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Conflits hommes-faune sauvage en Inde du sud: déterminants spatiaux et socioculturels


par Paul Badaire
Le Mans Université - Master Gestion des Territoires et Développement Local 2018
  

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1.2. Les conflits hommes-animaux sauvages

Pour Johansson (2009), un conflit apparaît quand un animal ou un homme passe la frontière (symbolique mais qui peut correspondre à une frontière réelle) entre nature et culture. Suite à cette transgression, il n'est plus à la place qu'il lui était attribué. Mauz (2002) parle de « juste place », dont la conception varie selon les personnes et qui peut également être déterminée par la loi, comme dans le cas d'une AP. Le conflit survient quand l'animal transgresse les limites de la juste place qui lui a été attribuée. La notion de conflit homme-animal est donc intimement liée à l'espace et peut évoluer selon les sensibilités individuelles et collectives et les réglementations.

Les conflits hommes-faune sauvage peuvent prendre deux formes : quand les besoins et les comportements des animaux ont des effets néfastes sur les activités humaines ou quand ces dernières ont des effets néfastes sur les besoins de la faune sauvage (Madden, 2004).

Ces conflits peuvent affecter les hommes et les animaux directement sur la santé (blessures, décès, transmission de maladie...) ou sur le mode de vie (dégradations agricoles, dégradations matérielles, déprédation d'animaux domestiques, destruction d'habitats naturels...) (Nyhus, 2016). Ils peuvent également générer des coûts indirects pour les personnes touchées : coût d'opportunité du gardiennage ou de transaction lors du temps passé pour déposer une demande de réclamation, insécurité alimentaire et malnutrition, affectation psychologique à cause de l'insécurité physique ressentie, non-scolarisation des enfants pour participer au gardiennage ou impossibilité d'aller à l'école à cause du danger posé par certaines espèces animales... (Barua et al., 2013). Par exemple, outre les dégradations agricoles, la taille et la puissance de l'éléphant peut créer un fort sentiment d'insécurité, dont la dimension psychologique renforce le sentiment de conflit et impacte le bien-être psychosocial.

Globalement, la fréquence et la gravité des conflits hommes-animaux ont tendance à augmenter avec le temps sous l'expansion spatiale humaine et la proximité accrue entre les deux (Hill, 2015; Karanth et al., 2013, WWF, 2008). À titre d'exemple, en Inde, entre 2005 et 2010, 330 km2 de cultures ont été détruites et 350 personnes tuées chaque année à cause des

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éléphants. En réponse, une cinquantaine d'éléphants ont été tués par an en moyenne et de nombreuses forêts détruites (Rangarajan et al., 2010)

Une multitude de facteurs biologiques, écologiques et humains a été suggéré dans la littérature comme expliquant la propension des espèces animales à sortir des AP : manque de ressources alimentaires et hydriques dans l'AP, préférences alimentaires, qualité de l'habitat, intensité des d'activités humaines, types de limites de l'AP... (Linkie et al., 2007; Nyhus et Tilson, 2004; Parker et Osborn, 2006; Seiler et Robbins, 2016; Sillero et al., 2006; Sitati et al., 2003; Sukumar, 1994). Les réactions des populations aux incursions de ces animaux peuvent, en outre, aggraver les conflits. Une réactions humaine courante est en effet de chasser et d'exterminer l'animal problématique (Naughton-Treves et Treves, 2005). Madden (2004) insiste également sur le fait que les conflits hommes-animaux peuvent devenir des conflits hommes-hommes à propos des animaux et s'aggraver considérablement, par exemple quand les populations locales ressentent que la priorité est donnée aux animaux.

La réduction de ces conflits varie selon les contextes économiques, culturels, réglementaires... Afin de protéger la faune, certains gouvernements ont instauré des lois visant à interdire ou limiter la chasse hors des AP (Sukumar, 1994). Un grand nombre de méthodes différentes existent pour limiter les visites des animaux, comme par le contrôle létal ou la relocalisation des animaux problématiques, les mesures de ségrégation spatiale, les mesures de prévention comme le gardiennage, l'utilisation de moyens de dissuasion olfactifs, visuels ou sonores, la plantation de cultures tampon entre l'AP et les champs, l'aménagement du territoire... (Nyhus, 2016). Des mesures économiques visant à promouvoir des sources de revenus alternatives à l'agriculture ou fournissant une compensation financière aux pertes existent également (Dickman, 2010).

La gestion des conflits hommes-animaux a traditionnellement été exclusivement confiée aux gestionnaires des AP. Cependant, de plus en plus, l'importance d'associer les acteurs locaux au management (Larson et al., 2016; Sillero et al., 2006) et l'utilité de leurs savoirs, à la fois sur la faune et sur l'environnement (Goldman, 2007), sont de plus en plus reconnues. Lier la conservation avec le développement durable en privilégiant le local est en effet un des courants principal de la conservation depuis les années 1980, où une cogestion avec les autorités voire une gestion communautaire sont appelées pour améliorer la gestion de la conservation, même si cela peine à se matérialiser concrètement et efficacement (Rodary, 2008). Globalement, la nécessité de prendre en compte la dimension sociale dans l'étude des conflits et de leur résolution est de plus en plus acceptée (Dickman, 2010; Manfredo et Dayer, 2004; Nyhus, 2016; Redpath et al., 2015).

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Les phénomène des conflits hommes-animaux et leur résolution sont cependant complexes et il n'existe pas de solution « one-size fits all » (Madden, 2004). Ils sont en effet corollaires des spécificités du système socio-écologique dans lequel ils s'inscrivent et sont influencés par les facteurs historiques, sociaux, politiques, culturels, biologiques et environnementaux locaux (Dickman, 2010; Pozo et al., 2017). Pour comprendre ces conflits et les mitiger, il s'agit donc de prendre en compte à la fois les dimensions humaines et animales, ainsi que leur contexte socio-spatial (Bortolamiol et al., 2017; K K. Karanth et al., 2012; Marchand, 2013; Sitati et al., 2005).

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