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La gouvernance forestière: étude comparative entre droit français et le droit congolais


par Francis KAZADI MBENGA
Université de Limoges - Master 2 Droit International et Comparé de l'Environnement 2018
  

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Section 1. Le rôle des acteurs locaux sur les questions relatives à la gouvernance forestière64

En RDC, le secteur privé semble avoir eu peu d'influence sur l'élaboration du Code, et n'avait probablement pas connaissance de son existence jusqu'à une époque relativement récente. L'industrie forestière s'oppose à certains éléments du Code et réclame actuellement qu'il soit revu et corrigé. On sait toutefois que le secteur privé a joué un rôle plus proactif dans l'élaboration et la mise en oeuvre des décrets d'application. Tous les projets de décrets sont censés être revus et approuvés par un « Comité de pilotage » formé de fonctionnaires gouvernementaux, de représentants du secteur privé, d'ONG et de conseillers spéciaux, pour ensuite être envoyés au ministre ou au président pour leur approbation finale. Cependant, après avoir approuvé quelques-uns des décrets de base nécessaires à l'attribution de concessions industrielles jusqu'au début de 2004, le Comité a pratiquement cessé de se réunir et les membres du secteur privé refusent de continuer à examiner les textes des projets de décret. L'élaboration de politiques a ainsi été littéralement bloquée pendant la majeure partie des deux dernières années.

Bien que l'élaboration de politiques soit entravée ou carrément bloquée, le secteur privé réussit de toute évidence à convaincre le gouvernement d'attribuer des parties de forêts aux fins d'exploitation. La Banque mondiale a constaté les « demandes pressantes » adressées au gouvernement par des investisseurs étrangers qui sont prêts à commencer à opérer en RDC.

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Cette obstruction et ces pressions semblent avoir été provoquées pour la plupart par les changements apportés avec l'appui de la Banque mondiale au régime fiscal forestier, lequel est en soi une partie importante de la politique forestière du gouvernement, Par exemple, en 2002, la taxe de superficie était de 0.00143 $ par hectare, ce qui signifie qu'une « concession » de 200,000 hectares n'apporterait au gouvernement que 286 $ par année en revenus provenant des taxes de superficie.50 La Banque a fait pression sur le gouvernement congolais pour qu'il augmente substantiellement ces taxes, recommandant vivement de les porter à 0.50 $ par hectare par an (ce qui est encore bas par rapport au reste de la région et très bas par rapport au reste du monde).

Bien que le gouvernement y ait d'abord consenti, l'industrie forestière s'est farouchement opposée à ces changements et a réussi à convaincre le gouvernement d'introduire graduellement les taxes de superficie, et de faire en sorte qu'elles ne s'appliquent qu'à un quart de la zone de « concession ». La taxe est actuellement de 0.20 $ par hectare.

De la même façon, l'Office national des transports, ONATRA, s'est vivement opposé à tout changement dans les systèmes (para)fiscaux par lesquels il perçoit une partie substantielle du total des revenus forestiers grâce à une taxe sur le transport fluvial du bois. Pour ce qui est de l'ensemble des réformes fiscales proposées par la Banque mondiale, celle-ci signale que, à la suite d'un décret publié en mars 2004, le gouvernement congolais a « commencé à appliquer la nouvelle taxe forestière, mais aucune des mesures visant à réduire le fardeau fiscal n'a été mise à exécution. ONATRA n'a pas non plus réduit ses tarifs de transit. » Toutes ces oppositions ont eu pour effet de bloquer littéralement la réforme de la politique fiscale du secteur forestier.

La société civile n'a eu jusqu'à maintenant qu'une influence extrêmement limitée sur les politique forestière. Il n'y a eu aucune consultation auprès des ONG nationales pendant la préparation du Code forestier, quoiqu'il y ait pu y avoir une consultation restreinte auprès de groupes de conservation internationaux, tel que WWF et la Wildlife Conservation au sein du Comité de pilotage qui examine les projets de décret, le Comité ne s'est pas vraiment réuni depuis que d'autres ONG s'y sont intégrées. On peut déduire de ce qui précède que le gouvernement s'était appuyé presque entièrement sur les « conseils », le soutien et les encouragements apportés par des organismes de l'extérieur, particulièrement la Banque mondiale, pour la modernisation de sa structure de politique forestière. La Banque, la FAO et,

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dans une moindre mesure, des ONG telles que WWF ont apporté un « soutien technique » à l'élaboration du Code et des quelques décrets d'applications qui ont suivi. Ceux-ci n'auraient presque certainement jamais vu le jour n'eût été des interventions internationales.

Ceci s'inscrit dans un contexte historique ou l'exploitation du bois d'oeuvre, de même que tous les autres secteurs économiques, était essentiellement utilisée par les élites politiques pour accumuler des richesses et du prestige personnels et comme une « unité monétaire » importante dans les systèmes de clientélisme politique.

Comme il est mentionné dans un rapport produit pour USAID :

« Ce n'est pas un hasard si aucun effort n'a été fait pour jeter les fondements d'un système de lutte contre la corruption et les procédés de financement illicites en RDC .L'histoire de la RDC est marquée par les aspirations des dirigeants à détenir et conserver le monopole du pouvoir. Dans la pratique, les revenus provenant de pots-de-vin sont venus arrondir de façon régulière et substantielle les salaires des fonctionnaires de la RDC .Actuellement, l'administration présidentielle, le Conseil des ministres, les gouverneurs provinciaux, ainsi que l'administration locale et régionale sont quelques-unes des entités gouvernementales corrompues65. »

L'étude signale également que :

« Le danger qui plane actuellement sur les forêts de la RDC réside dans la faible gouvernance, c'est-à-dire, la probabilité que le gouvernement soit incapable de bien réglementer l'accès aux ressources forestières et, une fois les concessions octroyées, de contrôler l'exploitation à l'intérieur de celles-ci afin de s'assurer que les limites des concessions sont respectées. Le fait que le gouvernement n'ait pas la capacité ou la volonté de contrôler les concessionnaires forestiers locaux ou étrangers pourrait marquer le début d'une expansion de l'exploitation forestière qui risquerait d'épuiser rapidement les ressources ligneuses du pays. Cela pourrait à la fois entraîner une série de conséquences négatives sur l'environnement66.

Dans son enquête sur l'exploitation illégale des ressources naturelles de la RDC, un Groupe d'experts du Conseil de sécurité de l'ONU reconnaît les dangers que poserait la relance des

65Debroux, Laurent, Hart, Kaimmwitz, Karsenty & Topa, « Forests and post-conflict Democratic Republic of Congo: analysis of a priority agenda». Washington ,2007 http://documents.worldbank.org/curated/en/918971468770

66 Ibidem.

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secteurs des ressources naturelles en RDC. En janvier 2003, le Conseil de sécurité a adopté à l'unanimité la résolution 1457, encourageant « les Etats, les institutions financières et les autres organisations à aider ...à faire en sorte de mette en place les structures et institutions nationales nécessaires pour exercer un contrôle sur l'exploitation des ressources en RDC »67.

Cela ne s'est pas fait jusqu'à maintenant ; en fait, la capacité et la volonté de l'administration forestière de véritablement administrer le secteur forestier sont devenues pratiquement nulles. Cela va des échelons les plus élevés vers les plus bas - comme nous l'avons mentionné plus tôt, le Ministère de l'Environnement, tout en étant responsable du moratoire interdisant l'attribution de « concessions forestières » a systématiquement octroyé, sur une période de plus de 3 ans, près 150 de ces « concessions » couvrant une superficie d'environ 15 millions d'hectares.

D'une part, le ministère a un problème de sureffectif, qui a entraîné la prolifération des services spéciaux et la répétition des tâches ; même l'effectif réel du ministère de l'Environnement n'est que vaguement connu, le nombre d'employés basés à l'extérieur de Kinshasa se situant quelque part « entre 2000 et 4000 » selon les estimations de la Banque mondiale. D'autre part, les compétences techniques de base, notamment en matière de planification de la gestion forestière, de cartographie géographique et de recensement forestier, font largement défaut. D'après la Banque mondiale, le pays « n'a produit aucun nouveau forestier professionnel depuis dix ans. » Les agents forestiers locaux ne disposent d'aucune information même sur les lois et politiques forestières actuelles, ni d'aucun des outils de base, tels que des véhicules, ordinateurs ou téléphones, nécessaires à la réalisation de leur travail.68

67 Résolution du Conseil de Sécurité 2003

68 Greenpeace 2005 Annual Report DRC

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Section 2 : Opportunité du mécanisme REDD (Réduction des Emissions dues à la Déforestation et à la Dégradation forestière)

2.1 Notions

Au cours des dernières décennies, la déforestation et la dégradation des forêts ont été très marquées, particulièrement sous les tropiques ou est localisée la République Démocratique du Congo. C'est le résultat de nombreux facteurs, dont l'exploitation (légale et illégale), la conversion pour une agriculture à grande échelle, l'agriculture de subsistance par les populations rurales pauvres, l'activité minière et la collecte de bois de chauffage. La disparition des forêts soulève des inquiétudes pour de nombreuses raisons (perte de biodiversité, impacts sur la vie rurale, dégradation des services des écosystèmes tels que l'approvisionnement en eau.

Le REDD est un mécanisme international créé lors de la conférence des Parties UNFCCC69, pour inciter économiquement les grands pays forestiers tropicaux à éviter la déforestation et la dégradation des forêts. Dans ce cadre, une valeur financière au carbone stocké dans les forêts, offrant une incitation économique pour les pays en développement afin qu'ils diminuent la déforestation et investissent dans les alternatives plus sobres en carbone pour le développement durable. Le programme « REDD+ » va au-delà de la déforestation et de la dégradation des forêts uniquement, et inclut une gestion durable et la conservation des forêts ainsi que le renforcement des stocks de carbone liés à la forêt.

A cet effet, la France s'est engagée en 2009, lors du sommet de Copenhague70 sur le climat, à consacrer 20 p. cent de ses financements précoces pour le climat (soit 150 millions d'euros par an) à la lutte contre la déforestation des pays en développement71. Ainsi, afin d'assurer le suivi permanent de ses engagements sur la question, la France avait mis sur pied le projet « Gret72 » qui est présent en République Démocratique du Congo depuis 1998, avec des interventions dans

69 UNFCCC : United Nations Framework Convention on Climate Change : Convention cadre des Nations sur les changements climatiques, adoptée au cours du Sommet de la Terre en 1992 par 154 Etats.

70 La conférence de Copenhague de 2009 a été la 15e conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Du 7 au 18 décembre 2009

71 Suivi des engagements de la France sur Redd, https://www.gret.org

72 Le Gret est une ONG internationale de développement, de droit français, qui agit du terrain au politique, pour lutter contre la pauvreté et les inégalités.

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trois domaines : agriculture ; eau potable, assainissement et déchets ; gestion des ressources naturelles et énergie.

Du côté de la République Démocratique du Congo, la mise en place du mécanisme REDD dans la lutte contre le déboisement et la dégradation des forêts est une opportunité pour l'aménagement de son couvert forestier. La RDC s'est fortement engagée dans le processus de préparation du REDD, elle se prépare à recevoir des fonds importants dans le cadre des financements de la réduction des émissions. Ce processus comprend l'établissement d'un cadre institutionnel et légal pour la mise en oeuvre de la REDD.73Le Fonds National REDD+ a pour ambition de constituer un point d'entrée privilégié pour le financement de la stratégie REDD+ du pays. Il facilite l'utilisation stratégique des contributions au travers d'une coordination renforcée des différentes sources de finance climatique, d'une appropriation nationale accrue et d'allocations efficaces axées sur les résultats, dans le respect des sauvegardes sociales et environnementales.

Du Programme REDD+ découle des projets REDD+ qui mettent en place des activités qui aident à la réduction de la déforestation et de la dégradation des forêts .Les communautés qui dépendent de ces forêts sont les acteurs gestionnaires principaux de ces activités74.

Comme illustré avec la RDC, les crédits carbone sont utilisés par les communautés locales pour développer une série d'activités économiques durables, tels que des produits issus de la forêt, l'agroforesterie, des infrastructures d'éco-tourisme, du micro-crédit et des moyens de communication locaux ainsi que d'autres activités socio-économiques, culturelles et environnementales.

En effet, les projets de conservation REDD+ aident les communautés de producteurs les plus défavorisés à protéger leur forêt et à développer des activités rentables et durables en valorisant les services écosystémiques rendus par les forêts. Les activités développées pour la conservation des forêts sont de 4 types :

73 Partenariat pour les forêts du Bassin du Congo, Mécanisme de gestion des financements REDD+ en RDC, https : pfbc-cbfp.org

74 Projet REDD+ : Conservation de la Forêt, https://www.purprojet .com

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? Mesures coercitives : enregistrement de la zone au niveau de protection le plus élevé, délimitation de la zone, contrôle et surveillance, actions pour éviter l'immigration non contrôlée, etc.

? Activités d'incitation pour augmenter la valeur de la forêt vivante : par exemples extraction des graines, éco-tourisme, utilisation des plantes, production apicole, etc. L'objectif est de réduire le besoin pour les communautés de déboiser plus.

? Régénération naturelle assistée : renforcement des stocks de carbone forestier grâce à des pratiques de gestion durable des forêts75.

Il est apparu critique pour la RDC de mettre en place un cadre de gouvernance multipartites et multisectoriel afin que les politiques et mesures REDD+ soient impulsées au plus haut niveau décisionnel, et fasse l'objet d'une coordination efficace. La structure de gouvernance du Fonds, instaurée par Décret du Premier Ministère, est assurée par trois organes principaux :

Le Comité de pilotage, présidé par le Ministère des Finances (en tant qu'Entité de Coordination Nationale), est l'organe d'orientation, de décision et de supervision des activités du Fonds ; il fixe les orientations stratégiques, approuve les propositions de programme REDD+ et s'assure de la performance globale du Fonds. Il est composé de six membres du Gouvernement au niveau ministériel, et de partenaires au nombre desquels CAFI, le représentant du système des Nations Unies, la société civile et le secteur privé.

Le Comité Technique, piloté par le ministre de l'environnement, garantit le contrôle qualité et le respect des critères REDD+ fixes. Il évalue l'ensemble des orientations stratégiques et propositions de programme REDD+ soumis au Fonds et propose ses recommandations au comité de pilotage.

Le Secrétariat Exécutif est le gestionnaire national du Fonds au nom du Comité de Pilotage. Il assure la coordination quotidienne des activités du Fonds et veille au respect des règles et procédures76.

2.2 Obstacles à la mise en oeuvre du REDD+

En RDC, le problème de la gouvernance n'est pas tant de disposer d'un cadre juridique adéquat car, malgré leurs lacunes, les outils juridiques existants peuvent produire des résultats, s'ils

75 Ibidem

76 The DRC REDD+ National Fund, www.cafi.org

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étaient appliqués, respectés et opposables à tous. Le problème est surtout de faire appliquer la loi et de développer des compétences pour ce faire. Or, on observe qu'à tous les niveaux, les autorités forestières cultivent l'irrespect des normes, leur laisser-faire et laisser-aller produisant de surcroît un déficit de transparence qui favorise toutes les formes de corruption. Nous relèverons ces déficits de gouvernance et de transparence aux niveaux national, provincial et local.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote