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L'achat public responsable a-t-il vocation à  soutenir la performance globale du système de santé ?

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par Emilie POMMIER
Institut Léonard de Vinci - MBA Management Responsable et Performance des Organisations 2015
  

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Partie 2 : La réglementation des marchés publics et les injonctions du système de santé limitent considérablement le potentiel de l'achat public responsable

S'ils sont institutionnalisés, les principes fondamentaux de lien avec le besoin à satisfaire134 et de non-discrimination semblent toutefois représenter la première des barrières à l'évolution de la commande publique vers un modèle de performance globale. Dans une certaine mesure, ils ralentissent aujourd'hui considérablement la transition d'un régime d'autorisation (« ce qui permis ») vers un régime de stimulation (« ce qui est exigé »), qui aurait le pouvoir de favoriser les innovations sociales et environnementales. L'acheteur public est tenu de se concentrer sur l'objet du marché. A ce titre, en dehors des conditions d'exclusion et des articles 15 et 45 du Code des Marchés Publics, portant respectivement sur les marchés réservés135 et l'examen du savoir-faire social et/ou environnemental du candidat, une majeure partie de la commande publique a les yeux rivés sur le « besoin à satisfaire ». Toute information abordant l'objet du marché de façon indirecte, sans être interdite, prête aujourd'hui à débats. Le produit a-t-il fait l'objet d'une évaluation environnementale tout au long de son cycle de vie ? Le site de fabrication dudit produit est-il détenteur de telle ou telle certification volontaire ?... Autant de questions longtemps jugées inappropriées et sans lien avec l'objet du marché mais qui, au sens de la norme ISO 14062 sur l'éco conception relèvent bien du périmètre du produit ou service. Depuis quelques années, grâce à la professionnalisation des outils et de leur cadre méthodologique, la notion de cycle de vie et ses étapes clés sont toutefois rentrés dans les moeurs des acheteurs publics, qui tolèrent désormais des questions portant sur la présence de composants recyclés, la recyclabilité du produit ou encore sur les éventuels labels officiels apposés sur les emballages produit ou de transport. Mais le chemin à parcourir est encore long...

En adoptant cette vision quelque peu parcellaire, la commande publique se coupe nécessairement d'une vision globale et holistique de l'objet du marché et du contexte dans lequel la réponse à ce besoin a été développée : « the big picture ».

Selon les principes fondamentaux du droit communautaire, encourager la performance globale pourrait également constituer un frein à l'égal accès au marché. Une idéologie liée à la crainte que la responsabilité sociétale puisse attiser des élans de protectionnisme « vert ))136 ou « bleu ))137, exprimés à travers des conditions d'exécution ou des spécifications techniques très, voire trop, précises. Certes, la diversité du paysage économique induit que tous les acteurs en présence ne sachent pas répondre avec le même niveau de maturité à ce type d'injonctions. Pour autant, l'acheteur public est sensé étudier son marché, avant toute

134 Ou, dit autrement, l'objet du marché public.

135 Seules les structures qui accueillent des personnes en situation de handicap sont alors autorisées à se porter candidates.

136 Environnemental.

137 Social.

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rédaction d'une consultation. Le cas échéant, s'il constate que les offres responsables sur ce marché sont trop rares - si ce n'est monopolistique - il lui revient de ne pas inscrire dans les documents de sa consultation des exigences ou spécifications techniques particulières en ce sens et d'autoriser les variantes. Les candidats disposant d'une offre « pro RSE » pourront ainsi soumissionner, sans pour autant léser les autres fournisseurs.

Ce point relève, semble-t-il, de la rigueur et du discernement de l'acheteur plus que d'une éventuelle « menace » portée par un ou plusieurs candidats aux offres vertueuses. Et c'est précisément en encourageant les best players que la commande publique se donne une chance de stimuler, de tirer vers le haut ses marchés.

Pour les raisons évoquées ci-dessus et afin d'éviter à l'acheteur public tout risque de contentieux, le système actuel cantonne plus ou moins le critère développement durable à l'article 53 du Code des Marchés Publics, en tant que critère de jugement des offres. Une alternative conventionnelle, limitant la portée des débats - certes - mais réduisant considérablement le poids relatif de cet enjeu dans la note globale attribuée.

Qui plus est, étant donné les sources de pression pesant sur le système de santé, et plus spécifiquement les établissements de soin, il est compréhensible que ces derniers - confortés par un ensemble de réglementations européennes et nationales - cèdent à la tentation du " transfert de responsabilités ", en redirigeant la majeure partie des injonctions à des pratiques plus vertueuses vers les fabricants. Si les industriels - en tant que metteurs sur le marché et parce qu'ils ont l'initiative de certaines orientations fondamentales pour le produit telles que le choix des matières premières - doivent évidemment assumer leur part de responsabilités vis-à-vis de l'environnement et des Hommes, cela ne doit pas dispenser pour autant les établissements de santé d'endosser la leur. Ni même d'ailleurs les empêcher de s'interroger sur l'intégration du développement durable dans leur organisation et leur Plan stratégique pluriannuel.

Pourtant, à quelques exceptions près (largement célébrées et relayées), l'intégration du développement durable dans les marchés publics de santé répond davantage d'une volonté de conformité réglementaire et d'un acte symbolique que de convictions personnelles. En l'absence d'un tel stimulus et à défaut d'une compréhension globale de la RSE, nombre d'acheteurs voient dans la commande publique responsable un moyen de répondre à des objectifs de normalisation et de standardisation, là où d'autres ont compris la portée stratégique des clauses sociales et environnementales. Une dichotomie qui a toujours existé et qui se creuse chaque année un peu plus, entre les « établissements pionniers » et les autres...

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Au-delà des exigences en vigueur, un ensemble de pratiques - admises - limitent considérablement le développement de l'achat public responsable et la stimulation de la performance globale.

L'obstination à circonscrire le développement durable à des thématiques purement écologiques, par exemple, en est une. Si elle découle du principe communautaire de lien avec l'objet du marché, cette injonction à réduire les impacts du produit/service sur l'environnement permet surtout de visualiser rapidement et de façon quantitative ces effets positifs. Une démonstration simple et efficace, souvent chiffrable, parfois " vitrine ", qui retient de loin la préférence de l'acheteur public, contrairement à la clause sociale. Devancés par les aspects écologiques depuis plusieurs années, les enjeux sociaux devraient gagner progressivement en représentativité grâce, notamment, à la refonte du Code des Marchés Publics et l'intégration des fameux « marchés réservés ». Toutefois, il est fort à parier que ces efforts de rattrapage ne suffiront pas à hisser les problématiques sociales sur le haut de la pile. Car comme le révélait le panorama des attentes croisées de la société civile et de la communauté économique - réalisé en 2015 par l'Institut du Management RSE - là où le grand public exprime nettement une attente sociale138, les acteurs économiques formulent une attente de nature pro-environnementale.

Concrètement, l'intégration du développement durable dans les marchés publics est probablement envisagée par la majorité des acheteurs comme un moyen de répondre à une forte incitation économique. Etant donné le niveau des objectifs « d'économies intelligentes » fixé aux établissements de santé français, à travers le programme PHARE139, il s'agit même d'une théorie plausible... Ainsi, l'acheteur public sera particulièrement réceptif aux solutions de réduction des déchets ou de reprise des emballages, qui permettent à son établissement de dégager rapidement des économies (et de l'espace disponible !).

Mais les échanges acheteur-fournisseur restent fondés sur une vision court-termiste, ne laissant que peu de place au débat sur le coût complet, et pour lequel l'acheteur public ne dispose pas - a priori - de cadre méthodologique précis. Une tendance annoncée dès 2011, par l'enquête de l'Observatoire Economique de l'Achat Public, qui révélait que moins de 10 % des acheteurs publics reconnaissaient adopter cette démarche.

Il semble que conjuguer « développement durable » au pluriel (économique, social et sociétal, écologique) et à moyen terme (dans une logique de coût complet) soit plus complexe dans la pratique qu'en théorie...remettant en question la capacité du système de santé d'évoluer vers un modèle de performance intégrée.

138 Institut Management RSE / CSR Metrics France, « L'Observatoire des enjeux RSE 2015 : état des attentes RSE en France, vues par la société civile et la communauté économique, et leur utilisation dans l'analyse de la matérialité des enjeux RSE des entreprises » (février 2015).

139 Programme de performance hospitalière pour des achats responsables.

Ce qu'il faut retenir

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En marge de ces injonctions contradictoires, le débat sur l'achat public responsable doit également être recentré autour de l'acheteur et s'inscrire dans le cadre de sa relation avec les acteurs présents sur le marché.

A date, l'absence d'accompagnement de l'acheteur public est à la fois pénalisante et incompatible avec toute forme d'aspiration à un système globalement performant.

La commande publique responsable peinera à gagner en maturité si les directions d'établissement ne s'engagent pas à allouer davantage de ressources - temps, Hommes, budget - à leurs acheteurs, mais elles devront également lui assurer un parcours de formation adapté, permettant de gagner en compétences et en domaines d'expertise. Le système de santé devra également apporter un certain nombre d'éléments de réponses à des questions qui restent aujourd'hui non-traitées : comment motiver l'acheteur public ? (par le conseil, par l'incitation, par la récompense, par l'obligation ?) Comment sécuriser, juridiquement, l'acheteur, toujours hanté par le risque de contentieux ? Comment faire en sorte que les clauses sociales et environnementales soient respectées et correctement appliquées ?... Le guide des bonnes pratiques en matière de Marchés Publics140 - élaboré avec l'appui de la Direction des affaires juridiques du ministère de l'Économie, de l'Emploi et de l'Industrie, et du ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique - apporte des premiers éclairages sur ces différentes questions.

Les établissements de soin précurseurs, aujourd'hui, sont ceux qui ont fait le choix de dédier des ressources à la RSE. Ceux-là même qui, hier, furent les premiers à dégager du temps utile pour que certains personnels se rassemblent en Commission développement durable, mènent des actions sur le terrain (audits déchets, par exemple), organisent des événements internes autour de sujets RSE, challengent la performance des offres des fournisseurs ou encore organisent avec ces derniers des rendez-vous afin de construire des solutions concrètes...

Dans un monde qui fonctionne déjà à deux vitesses, creuser l'écart entre les établissements de santé précurseurs et le reste des opérateurs, sur le territoire, représente un risque : celui de ne pas prendre le train en marche, de ne pas amorcer le virage qui redessinera complètement le paysage sanitaire français et, en définitive, d'être évincé d'un nouveau système reposant sur la co-construction et la création de valeur partagée.

140

http://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/conseil_acheteurs/guides/g uide-bonnes-pratiques-mp.pdf

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld