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Le juge de l'excès de pouvoir au Congo

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par Edson Wencelah TONI KOUMBA
Ecole Nationale dà¢â‚¬â„¢Administration et de Magistrature - Diplôme de là¢â‚¬â„¢ENAM (Option Magistrature, cycle Supérieur)  2011
  

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CHAPITRE I : LES DIFFICULTES DANS LA CONNAISSANCE DU RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR AU CONGO.

Par difficultés, on entend l'ensemble des obstacles (juridiques, sociaux, économiques...) qui empêchent le juge d'exercer efficacement le recours pour excès de pouvoir. Elles peuvent être endogènes ou exogènes au système judiciaire congolais.

Certaines de ces difficultés sont propres à la chambre administrative de la Cour Suprême (Section1), alors que d'autres ont trait aux juges de l'excès de pouvoir par exception (Section2).

SECTION I : DIFFICULTES TYPIQUES A LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE DE LA COUR SUPREME, JUGE NATUREL DE L'EXCES DE POUVOIR.

En 1962, le législateur congolais rejetait le système dualiste de l'ex-métropole et instituait par deux lois prises le même jour (20 janvier 1962) une polyvalence du juge (au premier et au second degré) et une spécialisation du juge administratif suprême.

Mais à bien y voir, cette spécialisation fonctionnelle n'est que de façade, car la chambre administrative de la Cour Suprême qui a reçu du fait de la loi, une compétence d'attribution pour connaître du contentieux de l'excès de pouvoir est confrontée à bien de difficultés. En réalité, elle n'est qu'une formation composée essentiellement des magistrats au profil judiciaire non spécialisé, de plus elle évolue dans un système moniste mal adapté à un exercice efficace du recours pour excès de pouvoir (§1). Enfin, elle travaille dans des conditions précaires et est en proie à une concurrence due à l'émergence des organes non juridictionnels (§2).

Paragraphe1 : Une formation composée des juges non spécialisés évoluant dans un système mal adapté au recours pour excès de pouvoir.

Le recours pour excès de pouvoir est une création prétorienne résultant des textes révolutionnaires français notamment : l'article 13 de la loi des 16-24 avril 1790, l'article 9 de la loi 24 mai 1872 et le décret du 16 Fructidor an III qui dispose « Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaitre des actes administratifs de quelqu'espèce qu'ils soient ».

Ce contentieux a été créé pour être exercé dans un système dualiste par des juges spécialisés dans le contentieux administratif.

Or, il apparaît que dans le domaine du contentieux administratif en général et du recours pour excès de pouvoir en particulier, le système congolais a fait « une mauvaise photocopie »144(*) du modèle français. En effet, si ce système par sa nature semble mal adapté pour l'exercice efficace de ce recours (B), l'organe compétent en la matière est composé des juges au profil judiciaire qui ne connaissent de ce contentieux qu'en fin de leur carrière (A).

A)-Une formation composée de juges au profil judiciaire qui ne connaissent de l'excès de pouvoir qu'en fin de carrière.

La chambre administrative de la Cour Suprême est composée, de juges «essentiellement judiciaires »145(*) dépourvus d'une véritable formation spécialisée en matière administrative (1) et qui ne connaissent de ce contentieux qu'en fin de carrière (2).

1-Des juges essentiellement judiciaires dépourvus d'une véritable formation spécialisée.

Plusieurs auteurs dans la doctrine ont fustigé la formation des magistrats dans les pays d'Afrique noire issue de la colonisation française du fait qu'elle était essentiellement orientée vers le droit privé. Certains se sont demandés si l'option du monisme juridictionnel supprimait la  somma division  ou la spécialisation dans la formation de ces magistrats ?

Parmi les tenants de cette doctrine, le Professeur BENOIT estime que : « Nul n'est bon juge que de ce qu'il connaît, et pour juger l'administration, il faut donc la connaître. Or il est impossible de demander au même homme d'avoir, à la fois, la connaissance des problèmes qui naissent des rapports des particuliers entre eux, d'une part, et des rapports des particuliers et de l'administration d'autre part. L'administration est un monde complexe dont la connaissance requiert une étude particulière et que nul ne peut comprendre, et donc connaître, s'il ne l'a étudiée »146(*).

De son côté, D.Chabanol écrit : « le contrôle de l'administration est un métier spécialisé qui exige une formation spécifique et des habitudes intellectuelles particulières car, le droit administratif présente des caractéristiques qui justifient un juge particulier »147(*).

Dés lors, que peut-on attendre des juges qui n'ont pas une formation suffisante en contentieux administratif et qui malheureusement se trouvent en face d'un litige administratif ? 

A priori, la réponse à cette question est que pour ces juges, la tentation sera naturellement de privatiser les litiges administratifs. En ce sens, le Pr. BENOIT poursuit : « Si des juges judiciaires devaient connaître des litiges administratifs, ils plaqueraient sur les problèmes administratifs des solutions de droit civil (...) Le risque est grand de voir disparaître le droit administratif au profit du droit civil. Cela mènerait à la disparition de tout contrôle juridictionnel de l'administration parce que le juge judiciaire aura toujours en face du contentieux administratif des réactions commandées soit par son inadaptation, soit par son hostilité à l'administration »148(*).

Ces critiques qui peuvent paraître virulentes, sont confortées par un examen objectif du cadre de formation des magistrats congolais appelés un jour à connaître du recours pour excès de pouvoir. En effet, que constatons-nous dans cette formation ?

Avant la création de l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature (E.N.A.M) en 1980, les magistrats congolais étaient formés à l'Ecole Nationale de Magistrature (E.N.M) de Paris. Notons que cette école forme spécialement des Magistrats destinés aux juridictions de l'ordre judiciaire alors que ceux de l'ordre administratif sont formés à l'E.N.A (Ecole Nationale d'Administration).

En 1980, il est créé une Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature au Congo. Cependant, cette école locale ne prend pas en compte la volonté du législateur qui avait en 1962 opté pour un système unitaire de juridiction autrement dit une formation tournée vers une symbiose (droit public/droit privé) favorisant au mieux la polyvalence. La formation des Magistrats au sein de cette école reste axée sur le droit privé.

Aujourd'hui, plus de trois décennies après la création de cette école, le gouvernement manifestant une volonté de renforcer le corps de la magistrature a procédé par la réouverture de la filière magistrature au sein de cette école.

Cependant, bien que l'accès soit réservé uniquement à des jeunes sortis directement des facultés de droit, force est de noter que dans leur formation, les mêmes erreurs du passé ont été reprises.

En effet, alors qu'une partie de ces jeunes diplômés est formée au pays (à l'E.N.A.M), une autre est envoyée à l'E.N.M de Bordeaux (école de formation des Magistrats de l'ordre judiciaire), alors que le Congo ayant opté pour un système moniste de juridiction a besoin aussi bien des magistrats de formation judiciaire que de formation administrative.

De même, la formation des magistrats au niveau national reste plus axée sur le droit privé et est dépourvue d'une véritable pratique. La filière magistrature au sein de l'E.N.A.M ressemble plus à un prolongement du département de droit privé de la faculté de droit de l'Université Marien N'GOUABI. Pour s'en convaincre, il suffit de voir la grille des matières dispensé en première et en deuxième années dans cette filière Ó

-En première année : sur près d'une vingtaine de matières, seules deux (2) relèvent du droit public (Contentieux administratif et Droit financier), tandis que dix huit (18) relèvent du droit privé.

-En deuxième année : sur près de douze matières, seules deux (2) relèvent du droit public tandis que dix (10) relèvent du droit privé.

Il résulte donc de ce constat que les matières du droit public ne constituent que 8% de l'ensemble des enseignements dispensés à ces futurs magistrats appelés à évoluer dans un système juridictionnel polyvalent. Le reste, soit 92% de ces enseignements restent axés sur le droit privé.

Cette analyse vient confirmer les mots du Président Auguste ILOKI qui reconnait que : « les magistrats qui siègent en matière administrative sont tous issus du moule judiciaire »149(*). Il ne reste plus qu'à jouer sur la carte de l'expérience comme le conseille le Professeur Placide MOUDOUDOU en ces termes : « Certes, un personnel, même non spécialisé à l'origine, peut parfaitement acquérir le minimum de formation nécessaire pour trancher valablement les litiges administratifs, s'il consacre toute son activité à cette tâche »150(*).

A ce défaut de spécialisation, il faut noter que seuls les magistrats qui auront le privilège d'être nommés à la Cour Suprême et affectés à la Chambre administrative pourront en fin de carrière connaître du contentieux de l'excès de pouvoir.

2-Des juges qui ne connaissent de ce contentieux qu'en fin de carrière.

L'ancienneté est le premier critère de nomination à la Cour suprême en générale et partant à la chambre administrative. En effet, l'article 3 (nouveau) de la loi n° 15-99 du 15 avril 1999 portant statut de la magistrature, parlant des magistrats de la Cour Suprême dispose en son alinéa 2Ó « Ils doivent attester d'une ancienneté d'au moins quinze années effectives passées dans les juridictions ou les institutions centrales de l'Etat. » et l'article 9 de la loi n°17-99 du 15 avril 1999 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême dispose : « Sont nommés à la Cour Suprême les magistrats hors hiérarchie ou du premier grade ayant au moins quinze années effectives dans les juridictions ou dans les institutions centrales de l'Etat ».

Les magistrats qui sont nommés à la Cour Suprême et affectés à la chambre administrative sont avant tout des « magistrats hors hiérarchie ou du premier grade remplissant en outre les critères d'ancienneté dans la profession »151(*). Au cours de leur carrière, ils passent en raison de leur polyvalence au minimum quinze années dans les différentes juridictions inférieures (Tribunaux de Grande Instance, Cours d'Appel...) et connaissent toute sorte de contentieux (civil, pénal, commercial, social, administratif...). Ce n'est qu'en fin de carrière et s'ils sont nommés à cette Chambre qu'ils apprendront à statuer sur le recours pour excès de pouvoir. Par la force des choses, ils ne deviennent potentiellement juge de l'excès de pouvoir que le jour même de leur nomination.

Les articles 3 (nouveau) et 9 précités, parlent de « l'expérience » comme un critère primordial dans la nomination des magistrats à la Cour Suprême (donc à la Chambre administrative). Pourtant en matière d'excès de pouvoir, ces juges n'ont aucune expérience puisqu'ils n'ont jamais connu de ce contentieux durant toute leur carrière. De même, l'expérience ne s'acquiert qu'avec le temps or, une question se pose : avant que ces juges qui sont nommés n'acquièrent cette expérience, sur quelles bases tranchent-ils les cas d'excès de pouvoir qui leur sont soumis?

* 144 MOUDOUDOU (P), Le Droit Administratif Congolais. L'Harmattan 2003 p.79

* 145 Idem p.11

* 146 BENOIT (F.P), Juridiction judiciaire et juridiction administrative, JPC I, 1964 n.1838 p.154

* 147 De CHABANOL, Le juge administratif, LGDJ, 1993. P.27

* 148 BENOI (F.P) op cit p.24

* 149 ILOKI (A), op cit p.8

* 150 MOUDOUDOU (P), op cit p.84

* 151 Article 8 al.2 de loi n.16/99 du 15 avril 1999 portant institution du CSM in Rec des textes p.671

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo