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La décentralisation territoriale sous la constitution du 18 février 2006. Bilan d'une décennie d'application.

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par Jordy Panza
Université Protestante au Congo - Licence en Droit public 2016
  

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CONCLUSION

Au regard de tout ce qui précède, nous ne tirerons pas notre conclusion en longueur. Nous essayerons de ressasser les points saillants de notre étude, d'une part, et de soulever des considérations et de formuler quelques recommandations, d'autre part.

Eléments de synthèse et constat

Il est à noter que depuis son accession à l'indépendance le 30 juin 1960, la RDC a expérimenté diverses formes d'organisation territoriale, politique et administrative. Si la Loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo et la Constitution du 1er août 1964, dite de Luluabourg, ont fait d'elle un Etat fédéral, entre 1967 et 2006, le pays est passé par plusieurs ajustements et réajustements : la centralisation, la déconcentration et la décentralisation, accompagnées par la réduction ou l'augmentation du nombre d'entités territoriales et le changement de leurs appellations.204(*)

Après la longue période de transition vers la Troisième République (1990 à 2006), la RDC s'est dotée d'une nouvelle Constitution qui a apporté un changement profond à la forme d'organisation territoriale de l'Etat.205(*)

Tout en reconnaissant que, selon l'alinéa 1er du premier article de la Constitution, la RDC continue d'être régie par les principes traditionnels d'unité et d'indivisibilité qui se traduisent par une certaine uniformité dans l'organisation institutionnelle d'un Etat unitaire, 206(*) la même Constitution ne mentionne nulle part, en ses 229 articles, que celle-ci est un « Etat fortement décentralisé ».

Cette expression longuement répandue ressortait non seulement des débats parlementaires sur ce qui était encore le projet de la Constitution de la Troisième République, mais aussi de la traduction des aspirations unanimes du peuple congolais qui voulait à tout prix tourner, de manière définitive, la page d'un système fortement centralisé et considéré aujourd'hui comme étant une des causes de la détérioration de ses conditions de vie.207(*)

Cependant, les principes traditionnels d'unité et d'indivisibilité sont tempérés par de nouveaux principes constitutionnels du régionalisme politique. Le constituant du 18 février 2006 a opté pour une voie médiane, celle de compromis : le régionalisme politique ou constitutionnel. Ce schéma qu'on qualifie d'antichambre du fédéralisme, est un système intermédiaire, une synthèse se situant à mi-chemin entre le fédéralisme et la forme unitaire de l'Etat.208(*)

Le régionalisme constitutionnel dont question n'est pas à confondre avec la « souveraineté locale » des anciennes provinces sous l'empire de la Loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo et de la Constitution de la RDC du 1er août 1964, lesquelles, dans le cadre d'un Etat fédéral, étaient de véritables Etats fédérés. Par ailleurs, sous l'empire de la première citée, les provinces avaient le pouvoir de se doter de leurs Constitutions propres en dehors de la « Constitution provisoire de l'Etat ».209(*)

Au demeurant, la décentralisation territoriale prescrite par la Constitution de 2006 n'a pas eu comme visée la simple distribution des fonctions de l'autorité, mais bien celle de consolider l'unité nationale mise à mal par des guerres intempestives ainsi que la création des centres d'impulsion à la base.

L'évaluation du bilan d'une décennie d'application de la décentralisation territoriale sous la Constitution du 18 février 2006 a pris en compte les deux phases de la mise en oeuvre de cette décentralisation: la phase de la mise en oeuvre proprement dite (2009 à 2014) et son évaluation et suivi (2015 à 2019). Aussi, notre problématique s'est-elle constituée en cinq questions.

Primo : quelle était la raison du retard pris dans l'installation des entités territoriales régionalisées issues du découpage territorial et de leurs institutions ?

Secundo : quel est l'état du fonctionnement des institutions politiques provinciales ?

Tertio : quelles sont les causes réelles du non-respect des dispositions constitutionnelles et légales relatives à l'autonomie financière des provinces ainsi que celles concernant la Caisse nationale de péréquation ?

Quarto : qu'est-ce qui ralentit l'effectivité de l'administration provinciale ?

Quinto : quels sont les obstacles à l'effectivité des ETD prévues à l'article 3 de la Constitution ?

Il ressort de notre étude que la décentralisation territoriale a accusé un retard suite à l'inachèvement du cadre légal y relatif, au manque de volonté politique des autorités du pouvoir central, de leur crainte de voir des velléités sécessionnistes ressurgir ainsi que d'assister à la dispersion du pouvoir, à l'accroissement du coût de la gouvernance et à une concurrence fiscale et réglementaire.

Alors que cette décentralisation territoriale est entrée dans son année décennale, grande fut notre désolation dès lors que nous avons appréhendé l'existence d'une disparité indescriptible et abyssale entre la théorie et la pratique sur terrain.

En effet, au sujet de l'installation des provinces et de leurs institutions politiques, le retard pris résultait de multiples contraintes financières et matérielles ainsi que des divergences de vues entre les acteurs politiques.

Concernant la deuxième question, il s'observe une importante mutation effectuée lors de la révision constitutionnelle de 2011 dans le fonctionnement des institutions politiques provinciales. A travers celle-ci, le Président de la République dispose désormais du pouvoir de relever un Gouverneur de province de ses fonctions ou de dissoudre une Assemblée provinciale en cas de crise grave et persistante.

Par ailleurs, pour ce qui est des ressources financières, nous avons relevé le recours controversé à la rétrocession au niveau des provinces qui, du reste, reçoivent moins de 40% des recettes à caractère national. Ceci est notamment dû aux désaccords répétés entre les autorités nationales et celles des provinces, ainsi qu'à l'absence d'un texte légal ou réglementaire fixant clairement les modalités d'exécution de la retenue à la source.

Quant à la Caisse nationale de péréquation, nous avons estimé que son ineffectivité se justifie par l'absence de la loi organique censée l'organiser.

A propos de l'effectivité de la fonction publique nationale et de la fonction publique provinciale et locale, nous avons noté que tout dépendait de l'adoption et la promulgation de la loi sur la fonction publique nationale. Car, c'est en fonction de celle-ci que les Assemblées provinciales pourront dès lors voter les édits devant organiser leurs fonctions publiques provinciales et locales respectives.

In fine, on peut déplorer l'absence sur terrain des ETD organisées par les textes. Cette absence est justifiée par la non organisation des élections urbaines, municipales et locales. C'est dans ce contexte que ces ETD fonctionnent transitoirement dans les conditions des entités territoriales organisées par le Décret-loi n°081 du 02 juillet 1998.

L'expérience du Congo en matière d'organisation territoriale et administrative se caractérise, en effet, par une divergence entre les textes et les réalités, sinon une contradiction entre la théorie et la pratique, une incompatibilité entre les volontés. Ainsi, le Congo de jure et le Congo de facto ont trop souvent et trop longtemps constitué deux mondes parallèles. Malgré l'espoir suscité de part et d'autre, la décentralisation territoriale de 2006 n'a pas échappé à cette réalité.

Dans un Etat fragile comme le nôtre, la décentralisation ne peut être réduite à la seule transformation des structures institutionnelles. Globalement, la question du parachèvement de ce processus se pose encore lorsqu'on sait que le Gouvernement peine à restaurer son autorité sur l'ensemble du territoire.

L'on ne saurait faire abstraction du contexte géopolitique régional qui demeure tendu (aggravation de l'insécurité dans le territoire de Beni au Nord-Kivu, risques permanents d'éclatement d'un nouveau conflit avec l'Ouganda autour du lac Albert et le conflit post-électoral au Burundi).

Ces paramètres sont susceptibles d'interagir avec les velléités sécessionnistes de certains acteurs politiques congolais. Dans l'hypothèse défavorable d'une dégradation simultanée de ces paramètres, l'on ne pourrait écarter le scénario catastrophique de l'explosion de la RDC.

De même, l'observation du fonctionnement des provinces au cours de ces dix années révèle une anomalie liée à l'incompréhension des acteurs politiques. Bon nombre d'autorités du pouvoir central se comportent comme autorités de tutelle alors qu'il n'existe pas de tutelle sur les provinces, d'une part, et certaines autorités provinciales se refusent d'exercer courageusement les compétences dévolues aux provinces, d'autre part.210(*)

Par ailleurs, la RDC connait une sous-administration de son territoire traduisant ainsi le sous-développement administratif. Celle-ci est due, d'une part, à l'immensité des entités territoriales et, d'autre part, à la centralisation de la gestion du personnel de l'Etat. Cette réalité a des conséquences néfastes sur les relations avec les administrés. Elle cause l'éloignement de l'Administration des administrés, la méfiance de ces derniers et engendre des relations souvent conflictuelles et une mauvaise perception des fonctionnaires de l'Etat.

Cet état des lieux laisse entendre que le régionalisme n'est quasiment pas effectif et que la décentralisation territoriale demeure encore théorique, car on assiste à une recentralisation rampante du pouvoir.211(*) Il ne faudrait donc pas donner raison à certains acteurs politiques qui estiment, eu égard à la fragilité de l'Etat consécutive aux menaces de balkanisation par l'émergence des espaces rebelles et de non-droit, qu'il faut mettre fin à cette expérience de décentralisation qualifiée de spécificité illusoire.212(*)

Cela étant, nous attestons sans ambages qu'après une décennie, la décentralisation territoriale consacrée depuis 2006 s'est révélée être un demi-échec. Les provinces et leurs ETD sont restées des coquilles vides, sans pouvoir et sans ressources financières.

* 204 F. VUNDUAWE te PEMAKO et J.-M. MBOKO DJ'ANDIMA, Droit constitutionnel du Congo. Textes et documents fondamentaux, vol.1, Louvain-la-Neuve, Academia-L'Harmattan, 2012, p. 201 et s.

* 205 A. MAZYAMBO MAKENGO KISALA, J.-M. KUMBU KI NGIMBI et B. KABAMBA (dir.), La consolidation du cadre démocratique en R.D.C., Kinshasa, PNUD, 2012, p.25 ; F. VUNDUAWE te PEMAKO et J.-M. MBOKO DJ'ANDIMA, Droit constitutionnel du Congo. Textes et documents fondamentaux, vol.2, Louvain-la-Neuve, Academia-L'Harmattan, 2012, p.1018.

* 206 Voir F. VUNDUAWE te PEMAKO, op.cit., p. 87.

* 207 Voir P. MBARAGA SEBALIMBA, op.cit., p.84.

* 208 J. DJOLI ESENG'EKELI, Droit constitutionnel : l'expérience congolaise (RDC), Paris, L'Harmattan, col. « comptes rendus », 2013, p.191.

* 209 F. VUNDUAWE te PEMAKO et J.-M. MBOKO DJ'ANDIMA, op.cit. vol.1, pp. 209 et 213.

* 210 A. MAZYAMBO MAKENGO KISALA, J.-M. KUMBU KI NGIMBI et B. KABAMBA (dir.), op.cit., p.123.

* 211 Voir J. DJOLI ESENG'EKELI, Droit constitutionnel : l'expérience congolaise (RDC), op.cit., p.234.

* 212 Ibidem.

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