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Le juge de l'excès de pouvoir au Congo

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par Edson Wencelah TONI KOUMBA
Ecole Nationale dà¢â‚¬â„¢Administration et de Magistrature - Diplôme de là¢â‚¬â„¢ENAM (Option Magistrature, cycle Supérieur)  2011
  

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B)- Le système juridictionnel congolais, un système mal adapté au recours pour excès de pouvoir.

En matière du contrôle juridictionnel des actes administratifs tout comme pour l'ensemble du contentieux administratif, le système congolais semble faire application à la fois d'une chose et de son contraire. En effet, depuis l'intervention des premiers textes (constitution du 2 mars 1961, les lois n°4-62 et n°6-62 du 20 janvier 1962 sur la Cour Suprême et la compétence administrative des juridictions), le système juridictionnel congolais a répudié le principe (sur lequel se fonde tout le contentieux administratif en France) de la séparation des autorités administratives et judiciaires pris sous la forme du principe de la séparation des juridictions administratives et judiciaires (1).

Pourtant, tout l'esprit, la lettre des textes et de la jurisprudence congolaise en matière administrative s'inspirent du droit administratif français. On serait tenté de dire que « l'ombre du Conseil d'Etat français plane encore au-dessus de nos Palais de Justice »152(*) et que, dans ce domaine, le système congolais est influencé par un mimétisme (2).

1-Un système répudiant les principes fondateurs du recours pour excès de pouvoir.

Dans l'affaire KAYOULOUD, la chambre administrative de la Cour Suprême a affirmé que le système juridictionnel congolais a connu une mutation à la suite de la constitution du 2 mars 1961 et des deux lois de 1962.

Ces textes, en instituant un système moniste de juridiction, répudiaient en même temps le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, pris sous la forme du principe de la séparation des juridictions administratives et judiciaires. Selon le juge administratif suprême, ils mettaient ainsi fin au système dualiste hérité de la colonisation.

Or, tout le contentieux administratif et partant le recours pour excès de pouvoir trouve ses fondements dans les textes révolutionnaires qui ont consacré la séparation des autorités administratives et judiciaires instituant ainsi la dualité de juridiction, il s'agit entre autre de Ó

- L'Edit de Saint Germain (en février 1641) dans lequel, Louis XIII interdisait à la

« Cour du parlement de Paris et toutes autres cours de prendre, à l'avenir, connaissance d'aucune affaire concernant l'Etat, l'administration et le gouvernement»153(*) ,

-La loi des 16-24 août 1790 qui proclame que : « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront à peine de forfaiture troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leur fonction. »154(*),

-Le décret des 16 fructidor an III qui lui, disposait que : « Défenses itératives sont faites aux Tribunaux de connaître des actes d'administration de quelques espèces qu'ils soient »155(*),

-La loi du 24 mai 1872 dont l'article 9 selon lequel : « Le Conseil d'Etat statue souverainement sur les demandes d'annulation pour excès de pouvoir formées contre les actes des divers autorités administratives »156(*) constituait le fondement même du recours pour excès de pouvoir.

Pour le commissaire du gouvernement Sainte-rose : « C'est le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires qui est le fondement de la compétence de la juridiction administrative »157(*).

Aujourd'hui, certains auteurs ont estimé que l'exercice d'un contentieux administratif et partant contentieux de l'excès de pourvoir conséquente ne peut se concevoir que dans un système dualiste158(*). Or, il est établit que le Congo a renié ce principe et ses textes fondateurs quoique paradoxalement, lorsque la chambre administrative de la Cour Suprême rend ses décisions, elle s'inspire des règles qui régissent le recours pour excès de pouvoir en France.

Ces mots du Professeur Placide MOUDOUDOU trouvent tout leur sens Ó « lorsqu'il -le juge administratif congolais- tente d'inventer, il le fait presque toujours par rapport au droit administratif français »159(*). C'est ce phénomène que nous qualifierons de mimétisme.

2-Un système influencé par un mimétisme dans la connaissance du recours pour excès de pouvoir.

En droit, le mimétisme peut être considéré comme une transposition du modèle juridique d'un Etat vers un autre, une exportation plus ou moins consciente et complète d'un modèle de justice étranger.

Au Congo ce mimétisme se caractérise par une « mauvaise  photocopie du contentieux administratif français »160(*). En réalité, cinquante années après l'indépendance, l'héritage colonial continu à influencer considérablement tout le système juridique congolais et en particulier le domaine du contentieux de l'excès de pouvoir. En ce sens, le Pr. Placide MOUDOUDOU estime que Ó « l'ombre du Conseil d'Etat français plane encore au-dessus de nos palais de justice »161(*). Abordant dans le sens d'une influence du modèle français sur les systèmes africains de juridiction, le Pr. Alain BOKEL affirmait : « A partir du Droit administratif français, appliqué dans ses grandes lignes dans les possessions françaises d'outre-mer, les Etats indépendants concernés vont construire progressivement un système propre, profondément influencé par le modèle ; de ce fait, un certain nombre de problèmes en découlent »162(*).

En effet, en matière administrative, le mimétisme juridictionnel soulève plusieurs problèmes, et dans le cadre particulier du recours pour excès de pouvoir, nous en avons retenu deux :

Tout d'abord dans la transposition des règles régissant l'office du juge l'excès de pouvoir, le juge administratif congolais s'inspirant des principes établis par la jurisprudence française n'est pas resté constant et ne tien pas toujours compte des mutations actuelles que subissent ce contentieux.

A titre d'exemple, on peut citer l'arrêt Rodière (CE 26 décembre 1925) qui constitue une véritable théorie de la reconstitution de carrière. Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat pose comme principe : « La reconstitution doit permettre de placer l'agent dans la position exacte qu'il occupait s'il n'avait fait l'objet de la mesure annulée. Elle exige donc qu'une portée rétroactive soit donnée aux mesures d'exécution de l'arrêt annulant la décision irrégulière »163(*).

En s'inspirant de ce principe, la jurisprudence de la Chambre administrative de la Cour Suprême a varié au fil des années. En effet, en 2000, elle a rendu deux arrêts sur la reconstitution de carrière. Dans la première espèce (arrêt n°001/2000 du 10 févier 2000, Sieurs OKANA Bruno et autres c/ ordre général n°03 du 23 juillet 1992 du Chef d'Etat Major Général des Forces Armées Congolaise), le sieur OKANA Bruno et six autres sous-officiers des forces armées congolaises victimes de l'intolérance politique s'étaient vu être nommés au grade de Sergent par ordre général n°03 du Chef d'Etat Major Général. Estimant que cette nomination n'était pas conforme aux articles 1, 2 et 3 de l'acte n°032/91 du 18 juin 1991 de la Conférence Nationale Souveraine, les requérants intentèrent un recours en annulation contre ledit ordre. Cependant, dans sa décision, le juge administratif bien que reconnaissant fondé les moyens invoqués par les demandeurs s'est arrêté à la simple annulation en statuant comme suit Ó « Annule l'acte administratif intitulé Ordre général n°03 du 23 juillet 1992 pris par Monsieur le Chef d'Etat Major Général des Forces Armées Congolaises en date du 13 août 1992». Il en est de même dans la seconde espèce (arrêt n°013/GCS-2000 du 15 septembre 2000, NIAMANKESSI Vincent et autres c/ la décision intitulée Ó Ordre général n°01 portant nomination des militaire des FAC, victimes de l'intolérance politique, en âge de servir du 19 février 1994). Dans cette affaire dont les faits sont similaires, le juge administratif a statué dans le même sens.

Pourtant, dans son arrêt rendu en 2005 (arrêt n°013/GCS-05 du 12 mai 2005, NGUIMBI Marcel et autres c/ Ordre général n°15 bis du 21 février 1994 du Chef d'Etat Major Général), le juge est allé au-delà de la simple annulation en statuant comme suit Ó «Annule ledit Ordre ; Ordonne la reconstitution de carrière des intéressés conformément à l'Acte n°32/91 de la conférence nationale souveraine ;». C'est donc pour autant dire qu'en 2005, le juge en faisant des injonctions à l'administration militaire a opéré une avancée et a épousé la position du juge administratif français.

Mais, force est de noter que bien avant, dans la doctrine congolaise, le Professeur J.M.BRETON s'appuyait sur la jurisprudence M'barga (C.S.Adm. 26 juillet 1962) pour affirmer que : « dans les décisions prononcées par le juge, les annulations pour excès de pouvoir sont réputées avoir un effet absolu, pour le passé (et donc à titre rétroactif) comme pour l'avenir »164(*).

Cependant, on peut constater que le juge administratif suprême n'est pas resté attaché aux mutations de la jurisprudence administrative française. En effet, il n'a pas pris en compte les revirements qu'ont subis les effets de l'annulation d'un acte pour excès de pouvoir. L'arrêt Association AC  et autres (C.E Ass. 11 mai 2004) pose une dérogation à l'effet rétroactif de l'annulation car, selon le Conseil d'Etat : « Il appartient au juge de prévoir que tout ou partie des effets de l'acte en cause antérieur à son annulation devront être regardés comme définitif  [de même] le juge a la faculté de préciser que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine »165(*).

Ensuite, au Congo, le juge administratif ne tient pas du législateur un pouvoir d'injonction face à l'administration c'est ce qu'a reconnue la Chambre administrative dans l'arrêt Kayouloud  en ces termes : « en prononçant au profit de M. Kayouloud, un reclassement différent de celui qui a été fait précédemment par l'administration et en ordonnant l'exécution de ce nouveau classement, a accompli un acte de la seule compétence de l'administration (...) et a fait à l'administration une injonction que le droit ne permet qu'exceptionnellement au juge judiciaire et seulement en cas de voie de fait »166(*). Or en France, par la loi n°95-125 du 8 février 1995, le législateur a introduit dans le code des Tribunaux administratifs et Cours administratives d'appel l'article L.8-2 et, par celle du 16 juillet 1980 (article 6-1), il a conféré au juge administratif français un pouvoir de faire des injonctions à l'administration.

* 152 MOUDOUDOU (P), op cit p.12

* 153 FERRETI (R), Cour de Droit Administratif (Maitrise de Droit public), Univ de Metz 2004-2005

* 154 T.C. 8 février 1873, Blanco G.A.J.A op cit p.1

* 155 idem

* 156 BOUMAKANI (B), op cit p.70

* 157FERRETI (F), op cit p.55

* 158 Voir en ce sens le mémoire de BENONTADIDI (L.E), Le contentieux administratif dans le système juridictionnel congolais, Mémoire pour l'obtention du Diplôme de l'E.N.A.M filière Magistrature, Brazzaville 2010 p.15

* 159 MOUDOUDOU (P), op cit p.12

* 160 idem

* 161 idem

* 162 BOKEL (A), op cit p.25

* 163C.E. 26 décembre 1925, Rodière G.A.J.A op cit p.261

* 164 C.S. Adm 26 juillet 1962, M'barga

* 165 C.E. 11 mai 2004, Association AC! G.A.J.A op cit p.906

* 166C.S. Adm 20 mai 1977, Kayouloud

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote