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Le juge de l'excès de pouvoir au Congo

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par Edson Wencelah TONI KOUMBA
Ecole Nationale dà¢â‚¬â„¢Administration et de Magistrature - Diplôme de là¢â‚¬â„¢ENAM (Option Magistrature, cycle Supérieur)  2011
  

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B)-Un juge doté de pouvoirs plus étendus et d'une indépendance face à une administration aux prérogatives sans cesse croissantes.

L'administration apparaît souvent comme un « lieu où sévit l'illégalité (...) le refuge de la vengeance dans lequel s'abriterait les règlements de compte dont seraient auteurs les autorités administratives qui disposent légalement du pouvoir de décider unilatéralement »192(*). Le juge de l'excès de pouvoir est considéré comme un instrument dont la mission consiste à empêcher l'arbitraire administratif. Pour garantir l'équilibre entre l'intérêt général d'une part et la préservation des droits et libertés d'autre part, le juge devrait être doté des pouvoirs plus élargis (1) et bénéficier des garanties d'indépendance (2).

1-Renforcement des pouvoirs du juge de l'excès de pouvoir.

Le Congo est resté dans une conception classique du recours pour excès de pouvoir où, le juge de l'excès de pouvoir est limité dans sa marge de manoeuvre face à une administration puissante. Dans ce domaine, ses pouvoirs ne se limitent qu'à la simple annulation des actes administratifs et à la possibilité d'ordonner, dans des cas exceptionnels et à la demande de réquerant, le sursis à exécution desdits actes. Ce principe classique était déjà affirmé par Edouard LAFERRIERE en ces termes Ó « Le demandeur ne peut conclure qu'à l'annulation de l'acte attaqué, et le Conseil d'Etat n'a le droit de rien statuer au-delà, sauf bien entendu, les questions de sursis, de procédure et de dépens »193(*).

C'est en application de ce principe classique que, le juge administratif français s'est opposé à la recevabilité des conclusions aux fins d'injonction (CE 4 février 1976, Elissonde) et Jean RIVERO dans un article célèbre « Le Huron au palais royal ou reflexions naïves sur le recours pour excès de pouvoir »194(*) s'étonnait de l'impuissance de la juridiction administrative à exécuter ses décisions.

Au Congo, il arrive des fois où les autorités administratives refusent parfois de délivrer à un administré l'acte administratif qu'il conteste, comme pour l'empêcher d'exercer les voies de recours prévus par la loi. Or, le principe est qu'il est fait interdiction au juge de l'excès de pouvoir congolais de faire des injonctions à l'administration de sorte qu'il ne pourrait lui demander la production de l'acte administratif attaqué.

De plus, aux termes des articles 412 à 414 du CPCCAF, la Chambre administrative de la Cour Suprême ne peut ni modifier, ni remplacer l'acte annulé. Elle peut juste l'annuler sans pouvoir ordonner à l'administration de procéder à la modification de l'acte critiqué. C'est ainsi que dans son arrêt KAYOULOUD (CS.Adm 20 mai 1977), le juge administratif suprême a considéré comme un « principe fondamental du droit administratif, l'indépendance de l'administration à l'égard du juge, qui découle du principe de la séparation des autorités administrativess et judiciaires »195(*), ce principe interdisant au juge administratif de faire des injonctions à l'administration.

Le législateur congolais, devrait s'inspirer du modèle français pour renforcer les pouvoirs du juge administratif face à l'administration. En effet dans le système français, la loi du 08 février 1995 en accordant au juge administratif le pouvoir de faire des injonctions à l'administration a « tourné une page de l'histoire du régime du contentieux administratif français »196(*). Mais le juge administratif faisant en cela montre de hardièsse est allé au-delà de la simple application de cette loi.

A ce propos, Daniel LABETOULLE ( Président de section honoraire du Conseil d'Etat ) n'affirmait-il pas que Ó « Aude-là des textes, l'envol de la jurisprudence, l'injonction va trouver à s'appliquer aude-là des textes qui l'ont instituée »197(*). Mais, ce n'est pas seulement dans le domaine de l'injonction que le juge français a par sa jurisprudence élargi ses compétences en s'arrogeant des pouvoirs sans cesse plus étendus. En effet, si dans sa décision du 25 juin 2001, Société à objectifs sportifs «Toulouse football club»198(*), le Conseil d'Etat dans son arrêt d'annulation fait des injonctions à la Fédération française de football à propos du classement final du championnat de France de football, dans celle du 11 mai 2004, Association AC et autres, le Conseil d'Etat « intègre dans l'office du juge de l'excès de pouvoir la possibilité de moduler dans le temps les effets d'une annulation contentieuse »199(*).

Abordant dans le même sens, CORMENIN estimait que Ó « La jurisprudence est une seconde législation, elle est même quelquefois toute la législation »200(*). En claire, si les pouvoirs de faire obstruction à l'arbitraire administratif ne lui sont pas octroyés par le législateur, il lui appartiendra de se les approprier progressivement au moyen de sa jurisprudence. C'est ce qu'a toujours fait le Conseil d'Etat.

En ce sens, Bernard PACTEAU écrit Ó « Sans l'action créatrice du Conseil d'Etat, le Droit administratif aurait certes existé de toute façon en France mais qui n'aurait probablement constituer qu'un assemblage de lois, sans unité, sans cohérence, sans fil directeur »201(*).

Mais, cette situation paraît différente à celle du Congo. En effet, selon les termes du Président Auguste ILOKI Ó « Contrairement à l'expérience vécue ailleurs [ en France] où la jurisprudence a joué un rôle de premier plan dans la naissance du droit administratif, la situation au Congo est dominée par l'interventionnisme législatif qui impose ses préocupations et sa vision de la construction de l'Etat de droit »202(*).

Cependant, on peut affirmer que si le législateur congolais peut, grâce à son action créatrice, dompter l'administration, seul le juge administratif peut l'apprivoiser.

2-L'indépendance du juge de l'excès de pouvoir dans la connaissance de ce contentieux.

Le juge de l'excès de pouvoir comme, tout autre magistrat, doit être indépendant si l'on souhaite qu'il accomplisse réellement sa mission. Certes, le juge doit trouver cette indépendance dans la force de son caractère, mais il est souhaitable que les institutions étatiques elles-mêmes viennent la soutenir afin que le justiciable puisse être assuré de trouver un juge impartial dans les circonstances les plus délicates. C'est en ce sens que Alain Bokel affirmait Ó « Il est communément admis qu'il n'existe pas de justice véritable dans un pays si les juges appelés à la rendre ne sont pas pleinement indépendants »203(*)

Au Congo, cette indépendance du juge est garantie par de nombreux textes notamment la Constitution du 20 janvier 2002 dont les articles 136 et 137 établissent une séparation entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire,

de même l'article 140 qui reprend l'article 2 ( nouveau ) de la loi n°29-94 du 15 avril 1999 portant institution du Conseil superieur de la magistrature dispose que Ó « Le Président de la République garantit l'indépendance du pouvoir judiciaire à travers le Conseil supérieur de la magistrature ». Comme tout autre magistrat du siège, les juges composant la Chambre administrative de la Cour suprême bénéficient de l'inamovibilité. Il est donc avéré qu'au plan textuel, cette indépendance est garantie et elle s'appuie sur des fondements solides.

Mais en réalité, s'agissant particulièrement du juge de l'excès de pouvoir face à l'administration, ce n'est pas tant cette indépendance textuelle qui rassure le justiciable, car selon la nature du régime politique, elle peut rester lettre morte face à une administration utilisée comme le bras séculier du pouvoir exécutif. Dans ce cas, l'indépendance que l'administré attend du juge c'est son état d'esprit, sa tenacité, une façon de se comporter face à un litige qui lui est soumis.

Cette approche cadre avec le constat fait par A.BOKEL, dans sa reflexion sur l'indépendance du juge administratif dans un système dualiste en ces termes Ó « Le juge de l'excès de pouvoir plus que tout autre a besoin de cette indépendance intérieure car il est chargé de trancher un litige entre deux parties inégales dont la plus forte est, directement sa structure d'origine et même parfois son autorité hiérarchique. Dès lors, il n'est pas naturellement porté à exercer en toute indépendance sa mission de juge »204(*).

A vrai dire, la société congolaise n'a pas besoin d'un juge de l'excès de pouvoir va-t-en-guerre, aux manoeuvres de kamikaze dont le but serait de satisfaire à tout prix l'administré par excès de zèle et pour prouver son indépendance, mais d'un juge qui sait maintenir un équilibre entre l'intérêt général prôné par les autorités administratives auteurs des actes administratifs et les droits et libertés de chaque citoyen.

* 192ILOKI (A), op cit p.7

* 193 LAFERRIERE (E), Extrait de la distinction des recours contentieux in Dacodoc (Web site http// www.Dacodoc.com)

* 194GAUDEMET (Y), Le juge administratif, futur administrateur? In Colloque du 40ème anniversaire des Tribunaux administratifs.

* 195 C.S. Adm 20 mai 1977, Kayouloud

* 196 CHAPUS (R), Droit du contentieux administratif 9ème éd. Montchrestien 2001 p.216

* 197LABETOUL (D), Conférence sur l'impact de la loi du 8 février 1995 dans le D.A en France

* 198CE. 25 juin 2001, Sté à objectifs sportifs « Toulouse football club »

* 199CE. 11 mai 2004, Association AC! G.A.J.A op. cit p.906

* 200AUBY (J.M) et DRAGO (R), Traité des recours en matière administrative

* 201PACTEAU (B), op cit p.81

* 202ILOKI (A), op cit p.7

* 203BOKEL (A), op cit p.25

* 204 BOKEL (A) , op cit p.15

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