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Cour pénale internationale face au défi de la coopération des états dans la répression des crimes de guerre et crimes contre l'humanité: cas ntaganda et cas nkunda

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par Mussa Arsène Mbenge Luliba
Université de Goma "UNIGOM" - Licence 2015
  

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 §2. Difficultés de l'Union africaine à concrétiser l'engagement à prévenir les crimes internationaux

Tout d'abord, il est utile de faire comprendre que la répression des crimes internationaux est une tâche qui se fait en coordination et en coopération avec les États et autres organismes de l'UA. Nous constatons que la Commission des droits de l'homme et des peuples examine les rapports périodiques présentés par les États. Ces rapports contiennent les mesures d'application de la Chartepar l'État membre. La procédure d'examen des rapports périodiques est un mécanisme de suivi du respect des droits de l'homme au sein de l'UA. Or, la Commission est confrontée à la réticence de certains membres qui retardent l'envoi de leurs rapports. L'attitude de ces États ne permet pas à la Commission d'effectuer un suivi adéquat du respect des droits contenus dans la Charte.

Ensuite, il faut remarquer que l'UA ne peut aisément mettre en place un mécanisme effectif de répression des crimes internationaux alors que les instruments qui accompagnent ce mécanisme ne sont pas ratifiés. Ainsi, de nombreux États membres de l'UA n'ont toujours pas ratifié certains traités contraignants de l'Organisation visant la protection des personnes. Au nombre de ces accords internationaux figurent: la Convention de l'UA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique (Convention sur les réfugiés); la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant(Charte sur l'enfant); la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (Charte africaine sur la démocratie); le Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (protocole sur les femmes) et enfin le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples(Protocole relatif à la création de la Cour africaine).

La volonté de mettre en place des mécanismes visant à juger les crimes internationaux de l'UA doit donc être suivie par celle de ses États membres. Alors, force est de constater le manque d'engouement des États quant à la ratification de certains instruments contraignants devant contribuer d'une façon ou d'une autre à la mise en oeuvre de la justice répressive relative aux crimes internationaux. Ce manque d'engouement s'observe en ce qui concerne la ratification, à ce jour, de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance,leProtocole sur les femmes, et surtout leProtocole relatif à la création de la Cour africaine. Il faut nuancer en admettant que les efforts de ratifications des autres instruments internationaux contraignants sont encourageants au regard des engagements effectués par les États à travers lesdites ratifications.

Deux autres raisons contribuent à justifier le fait que l'UA éprouve des difficultés à concrétiser la répression des crimes internationaux. D'une part, lesdits crimes ne sont pas couverts dans la compétence matérielle de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (Cour). Pourtant, selon l'article 3(1) du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, la Cour a pour mandat la protection en Afrique des droits de l'homme. Nous voyons en cette limitation de compétence un obstacle à la prévention des crimes internationaux.  

D'autre part, la saisine de la Cour est conditionnée à une acceptation préalable de l'État dont relève la personne qui se plaint (Protocole articles 5 et 34(6); Règlement intérieur intérimaire de la Cour africaine des droits de l'Homme et des peuplesarticle 33(f))79(*). Le fait que les individus, pour saisir cette Cour, doivent préalablement appartenir à un État qui en a reconnu expressément sa compétence à l'égard des plaintes individuelles est une limite qui touche à l'accessibilité à la justice et qui restreint la protection des droits de l'homme contenus dans la Charte. Au regard des compétences actuelles et futures de la Cour, nous pensons que si les conditions de saisine ne sont pas revues, la protection des victimes des crimes internationaux resterait très limitée. Cependant, nous continuons d'interpréter la protection actuelle des droits relatifs à l'intégrité de la personne dont est garante la Cour comme un prélude à la prévention des crimes internationaux. 

L'UA entend attribuer la compétence en matière de crimes internationaux à la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, car selon sa décision visant à étendre la compétence de la Cour africaine de Justice et des droits de l'homme pour connaitre des crimes internationaux commis sur le continent et demande à la Commission en collaboration avec toutes les parties prenantes d'accélérer ce processus pour faire rapport à la Conférence en juin 2014 (paragraphe 13). Cette intention pertinente, visant à conférer à la Cour la compétence en matière de crimes internationaux, doit s'accompagner d'un engagement financier des États à contribuer au fonctionnement de cette justice pénale.

Une autre raison expliquant la difficulté pour l'UA de construire un système pénal de répression des crimes internationaux est constituée par l'insuffisance des mécanismes de répression au vu des actes graves et odieux commis dans certains pays africains. En l'absence d'une Cour africaine dotée de compétence internationale en matière de répression des crimes internationaux, il serait judicieux de procéder à la création de juridictions spéciales comme celle qui existe au sein du système judiciaire sénégalais. Celle-ci est une avancée notable dans le système africain de lutte contre les crimes internationaux commis dans un lieu spécifique (en l'occurrence le Tchad), alors que bien des crimes ont cours dans d'autres pays. En effet, cette avancée matérialisée par la création d'un tribunal spécial au Sénégal est nuancée par un certain immobilisme quant à des situations réelles de crimes internationaux contemporains comme celles qui se vivent par exemple au Nigéria, au Soudan, en République centrafricaine, au Mali, en République démocratique du Congo, au Burundi et au Togo.

On observe donc, de la part des dirigeants d'États membres de l'UA, un réel manque de volonté politique quant à la création d'institutions judiciaires pénales en Afrique. On est arrivé à se poser la question de savoir si cette mauvaise volonté est dû quoi ? On trouve que les Etats membres de l'UA sont champions dans le non-respect de la protection de droit de peuple. Ce manque d'engagement des décideurs politiques a comme conséquence pour le moment un accès limité des victimes de crimes internationaux à la justice répressive. Ce manque de volonté tantôt évoqué pourrait s'expliquer par le fait qu'au sein de l'UA, l'organe principal de décisions est la Conférence de l'Union. Celle-ci est composée de dirigeants d'États membres, ou de leurs représentants. Dans le contexte africain, les chefs d'États sont réticents à rendre effectif un système de justice pénale africaine qui serait susceptible d'attenter à leur régime ou qui bousculerait les coutumes locales africaines

La dernière difficulté à la mise en place d'un système pénal africain effectif contre les crimes internationaux est le bras de fer entre l'UA et la CPI. Nous ne pouvons passer sous silence les tensions entre la CPI et l'UA, cette dernière se plaignant que la première s'acharne sur elle. Plusieurs fois, l'ONU est intervenue dans la sphère de compétence de l'UA, notamment avec le Tribunal Spécial pour la Sierra Leone dont l'acte fondateur est l' Accord entre ONU et Sierra-Leone du 16 janvier 2002. Cette intervention dans le domaine de compétence de l'UA s'est également faite avec le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) par la Résolution 955 du 8 novembre 1994 du Conseil de sécurité de l'ONU80(*). La CPI statue actuellement sur les cas de certains dirigeants africains : Laurent Gbagbo, Uhuru Kenyatta et William Ruto, Omar El Béchir. Cette ingérence dans les affaires africaines n'est pas du goût des pays du continent qui l'ont fait savoir par la décision de la Conférence de l'UA du 12 octobre 2013 dans laquelle ils estiment être victimes d'une justice à sens unique. À ce titre, l'UA affirme dans le Communiqué No 002/2012 du 9 janvier 2012, qu'elle va s'opposer à toutes les décisions présomptueuses et égoïstes de la CPI ainsi qu'à toute prétention ou politique de deux poids des mesures qui deviennent évidentes, suite aux enquêtes, poursuites et décisions prises par la CPI concernant les situations en Afrique. En fait l'Union africaine estime que la lutte contre l'impunité est trop importante pour être laissée à la seule CPI. Sur la même lancée, et en refusant de coopérer pour manifester son mécontentement, l'Union africaine a utilisé un ton moins cordial quand la CPI a émis le mandat d'arrêt contre le président soudanais. Dans ce sens, l'UA à travers sa Décision n°3, Assembly/AU/Dec.245(XIII), sur le rapport de la commission sur la réunion des États Africains parties au Statut de Rome de la Cour Pénale internationale (CPI)-Doc. Assembly/AU/13(XIII) du 3juillet 2009, au paragraphe 11, fustige et s'indigne contre le Procureur de la CPI, en dénonçant son comportement et souhaite réviser les lignes directrices et le code de conduite pour l'exercice de ses pouvoirs discrétionnaires, en particulier le pouvoir du procureur d'instruire des cas à sa seule discrétion, conformément à l'article 15 du Statut de Rome.

Toutefois, il ne faut pas prendre ces mots comme une adhésion à l'impunité, car toutes les décisions de la Conférence de l'UA concernant la CPI, contiennent des paragraphes exprimant la volonté de réprimer les crimes internationaux.

* 79 Règlement intérieur intérimaire de la Cour africaine des droits de l'Homme et des peuplesarticle 33(f)

* 80TAGAKOU.E., op.cit

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand