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Les critères du procès administratif equitable en droit positif camerounais

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par Jean Duclos Ngon a moulong
Universités de Yaoundé 2 soa - Master 2 2012
  

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b- L'élasticité du cadre temporel dans l'instance contentieuse d'urgence

Lesprocédures d'urgence supposent la limitation du cadre temporel de l'instance contentieuse. Ce qui permet d'accélérer certains procès ou d'aménager la situation des parties jusqu'à la décision au fond. Ici, « l'urgence est le contrepoint du temps, des délais inhérents »547(*) à la procédure contentieuse. De ce fait, elles se greffent sous un double signe de la célérité et de la souplesse. Il existe deux sortes de procédures d'urgence dans le contentieux administratif. On a d'une part, les procédures d'urgence accessoires, qui permettent au juge administratif de protéger les droits et intérêts du requérant «au moyen de mesures provisoires, valables uniquement dans l'attente dujugement au fond », et d'autre part, les procédures d'urgence spéciales, dérogatoires à la procédure normale, qui permettent au juge administratif de protéger les droits et les libertés du requérant « au moyen de mesures définitives »548(*). En principedans ces deux cas, les délais de jugement devraient se compter en semaines. Pourtant, l'examen des statistiques et des décisions du juge administratif montrent à suffisance que les délais se comptent en mois et pas seulement de quelques mois, mais de plusieurs mois.

i- L'élasticité du cadre temporel dans les procédures d'urgence accessoires

En ce qui concerne les procédures d'urgence accessoires, elles sont destinées à permettre au juge administratif de prendre, dans l'attente du jugement au fond de l'affaire et compte tenu des circonstances de celle-ci, certaines mesures de caractère provisoire « quel intérêt du requérant comme celui d'une bonne administration de la justicerecommande de ne pas différer »549(*). Le droit du contentieux administratif camerounais a consacré deux procédures d'urgence accessoires : le sursis à exécution et le référé administratif. Pour qu'elles soient efficaces, ces mesures doivent être prononcées rapidement par le juge. Or, le législateur n'a pas prescrit au juge administratif de délais pour statuer en matière de sursis et de référé, ce qui lui laisse alors le soin d'apprécier le caractère urgent ou non de la situation dont-il est saisi. Cet état de chose ne milite pas toujours en faveur de la célérité dont requiert l'affaire à traiter, car le juge« n'est pas toujours tenu devérifier et de faire apparaître l'existence d'une situation d'urgence »550(*).Il en résulte alors que lorsqu'il est saisi, le juge a toujours tendance à passer outre l'exigence de juger l'affaire dont-il est saisi dans un délai raisonnable. Dans ce sens, quelques statistiques et exemples peuvent être mentionnés en guise d'illustration.

D'abord, dans le cadre du sursis à exécution, Le dépouillement systématique de 185 ordonnances rendues par le juge administratif camerounais de 1977 à 2001 a permis de se rendre compte que le sursis reste une procédure très longue551(*).Ainsi, sur ces 185 ordonnances, 18 - soit 9,72% - ont été rendues en moins d'un mois ; 38 entre un et deux mois ; 42 entre deux et trois mois ; 31 entre trois et quatre mois ; 11 entre quatre et cinq mois ; 07 entre cinq et six mois ; 09 entre six et sept mois ; 09 entre sept et huit mois ; 01 entre huit et neuf mois ; 04 entre neuf et dix mois ; 02 entre onze et douze mois ; 10 après un an et 02 après deux ans. En somme, 167 ordonnances - soit 90, 27% - ont été rendues après un mois. On peut, au regard de ce qui précède, s'interroger sur l'efficacité et la portée des sursis octroyés plusieurs mois après l'introduction de la demande, surtout qu'il peut arriver que la décision dont la suspension de l'exécution est demandée produise tous ses effets de droit en cours d'instance ou avant que le juge ne se trouve en mesure de statuer sur la demande de sursis. Une telle appréhension peut par exemple être perçue dans une affaire où le juge, avait été saisi d'une requête aux fins de sursis le 07 décembre 1998 dans le but de suspendre les effets d'un titre foncier datant du 07 octobre 1997, ce dernier s'était prononcé favorablement que trois mois après, en motivant ainsi sa décision : « Attendu quedame Anaba né Mengue Juliette peut subir un préjudice irréparable du fait del'existence de ce titre foncier, celle-ci étant menacée d'expulsion alors et surtoutqu'elle a déjà aliéné le terrain litigieux »552(*). Peut-être qu'à la date où la requérante saisissait le juge, elle était menacée d'expulsion. Mais entre la date de saisine et l'édiction du sursis, son expulsion pouvait intervenir. On ne peut donc pas dire que l'urgence a présidé au jugement de l'affaire.

Quant au référé administratif, il permet de prononcer soit des mesures d'instruction, soit des mesures conservatoires. En principe, le juge doit le faire rapidement puisqu'il s'agit non seulement de mesures d'urgence, mais également de mesures quiinterviennent dans une procédure d'urgence. Toutefois, en pratique, le juge administratif a toujours cette tendance à remettre en cause la liaison entre le référé et l'urgence, tant les délais qu'il met pour statuer sont élastiques. Les statistiques et la jurisprudence administrative permettent de percevoir cet état des choses. Le dépouillement de 54 ordonnances rendues en la matière de 1977 à 2000montre que le juge met beaucoup de temps pour statuer. En effet,sur ces 54 ordonnances, 11 seulement - soit 20,37 % - sont intervenues en deçà d'un mois ; tandis que les 43 autres - soit 79,62 % - ont étérendues après plus d'un mois comme suit : 11 plus d' un mois après ; 09 après deux mois ; 08 après trois mois ; 05 après quatre mois ; 01 après cinq mois ; 02 après six mois ; 02 après sept mois ; 01 après huit mois ; 01 après neuf mois ; 01 après onze mois ; 01 après un an et 01 quatre ans après. Lorsqu'on se rend compte que parmi ces ordonnances qui sont intervenues plus d'un mois après la saisine du juge, il y en a qui prescrivaient soit des mesures d'instruction, soit des mesures conservatoires, on peut légitimement se demander si l'urgence a été prise en compte par le juge. Il y a lieu d'en douter.Ainsi, à titre d'exemple, c'est plus de trois mois après qu'il a été saisi que le juge a, dans l'affaire Dutchou Jean553(*), ordonné la suspension de l'exécution d'une décision du Ministre de l'Agriculture portant nomination à des postes de responsabilité dans ledit Ministère, alors qu'en général lorsque des nominations interviennent, les personnes concernées prennent leurs fonctions quelques jours ou semaines après, faisant ainsi produire à l'acte de nomination ses effets juridiques, même lorsque la décision est rédigée « avec des termes ambigus sur le titulaire duposte d'affectation » ; car l'autorité régularise toujours la situation. Elle peut, d'ailleurs, le faire avant que le juge saisi en référé ne statue.De même, c'est plus de sept mois après sa saisine que le juge a, dans l'affaire Tamo Pelap Jean-Claude554(*), ordonné l'arrêt des travaux effectués sur le terrain du requérant par des personnes à qui la Commune Urbaine de Bafoussam avait attribué ledit terrain alors qu'il était affecté à Garoua. Le requérant pouvait, du fait du retard mis pour statuer, être confronté à une situation de « fait accompli », puisque les travaux engagés pouvaient s'achever avant ou pendant l'examen de sa requête.

Il apparaît donc que le sursis et le référé remplissent mal leur rôle au Cameroun car en réalité, ces demandes ne sont pas, pour l'essentiel, traitées dans un délai raisonnable. Cette situation est également perceptible dans le cadre du traitement des procédures d'urgence spéciales.

* 547GAUDEMET (Y), « Les procédures d'urgence dans le contentieux administratif », op.cit., p. 421.

* 548LEBRETON (G), Libertés publiques et droits de l'homme, 5e éd., Paris, Armand Colin, 2001, pp. 222-223.

* 549CHAPUS (R), Droit du contentieux administratif, op. cit., p. 811.

* 550 Ibid., p. 812.

  • * 551GUIMDO DONGMO (B-R),Le Juge administratif camerounais et l'urgence : Recherches sur la place de l'urgence dans le contentieux administratif camerounais, op. cit., p.139.

* 552Ordonnance n°13/OPRSE/PCA/CS/98-99 du 10 mars 1999, affaire Madame veuve Anaba née Mengue

Juliette contre Etat du Cameroun.

* 553Ordonnance de référé n°46/OR/PCA/CS/97-98 du 09 avril 1998, affaire Dutchou Jean contre Etat du

Cameroun.

* 554Ordonnance de référé n° 09/ORSE/CS/PCA/88-89v du 21 février 1989 affaire Tamo Pelap Jean-Claude contre Commune Urbaine de Bafoussam.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery