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La sécurité juridique en droit administratif sénégalais

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par Abdou Ka
Université Gaston berger de saint Louis - DEA droit public 2015
  

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Section 2 : Un principe de sécurité juridique en devenir

La sécurité juridique gagne en juridicité dans le contexte sénégalais sous l'impulsion de l'ordre communautaire et du juge de l'administration. En effet, principe essentiel de l'ordre communautaire, le principe de sécurité juridique envahit l'ordre juridique interne du fait de l'influence grandissante que celui-ci exerce sur le droit interne (Par. 1). Aussi, le juge interne, dans le cadre de son office, est d'un apport considérable dans ce processus de reconnaissance formelle de la sécurité juridique en droit positif (Par. 2).

Paragraphe 1: L'influence du droit communautaire

Dans l'ordre juridique communautaire, le principe de sécurité juridique occupe une place fondamentale. Issu du droit allemand, le principe de sécurité juridique constitue l'un des principes fondateurs de l'ordre communautaire européen. En effet, avec la loi fondamentale de 1949, le principe de sécurité juridique a été constitutionnalisé dans l'ordre juridique allemand sous le fondement du principe de l'Etat de droit. La loi fondamentale allemande fait du principe de l'Etat de droit la source directe de la normativité constitutionnelle. Selon la Cour de Karlsruhe, la sécurité juridique, impératif de valeur constitutionnelle, est la condition de l'effectivité de la loi fondamentale, le préalable nécessaire à l'exercice de la liberté et le corollaire direct de l'Etat de droit. D'ailleurs, le Tribunal administratif supérieur de Berlin, dans sa décision du 14 novembre 1956, affirme la prééminence du principe de confiance légitime, volet subjectif de la sécurité juridique, sur le principe même de légalité.

Ainsi, repris par le juge communautaire, le principe de sécurité juridique a été considéré comme « un principe général inhérent à l'ordre juridique communautaire »34(*). De même, selon la Cour européenne des droits de l'homme, « le principe de sécurité juridique estnécessairement inhérent au droit de la convention... »35(*). Sur des fondements certes différents, le juge de Luxembourg et le juge de Strasbourg consacrent le principe de sécurité juridique. Pour le premier, le principe de sécurité juridique trouverait son fondement dans le principe de l'Etat de droit et, pour le second, dans le principe de la prééminence du droit.

En droit français, du fait de l'application immédiate du droit communautaire, le juge administratif était amené à censurer pour non-respect du principe de sécurité juridique les actes administratifs pris en application de ce droit communautaire. Selon une jurisprudence constante, il rappelle que les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ne se trouvaient à s'appliquer que dans les domaines régis par le droit communautaire. C'est ainsi que le juge administratif de Strasbourg qui avait rendu une décision audacieuse, dans l'affaire Entreprise Freymuth36(*),en consacrant le principe de confiance légitime hors des domaines d'application du droit communautaire,a été désavoué, d'abord par la Cour d'Appel et, puis par le Conseil d'Etat37(*).

Dans la jurisprudence Simmental38(*), le juge communautaire pose explicitement que « tout juge national saisi dans le cadre de sa compétence a l'obligation d'appliquer intégralement le droit communautaire et de protéger les droits que celui-ci confère aux particuliers... ».Dès lors, le juge interne en appliquant le principe de sécurité juridique dans les domaines relevant de l'ordre communautaire ne fait que donner plein effet à l'obligation qui pèse sur lui d'appliquer intégralement le droit communautaire. D'ailleurs, en reconnaissant aux principes généraux du droit communautaire une valeur supérieure à celle des lois au même titre que les traités dans l'arrêt Syndicat national de l'industrie pharmaceutique et autres39(*), le juge administratif français ne fait que s'aligner sur la position du juge communautaire et, partant, se prête mieux à accueillir le principe de sécurité juridique en droit interne.

Par ailleurs, même en dehors des domaines d'application du droit communautaire européen, il reste que son influence est largement perceptible dans le processus de consécration de la sécurité juridique en droit positif français.En effet, du fait du phénomène de mondialisation du droit, aucun ordre juridique ne peut persister à s'enfermer sur lui-même.L'ouverture vers d'autres horizons juridiques devient la règle dans un monde marqué par un processus d'uniformisation irréversible. Le droit administratif d'inspiration française ne pouvait dès lors rester insensible à ce phénomène. Certes, l'identité du système juridique pâtirait largement d'une telle ouverture, mais pour s'adapter à un monde mouvant, le droit administratif français doit irrémédiablement s'inscrire dans « un processus de recomposition sur des bases nouvelles »40(*). Ce processus de recomposition du droit administratif va conduire à une consécration du principe de sécurité juridique en droit interne. Ainsi, dans son arrêt Société KPMG et autres41(*), le juge administratif français reconnaît formellement le principe de sécurité juridique. En l'espèce, il dispose que les perturbations excessives apportées aux relations contractuelles en cours par les mesures incriminées étaient « contraires au principe de sécurité juridique ». A travers cette jurisprudence, le juge administratif français franchit le rubiconaprès avoir été longtemps resté réticent à l'idée d'intégrer le principe de sécurité juridique dans l'ordre positif. Ce revirement de jurisprudence confirme l'idée selon laquelle il y a « uneambiance européenne »42(*), pour reprendre la formule de FLORENCE CHALTIER, qui plane sur la juridiction administrative française. Cependant, la prudence est de mise quant à la volonté du juge de reconnaîtreun principe général de sécurité juridique.Au sens de D. TRUCHET, « le Conseil d'Etat a fait de la sécurité juridique un principe, sans le designer formellement comme un principe général du droit »43(*).

En droit sénégalais, il convient de souligner que l'influence du droit communautaire sur le processus de réception de la sécurité juridique en droit positif s'est fait également sentir. Dans un contexte de sous-développement, l'un des premiers objectifs des organismes communautaires comme la CEDEAO et l'UEMOA fut de faciliter les investissements dans l'espace sous régional. Pour atteindre cet objectif, il convenait donc d'instaurer un cadre juridique et judiciaire sûr pour l'investisseur potentiel. Ainsi, par la théorie de l'immanence, il est possible d'affirmer que la sécurité juridique est un objectif essentiel du droit communautaire. Dès lors, le juge sénégalais, dans le cadre de son office, ne pouvait rester insensible aux avancées de sécurité juridique en droit communautaire.Selon l'avis rendu par la Cour de justice de l'UEMOA le 18 Mars 2003,« la primauté bénéficie à toutes les normescommunautaires, primaires comme dérivées, immédiatement ou non, et s'exerce à l'encontre de toutes les normes nationales administratives, législatives, juridictionnelles et, même constitutionnelles parce que l'ordre communautaire l'emporte dans son intégralité sur les ordres juridiques nationaux ». Dans cette logique, le juge sénégalais est nécessairement lié par l'état du droit positif dans l'espace communautaire, ce qui implique que la progression de l'exigence de sécurité juridique en droit communautaire conduira éventuellement à une prise en compte conséquente de celle-ci en droit interne.

Du reste, les rédacteurs du traité constitutif de l'OHADA ont eu pour objectif essentiellement d'assurer la sécurité juridique et judiciaire en mettant en place, comme le rappelle le préambule dudit traité, « un droit des affaires simple, moderne et adapté afin de faciliter l'activité des entreprises ». Il revient donc à l'autorité administrative de veiller à ce que les décisions qu'il prend dans le domaine économique n'entravent en rienla bonne marche des affaires. Le juge sénégalais ne saurait dès lors faire abstraction de cette prescription au regard de l'avis consultatif de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA du 30 Avril 2001, ce qui va le conduire inévitablement à renouveler son office en ce sens qu'il sera amené à prendre en considération l'impératif de sécurité juridique.

Il apparaîtclairement que le principe de sécurité juridique occupe une place de choix dans l'ordre juridique communautaire même si les conflits entre normes communautaires en Afrique sont à certains égards facteurs d'insécurité juridique44(*).D'ailleurs, « le droitcommunautaire, parce que détaché des contingences politiques nationales, est censé être plus technique et neutre, et donc, favorable à la sécurité juridique »45(*).

Il est évident que la sécurité juridique est devenue un principe essentiel dans l'ordre juridique communautaire.Ainsi, parce que l'influence du droit communautaire sur le droit interne devient une réalité, le principe de sécurité juridique gagne en juridicité dans l'ordre positif sénégalais. Aussi, l'oeuvre du juge interne, qu'il soit administratif ou constitutionnel, participe largement de ce processus de consécration formelle de la sécurité juridique en droit sénégalais.

* 34 CJCE, 10 février 2000,Schroder, aff. C-50/96, Rec. p.619

* 35 CEDH, 13 juin 1979,Marckx c/ Belgique, Série A, n°31

* 36 TA, 08 Décembre 1994, Entreprise personnelle Transports Freymuth, AJDA, 1995, p.555

* 37 CE, 09 Mai 2001, Entreprise personnelle Transports Freymuth, Req. N°210944 ; D. 2001, IR, p.2090

* 38 CJCE, 09 mars 1978, Simenthal, aff.106/77

* 39 CE, 03 Décembre 2001, Syndicat national de l'industrie pharmaceutique et autres, RFDA 2002, p.166, note P. CASSIA

* 40 JACQUES CAILLOSSE, « Sur quelques problèmes actuels du droit administratif français », op.cit.

* 41 CE, Ass., 24 Mars 2006, Société KPMG et autres, op. cit

* 42 FLORENCE CHALTIER, « Droit au recours contre un contrat administratif : sécurité juridique renforcée, respect du droit européen anticipé », LPA n°167, 2007, .p03

* 43 D. TRUCHET, Droit administratif, PUF, Thémis droit, 4ème éd., 2011, Paris, p.159

* 44 Actes du Colloque sur la concurrence des organisations régionales en Afrique, organisé par les Universités Montesquieu-Bordeaux IV et Cheikh Anta Diop de Dakar, Bordeaux 28 septembre 2009

* 45 P. T. FALL, « Normes communautaires et sécurité juridique », Nouvelles Ann. Afr., n°1, p.O7

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