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Les critères du procès administratif equitable en droit positif camerounais

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par Jean Duclos Ngon a moulong
Universités de Yaoundé 2 soa - Master 2 2012
  

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a- L'élasticité du cadre temporel de l'instance contentieuse ordinaire

Au Cameroun, Le temps imparti aux juridictions administratives pour le traitement des litiges ne fait pas l'objet d'une législation ou d'une réglementation nationale à caractère contraignant. De ce fait, le juge se voit reconnu implicitement la faculté d'apprécier, voire le pouvoir de statuer dans des délais qu'il estime raisonnables, ce qui peut constituer une menace permanente à la réalisation du droit d'être jugé dans un délai raisonnable ; car comme l'énonçait si bien LA BRUYERE « le devoir des juges est de rendre la justice. Leur métier est de la différer. Certains connaissent leur devoir. Beaucoup font leur métier»535(*).En effet, dans le cadre du contentieux administratif, « Le temps du juge n'est pas celui du justiciable »536(*) ; le juge étant « traditionnellement soucieux de rendre une justice de qualité, maispeu préoccupé de l'efficacité de ses décisions et l'impact du temps sur l'enjeu duprocès »537(*).Ceci étant dit, le constat qui peut être établi ici est que le juge administratif camerounais au regard de sa jurisprudence méconnaît le délai raisonnable lorsqu'il est saisi au moyen, soit d'un recours en indemnité, soit d'un recours en excès de pouvoir. Cette exigence n'est ni la base, ni la finalité de son action. Il arrive difficilement à faire face aux défis du nombre et du temps. En règle générale, le délai de jugement d'une affaire se compte en années, « même lorsque les parties se sont abstenues de toutcomportement dilatoire »538(*). Il s'agit d'une situation qui est non seulement anormale mais aussi dangereuse « parce qu'elle est de nature à provoquer le découragementdes justiciables, renonçant à rechercher des satisfactions dont ils ont lieu de penserqu'elles seront platoniques ; parce qu'elle est de nature à faire douter du sérieux etmême de la légitimité de la justice administrative »539(*).

La lenteur du juge administratif camerounais est attestée par des statistiques et les décisions qu'il a déjà rendues dans le cadre des contentieux ordinaires.

Sur le plan des statistiques, au 1er octobre 1996, par exemple, parmi les 690dossiers en instance devant la Chambre administrative de la Cour Suprême, il s'en trouvait qui remontaient à 1982.De même, pendant l'année judiciaire 1995/1996, alors que 535 dossiers étaient en instance au début de la période, 251 recours ont été formés, alors que seulement 96 décisions avaient été rendus parmi lesquelles 74 concernaient le contentieux électoral et 22 le contentieux général. Enfin, au 1er octobre 1996, 137 dossiers étaient en instance devant l'Assemblée plénière540(*).

Au niveau des décisions rendues, la lenteur s'observe également dans les délais d'instance. Ainsi, saisie d'un recours le 18 juin 1993, la Chambre administrative n'a rendu son jugement de désistement que 8 mois après, soit le 24 février 1994541(*). De même, saisie d'un autre recours le 22 juin 1990, la même juridiction rendait son jugement d'irrecevabilité le 31 mars 1994, soit plus de 3 ans et demi après sa saisine542(*). Saisie d'un autre recours le 25 janvier 1999, la même juridiction rendait son jugement au fond - au profit du requérant - le 30 mars 2000, soit plus d'un an après sa saisine, alors que le requérant était sous la menace d'une procédure disciplinaire et d'une mise à la retraite injustifiée puisque l'acte litigieux le ramenait à un grade inférieur où la retraite se prenait plus tôt543(*). Par ailleurs, l'affaire AMENCHI Martin, objet du jugement n°88 du 30 juin 2004, a été rendue 21 ans après. En outre, l'affaire MVENG MBARGA Constantin, objet du recours introduit le 15 janvier 1979 devant la chambre administrative, a été jugée le 30 avril 1992. Enfin, saisie en 1991, dans une affaire opposant un enseignant à son Université, elle n'a pas rendu de décision à ce jour. Sont plutôt rares les cas où le juge administratif tranche avant 7 mois544(*).

La situation était plus grave au niveau de la défunte Assemblée plénière lorsqu'elle statuait en appel. La tendance générale est qu'elle rendait ses arrêts 4 ans, voire 9 ans et plus, après qu'elle ait été saisie. Il est clair qu'un délai d'instance qui s'éternise de la sorte « enlève à la décision efficacité et crédibilité »545(*). C'est le cas de l'affaire GUIFFO Jean, objet du recours en appel introduit le 15 janvier 1981 devant l'assemblée plénière de la cour suprême, a été tranché le 25 février 1999, soit 18 ans après. Pire, il y a des affaires qui, introduites depuis plusieurs années, sont définitivement sorties du rôle parce que le juge n'en a plus fait cas lorsqu'il détermine les affaires à juger ce qui constitue manifestement un déni de justice546(*). Qu'en est-il de la pratique du délai raisonnable dans les procédures d'urgence ?

* 535 Cité par PRADEL (J), Procédure pénale, 10ème édition 2000-2001, éd. CUJAS, p. 303

* 536DUCAROUGE (F), « Le justiciable, le juge administratif et le temps : la vision des juges », in GARDAVAUD (Guy) et OBERDORFF(Henri), op. cit., p.305.

* 537VANDERMEEREN (R), « La réforme des procédures d'urgence devant le juge administratif», AJDA, p. 707.

* 538CHAPUS (R), Le droit du contentieux administratif, op. cit.,p. 471.

* 539Ibid., p.472.

* 540Voir le rapport de mission de Nicolas Bonnal, Magistrat, Secrétaire général de la première présidence de la

Cour de cassation française à la Cour suprême de la République du Cameroun effectuée du 2 au 12 décembre

1996, pp. 29-30. Cité par GUIMDO DONGMO (B-R), op. cit., p.24.

* 541CS/CA, jugement n° 22/93-94 du 24 février 1994, Mme Mayouga Yvonne, épouse Noundou contre Etat du Cameroun.

* 542CS/CA, jugement n° 32/93-94 du 31 mars 1994, Kotto Jean-Jacques contre Etat du Cameroun.

* 543CS/CA, jugement n° 42/99-00 du 30 mars 2000, Wabo Rigobert contre Etat du Cameroun.

* 544Ainsi, dans une affaire relative à la légalité d'un acte qui expulsait un pharmacien d'un site inoccupé, donc disponible, sur lequel il s'est installé, le juge administratif, saisi le 5 mars 1993, a rendu son jugement - qui annulait l'acte querellé pour excès de pouvoir - le 30 septembre 1993, soit 6 mois et 25 jours après sa saisine ;

cf. CS/CA, jugement n° 83/ADD/92-93 du 30 septembre 1993, affaire Sighoko Fossi Abraham contre Etat du

Cameroun

* 545GEORGEL (J), « Le juge et la montre », in Etudes en l'honneur de Georges Dupuis, Paris, LGDJ, 1997, p.

116.

  • * 546GUIMDO DONGMO (B-R),Le Juge administratif camerounais et l'urgence : Recherches sur la place de l'urgence dans le contentieux administratif camerounais, op. cit., p.25.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams