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La sécurité juridique en droit administratif sénégalais

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par Abdou Ka
Université Gaston berger de saint Louis - DEA droit public 2015
  

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Paragraphe 2 : La promotion d'une véritable discipline dans le processusnormatif

Pour que la norme juridique puisse remplir convenablement sa fonction dans la société, il est nécessaire de promouvoir une véritable discipline dans l'élaboration et l'application des règles juridiques. Une production normative débridée, doublée d'une application non maitrisée des règles de droit, conduit à un désordre facteur d'angoisse juridique pour les justiciables.Cette discipline dans le processus normatif doit s'analyser d'abord en une autodiscipline de la part du jurislateur. Aussi, elle implique l'instauration d'un mécanisme autonome de régulation du système de production, de diffusion et d'application du droit.

L'autodiscipline en matière d'exercicedu pouvoir normatif renvoie à l'idée selon laquelle le titulaire de ce pouvoir dans la société doit garantir de son propre chef et sans l'intervention d'aucune autre force régulatrice une production normative de qualité et faciliter une juste application des règles juridiques. Le jurislateur se doit d'intégrer tout un ensemble de contraintes liées à la qualité de la norme, mais aussi à la bonne exécution des obligations juridiques.

Du côté du législateur, l'autodiscipline s'est traduite ces dernières années par, d'une part, un regain d'intérêt non négligeable pour la qualité de la loi, d'autre part, par une attention soutenue aux rapports entre la loi et le temps. D'un côté, il s'agissait d'assurer une législation de qualité, condition essentielle pour la légitimation de la loi, d'un autre, il convenait de replacer l'aspect temporel au coeur du processus législatif.

Longtemps considérée comme intouchable, car étant une émanation de la volonté générale, la loi perd de sa sacralité pour se plier à la logique managériale. Elle ne porte plus en elle-même sa légitimité, elle ne l'acquiert que post-évaluation. Elle ne sera considérée comme légitime que si, d'abord, elle est justifiée, si elle présente des qualités rédactionnelles indéniables, et,enfin, si elle prend en considération le facteur temps dans son application afin de ne pas brusquer les droits ni même les attentes légitimes des justiciables.

Grosso modo, l'autorité législative doit s'orienter vers une utilisation rationnelle de son pouvoir normatif. Le législateur se doit de s'appliquer une méthode rigoureuse dans l'exercice de son pouvoir normatif. Un pouvoir législatif qui s'exercerait de manière non maitrisée risquerait de dévoyer la norme législative. Tout compte fait, il apparaît que la promotion d'une certaine autodiscipline chez le législateur constitue un gage d'acceptabilité et d'efficacité de la loi. C'est dans cette logique que s'inscrit l'élaboration d'un Guide d'élaboration des textes législatifs et règlementaires95(*).

Dans la même logique, l'autorité administrative a développé tout un ensemble de pratiques afin de garantir la sécurité juridique des administrés dans l'exercice du pouvoir règlementaire. L'administration, dans le souci de préserver les intérêts des administrés et satisfaire efficacement la mission d'intérêt général qui lui incombe, s'est orientée vers de nouvelles techniques d'élaboration des normes. Il ne s'agit plus de s'emmurer dans des abstractions juridiques, mais de concilier la norme avec sa finalité essentielle, c'est-à-dire régir efficacement les rapports sociaux.

Ainsi, le rapport Lasserre96(*) a constitué pour le gouvernement français un viatique assez intéressant dans la quête d'un droit de qualité. Par ce rapport, il convenait de mettre à nu toutes les dérives de la règlementation pour, le cas échéant, proposer les solutions idoines à cette crise de la normativité. L'autorité administrative consciente de l'ampleur de la crise normative cherchait à en limiter les effets en s'imposant une certaine conduite dans l'élaboration et l'application des actes administratifs.

Toutefois, tant pour le législateur que pour l'autorité règlementaire, l'idée d'autodiscipline dans la production et l'application des normes est apparue illusoire. La discipline normative laissée au bon vouloir des autorités normatives serait précaire. Dès lors, il convient de mettre en place un système contraignant de nature à garantir une véritable sécurité juridique dans le processus d'élaboration et de mise en oeuvre des normes.

Un système sécurisé de fabrication des normes passe nécessairement par l'instauration d'un mécanisme autonome de régulation du processus normatif sous le contrôle du juge. Conçue pour garantir l'ordre et la justice dans les relations sociales, la règle de droit ne saurait dévier de cette logique sans perdre sa raison d'être. Donc, afin de veiller à ce qu'elle remplisse convenablement sa fonction au sein de la société, il serait utile d'envisager des gardes fous dans son processus d'élaboration.

Au niveau communautaire, l'accord interinstitutionnel du 2009 octobre 2009 dit « Mieux légiférer » a constitué un jalon important dans le processus de rationalisation de la norme. Par cet accord, le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont souscrit des engagements mutuels qui promeuvent une meilleure coordination du processus législatif, la promotion des modes de régulation alternatifs à l'adoption de règles de droit nouvelles et le développement de la pratique des études d'impact qui avait même fait l'objet d'une recommandation de l'OCDE aux Etats membres dans son Rapport de 199797(*).

En France, l'exigence d'étude d'impact en matière législative a été constitutionnalisée depuis 2008. L'étude d'impact vise à établir l'utilité de la norme. Désormais, une loi ne sera considérée comme bonne que si l'évaluation préalable dans le cadre de l'étude d'impact établit sa nécessité. Dans le système sénégalais un tel dispositif juridique n'existe pas, mais il reste que dans certains domainescomme en matière environnementale, l'étude d'impact est souvent prévue.

L'évaluation préalable doit ainsi être intégrée dans la politique d'élaboration des normes. Elle servira à limiter l'inflation normative en ce sens que seules les règlesnécessaires et utiles seront adoptées. L'instillation d'une culture de l'évaluation préalable dans le processus normatif redonnerait à la règle de droit sa sacralité d'antan dans la mesure où elle implique le rejet de toute forme de banalisation de la norme juridique.

Aussi, le processus d'élaboration de la norme doit être strictement encadré afin d'assurer sa qualité tant rédactionnelle qu'au regard de son contenu. Du point de vue du législateur, cela implique une rationalisation du travail parlementaire, mais aussi de veiller à ce que la loi ne soit pas dévoyée.

La réforme du travail parlementaire passe par une délimitation claire des compétences du législateur et par une rénovation de la procédure législative. Pour J. L. DEBRE, il faudrait mieux former les parlementaires, et notamment à la distinction entre domaine de la loi et domaine du règlement98(*). Aussi, un encadrement strict du droit d'amendement s'impose afin de garantir la qualité de la loi. Tout cela pour dire que la discipline normative implique pour le législateur une véritable refonte des conditions d'élaboration de la loi. Le rapport au PM à la suite du Rapport du Conseil d'Etat français de 2006 conclura, à ce propos, que « la clé detout progrès en ce domaine réside dans une réforme des méthodes du travail gouvernemental qui permette à l'autorité politique de se prononcer, dans de meilleures conditions que ce n'est aujourd'hui le cas, sur l'opportunité de recourir à des règles de droit nouvelles »99(*).

Du côté de l'autorité administrative, une meilleure prise en compte de la valeur de sécurité juridiqueappelle un remodelage des pratiques administratives. D'abord, la question des délais pose un débat de fond dans les rapports entre l'autorité administrative et l'administré. Aussi, le mécanisme du régime transitoire doit être encouragé afin de garantir aux justiciables un environnement juridique sûr.

Sans aucun doute, à l'heure actuelle, la promotion d'une certaine discipline dans l'élaboration, la diffusion et l'application de la norme constitue un enjeu essentiel des rapports entre la puissance publique et les justiciables. La valeur de sécurité juridique comme régulatrice du pouvoir normatif appelle une certaine discipline de la part des pouvoirs publics dans la conception et la mise en oeuvre de la norme. Il est clair qu' « il en va aujourd'hui du crédit de la parole de l'Etat que de repenser le processus normatif afin de l'adapter au défi de l'inflation normative »100(*).

En ce qu'elle est un remède contre le désordre du droit et un principe régulateur des rapports entre l'Etat et les particuliers, la sécurité juridique constitue une valeur essentielle du système juridique. Elle n'a reçu certes aucune consécration juridique en tant principe positif en droit sénégalais malgré les quelques remous, mais il reste qu'elle demeure une valeur de régulation de l'ordre juridique non négligeable. Aussi, même si la sécurité juridique reste un principe clandestin dans l'ordre positif, il n'en demeure pas moins qu'elle est implicitement garantie en droit sénégalais à travers ses applications essentielles.

* 95 Guide d'élaboration des textes législatifs et réglementaires, La Documentation française 2005

* 96 Rapport M. BRUNO LASSERRE, « Pour une meilleure qualité de la réglementation », La Documentation française, Paris, 2004

* 97 OCDE, L'analyse de l'impact de la réglementation, Meilleures pratiques dans les pays de l'OCDE, Paris, 1997

* 98 J. L. DEBRE, intervention lors de la journée d'étude du Centre de recherche de droit constitutionnel, Université Paris I, « La réforme du travail parlementaire », 25 Mars 2005

* 99 Rapport au PM du Groupe de travail chargé d'une réflexion sur les suites du Rapport public 2006 du CE, Juin 2006,

* 100 Rapport au PM du Groupe de travail chargé d'une réflexion sur les suites du Rapport public de 2006 du CE, Op. cit, p. 5

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo