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L'achat public responsable a-t-il vocation à  soutenir la performance globale du système de santé ?

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par Emilie POMMIER
Institut Léonard de Vinci - MBA Management Responsable et Performance des Organisations 2015
  

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Partie 3 : Et si les achats publiques responsables étaient l'une des composantes de la démocratie sanitaire ?

Petit retour en arrière.

Dès 1945, avec la création de la Sécurité sociale, le système de santé français est placé dans la sphère de la démocratie sociale, qui relève de la légitimité des partenaires sociaux. En 1997, lorsque paraît le premier palmarès des hôpitaux, l'intention est de permettre à chacun de connaître les très bons (et non les meilleurs) services hospitaliers en France, dans un souci de partage de l'information avec le grand public.

Cette lame de fond que l'on appelle aujourd'hui démocratie sanitaire est un mouvement directement hérité de ces mutations et si le concept est encore en phase de construction, il doit d'ores et déjà relever de nombreux défis dans un contexte de crises sanitaires successives et de difficultés majeures en matière d'accès aux soins141. Inventée dans les années 1990, l'expression démocratie sanitaire traduit la volonté d'encourager l'adhésion et la contribution des patients-usagers et des associations qui les représentent, à l'ensemble de l'écosystème de la santé. Signe d'une volonté de transparence vis-à-vis de l'usager, notamment le patient expert142, la démocratie sanitaire s'efforce de créer les conditions d'une participation effective du citoyen aux politiques de santé dont il est justement le destinataire et d'instaurer un climat de confiance mutuelle, dans un cadre géographique stable. Signée en mai 2015, la Convention portant création de l'Institut pour la Démocratie en Santé (IPDS) entérine d'ailleurs un certain nombre de missions en ce sens : former les responsables du système de santé aux enjeux, méthodes et outils afférents143 ; créer un centre de ressources permettant de regrouper, partager et diffuser les connaissances144 ; initier les projets de recherche dans le domaine de la participation des usagers et des citoyens.

Au sein de cette démocratie sanitaire, la place des professionnels de soin doit encore être clarifiée et confortée, de même que celle des industriels. Une certitude demeure : la performance est l'affaire de tous et la responsabilité de chacun. En plaçant l'usager au coeur du système - en tant qu'acteur de sa santé, à titre individuel et collectif - celui-ci se voit offrir la possibilité de démontrer sa performance et son aptitude à s'impliquer145. Calquant son comportement sur ses agissements en tant que consommateur, il est tout à fait

141 Déserts médicaux, obstacles financiers, complexité de la prise en charge des maladies chroniques...

142 Le patient qui, atteint d'une pathologie chronique, développe une connaissance pointue de sa maladie

143 Pour permettre une plus grande implication des citoyens dans la définition des politiques publiques, comme dans l'adaptation des organisations en santé.

144 Et impliquer les citoyens dans la définition des politiques publiques comme dans l'adaptation des organisations en santé.

145 Agence Nationale d'Appui à la Performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), « En quoi les usagers et les citoyens peuvent-ils contribuer à la performance du système de santé ? » (Actes des Universités d'été de la performance en santé, Tours, 28-29 août 2015).

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envisageable que le patient de demain interpelle de façon indirecte les industriels de santé et impulse certaines (r)évolutions dans la chaîne d'approvisionnement.

L'acheteur public de santé tient donc, aujourd'hui, un rôle bien plus actif et transversal que celui qui lui incombe dans une approche purement standard, au point de vue économique du terme. Il doit assumer pleinement son statut de coordinateur de la co-construction pour et avec les usagers, mais aussi pour et avec ses fournisseurs. Car si le système de santé entend travailler de façon collaborative avec le patient-usager (en aval), cette démarche sera naturellement étendue à la relation acheteur-fournisseur (en phase amont), de façon à créer un système vertueux, intégratif et cohérent.

Incarnant, à sa façon, les changements observés dans le rapport de force acheteur-fournisseur, l'acheteur public de demain sera donc un promoteur, un acteur majeur de la performance globale. La cheville ouvrière d'une démarche intégrée à la stratégie de l'établissement de santé, porteuse de sens et créatrice de valeur partagée.

Promoteur d'un dialogue ouvert et interactif permettant de pérenniser la relation, l'acheteur aura une double vocation : celle d'accompagner les fournisseurs vers un meilleur niveau de performance, tout en souscrivant à des solutions durables venant parfois troubler son propre équilibre146. Consolidée autour de valeurs partagées, d'une ambition de performance assumée et d'une reconnaissance des responsabilités individuelles et communes, la relation acheteur-fournisseur devrait générer une confiance réciproque et constituer un terreau fertile de co-création. Dans ce cadre, la conduite par l'acheteur d'audits terrain ou de contrôles auprès des fournisseurs fera partie intégrante de la relation. La responsabilité sociétale d'entreprise est sans nul doute au coeur de la relation acheteur-fournisseur : il s'agit d'un critère de confiance, de transparence, marqueur (le cas échéant) d'une relation pérenne, inscrite dans une logique de fidélisation - y compris dans un contexte de crise. L'acheteur public perçoit en effet de façon très nette les bénéfices d'une démarche RSE sur la maîtrise des différents niveaux de risque. Si un industriel de santé propose à l'acheteur une solution dont le caractère durable ne fait aucun doute, ce dernier pourra à son tour devenir « promoteur de la confiance » auprès des patients-usagers. La confiance devenant alors, de manière tout à fait officieuse, une forme de critère de sélection des offres.

Mais l'acheteur public de demain tiendra également un rôle de promoteur du territoire. Les établissements publics de santé sont des acteurs économiques et sociaux importants, au coeur des territoires. Ils sont bien souvent les premiers employeurs d'une ville, disposent d'une large sphère d'influence et détiennent un potentiel éducationnel extrêmement fort en direction des personnels qui y travaillent, mais aussi vis-à-vis des millions de patients et résidents qu'ils accueillent. A ce titre, la relation acheteur-fournisseur sera d'autant plus bonifiée qu'elle s'inscrit dans un rapport privilégiant cette dimension économique locale, dans une perspective de partenariat sur le long terme. Certains industriels de santé, à

146 Etant entendu dans une logique positive d'optimisation de ses processus.

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l'image de B. Braun Medical, tentent déjà d'accompagner leurs clients sur des chantiers sources d'économies intelligentes et de valeur partagée147 pour les réseaux territoriaux148. Il s'agit alors d'envisager la RSE comme une incitation à la création de valeur partagée entre l'entreprise et la société civile, à savoir « cette valeur qui permet de "reconnecter" la compétitivité de l'entreprise avec les besoins de la société en matière de progrès social149. » Le secteur de l'industrie pharmaceutique se révèle être un terrain de recherche opportun pour aborder ces questions des relations entre société civile et entreprise, étant donné le contexte de défiance envers les industriels et la complexification des enjeux environnementaux et socio-économiques150.

Au sein de la démocratie sanitaire, la commande publique peut donc jouer un rôle essentiel. A condition de construire un système où éthique des affaires, transparence et relations de confiance seront de mise, il s'agit même d'un élément central, source de création de valeur pour tous, au-delà de la qualité des soins et de la bientraitance. Au sein d'un tel système, l'acheteur public jouira d'une fonction transversale et stratégique, servant la performance de l'établissement de santé.

147 Le concept de création de valeur partagée, développée par Porter et Kramer, répond à 5 critères essentiels : la définition d'un objectif social et/ou environnemental, l'existence d'un besoin bien défini, le suivi d'indicateurs de mesure de la valeur créée, le déploiement d'une structure d'innovation pertinente et la mise en oeuvre d'un processus de co-création.

148 Voir leaflet Ecoflac? [Annexe 6].

149 Porter, Kramer (2011).

150 http://www.leem.org/les-entreprises-du-medicament-publient-leur-10eme-rapport-de-responsabilite-societale

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Conclusion

 
 

Si la vocation première des achats publics responsables n'est probablement pas de mener à la performance globale, il s'agit toutefois un important contributeur à ce mouvement. En effet, l'achat responsable constitue - quoi qu'on en dise - une forme d'incitation positive adressée au marché ; incitation qui crée un cercle vertueux et contribue peu à peu à l'émergence d'offres responsables construites (produit et service) tangibles, créatrices de valeur et économiquement avantageuses. Evidemment, le niveau de " couverture " des enjeux du développement durable est relativement disproportionné, fonction des volets considérés, mais force est de constater que l'évolution de l'inclusion des clauses sociales et environnementales dans les marchés publics, ces dix dernières années, constitue un signal relativement positif. Un stimulus d'autant plus fort qu'il pourrait être démultiplié grâce aux effets d'entraînement de la commande publique, capable de démocratiser cette pratique dans les années à venir - qui plus est en matière de produits de santé.

Il convient davantage d'envisager les achats publics responsables comme l'un des maillons de la démocratie sanitaire, dont le mot d'ordre est l'instauration d'un dialogue constructif. En convertissant la thématique des achats d'un statut de défiance à un statut de confiance, la commande publique a ainsi toutes ses chances de gagner en maturité, de se structurer au sein des établissements de santé et de soutenir -in fine- la performance globale.

Toutefois, la réglementation des marchés publics - du fait qu'elle propose à la fois des modalités variées d'intégration du développement durable et pèse, en même temps, de tout le poids du droit communautaire et du risque de contentieux - restreint considérablement les éventuels élans dans le sens de la RSE. On observe ainsi un système à deux vitesses régenté par des injonctions contradictoires ; un système qui semble parfois un peu "dépassé" et pas toujours disposé à se donner les moyens de ses ambitions.

Alors, certes, le propre de la performance globale est qu'elle propose de concilier des intérêts souvent opposés, quitte à procéder à des arbitrages...mais en matière d'achats publics responsables, les amalgames sont encore très (trop) fréquents et les arbitrages, orientés dans une seule et même direction. Le développement durable dans la commande publique de produits de santé est quasi exclusivement réduit au seul volet environnemental. La logique de coût complet n'est clairement pas acquise ni parfaitement assimilée, au sein de la communauté des acheteurs publics. Quant aux volets social (démarches RSE encourageant la performance interne) et sociétal (démarches RSE encourageant la performance externe), ils ne sont pas considérés comme partie intégrante du périmètre d'actions, au nom du principe fondamental de lien avec l'objet du marché.

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La marche vers des clauses sociales et environnementales intégrées à toutes les consultations, de façon homogène et systématique, prendra encore du temps. Un temps qu'il faudra consacrer à l'accompagnement du changement, à la formation professionnelle des acheteurs publics et à la mise en place de structures organisationnelles dédiées aux achats responsables - y compris en termes de ressources.

La performance intégrée, comme son nom l'indique, dénote une vision stratégique et politique d'intégration de la responsabilité sociétale. Une vision dont découle ensuite des objectifs et priorités en matière de développement durable. La véritable question que doit aujourd'hui se poser la communauté des acheteurs publics est finalement celle de la place qu'ils sont prêts et en mesure d'accorder au dialogue qualitatif avec les parties prenantes, à la co-construction de solutions RSE, à la création de valeur partagée, etc... dans leurs marchés. Et la réponse à cette question ne tient pas tant à des exigences réglementaires ni à des valeurs morales, qu'à la volonté propre de leur direction d'établissement. En effet, en matière d'achats publics responsables, la véritable performance consiste à challenger ses fournisseurs sur les thématiques qui constituent les priorités stratégiques et figurent, à ce titre, dans son Plan d'établissement et dans aucun autre. Les efforts RSE des uns (fournisseur) serviront ainsi les objectifs RSE des autres (acheteur), dans une logique de synergie et de performance partagée. Dans cette perspective, il conviendra également de s'interroger sur la place attribuée au développement durable dans l'établissement de santé, afin de respecter une certaine cohérence entre ce qui est exigé des candidats et la réalité de son organisation. Enfin, lors de la définition des indicateurs de pilotage, l'ensemble de ses réflexions devra aider l'acheteur public à déterminer le ou les but(s) que sert sa démarche responsable, autrement dit : la responsabilité sociétale est-elle une fin en soi ou sert-elle exclusivement des objectifs économiques ?

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon