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L'achat public responsable a-t-il vocation à  soutenir la performance globale du système de santé ?

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par Emilie POMMIER
Institut Léonard de Vinci - MBA Management Responsable et Performance des Organisations 2015
  

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Chapitre III : L'achat public responsable comme soutien à la performance globale du système de santé, mythe ou réalité ?

Partie 1 : La commande publique doit encourager et développer la performance globale

S'il est un domaine pour lequel les notions de bien commun119 et de bien public mondial sont particulièrement pertinentes, c'est en effet la santé. Chacun d'entre nous bénéficie du système de santé et en retour, sa responsabilité nous incombe collectivement : l'accès au meilleur état de santé possible et la protection de la santé constituent des droits fondamentaux applicables à tout être humain ; chacun est solidaire du maintien de la qualité de notre environnement de vie et de la pérennité du système de santé ; sa gestion et sa mise en oeuvre reposent sur la coopération et la responsabilité de l'ensemble des acteurs (pouvoirs publics, citoyens, professionnels ou établissements du secteur de la santé, du social et du médicosocial, entrepreneurs et industriels, associations, chercheurs, etc). La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme entérine d'ailleurs son caractère inaliénable : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires... » (art. 25).

La commande publique en matière de santé, dont l'un des objectifs est de protéger ce bien commun, peut apporter un soutien d'autant plus fort qu'elle prend place dans un marché pour lequel elle représente une part significative de la demande. De longue date, les effets d'entraînement de la commande publique sur l'innovation et de façon globale sur le démarrage de certaines industries, font partie de la littérature économique et permettent à ces dernières d'atteindre rapidement une taille critique, bénéficiant ainsi d'économies d'échelle. Il s'agit du modèle du public demand push, théorisé par Burmeister120 : les marchés publics constituent un levier de politique technologique particulièrement favorable au début du cycle de vie, « quand le secteur public dispose d'un pouvoir de monopsone121 qu'il utilise à travers une stratégie d'acheteur simultanément exigeant et bienveillant, et quand la technologie développée est générique ou adaptable aux besoins du secteur privé ». Faire de la commande publique un levier privilégié de la politique sociale et environnementale peut ainsi être rapproché des politiques de soutien à l'innovation des années 1950-1980, illustrées par de grands programmes technologiques ou des investissements des entreprises publiques122.

119 Ressource partagée par une communauté d'individus et collectivement gérée selon des règles propres.

120 BURMEISTER Antje (1994) http://www.persee.fr/doc/rfeco_0769-0479_1994_num_9_2_956

121 Régime de formation des prix dans lequel un acheteur unique trouve en face de lui une multitude de vendeurs.

122 « Les clauses environnementales dans les marchés publics », MARTY Frédéric (1999).

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Ce modèle de soutien par l'achat public responsable contribue à la levée des risques pour les entreprises proposant des biens et services plus respectueux de l'environnement et des Hommes ; il leur permet de tirer profit de certaines économies d'échelle favorisant la diffusion de leur offre ; et, dans une certaine mesure, d'augmenter leurs capacités de prescription - notamment vers les marchés privés.

Mais l'achat public responsable est également un outil de gestion des risques et une forme de réponse à la démultiplication des sources de pression. Quand on sait qu'en moyenne, 30 % des développements produit présentant une amélioration environnementale sont imputables à des stimuli externes115, on comprend combien l'achat de produits de soin auprès de fournisseurs responsables peut être complexe. La commande publique en santé étant située au carrefour d'un bloc constitutionnel (droit de l'Union Européenne et Code de la Santé Publique), du Code de l'Environnement et du Code du Travail...pour ne citer qu'eux.

En marge de ces impératifs réglementaires, l'accroissement ces dernières années de scandales sanitaires portés en justice grâce à des lanceurs d'alerte ou encore la perspective de potentielles class actions en santé123 - actions de groupe menées par des associations de patients - illustrent bien le pouvoir des parties prenantes, tant sur les offres et solutions proposées par les industriels de santé que sur la responsabilité des professionnels de soin qui les mettent en oeuvre. Là où, seul, le citoyen est contraint au silence, les associations d'usagers s'engagent à le rendre visible, audible et lui permettent d'agir face aux professionnels et aux institutions qui n'auraient pas assumé pleinement leur responsabilité sociétale124. Ces class actions à la française, dans la mesure où elles constituent un excellent moyen de mutualiser les coûts, permettent par ailleurs au patient/usager un accès plus équitable et plus aisé aux procédures légales.

Enfin, si les différents classements des hôpitaux et cliniques de France n'intègrent aujourd'hui aucun critère relevant formellement de la RSE, il est fort à parier que plusieurs de ces sujets se fraieront progressivement un chemin vers le devant de la scène. Il faudra alors que l'ensemble des acteurs de système -industriels de santé et établissements de soin-soient en mesure d'apporter une réponse collective, cohérente et économiquement acceptable à ce nouveau type d'exigences. Exigences en termes de qualité et de sécurité de l'offre de soin, en matière d'éthique et de dispositif de sécurisation des données patients, vigilance quant à la bonne gestion sociale de l'établissement de santé ou encore quant à ses impacts environnementaux...

123 Action judiciaire qui serait engagée par une association agréée, afin que les usagers de santé puissent solliciter la réparation de leurs dommages corporels auprès d'un défendeur pour le manquement de ce défendeur à ses obligations légales ou contractuelles. » (selon Maître Charles-Henri Caron, avocat au sein du cabinet Hogan Lovells).

124 Agence Nationale d'Appui à la Performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), « En quoi les usagers et les citoyens peuvent-ils contribuer à la performance du système de santé ? » (Actes des Universités d'été de la performance en santé, Tours, 28-29 août 2015).

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Le patient, s'il ne devient pas souverain, continue d'exercer une pression grandissante, et le défi que le système de santé devra relever consiste à garantir à tous une combinaison optimale solution de santé/pratique des soins. Il faudra, de fait, inscrire les relations entre pouvoir adjudicateur et fournisseurs d'une logique de « donneur d'ordre » à une logique de synergie : toute offre socialement et/ou écologiquement performante étant conditionnée aux pratiques vertueuses et responsables de l'établissement dans lequel elle sera mise en place.

De façon concomitante à cet ensemble de stimuli externes, la professionnalisation de l'acheteur public est un élément indispensable à la performance globale du système de santé. Un mouvement déjà en marche, illustré par le rassemblement spontané de plusieurs centres hospitaliers universitaires en France, désireux de partager leurs bonnes pratiques et leurs difficultés. Donnant vie au proverbe africain « seul on va plus vite, ensemble on va plus loin », ce cercle privé constitue désormais le Cercle « Performance Achats », sous l'égide de l'ANAP125, et compte plusieurs nouveaux membres. Confirmant cette tendance de la professionnalisation de l'achat, la dernière édition du Baromètre « Santé durable » révèle que le développement durable figurait en 2015 parmi les priorités du plan de formation dans près de 1 établissement de soin sur 5 - ce qui reste trop peu, malgré une nette inflexion des chiffres. Les trois cycles de formation phares étant : les gestes et postures au travail (78 % des établissements répondants), la gestion des déchets (47 %) et les achats durables (23%)126.

Or un acheteur bien formé, c'est un acheteur qui maîtrise les subtilités de la commande publique responsable et sait manier les différentes options d'intégration des clauses sociales et environnementales, afin de les adapter au mieux à son/ses besoin(s) et à la maturité des offres disponibles sur le marché.

Ainsi, dans une optique de performance globale, l'acheteur public de produits de santé pourra par exemple définir des conditions d'exécution127 qui imposeront aux fournisseurs de respecter des engagements de performance RSE pendant toute la durée du contrat (par exemple : livrer les produits de santé dans des cartons labellisés FSC ou PEFC ; garantir la reprise des palettes et/ou des cartons, après livraison, par le personnel d'un ESAT128 qui en assurera la valorisation...), en plus d'intégrer le développement durable parmi ses critères d'attribution129. Cette possibilité d'inscrire le développement durable à plusieurs étapes du « cycle de vie d'un marché public » est une véritable opportunité de confirmer le choix responsable de l'acheteur et, pour le candidat retenu, de démontrer l'authenticité de ses

125 Agence Nationale d'Appui à la Performance des établissements de santé et médico-sociaux.

126 DirectHopital, « Plus de 8 établissements sur 10 intègrent le développement durable dans leur projet stratégique » (article du 21 mai 2015).

127 Article 14 du Code des Marchés Publics.

128 Etablissement de service et d'aide par le travail.

129 Article 53 du Code des Marchés Publics.

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engagements responsables (cohérence et pérennité). A la recherche de la fameuse harmonie entre le « dire » et le « faire ». Une harmonie envisageable à condition, toutefois, d'inscrire son règlement de consultation et ses clauses techniques en cohérence avec l'ensemble de ces exigences, en veillant notamment à bien équilibrer le niveau de pondération du critère développement durable avec le niveau de complexité des fiches techniques à compléter.

Mais l'acheteur public pourrait également, dans une volonté d'intégrer davantage les clauses sociales et environnementales à ses marchés, teinter chacun des critères de jugement de l'offre d'une dimension responsable : 20 à 25 % du critère « Logistique » réservés à la description d'une solution de Green Supply Chain ou de mobilité douce, incluse lors de la livraison des produits ; 20 à 25 % du critère « Technique » réservés à une analyse documentée des avantages de l'offre en matière d'ergo-conception, de simplification de manipulation du produit ou de contribution à la réduction des troubles musculo-squelettiques; 20 à 25 % du critère « Prix » réservés à une analyse exhaustive du coût complet du produit... Ainsi, la différenciation responsable de l'offre (le cas échéant) serait manifeste et sans équivoque, puisqu'observable sur chacun des critères essentiels de jugement et argumentée de façon tangible. Une opportunité de distinguer plus facilement les offres 100 % durables et de leur attribuer une forme de bonus RSE ayant une réelle valeur déterminante dans le choix final, en phase avec le concept du « mieux-disant ».

Les responsables de la commande publique pourraient enfin rejoindre ou créer leur propre système centralisé et collaboratif d'évaluation de la performance et de dialogue fournisseur130 en l'adaptant, par secteurs. A l'image de la plateforme « Together for Sustainability » (TfS)131, dont le but est de développer et implanter un programme d'évaluation et d'audit global pour évaluer et perfectionner les pratiques responsables des acteurs de la supply chain de l'industrie chimique, les représentants de la commande publique pourraient imposer à tous leurs fournisseurs de se soumettre à une évaluation régulière de leur performance RSE via ce type de plateforme en ligne. Accessible 24/24, 7 jours sur 7, un tel système permettrait aux candidats de compléter une sorte de « méta-questionnaire RSE » correspondant à leur profil et à leurs services (universels) mais de renseigner également des évaluations bien plus courtes et ciblées visant à qualifier les bienfaits sociaux et/ou environnementaux de leur offre, par gamme.

Cette évaluation initiale serait certes plus exhaustive - donc plus longue à compléter - qu'un questionnaire développement durable joint à la consultation d'un établissement de santé, mais le candidat n'aurait ensuite à la renseigner qu'une fois par an, ou plus selon les mises à

130 Ecovadis : http://fr.ecovadis.com/supplier-solutions/

Acesia : http://groupe.afnor.org/pdf/ACESIA-afnor-solutions-achats.pdf Enablon : http://enablon.fr/solutions-fr/performance-des-fournisseurs Correl : http://correl.fr/evaluer.phtml

131 http://www.arkema.com/fr/media/actualites/detail-actualite/Arkema-rejoint-Together-for-Sustainability-TfS-une-initiative-pour-une-supply-chain-responsable/

Ce qu'il faut retenir

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jour qu'il souhaiterait apporter132. Ramené à l'année, cela représenterait en définitive un gain considérable, quand on sait le temps Homme consacré à l'élaboration de réponses aux injonctions sociales et environnementales, dans le cadre des consultations publiques ! Un gain de temps observé également chez l'acheteur qui, à l'occasion de chaque marché, n'aurait plus qu'à interroger le système afin de voir si l'évaluation RSE du candidat X est disponible et, selon la réponse du logiciel, il n'aurait plus qu'à visualiser cette évaluation ou à solliciter le candidat pour que ce dernier se soumette à l'évaluation initiale. Pour l'acheteur, le premier avantage d'une telle plateforme d'évaluation en ligne serait donc la réduction du « temps administratif » au bénéfice du « temps utile », offrant la possibilité de focaliser sur l'analyse qualitative de l'offre responsable. Le second avantage de ce système centralisé collaboratif, accessible à tout établissement de santé adhérent, serait l'alternative d'une vision matricielle - transversale - sur l'un des aspects de la performance du candidat (par exemple, les économies d'énergie liées à ses produits). Un détail qui pourrait finalement ne pas en être un, si tant est qu'il puisse avoir une incidence sur un ou plusieurs des chantiers stratégiques de l'établissement de santé (par exemple, si la réduction de ses consommations d'énergie, par ailleurs source d'économies substantielles, figurait parmi ses priorités). Enfin, l'acheteur public aurait la possibilité de visualiser en un clin d'oeil la performance relative de chaque candidat soumissionnaire, sur une matrice globale. Ce qui ne le dispenserait pas, pour autant, de creuser les sources de performance de tel ou tel candidat.

Les idées ne manquent pas pour développer la performance globale au sein du système de santé. Toutes n'induisent pas, d'ailleurs, de changement majeur dans le système actuel...mais certains ajustements et, indéniablement, de créer une impulsion forte en ce sens. La commande publique peut et doit initier ce mouvement : non seulement elle est capable de générer des effets d'entraînement forts, mais elle est plus que concernée par le partage de responsabilité vis-à-vis de la santé, ce bien commun si cher à chacun d'entre nous. En outre, le poids des injonctions réglementaires et légales se trouve aujourd'hui décuplé par la pression - légitime - exercée par les patients et usagers des produits de santé. La réponse à l'ensemble de ces directives se trouve probablement dans la construction d'un système de soin responsable, intégratif et cohérent, capable de créer de la valeur et des bénéfices partagés, encourageant la professionnalisation des acheteurs et permettant à ces derniers d'explorer certains outils collaboratifs en vue de mutualiser leurs efforts.

C'est à ces conditions et à ces conditions seulement que la commande publique de produits de santé pourra espérer atteindre les objectifs ambitieux fixés à travers le 2ème PNAAPD133. Car ce qui a changé, c'est le discours de preuve, la mesure des résultats, la conviction qu'on ne peut plus faire « sans » le développement durable et que ce qui était, hier, une exhortation à penser le changement est aujourd'hui devenu une exigence de le conduire, de façon concrète.

132 Nouvelles informations RSE, mises à jour d'une certification, mise à jour de la consommation électrique de tel ou tel produit, etc.

133 25 % de marchés comportant au moins une disposition sociale et 30 % comportant au moins une disposition environnementale, d'ici à 2030.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote