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Les évolutions récentes de la justice constitutionnelle en République démocratique du Congo.

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par Ernest Lufudu A.
université de Kindu - Graduat en Droit Public 2013
  

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3. 5.1. Contrôle de la conformité à toute la Constitution ?

En principe, ce sont toutes les dispositions de la Constitution qui constituent les «normes de référence» pour la Cour constitutionnelle. Il s'agit donc des règles de compétence, des règles de procédure (en particulier pour l'adoption des lois), et des règles de fond (en particulier : du titre II, sur les droits, les libertés et les devoirs).

Toutefois, il y a une catégorie particulière de règles constitutionnelles à l'égard desquelles on peut avoir des doutes si leur violation peut déjà être invoquée au stade du contrôle préventif, du moins lorsqu'il s'agit de recours introduits par les présidents des assemblées ou par des minorités parlementaires79(*). On vise les règles délimitant la compétence du pouvoir législatif central, sous deux angles :

· d'une part, les règles qui posent des limites au pouvoir législatif, au profit du pouvoir exécutif (Président de la République, Gouvernement) : voir le cadre fixé notamment par les articles 122, 123 et 128 de la Constitution ;

· d'autre part, les règles qui posent des limites aux pouvoirs de l'Etat, au profit des provinces : voir le cadre fixé par le titre III, spécialement son chapitre II, articles 195-207.

Pourquoi des doutes ? Pour deux raisons.

Premièrement, il y a le texte de la Constitution. L'article 161, al. 3, mentionne explicitement les «conflits de compétences entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, ainsi qu'entre l'Etat et les provinces» comme une catégorie particulière de conflits. Les cas d'incompétence précités peuvent-ils alors encore être réputés couverts par le terme (général) d'«inconstitutionnalité» utilisé aux articles 160, al. 1er, et 162, al. 1er ?

Seconde raison : la finalité du contrôle préventif à l'initiative des présidents des assemblées ou des minorités parlementaires. L'on peut aisément comprendre que lesdits requérants soumettent un texte à la Cour constitutionnelle pour la défense des intérêts du Parlement national ou de leurs propres intérêts fonctionnels, mais il est difficile de voir quel intérêt ils auraient pour obtenir une décision constatant que le Parlement national a empiété sur les pouvoirs du pouvoir exécutif80(*) ou des provinces. Bien sûr, ici aussi, le dernier mot sera à la Cour constitutionnelle même.

3.5.2. Les effets des décisions de la Cour Constitutionnelle

Avant d'essayer de donner une réponse à la question de savoir quels sont les effets juridiques attachés à une décision de la Cour Constitutionnelle, il convient de signaler que la Cour Constitutionnelle peut prendre des décisions dans différents sens :

· Elle peut déclarer l'acte déféré totalement ou partiellement contraire à la Constitution.

· Elle peut déclarer l'acte déféré purement et simplement conforme à la Constitution (ou, du moins, déclarer qu'aucun motif d'inconstitutionnalité n'a pu être décelé).

· Enfin, elle peut déclarer l'acte déféré conforme à la Constitution, sous réserve d'une interprétation déterminée de cet acte.

A cela s'ajoute l'hypothèse que l'acte est réputé conforme à la Constitution, du fait du dépassement du délai pour statuer. Alors, quels sont les effets de ces décisions (ou de l'absence d'une décision) ?

Deux hypothèses sont à distinguer : celle où l'acte est déclaré inconstitutionnel, et celle où l'acte est déclaré ou réputé conforme à la Constitution. On pourrait avoir l'impression, au vu de l'article 168, al. 2, de la Constitution, que si l'acte est déclaré inconstitutionnel, il est «nul de plein droit».

La règle de l'article 168, al. 2, ne paraît toutefois pas écrite pour le contrôle préventif. Tout d'abord, cette règle ne saurait s'appliquer au contrôle préventif des lois, pour le simple motif qu'il n'y a pas de «loi» qui puisse subir la sanction de la nullité.

La déclaration d'inconstitutionnalité a ici pour effet que le texte adopté par les deux chambres du Parlement ne pourra pas devenir une loi. Pour les règlements intérieurs des chambres, les articles 112, al. 4, et 120, al. 5, disposent expressément que les dispositions déclarées non conformes «ne peuvent être mises en application» ; l'article 160, al. 2, va dans le même sens, dans la mesure où il dispose que ces règlements intérieurs ainsi que ceux des institutions d'appui à la démocratie doivent être soumis «avant leur mise en application» à la Cour constitutionnelle. Il n'y a donc pas de nullité, mais une non-applicabilité.

Enfin, il va de soi que la nullité d'un traité ou d'un accord international ne peut découler d'une déclaration de non-conformité à la constitution d'un des États parties. L'article 216 de la Constitution prévoit, à juste titre, une autre sanction : le traité ou l'accord en question ne pourra être approuvé ou ratifié, aussi longtemps que la Constitution n'a pas été révisée.

La conclusion est que la sanction n'est pas la nullité. L'acte déclaré nul continue à exister, mais la déclaration d'inconstitutionnalité empêche que des effets juridiques puissent en découler.

Si l'acte est déclaré conforme à la Constitution (le cas échéant sous réserve d'une interprétation déterminée), ou si le délai est passé sans qu'une décision n'ait été rendue (acte réputé conforme), l'effet immédiat est que certains obstacles sont levés :

· en ce qui concerne les lois, elles peuvent être promulguées (article. 124, alinéa 3, et 139, alinéa. 2) ;

· en ce qui concerne les règlements intérieurs, ils peuvent être mis en application (art. 112 alinéa 4, 120 alinéa 5, et 160 alinéa 2) ;

· en ce qui concerne les traités et les accords internationaux, ils peuvent être approuvés et ratifiés.

Il n'y a pas de problème particulier. Mais qu'en est-il de l'autorité attachée à la décision de la Cour ? L'article 168, al. 1er, de la Constitution dispose comme suit : «Les arrêts de la Cour constitutionnelle... sont obligatoires et s'imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires ainsi qu'aux particuliers». Il s'agit, à mon avis, de l'autorité de la chose jugée erga omnes. Celle-ci s'attache par ailleurs non seulement au dispositif de l'arrêt, mais aussi à ses motifs. Ceci est particulièrement important dans les cas où la Cour constitutionnelle déclare un acte «conforme», sous réserve d'une interprétation déterminée : l'interprétation ainsi donnée s'impose alors à tous.

Toutefois, on doit lire l'article 168 dans son contexte. Or, le contexte, ce sont notamment les articles qui prévoient des recours en annulation, des exceptions d'inconstitutionnalité, et des conflits de compétence. Il en résulte que, contrairement au système français, la Cour constitutionnelle n'est pas en mesure de donner un «brevet de constitutionnalité» définitif. Autrement dit, les actes reconnus ou réputés conformes à la Constitution au stade préventif n'acquièrent pas un caractère intangible. Cette constatation s'impose a fortiori pour les actes (lois) qui n'ont pas été attaqués au stade préventif. Tous ces actes peuvent encore faire l'objet de recours a posteriori.

L'autorité qui s'attache à une décision de la Cour, rendue au stade préventif, ne saurait dès lors être qu'une autorité de la chose jugée provisoire : elle vaut aussi longtemps que la Cour elle-même n'est pas revenue sur sa décision (par exemple sur base de moyens qu'il n'a pas pu examiner au stade préventif). Cette dernière conclusion m'amène à faire deux observations concernant les revirements de jurisprudence.

Tout d'abord, afin de ne pas créer l'insécurité juridique, la Cour constitutionnelle ferait bien de ne pas revenir trop vite sur ses propres arrêts. Même si ces décisions au stade préventif sont rendues selon une procédure accélérée et pas tout à fait contradictoire, elles devraient pouvoir raisonnablement assurer les autorités intéressées que les actes déclarés conformes à la Constitution peuvent être mis en application sans trop de risques.

Ensuite, il importe de souligner que la possibilité de revenir sur un arrêt antérieur n'est ouverte qu'à la Cour constitutionnelle même. Toutes les autres autorités (législatives, administratives ou judiciaires) sont tenues de respecter l'autorité de la chose jugée s'attachant aux décisions de la Cour. Les décisions rendues dans le cadre du contrôle préventif ne font pas exception à cette règle.

* 79.Je ne parle pas du contrôle a posteriori : il ne me semble pas faire de doute que dans ce type de contrôle la violation de toutes les règles constitutionnelles peut effectivement être invoquée.

* 80. En France, le Conseil constitutionnel examine le moyen tiré de l'empiètement du législateur sur le domaine réglementaire, mais si le moyen est fondé, il se limite à déclarer que les dispositions en question ont un caractère réglementaire, sans pour autant  les déclarer inconstitutionnelles (Conseil constitutionnel, 21 avril 2005, no. 2005-512 DC, considérant 23 et dispositif, art. 3). Au Congo, la Cour constitutionnelle pourrait agir de la même façon, sur base de l'article 128, al. 2, de la Constitution.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault