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Le juge de l'excès de pouvoir au Congo

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par Edson Wencelah TONI KOUMBA
Ecole Nationale dà¢â‚¬â„¢Administration et de Magistrature - Diplôme de là¢â‚¬â„¢ENAM (Option Magistrature, cycle Supérieur)  2011
  

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B)-La quasi absence des applications jurisprudentielles et les raisons de cette rareté.

De nos jours les applications jurisprudentielles portant sur l'annulation d'un acte contraire au droit C.E.M.A.C par le juge communautaire sont quasi inexistante (1). Cette rareté est liée à certaines raisons (2).

1-La quasi inexistence d'une jurisprudence portant sur l'annulation des actes administratifs par le juge C.E.M.A.C.

Dans l'espace C.E.M.A.C, les relations entre le juge communautaire et le juge national (plus précisément le juge de l'excès de pouvoir pour notre cas) ne se sont pas encore solidifiées. Certains auteurs dans la doctrine ont estimé que, leurs rapports glissent de plus en plus vers un terrain des interactions entre l'exercice d'une justice nationale autonome (gage d'une souveraineté étatique) et la conformité à la règle de justice communautaire (volonté manifeste de l'adhésion au cadre sous régional).

C'est ainsi que l'annulation des actes administratifs est souvent considérée comme un domaine sensible -même au plan national-, l'action administrative étant la voie par excellence de la réalisation des projets politiques. La jurisprudence de la Cour de justice C.E.M.A.C en la matière est quasi inexistante.

Toutefois, l'affaire Calmine Bourguiba135(*) est un spécimen qui illustre bien nos développements. En l'espèce, Dame Calmine de nationalité tchadienne s'étant vue refuser le droit de séjour en territoire gabonais par une décision du Ministère de l'intérieur gabonais, a attaqué la décision devant le juge communautaire estimant que l'acte violait les dispositions communautaires notamment l'article 4.e du Traité instituant la C.E.M.A.C qui supprime « entre Etats membres les obstacles à la libre circulation des personnes (...) ». Rejetant la requête de Dame Calmine, le juge communautaire a estimé qu'il n'appartenait pas à la juridiction communautaire d'apprécier l'étendu des impératifs de sécurité nationale des Etats membres. En effet, à la lecture des faits, il était clairement établit que le refus du Ministre de l'intérieur gabonais était fondé sur des raisons de sécurité intérieure car, Dame Calmine était fiché par les services de sûreté territoriales gabonaises comme une trafiquante des produits stupéfiants.

Toutes proportions gardées transposé dans le cadre du droit communautaire européen, cette affaire présente des similitudes avec l'arrêt du Conseil d'Etat Français (CE. Ass. 22 déc. 1978, Ministère de l'intérieur c/ D. COHN-BENDIT)136(*) . En l'espèce, Daniel COHN-BENDIT de nationalité allemande avait fait l'objet d'un arrêté d'expulsion par le ministre de l'intérieur français le 25 mai 1968 en raison de sa participation active aux événements de mai 1968. Ayant demandé au ministre d'abroger cet arrêté, un refus lui fut opposé, c'est donc ce refus qu'il déféra devant le juge administratif au motif que ledit arrêté et le refus étaient contraires à l'article 6 de la directive du Conseil des Communautés européennes n°64/221 du 25 février 1964.

Le Conseil d'Etat a adopté une solution radicale en jugeant « qu'une directive communautaire n'a pas d'effet direct dans les Etats membres de la Communauté et qu'elle ne peut être invoquée par un particulier à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif individuel »137(*). Cette position du Conseil d'Etat français a été qualifiée de « révolte, rébellion, insurrection, hostilité à la suprématie nécessaire du droit et au juge européen »138(*).

L'intérêt de cette comparaison est double Ó

-D'une part elle nous permet d'établir que contrairement au droit communautaire européen, les directives de la C.E.M.A.C ont comme nous l'avons susmentionné un effet direct dans les Etats membres.

-D'autre part, elle montre que c'est dans des questions de sécurité, d'ordre public, d'environnement que souvent les normes communautaires entrent en conflit avec les priorités des Etats membres.

2-Les raisons de l'absence des applications jurisprudentielles.

La contrariété entre les impératifs liés à la souveraineté nationale et les exigences communautaires est la principale raison de la quasi absence d'une jurisprudence uniforme émanant du juge communautaire. En effet, il est souvent difficile pour un Etat membre d'aliéner une partie de ses fonctions régaliennes (telle que la justice) au profit de la communauté.

A ce sujet, la position de la Cour suprême a varié selon qu'elle était saisi pour avis s'agissant de la conformité des traités O.H.A.D.A et C.E.M.A.C. à l'Acte fondamental de 1997.

C'est ainsi, que dans son avis du 1er octobre 1998, elle a estimé que Ó « les articles 14 al.3, 4,5 et 16, 18, 20,25 du traité O.H.A.D.A. encourent le grief de ne pas être conformes à l'Acte Fondamental (...) notamment en ses articles 71 et 72 », car « la fonction de juger, qu'elle soit exercé par les juridictions de première instance ou d'appel ou par la Cour Suprême, est une fonction constitutionnelle en même temps qu'elle est l'expression de la souveraineté et de l'indépendance nationales ». Ainsi donc a conclu le juge Ó « le pouvoir de rendre exécutoire sur le territoire national une décision jurisprudentielle rendue par une juridiction étrangère ou une sentence arbitrale (leur) appartient et procède également de la souveraineté et de l'indépendance nationales »139(*).

Mais, le juge suprême n'a pas eu le même raisonnement lorsqu'il a été saisi sur la conformité du traité additif C.E.M.A.C du 5 juillet 1996 à l'acte fondamental. Il « n'a pas dit que la monnaie, les compétences législatives et la Cour de justice communautaire prévues par ce traité violent la norme fondamentale, car ces matières appartiennent et procèdent également de la souveraineté et de l'indépendance nationale »140(*).

Dans son analyse, le Pr. Placide MOUDOUDOU estime que la seconde position du juge est plus compréhensive que la première Ó « les compétences exorbitantes reconnues à [une juridiction communautaire] par le traité ne sont pas incompatibles à l'existence d'un pouvoir judiciaire au Congo (...), la réalisation du processus d'intégration dans la sous région d'Afrique centrale passe par la remise en cause de certains principes »141(*).

Outre cette raison principale, on peut citer le fait que les Etats membres, le Congo y compris, ne se sont pas encore imprégné des règles communautaires, leur expériences de la justice communautaire étant encore à leur début.

Au regard de tout ce qui précède, il convient de retenir qu'au Congo, l'identification du juge de l'excès de pouvoir renvoie d'abord et avant tout à la Chambre administrative de la Cour Suprême. Cette compétence exclusive qu'elle a héritée du Conseil d'Etat a été consacrée et pérennisée par le législateur durant ces décennies post-indépendance.

Mais, un examen plus approfondi de la question relative à l'identification du juge de l'excès de pouvoir au Congo conduit forcément à prendre en compte d'autres organes juridictionnels ayant une compétence exceptionnelle dans l'annulation de certains actes. Tel est le cas de la Cour constitutionnelle et de la Chambre judiciaire de la Cour de justice C.E.M.A.C. Ces mutations sont liées à l'extension de l'action administrative et aux incidences du droit constitutionnel et communautaire, le contrôle juridictionnel des actes de l'administration au Congo étant désormais à la croisée des chemins des matières du droit public. Cependant, l'exercice d'un tel contrôle n'est pas exempt de difficultés tous ordres. Aussi l'objectif des lignes qui vont suivre sera de proposer des pistes de solution après avoir relevé quelques unes de ces difficultés.

Au Congo, bien avant l'indépendance jusqu'à nos jours, les droits et libertés des citoyens ont toujours été garantis contre l'arbitraire administratif par le biais du recours pour excès de pouvoir. Ce recours a été considéré dans la doctrine comme Ó « la plus merveilleuse des créations des juristes, l'arme la plus efficace, la plus pratique, la plus économique qui existe au monde pour défendre les libertés »142(*).

Cependant, dans l'exercice de cette entreprise, le juge se trouve confronté à de nombreuses difficultés. Certaines d'entre elles sont typiques à la chambre administrative de la Cour Suprême (juge naturel du recours pour l'excès de pouvoir) et d'autres ont trait aux autres organes juridictionnels ayant dans des cas exceptionnels compétence pour annuler certains actes de l'administration (Chapitre I).

Malgré toutes ces difficultés, certains auteurs ont présagé un avenir plein d'espoir pour le juge en charge de ce recours. Ces mots de J. Rivero en sont révélateur : « D'aucuns soutiendront que le temps présent est mal choisi pour pousser plus en avant la lutte contre l'arbitraire, et donner à l'évolution du recours pour excès de pouvoir, un nouveau départ, sur la voie de l'efficacité, [mais] le recours n'a pas dit son dernier mot, et l'avenir reste ouvert : faite confiance au libéralisme du juge »143(*). Mais, cet espoir reste tributaire d'une amélioration ou d'un renforcement des potentialités de ce juge dans l'exercice d'un contrôle efficace et effectif, tel sera l'objet de nos suggestions (Chapitre II).

* 135 C.J CEMAC Ch.jud. 15 avril 2001, Calmine Bourguiba.

* 136C.E. 22 décembre 1978, Ministre de l'intérieur c/ Cohn-Bendit G.A.J.A op cit p.644

* 137 CE 22 décembre 1978, Ministre de la justice c/ Cohn-Bendit G.A.J.A op cit

* 138 Idem

* 139MOUDOUDOU (P), op cit p.81 et 82

* 140 C.S. Avis n.31 du 15 septembre 1998, Traité CEMAC

* 141 MOUDOUDOU (P) , op cit p.82

* 142BAILLEUL (D) op cit p.1

* 143 RIVERO (J), Extrait du Huron au palais royal ou réflexions naïves sur REP, Dalloz 1962, p.37

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault