néanmoins
l'immigration clandestine ou légale a toujours été
considérée comme une source de revenus pour les familles
sénégalaises. Longtemps considérée banale, elle
visait à trouver un moyen pour vivre mieux ailleurs. Le secteur de la
pêche est alors sinistré avec le départ de la majeure
partie de ses pêcheurs professionnels vers l'Espagne.
Face à la mauvaise gestion des ressources halieutiques
et le départ des pêcheurs expérimentés, on constate
dans tous les centres de pêche au Sénégal, ceux qui n'ont
pas immigré se plaignent d'une baisse substantielle de leur chiffre
d'affaires.
En plus, on peut voir en mer, des dizaines de pirogues qui
sont attachées à leur port, par manque de pêcheurs
expérimentés.
De même, les mareyeurs et les transformatrices se
plaignent de voir leurs revenus baisser, faute de matières
premières nécessaires à leurs activités.
D'après quelques pêcheurs rencontrés au
niveau des centres de débarquement, ils se disent tous prêts
à rejoindre les côtes européennes au prix de leur vie car,
il n'y a que la misère et la survie, malgré le durcissement de
l'accès à l'espace européen.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 31
Sur le plan social, au Sénégal, les clandestins
en Europe ne sont pas mal vus. Ils sont considérés comme des
personnes qui ont bravé la mer, la faim, la soif, qui ont risqué
leur vie pour un objectif noble, celui d'accéder au marché du
travail et de chercher à sortir sa famille de la pauvreté. Il y a
donc plusieurs raisons pour émigrer : le chômage, la
pauvreté, la faible rémunération, la crise des
pêcheries, le manque d'épanouissement pour les jeunes, etc.
Depuis 2006, des milliers de sénégalais ont
risqué leur vie pour émigrer en Europe. Le
phénomène, appelé par les sénégalais
«Barça ou Barsakh» (Barcelone ou la mort), a causé des
milliers de victimes sénégalaises.
Pour l'Espagne qui est le premier point de chute, cette
immigration permet une main d'oeuvre dans le domaine agricole, un secteur
où les espagnols ne souhaitent pas travailler. Le pays n'est pas
totalement contre le phénomène. Sa politique d'immigration est
considérée comme ambigüe par certains experts. Les
autorités espagnoles affirment que l'économie relative à
ces immigrants clandestins serait de 20 % du PIB23 du pays.
L'Espagne est reconnue pour fermer les yeux sur les immigrants qui
réussissent à franchir les frontières illégalement.
Le pays a peu de mesures de réprimande pour le travail clandestin,
certains disent même qu'il est toléré.
Chapitre II: Une activité professionnelle
soumise à la diminution des ressources halieutiques
L'économie sénégalaise qui s'est
reposée depuis de longues années sur l'exploitation des
ressources halieutiques est confrontée ces dernières
années à une crise aigue liée à une
dégradation et surexplotation de ces ressources et, aussi à une
surcapacité de capture et de traitement à terre. Les
conséquences de cette situation sont la baisse des revenus des
acteurs
23 Viviane Joëssel, analyste en formation,
Ecole de politique appliquée, Faculté des lettres et sciences
humaines, université de Sherbrooke, l'Espagne dépassée par
le phénomène de l'immigration clandestine, février
2007.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
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filière.Page 32
du secteur, une chute de l'emploi et une baisse de la
contribution économique et financière du secteur.
En effet, la pêche satisfait des exigences
nutritionnelles essentielles car, prés de la moitié de la
population sénégalaise dépend de l'océan atlantique
pour son alimentation. De nos jours, la pêche maritime
sénégalaise utilise des techniques de plus en plus
perfectionnées. Aussi, des bateaux ( nationaux et étrangers) de
plus en plus grands et nombreux, les navires-usines, capturent de plus en plus
de poissons et de plus en plus profondément, conduisant ainsi à
une surpêche.
1- Les difficultés actuelles du secteur de la
pêche au Sénégal
Aujourd'hui, le secteur de la pêche artisanale
rencontre, entre autres, un certain nombre difficultés notamment
liées à la raréfaction de la ressource, la surexploitation
de la ressource (aussi bien par les nationaux que les étrangers), les
insuffisances et l'absence ou la mauvaise application de la
réglementation en vigueur, la mauvaise gouvernance des ressources, les
difficiles conditions de vie des professionnels (pêcheurs, mareyeurs et
transformatrices), l'accès libre à la ressource pour la
pêche artisanale, des politiques de pêche conçues avec une
faible implication des acteurs et plus orientées à
résoudre des problèmes qu'à planifier le
développement de la pêche à moyen et long terme, la gestion
étatique des ressources halieutiques.
En effet, nous constatons que beaucoup d'efforts sont
consentis par l'Etat pour promouvoir une politique des pêches dont les
populations au même titre que les autres parties prenantes du secteur
sont les porteurs. Cette option a été consolidée par, le
gouvernement du Sénégal par la mise en oeuvre d'une approche de
cogestion (CLPA) mais aussi des programmes et projets pour accompagner et
appuyer les initiatives des acteurs.
En plus des raisons évoquées ci-dessus, cette
surpêche entraînant une diminution des ressources halieutiques est
aussi occasionnée par:
1-1- Les accords de pêche
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 33
Dans le cadre des accords de pêche, le
Sénégal signe des accords avec les pays développés
et à des pays en voie de développement. Les accords avec les pays
voisins permettent aux pêcheurs sénégalais de pêcher
dans leurs eaux maritimes moyennant le paiement des licences. Par contre, les
accords signés avec les pays développés permettent aux
navires de ces pays de venir pêchées dans les eaux territoriales
sénégalaises moyennant une compensation financière.
Avec la précarité du secteur de la
filière pêche aujourd'hui, faut-il arrêter de
dénoncer les accords de pêche entre les pays étrangers et
le Sénégal? Non, ce secteur souffrant des maux qui sont:
surpêche, concurrence des chalutiers étrangers, trop grand nombre
de pirogues, l'avenir de cette activité qui donne du travail à
environ 600 000 personnes ( 17% de la population active du pays), dont de
nombreuses femmes, reste trés précaire. En fait, les femmes
jouent un rôle prépondérant dans le secteur de la
pêche et interviennent notamment dans la transformation, la conservation
et la distribution du poisson à l'intérieur du pays. Elles
occupent une place importante dans la filière de la pêche car
dirigeant le plus souvent toutes les opérations. Ce sont des revendeuses
indépendantes ou travailleuses à la commission pour les
pêcheurs. En plus, certaines pirogues dépendent d'une organisation
familiale: le mari pêche et la femme se charge de la vente et du
traitement du poisson capturé. Elles travaillent aussi dans les
industries de conserveries et de traitement des produits de pêche.
Cependant depuis 1979, le gouvernement du
Sénégal permet l'accès de ces ressources halieutiques aux
pays de l'Union européenne à travers la signature des accords de
pêche. Ces accords autorisent les navires de l'Union européenne
venus principalement d'Espagne, du Portugal, de Grèce et d'Italie
à pêcher dans les eaux sénégalaises à hauteur
d'un volume de 8000 tonnes par an, dont 1500 tonnes d'espèces
côtières. Ces accords ont permis à l'Union
européenne de redéployer un grand nombre de navires de
pêche de ses zones de pêche surexploitées vers le
Sénégal et d'autres pays africains.
En contrepartie des captures opèrées en principe
sous la surveillance d'observateurs sénégalais, le gouvernement
du Sénégal perçoit des droits, négociés
à 48 millions d'euros par an pour la période de 1997-2001.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
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filière.Page 34
Cette enveloppe a été portée en 2002
à 64 millions d'euros (1,15 % du PIB du pays) et les négociations
ont repris, avant d'être de nouveau rompues en juin 2006. Depuis, la
pêche européenne a cessé, faute d'accord entre Dakar et
Bruxelles tant sur le montant des droits de pêche que sur les volumes
autorisés24.
Malgré les dispositifs en matière de lois, la
pêche illicite non déclarée et non
réglementée reste une véritable catastrophe. Elle
contribue à appauvrir les stocks de poissons et à détruire
les habitats marins. Elle est source d'une distorsion de concurrence pour les
pêcheurs honnêtes et responsables. La pêche est perçue
comme un facteur d'affaiblissement des communautés côtières
et surtout dans les pays en voie de développement.
Il est attendu de l'Union européenne un rôle
majeur dans la lutte contre ce fléau . Les mesures proposées par
rapport à cela sont du type à autoriser l'accès au
marché de l'Union européenne, aux seuls produits de la
pêche certifiés conformes à la réglementation par
l'Etat du pavillon ou par l'Etat d'exportation concerné.
L'établissement d'une liste noire européenne des
navires s'adonnant à la pêche illicite non déclarée
et non réglementée et des Etats complaisants à leur
égard est le second palier. Les attentes par rapport à la
démarche restent la prise de sanctions dissuasives au niveau des acteurs
le pratiquant dans les eaux de l'Union européenne et des
opérateurs la pratiquant dans les autres parties du monde.
D'une certaine manière, la lutte contre la pêche
illégale est campée dans un cadre plus large de la politique de
l'Union européenne en faveur de l'exploitation durable des mers.
Pour ce qui concerne ces accords, on note que l'Union
européenne pour la restructuration de ses pêcheries,
principalement à l'avantage des compagnies de pêche
françaises, portugaises et espagnoles, a exporté le
problème de surpêche du nord vers le sud. C'est pourquoi, en 2002,
le gouvernement du Sénégal avait momentanément interdit
l'accès de ces eaux territoriales
24 Déclaration de la directrice de
l'océanographie et des pêches maritimes dans « Seneweb »
du 21 juillet 2006
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
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filière.Page 35
aux chalutiers européens. Ce fût un geste
médiatique qui avait accompagné sa décision de suspendre
les négociations sur le renouvèlement des accords de pêche
passés en 1980 avec Bruxelles. Ce gel des accords avait
été salué par les pêcheurs sénégalais
et leurs partenaires associatifs européens, engagés dans la
longue date dans une lutte contre des accords qui contribuent à une
surexploitation des ressources dont souffrent les artisans locaux.
Le Sénégal avait l'habitude de conclure avec
l'Union européenne un accord de pêche depuis 1979 et, cet accord a
été renouvelé 17 fois. Le dernier renouvellement qui
datait de 2004 pour une durée de 4 ans, n'a pas été
renouvelé en 2011.
1-2- Le pillage des ressources halieutiques
Depuis quelques années, on constate une chute libre des
captures dans tous les centres de débarquements de poissons du
Sénégal. La pêche traverse une crise sans
précédent, en raison d'une surexploitation de la plupart des
stocks halieutiques et de la présence récurrente dans les eaux
sénégalaises de navires pirates s'adonnant à la
pêche illicite, non déclarée, non
réglementée.
Les bateaux russes pêchant illégalement dans les
eaux territoriales sénégalaises sont devenus un véritable
fléau. Selon le diagnostic du plan d'aménagement de la
pêcherie des sardinelles, leur présence accentue la baisse des
ressources halieutiques et contribue au déclin d'un secteur important de
l'économie sénégalaise. Il est aussi établi
aujourd'hui, que le pillage des ressources halieutiques est imputable aux
navires asiatiques qui exploitent ces ressources illégalement et sans
contre partie financière25.
Les pêcheurs sénégalais ne cessent de
nourrir des craintes depuis que des bateaux étrangers ont
commencé à piller les ressources halieutiques du pays. Selon les
statistiques disponibles, entre 2011 et 2012, 26 bateaux chalutiers russes
ciblant les espèces pélagiques ont opéré dans
25 Forum civil, Rapport, Gouvernance et corruption
dans le domaine des ressources naturelles et de l'environnement au
Sénégal, novembre 2006.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
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filière.Page 36
la Zone Economique Exclusive (ZEE) du Sénégal.
Le diagnostic du plan d'aménagement de la pêche des sardinelles
présenté le 26 novembre 2013, pour son adoption, vient confirmer
les craintes de ces pêcheurs.
Le document conclut en effet que les activités de
pêche menées par ces bateaux étrangers s'ajoutent à
la mauvaise gestion des pêcheries traditionnelles pour induire une baisse
sensible des ressources et des revenus dans le secteur. Cette tendance affecte
principalement la pêche artisanale, particulièrement la
pêche à la sardinelle.
Avec prés de 70% des débarquements de la
pêche artisanale, la sardinelle est aujourd'hui menacée. Le
constat fait par la Direction des pêches maritimes montre que
l'accroissement de l'effort de la flottille artisanale très dynamique
aux niveaux national et sous-régional et d'une flottille industrielle
chalutière étrangère constitue un danger pour les
ressources halieutiques du pays. La conjonction de ces deux types de
pêche accentue la pression exercée sur cette ressource
partagée entre le Maroc, la Mauritanie, le Sénégal et la
Gambie et constitue une menace pour la durabilité de la pêcherie
et toutes les fonctions socio-économiques qui y sont associées,
alerte les spécialistes de la pêche.
Cependant, cette diminution des ressources halieutiques montre
que la pêche maritime sénégalaise connait actuellement des
difficultés, dont les manifestations apparaissent à tous les
niveaux du système.
2- Les conséquences de la gestion irrationnelle
des ressources halieutiques
Au Sénégal, les ressources halieutiques sont
considérées traditionnellement comme inépuisables et
jouant ainsi un rôle primordial dans la vie économique, sociale et
culturelle. C'est pourquoi, l'exploitation de ces ressources s'est faite de
manière anarchique et aujourd'hui, les progrès technologiques et
l'accroissement des besoins en protéines animales des populations sont
des pressions énormes exercées sur les ressources marines
disponibles. Ce qui a entraîné une dégradation des
ressources ayant des conséquences sur l'environnement
socio-économique, sur le stock de poissons (baisse des captures et
disparition de certaines espèces de poissons).
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
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filière.Page 37
Depuis de longues années avec l'abondance du poisson,
le gouvernement du Sénégal ne se préoccupe pas de la
pêche non répertoriée et non réglementée
(libre accès à la mer). Aujourd'hui, des quotas (pour la
pêche industrielle) de pêche ont été instaurés
pour renouveler les stocks de poisson sans imager que cela encouragerait les
navires à pratiquer de plus en plus la pêche illicite. La plupart
des poissons pêchés illégalement sont destinés dans
les pays industrialisés sans que les populations locales n'en tirent
profit. Le plus souvent aussi, ces bateaux ne respectent pas les quotas qui
leur sont alloués. Or, le Sénégal ne dispose pas de moyens
de contrôle efficaces. Il y a donc un risque important de
surexploitation, en particulier sur les juvéniles, et donc de
disparition de certains stocks. Cette disparition a des conséquences
désastreuses sur la vie socio-économique des populations locales
(manque de protéines animales, baisse des revenus des ménages,
etc.).
La surexploitation des ressources halieutiques est, dans un
premier temps, un risque majeur de réduction des stocks
d'espèces, visées ou non, et de destruction par effet indirect de
l'écosystème marin. La pêche excessive, combinée
à la surpêche fait perdre à l'économie
sénégalaise plusieurs recettes.
Aujourd'hui, certaines espèces de poissons et de
mammifères marins sont en voie d'extinction : le thon rouge, les
baleines, les espèces profondes (mérous par exemple). Demain
d'autres le seront. Si cela continue à ce rythme, il n'y'aura plus de
poissons dans les eaux maritimes sénégalaises dans quelques
années.
A cet effet, un changement de comportements des
autorités gouvernementales s'avère utile aujourd'hui dans la
manière d'administrer le secteur de la pêche. Une telle action
s'impose pour stabiliser aussi bien les ressources halieutiques que le secteur
de la pêche.
Ce changement doit nécessairement entraîner des
réflexions aux alternatives et mesures compensatoires tout en prenant en
compte toutes les composantes (environnementale, socio-économique,
politique, culturelle...) afin de trouver une solution durable à la
gestion du secteur.
3- La disparition de certaines espèces (l'exemple
du mérou)
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
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filière.Page 38
Les eaux au large du Sénégal se sont
vidées de leurs mérous. Comment ce poisson emblématique du
pays a-t-il pu quasiment disparaître ? Une équipe franco-
sénégalaise vient de montrer que l'effondrement des stocks est
dû à l'essor de la pêche artisanale vue en
général comme une alternative durable aux pêcheries
industrielles. En 30 ans, le nombre de pirogues a quadruplé.
La technologie augmente sans cesse la puissance de pêche
de la flotte. Pour réduire la pression sur la ressource, les chercheurs
préconisent de mettre en place une gestion des petites pêcheries
et de réguler l'exportation, qui fait grimper les prix au kilo et fait
du mérou une denrée toujours très rentable malgré
la rareté du poisson.
Depuis dix ans, le « mérou blanc
»26 manque cruellement au Sénégal. Poisson
emblématique du pays, il constituait encore récemment la base du
plat national, le « thiéboudiène27 ».
Aujourd'hui, il se fait très rare sur les étals des
marchés et affiche un prix au kilo exorbitant.
Sous la pression de la demande mondiale, en particulier
européenne, le nombre de pirogues a été multiplié
par quatre (l'attrait pour la pêche au mérou a été
amplifié par la hausse de son prix local, accélérée
par la dévaluation de 50 % du franc CFA en 1994). Grâce aux
données du CRODT, les chercheurs ont montré la corrélation
entre cet essor de la petite pêcherie et la chute du mérou, au
cours des dernières décennies.
En fait, les décisions portant sur la conservation et
l'aménagement dans le domaine de la pêche devraient être
fondées sur des données scientifiques les plus fiables
disponibles, en tenant compte également des connaissances
traditionnelles relatives aux ressources et à leur habitat, ainsi que
des facteurs environnementaux, économiques et sociaux pertinents. Le
Sénégal devrait accorder la priorité à la conduite
de recherches et à la collecte de données, pour améliorer
les connaissances scientifiques et techniques sur les pêcheries, y
compris sur les interactions avec l'écosystème.
26 Voir photographie 10 des annexes.
27 Thiéboudiène, en français riz
au poisson
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
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filière.Page 39
4- La surveillance des côtes maritimes
Surexploitées par l?industrie de la pêche, les
ressources halieutiques du Sénégal sont en danger. Au
Sénégal, par manque de moyens, les autorités peinent
à faire respecter la ZEE28. Pourtant la protection des
poissons et autres ressources est vitale pour la majeure partie du pays, et
pourrait rapporter gros à l?Etat qui perd chaque année entre 50
et 250 milliards de FCFA ( entre 76 et 380 millions d?euros)29.
Mais aujourd?hui, les stocks de poissons sont
surexploités. Le niveau de prélèvement actuel est
supérieur à la capacité de reconstitution de certaines
espèces. Si les requins et les raies sont en danger, l?espèce
emblématique reste le thiof? ( mérou en
français) qui est au centre des débats actuels. Certaines
espèces se raréfient et si l?on continue à les
pêcher à ce rythme, on risque de voir l?extinction de ces
espèces. Il faut donc laisser le temps aux espèces de se
reconstituer, au lieu de les prélever sans limites. Pourtant des
limites, le gouvernement en impose selon un fonctionnaire rencontré.
L?octroi des licences de pêche est le principal mode de contrôle
des ressources.
L?Etat contrôle aussi les filets, pour permettre aux
espèces de grandir, et donc de se reproduire. Les pêcheurs ont une
taille minimale à respecter, en dessous de laquelle ils encourent une
amende. Enfin, des zones de protection existent, dans lesquelles les navires ne
peuvent pas pêcher afin de permettre aux poissons de se reproduire.
Pour la surveillance des côtes, le Sénégal
dispose d?une flotte composée d?un avion et de six navires, «un
seul navire sort tous les jours, parfois deux, mais rarement plus», faute
de moyens. Même s?ils sont en pannes, l?administration éprouve des
difficultés à les réparer. La surveillance aérienne
se résume à quelques heures mensuelles «offertes» par
l?armée française pour constater la présence ou non de
bateaux dans la ZEE.
28 Une Zone Economique Exclusive(ZEE) est,
d?après le droit de la mer, un espace maritime sur lequel un Etat
côtier exerce des droits souverains en matière d?exploration et
d?usage des ressources. Elle s?étend à partir de la ligne de base
de l?Etat jusqu?à 200 milles marins (environ 370 km) de ses côtes
au maximum, au-delà il s?agit des eaux internationales.
29 Sébastien Renouil, Médiapart,
Pêche ouest-africaine en danger, le cas du Sénégal,
publié le 21/08/2013
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Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 40
Face au manque de moyens, les autorités
sénégalaises ont mis en place un système de cogestion et
de surveillance participative en collaboration avec les pêcheurs. Ces
pêcheurs sont élus par leurs pairs pour surveiller
l'activité de pêche. En cas de non respect des règles, ces
élus peuvent rappeler à l'ordre leurs confrères, ou les
signaler à l'administration des pêches.
Cependant, il faut faire attention à la
délation, le milieu de la pêche, c'est une multitude de
rivalités à gérer. On se méfie aux délations
qui seraient dues à la jalousie d'un pêcheur qui ramène
moins de prises que son voisin.
Ces pêcheurs surveillent aussi les chalutiers qui
prélèvent massivement le gagne-pain des artisans pêcheurs.
Pour ce faire, ils observent les gros navires, et lorsqu'ils voient des
irrégularités depuis leurs pirogues, les pêcheurs
n'hésitent pas à prendre des notes et même des photos, pour
les transmettre à l'administration.
Ce système de surveillance fonctionne bien et se
révèle parfois très efficace. Ainsi en 201230,
ce sont 47 navires de pêche qui ont été arraisonnés
pour des infractions plus ou moins graves. Il reste tout de même
absolument insuffisant. Ce système a permis de renflouer les caisses du
trésor public en 2012 de 436 millions de FCFA ( 660 000 euros) d'amende.
C'est une somme importante, mais qui reste marginale face aux pertes
estimées à 381 000 000 euros. Cette perte énorme est le
résultat du manque de moyens du Sénégal pour
réellement contrôler ses côtes maritimes.
5- Le niveau de rentabilité des revenus en
baisse31.
30 Entretien réalisé avec un
fonctionnaire de la DSPS, le 12/01/2015, Dakar.
31 Ministère de la pêche et des affaires
maritimes, Conseil interministériel sur la pêche, document
introductif, 2013, p.40
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
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pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 41
Pourtant, la pêche artisanale fournit un emploi direct
à environ à 60 000 pêcheurs artisanaux dont les 20%, soit
prés de 12 000 pêcheurs, relèvent la seule pêcherie
de sardinelles. Aujourd'hui, ce secteur voit ses performances
économiques se réduire au fil des ans. Cela se traduit par une
baisse drastique des revenus:
Le coût de création d'emplois passe ainsi de 453
500 francs CFA en 1993 à 656 000 fracs CFA en 2011 pour l'unité
de la senne tournante contre 465 742 francs et 942 857 francs CFA pour
l'unité de filet maillant encerclant, relèvent les
spécialistes de l'administration des pêches maritimes.
Il est apparu dans cette recherche, toute suppression de
quelque forme que ce soit pour les unités de pêche artisanales de
pélagiques ne fera qu'augmenter la dégradation des formes
d'exploitation des pêcheurs et conséquemment rendre le poisson bon
marché de moins en moins accessible pour les populations locales et
accentuer par la même occasion le déficit en protéines
reporté à l'intérieur du pays.
Le plan d'aménagement de la sardinelle a
été ainsi élaboré par le renforcement des
capacités dans les domaines de la gouvernance des pêches, de la
lutte contre la pêche illégale, et l'accroissement de la valeur
ajoutée des produits halieutiques.
Ainsi les professionnels de la pêche déclarent
que l'Etat du Sénégal doit durcir la législation du
secteur de la pêche pour rendre beaucoup plus stricte à l'encontre
des bateaux pirates. Le gouvernement fait la pression sur nous et laisse les
étrangers qui ont plus de moyens que nous piller nos ressources. Il doit
lutter énergiquement contre la pêche illégale en
renforçant le dispositif législatif, martèlent les
professionnels.
Depuis 2010, selon les professionnels de la pêche
rencontrés, 10 bateaux russes pêchent illégalement dans les
eaux territoriales sénégalaises. Ces bateaux ayant des
capacités de prélèvement de 250 tonnes chacun par jour,
contribuent sans doute à la raréfaction de la ressource
halieutique et pire la sardinelle pêchée est transformée
par ceux-ci en farine de poisson pour l'alimentation de bétail, alors
qu'elle reste au Sénégal une denrée de consommation de
premier ordre.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 42
Ainsi, dans la nuit du 4 au 5 janvier 2014, un bateau russe du
nom de Oleg Neydanov a même été séquestré
avec son équipage dans une zone militaire à Dakar. Cette fois-ci
les autorités ont bien joué le jeu en arraisonnant ce bateau et
sa cargaison, et en réclamant une amende.
D'après les textes actuels du Sénégal, la
sanction maximale pour la pêche illicite dans les eaux
sénégalaises, est la saisie de l'engin de pêche, la saisie
de la cargaison et une amende maximale de 200 millions de FCFA ( prés de
350 000 euros), montant qui peut être doublé en cas de
récidive. Une étude de l'Agence américaine pour le
développement international (USAID) a établi que le
Sénégal perdait tous les ans cent cinquante milliards de FCFA (
prés de 228,7 millions d'euros) du fait des bateaux qui pillent les
ressources du pays. L'arraisonnement du bateau russe Oleg Neydanov a
été salué par tous les acteurs de la pêche.
En effet, lors d'une conférence de presse à
l'AFP, le 22/01/2014, le ministre russe des affaires étrangères,
Serguei Lavrov avait fait état d'un progrès dans les
négociations. Ils ont aussi bénéficié du soutien de
partenaires étrangers qui ont des relations particulières avec
les autorités sénégalaises pour régler
définitivement le problème.
Ainsi, la partie russe a proposé une somme d'un million
de dollars qui a satisfait la partie sénégalaise pour la
levée du séquestre du chalutier arraisonné. Cette
transaction a été confirmée par le ministre
sénégalais de la pêche qui déclare que l'amende a
été versée au trésor public au titre de deux
bateaux russes accusés par le Sénégal de pêche
illégale, le bateau Oleg Neydanov32, qui a été
arraisonné et placé sous séquestre au port de Dakar et le
capitaine Bogomodov, qui lui était en fuite.
Tout cela confirme que les eaux maritimes
sénégalaises sont régulièrement piratées par
des bateaux qui y pêchent illégalement, c'est pourquoi, les
autorités publiques sénégalaises doivent tout mettre en
oeuvre pour surveiller la Zone Economique Exclusive d'où dépend
la survie de la pêche artisanale, la survie de l'économie
nationale.
32 Voir photographie 14 des annexes.
BA Gorgui Aly- Mémoire DHEPS-2015
Les Changements comportementaux des acteurs de la
pêche maritime sénégalaise pour une gestion durable de la
filière.Page 43
Le poisson joue un rôle central dans l'héritage
économique et culturel du Sénégal. Le secteur de la
pêche n'a cependant pas encore atteint son plein potentiel. En
conséquence de quoi, toute une série d'initiatives sont en cours
dans le pays avec pour objectif d'améliorer la gouvernance et d'adopter
des pratiques durables encourageant la croissance de l'industrie de la
pêche, notamment par la collaboration de tous les acteurs de la
pêche. Les potentialités du secteur se voient toutefois
limitées par une gouvernance insuffisante et une augmentation de la
surpêche, ce qui représente une menace non seulement pour les
recettes et l'emploi mais aussi pour l'alimentation, le poisson étant
une importante source de protéines animales pour les populations.
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