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Formation en informatique. Ouverture sociale et sexisme. Le cas Epitech.

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par Clémentine Pirlot
Université Paris VII Diderot - Master II Sociologie et Anthropologie option genre et developpement 2013
  

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2. La mobilité sociale à Epitech

Nicolas Sadirac, directeur d'Epitech, explique dans une interview8 une autre forme de refus de l'élitisme : accepter tous les bacs « Nous prenons aussi des littéraires et bac pro, pour créer de la diversité. Cela nous réussit. Nous avons de 15 à 20% de créateurs d'entreprise à la sortie, contre 1% pour les écoles d'ingénieurs. Et, pour la plupart, leur start-up survit dans les années suivantes. Les business angels se battent pour nos étudiants. Et, alors que nous accueillons des étudiants de classes sociales plutôt modestes, ils sont embauchés à 4000 euros... Les hyperactifs s'épanouissent ici. » La mobilité sociale semble donc être encouragée à Epitech, à travers un recrutement varié et diverses possibilités de financement.

La mobilité sociale est restreinte, en France, par l'orientation différente des élèves selon leur origine sociale : « La « démocratisation ségrégative » (Merle 2000) est caractérisée par un accès inégal des nouveaux bacheliers aux différentes séries selon leur origine sociale : en 2008, 35% des admis au baccalauréat général étaient issus de milieux cadres et professions intellectuelles supérieures, les enfants d'ouvriers ne représentant que 11,5% des admis » (Erlich et Verley, 2010). Le fait qu'Epitech accepte tous les bacs, y compris les bacs professionnels, semblerait donc aller à l'encontre de cette « démocratisation ségrégative » et permettre à un plus grand nombre de personnes de faire des études supérieures. Ce dernier aspect n'est pas négligeable, si l'on considère que « Au total, 53% des jeunes accèdent [aux études supérieures] à la rentrée suivant leur réussite au baccalauréat ou pour certains un an plus tard. Ce taux dépasse 80% pour les enfants d'enseignants et de cadres supérieurs et n'atteint que 42% pour les enfants d'ouvriers qualifiés et 31% pour les enfants d'ouvriers non qualifiés » (Erlich et Verley, 2010). En théorie, Epitech facilite donc une certaine ouverture sociale à des classes sociales moins favorisées, ainsi qu'à des élèves d'origine géographique différente. Mais qu'en est-il dans les faits ? C'est la question à laquelle nous allons tenter de répondre, à travers l'analyse d'un questionnaire distribué aux élèves d'Epitech, ainsi que les enquêté.e.s ayant participé à des entretiens semi-directifs.

2. 1 Analyse du questionnaire

Un questionnaire en ligne a été diffusé aux élèves d'Epitech afin d'avoir une idée des origines sociales et du parcours scolaire des élèves. La plupart des études sur la mobilité sociale ne s'intéressent qu'aux pères et aux fils, invisibilisant ainsi les femmes, qui pourtant existent sur le marché du travail depuis longtemps. Mon questionnaire s'intéressait donc aux professions de la mère, du père et des grands parents afin d'avoir une idée plus précise des origines sociales des élèves d'Epitech. Pour que le questionnaire ne soit pas trop long et

8 http://etudiant.lefigaro.fr/le-labeducation/actualite/detail/article/a-l-epitech-nous-avons-supprime-les-cours-912/

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rebutant pour les répondant.e.s, nous avons choisi de demander les groupes socioprofessionnels selon la nomenclature PCS 2003 de l'INSEE. Bien entendu, il convient de garder à l'esprit que « quels que soient les outils statistiques mobilisés, ce sont toujours des hypothèses, des idées, que l'on teste. Il est trivial de souligner qu'aucune mesure n'est « neutre », en ce qu'elle repose sur des classifications et des mises en correspondance qui ne sont jamais aléatoires » (Duru-Bellat, 2007). Les résultats de ce questionnaire sont donc déterminés selon une certaine classification, et ne sont en rien une lecture « objective » de la mobilité sociale. 109 élèves ou ancien.ne.s d'Epitech ont répondu au questionnaire en ligne, ce qui ne permet pas de faire de conclusion car nous ne savons pas en quoi les répondant.e.s sont représentative.f.s des étudiant.e.s d'Epitech. Le résultat de ce questionnaire est donc simplement donné à titre indicatif et ne peut en rien être généralisé à Epitech. Le nombre de filles parmi les répondant.e.s (11,9%) est bien plus élevé que dans les promotions d'Epitech, où les filles sont 4,6% pour la promotion 2016, 5.6% dans la promotion 2015, 3,6% dans la promotion 2014, 3,4% dans la promotion 2013 et 2,3% dans la promotion 2012. La grande majorité des répondant.e.s a obtenu un bac Scientifique (71,6%), et 8,3% ont un bac Economique et Social. Il est intéressant de constater que 14,7% ont un bac technologique (STI, STV) mais aussi qu'une personne a un bac littéraire, et une autre n'a pas le bac, mais a quand même pu faire un BTS, qui lui a donc permis d'avoir l'équivalence bac pour entrer à Epitech.

Un peu plus de la moitié des personnes de l'échantillon (52,3%) a un père dans la catégorie socioprofessionnelle « cadre, profession intellectuelle supérieure, profession libérale », et 31.2% ont une mère dans cette même catégorie. Les mères et pères agricultrice.eur.s sont minoritaires (1,8%), ainsi que les pères ouvriers (4.6%) et aucune des mères de l'échantillon n'est ouvrière. Les mères sont 17,4% à ne pas exercer d'activité professionnelle, ce qui est le cas pour seulement 0.9% des pères, et qui s'explique par le fait que les responsabilités familiales incombent encore en grande majorité aux femmes, qu'elles exercent un travail salarié ou non. Les « artisan.ne.s, commerçant.e.s, chef.fe.s d'entreprise » sont 8,3% chez les mères et 14,7% chez les pères.

On peut, à titre de comparaison, regarder les chiffres du Ministère de l'Enseignement Supérieur sur l'origine sociale des étudiant.e.s français.e.s en 2011-20129, qui ne prennent cependant en compte que la profession du « chef de famille », terme que même l'Insee n'utilise plus. En effet, depuis 1982, l'Insee a remplacé cette expression par « personne de référence du ménage », ce qui n'a pas pour autant enlevé l'aspect discriminatoire du concept : « La personne de référence du ménage est déterminée à partir des seules 3 personnes les plus âgées du ménage. S'il y a un couple parmi elles, la personne de référence est systématiquement l'homme du couple »10. On peut s'étonner qu'une telle notion arbitraire perdure encore en 2013, alors que les femmes sont très nombreuses dans la population active. L'origine sociale des étudiant.e.s que le Ministère de l'Enseignement Supérieur propose est donc probablement majoritairement calculée par rapport aux professions des pères, en effaçant celles des mères lorsqu'elles sont en couple. Ces chiffres sont

9 http://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2012/06/4/DEPP-RERS-2012_224064.pdf 10 http://www.insee.fr/fr/themes/detail.asp?ref_id=ir-projmen2030&page=irweb/projmen2030/dd/doc/concepts.htm

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difficiles à comparer avec ceux de notre questionnaire, ne sachant pas quelle part est basée sur la profession des mères et des pères, et sont donc donnés ici à titre indicatif :

Pour les écoles d'ingénieur.e, 47,1% des élèves ont des parents « Cadres et professions intellectuelles supérieures », mais seulement 6,4% ont des parents « employé.e.s » et 5,1% « ouvrier.e.s ». Le taux de « professions intermédiaires » est de 11,1%, d'« artisan.e.s, commerçant.e.s et chef.fe.s d'entreprise » a été ajoutée aux « agricultrice.eurs » et atteint 11,8%.

Si l'on compare ces données à celles recueillies grâce au questionnaire, on remarque que la proportion de parents « cadre, profession intellectuelle supérieure, profession libérale » dans les écoles d'ingénieur.e (47,1%) n'est pas très éloignée de la proportion de pères dans cette catégorie chez les répondant.e.s au questionnaire (52,3%). Si l'on considère les mères, cette proportion est cependant plus faible (31,2%). Le taux d'« artisan.e.s, commerçant.e.s et chef.fe.s d'entreprise » est également similaire avec 11,8% dans les écoles d'ingénieur.e et 14,7% chez les pères des répondant.e.s et 8,3% chez les mères.

Presque tou.te.s les diplômé.e.s d'Epitech seront cadres à la sortie, 94% d'après les chiffres annoncés sur leur site internet. On peut donc dire qu'il y a mobilité sociale par rapport au père dans presque la moitié des cas, 47,7% par rapport au père, et dans 68,8% des cas par rapport à la mère. Quant à savoir si cette mobilité est « ascendante » ou « descendante », tout dépend de la hiérarchie que l'on fait entre ces catégories qui regroupent déjà des métiers très différents. Si l'on considère les personnes dont la mère n'exerce pas d'activité professionnelle (17,4%) on peut avancer que ces personnes sont en mobilité ascendante du point de vue capitaliste du marché du travail formel. Si l'on s'intéresse aux filles de l'échantillon, 5 des 12 filles ont un père

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« cadre, profession intellectuelle supérieure ou profession libérale » et 2 sur 12 une mère dans cette catégorie. On peut considérer que les trois filles dont la mère n'exerce pas d'activité professionnelle sont en mobilité ascendante, ainsi que celle dont la mère est employée. Si l'on considérait la seule profession du père, 5 des 12 filles ne seraient pas en mobilité sociale alors que seule une des 12 filles a les deux parents cadres et peut donc être considérée en stabilité. Cet échantillon, bien que non représentatif d'Epitech, car aléatoire, nous permet cependant d'avoir un aperçu de la situation socioprofessionnelle des parents.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci