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La sécurité juridique en droit administratif sénégalais

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par Abdou Ka
Université Gaston berger de saint Louis - DEA droit public 2015
  

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Paragraphe 2 : Une négation d'un droit subjectif à la sécurité juridique

La sécurité juridique comme droit subjectif est inconnue en droit positif. Concrètement, le citoyen n'a aucun droit subjectif à la garantie de la sécurité juridique. De manière plus globale, les droits publics subjectifs restent problématiques en droit administratif. Bâti essentiellement sur la théorie de l'institution du doyen M. HAURIOU, le droit administratif d'inspiration française fait une large part à l'objectivité dans le rapport administratif. Entre l'administration, détentrice de la puissance publique, et le particulier, interlocuteur relativement impuissant, l'idée qu'il puisse naître des droits subjectifs était très marginale. En effet, l'idée de droit public subjectif en ce qu'elle implique pour les administrés la reconnaissance d'intérêts purement individuels dans le rapport administratif peut conduire à une remise en cause de l'idée d'intérêt général.Aussi, du fait qu'elle amène à considérer un droit pour l'Etat dans l'exercice de la puissance publique, elle trahit l'idée que celle-ci doit être exercée dans l'intérêt des administrés.

Ainsi, pendant longtemps, l'idée dominante était que là où l'administration détenait un pouvoir discrétionnaire, il n'y avait pas de place pour des droits subjectifs. Dans cette logique, un droit subjectif à la sécurité juridique pouvait être difficilement concevable. L'identité juridique en pâtirait largement.Cela coïncideraitinévitablementà un bouleversement certain des rapports entre l'Etat et le citoyen. C'est ce qui fait dire à N. FOULQUIER que le principe de confiance légitime, dimension subjective de la sécurité juridique, est « le dernieravatar de la dégénérescencede la puissance publique »27(*).

Par ailleurs, reconnaître un droit subjectif à la sécurité juridique conduirait nécessairement à opérer une balance entre la légalité et les droits des administrés, étant entendu que le principe, même s'il est a priori porteur de sécurité dans les rapports juridiques peut parfois entrer en contradiction avec le principe de sécurité juridique. Logiquement une appréciation des situations juridiques au cas par cas s'imposerait alors, ce qui ne conforte véritablement l'idée d'un droit subjectif à la sécurité juridique. Au sens de la CJCE, dans la jurisprudence SNUPAT c/ Haute Autorité28(*), « le principe du respect de la sécurité juridique tout important qu'il soit, ne saurait s'appliquer de façon absolue, mais que son application doit être combinée avec celle du principe de légalité ; que la question de savoir lequel de ces principes doit l'emporter dans chaque cas d'espèce dépend de la confrontation de l'intérêt public avec les intérêts privés en cause ».

De même, un droit subjectif à la sécurité juridique serait, à certains égards,problématique. D'abord, la sécurité juridique est une notion polymorphe. Elle s'incarne en une multitude d'exigences. Il serait donc très difficile de circonscrire un éventuel droit à la sécurité juridique. Pour A. CRISTAU, une telle prérogative « semble difficilement admissibleau regard de la définition incertaine de la sécurité juridique »29(*). D'ailleurs, concrètement, un droit subjectif à la sécurité juridique nécessiterait un arbitrage entre des intérêts parfois contradictoires ; la sécurité juridique des uns ne coïncidant pas forcément avec la sécurité juridique des autres.La sécurité juridique en sa dimension subjective incarnée dans le principe de confiance légitime ne coïncide pas forcément avec le volet objectif de la sécurité juridique. Pour J. P. PUISSOCHET, « il peut arriver que le rejeton contredise l'aïeul, puisquela protection de la confiance légitime, en tant que limitation du pouvoir d'agir dans l'intérêt général au nom de la défense d'intérêts particuliers, peut aboutir à l'annulation d'actes légaux et induire ainsi un risque d'insécurité juridique »30(*).

Ensuite, la reconnaissance d'un droit subjectif à la sécurité juridique bouleverserait inévitablement les rapports entre le juge et l'administration. En effet, la mise en oeuvre de ce droit subjectif à la sécurité juridique nécessiterait une appréciation au cas par cas de la situation des administrés de la part du juge, ce qui va lui conférer des pouvoirs exorbitants au détriment de l'autorité administrative. Il serait même amener dans certaines hypothèses à apprécier l'opportunité des décisions administratives. Dès lors, par un étrange retournement de situation, ce pouvoir du juge peut heurter la sécurité juridique des administrés qu'il est censé garantir. C'est ainsi que, pour ANNE RAYNOUARD et ANNE-JULIE KERHUEL, « à partir d'un certain stade, le fait deconfier de trop larges pouvoirs au juge peut conduire à dépasser le simple degré d'ajustement nécessaire à une application appropriée et partant, sécurisée de la loi »31(*).

Enfin, une admission d'un droit subjectif à la sécurité juridique dans le chef des administrés serait de nature à multiplier les recours contre l'action de l'administration. Le prétoire du juge serait abondé par des requêtes parfois inopportunes et non souhaitables. La stabilité nécessaire de l'action administrative en serait largement menacée.Dans l'exercice de ce droit subjectif à la sécurité juridique, les administrés peuvent même remettre en cause la sécurité juridique objective en multipliant les recours. C'est ce qui fait dire à A. CRISTAU que la réticence par rapport à la reconnaissance d'un droit subjectif à la sécurité juridique ne saurait être mise sur le compte de la frilosité, mais « elle traduit, bien au contraire, le signed'une réflexion mesurée, la volonté de ne pas ouvrir une boite de pandore, de laquelle pourrait s'échapper un contentieux incontrôlable »32(*).

Certes, admettre un droit subjectif à la sécurité juridique serait de nature à heurter l'identité juridique du droit sénégalais qui s'est profondément inspiré de la tradition juridique française. Toutefois, dans un monde où domine l'idéologie libérale, les rapports entre l'administration et les administrés sont nécessairement appelés à évoluer dans le sens d'une plus large reconnaissance des droits publics subjectifs.Les droits publics subjectifs sont actuellement au coeur de la réflexion juridique en droit administratif surtout en Europe où pour diverses raisons l'idéologie individualiste devient un paradigme éminent dans le domaine du droit.

En Afrique et particulièrement au Sénégal, la reconnaissance des droits publics subjectifs est encore à l'état embryonnaire, mais il n'empêche qu'ils suscitent désormais un intérêt majeur tant en doctrine qu'en droit positif.Considéré aujourd'hui comme un élément essentiel de la politique de développement, le droit est appelé à jouer pleinement son rôle dans la course à l'émergenceéconomique. Il se met de plus en plus au service de la compétitivitééconomique. Protéger les droits subjectifs devient un enjeu capital de la politique d'investissement.

Ainsi, afin d'assurer la compétitive économique et promouvoir l'équité dans les rapports sociaux, le droit sénégalais intègre de plus en plus l'idée de sécurité juridique. Or la sécurité juridique n'a de sens que si elle peut fonder une action en justice.Pour reprendre la pensée de A. LEVADE, « logique autant que paradoxe de la sécurité juridique, le principe n'aurait de sens qu'à la condition d'être effectif, c'est-à-dire à la condition de pouvoir être invoqué devant un juge »33(*). Dans cette logique, l'idée de droit subjectif à la sécurité juridique ne parait pas si dénuée de sens.

Au regard des mutations profondes du droit administratif, en particulier sénégalais, la perspective d'une consécration d'un principe positif de sécurité juridique et de la reconnaissance d'un droit subjectif à la sécurité juridique reste largement envisageable.

* 27 N. FOULQUIER, Les droits publics subjectifs des administrés : Emergence d'un concept en droit administratif français du XIXème au XXème siècle, Thèse, Université Paris I, 2001, p.568

* 28 CJCE, 22 mars 1961,SNUPAT c/ Haute Autorité, Rec. p.103

* 29 A. CRISTAU, « L'exigence de sécurité juridique », Dalloz 2002, p.2814

* 30 J. P. PUISSOCHET, « Le principe de sécurité juridique dans la jurisprudence de la CJCE », op. cit.

* 31 ANNE RAYNOUARD, ANNE-JULIE KERHUEL, « Mesurer le droit à l'aune de la sécurité juridique », Georgetown Law and EconomicsResearchPaper, n°10-12, juillet 2010

* 32 A. CRISTAU, « L'exigence de sécurité juridique », Op. cit

* 33 A. LEVADE, « Propos introductifs : sécurité juridique », Op. cit

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