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Conflits hommes-faune sauvage en Inde du sud: déterminants spatiaux et socioculturels


par Paul Badaire
Le Mans Université - Master Gestion des Territoires et Développement Local 2018
  

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6.2. Mesures de réduction des conflits et risques de dégradations agricoles

Cette partie cherchera à déterminer les mesures de prévention utilisées par les habitants de la zone de la PRA et si elles permettent de réduire les risques de dégradations agricoles. Il est ici supposé qu'elles ne sont pas efficaces. En Inde du sud, Kumar et al. (2017) et Karanth et al. (2013) jugent en effet que les mesures traditionnelles sont peu efficaces. Les entretiens exploratoires ont globalement confirmé l'impression de cette tendance.

Les mesures de réduction des conflits hommes-animaux peuvent être séparées en deux catégories. Les premières sont les mesures de prévention et visent à empêcher la venue de la faune. Leur efficacité sera évaluée en les associant à la fréquence de venue des animaux sur les parcelles des habitants. Les deuxièmes sont les mesures de réactions et visent à faire partir les animaux ayant pénétré dans l'espace humain. Leur efficacité sera analysée en les associant à l'occurrence de dégradations agricoles

Dans un premier temps, les méthodes utilisées et la perception de leur efficacité par leurs utilisateurs seront détaillés. Ensuite, l'hypothèse de non efficacité de ces mesures sera testée statistiquement pour chaque méthode et pour chaque espèce animale.

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Les mesures de prévention utilisés sur ce terrain sont au nombre de quatre. Les barrières en tissus sont utilisées par 17 des 84 foyers interviewés. 88% de ces foyers estiment qu'elles ne sont pas efficaces, et seulement partiellement efficace pour le reste.

Les barrières biologiques correspondent à la plantation de bosquets adossés à une barrière en bois ou bambou et sont utilisés par 37 des foyers. 84% jugent qu'elles sont inefficaces, 13% partiellement efficaces et 3% (1 personne) efficaces.

Les barrières en fils barbelés ne sont présentes que dans seulement 4 parcelles, à cause de leur coût prohibitif. Elles ont été financées dans 3 des cas par la commune. La moitié estime qu'elles ne sont pas suffisantes pour empêcher les animaux de passer, et l'autre moitié juge qu'elles sont partiellement efficaces. 3 estiment cependant qu'elles permettent de limiter les venues de sambars.

27 familles ont installé des épouvantails, mais 81% de ces derniers les trouvent inefficaces. 14% les jugent néanmoins partiellement inefficaces alors qu'une seule personne (4%) estime qu'ils permettent de tenir les animaux éloignés.

Ces mesures de ségrégation sont donc globalement estimées peu fonctionnelles. Seulement deux personnes ont estimé garder régulièrement leur parcelle pour y prévenir l'entrée des animaux. Ce faible nombre peut s'expliquer par le fait que la plupart des habitants ont un autre travail à côté et le fait que ceux qui vivent de l'agriculture cultivent principalement des hévéas qui sont moins sujets aux dégâts animaux. Les agriculteurs sont, en outre, plus âgés que la moyenne (50 ans) et donc peut-être moins en mesure de s'opposer aux animaux sauvages, comme les sangliers ou les éléphants. Le gardiennage préventif a donc été mis de côté dans cette analyse.

Les habitants de la zone de la PRA ont développé plusieurs techniques pour effrayer et faire fuir les animaux sauvages ayant pu rentrer sur leurs parcelles.

L'utilisation de répulsifs sonores est ainsi pratiquée par 70% des foyers, que ce soient des pétards ou des percussions. 30% de ces derniers ont indiqué que l'utilisation de telles méthodes est particulièrement efficace. Un quart juge néanmoins qu'elles sont inutiles et 45% partiellement efficaces.

Un peu moins de la moitié (46%) des foyers utilise des répulsifs visuels, essentiellement le feu ou des lampes torches. 23% les juge efficaces, 31% partiellement efficaces et 36% inefficaces.

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Un tiers des habitants a également déclaré avoir des chiens de garde. La moitié les juge inutiles, un tiers partiellement efficaces et 18% efficaces. Bien que de nombreuses personnes aient estimé qu'ils n'empêchent pas les animaux de venir et ne servent principalement qu'à avertir les humains, cette mesure d'atténuation des conflits hommes-animaux peut être considérée comme à la fois mesure de prévention et de réaction. Dans le premier cas, l'hypothèse considérée est que les aboiements du chien indiquent une présence humaine aux animaux, réduisant par-là les venues de ces derniers. Dans le deuxième cas, l'hypothèse considérée est que les aboiements permettent aux hommes de connaître la venue d'animaux est donc de pouvoir réagir.

Mesures de réduction des conflits utilisées et perceptions de leur

efficacité

Barrière en Barrières Barrières Epouvantails Répulsifs Répulsifs Chiens

tissu biologiques barbelés sonores visuels

Inefficace Partiellement efficace Efficace Nombre de foyers utilisant

40,00%

90,00%

80,00%

70,00%

60,00%

50,00%

30,00%

0,00%

20,00%

100,00%

10,00%

% de foyers (sur 84)

Nombre de foyers (sur 84)

40

70

60

50

30

20

10

0

17

37

4

27

59

39

28

Figure 13: Mesures de réduction des conflits utilisées et perceptions de leur efficacité

L'hypothèse de l'inefficacité des mesures de réduction des conflits a ensuite été testée statistiquement pour chaque espèce animale.

Pour les mesures de prévention, cette hypothèse a été testée en étudiant la relation entre la fréquence des venues et l'utilisation de ces mesures.

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Pour les barrières en tissu et biologiques ainsi que pour les épouvantails, l'hypothèse d'indépendance est acceptée pour chaque espèce animale. L'étude du tableau de contingence de l'utilisation de barrières en métal (4 cas) ne montre pas une fréquence de venue moindre pour les quatre espèces animales. Le fait de posséder un chien de garde ne montre pas également une diminution relative de la fréquence des venues.

Pour les mesures de réaction, cette hypothèse a été testée en étudiant la relation entre l'incidence de dégradations agricoles et l'utilisation de ces mesures.

L'utilisation de répulsifs sonores n'est pas liée à une baisse des dégradations agricoles pour les sangliers et les singes. Cependant, l'hypothèse d'indépendance est rejetée pour les sambars (p=0,03482, n=84), mais l'analyse détaillée indique que l'utilisation de répulsifs sonores augmente les occurrences de dégradations agricoles. En revanche, cette technique semble efficace (p=0,004417, n=84) dans le cas des éléphants.

En revanche, les techniques de répulsifs visuels ne semblent pas s'accompagner d'une réduction des conflits.

Le fait de posséder un chien de garde montre une relation négative (p=0,02001, n=84) avec l'occurrence de dégradations agricoles des éléphants, mais pas pour les autres espèces animales.

Les mesures de réductions des conflits utilisées par les habitants de la zone de la PRA correspondent à celles communément utilisées dans le reste de l'Inde (Karanth et al., 2012; Lenin et Sukumar, 2008; C. K. Rohini et al., 2016). Elles ne semblent globalement ne pas s'accompagner d'une réduction des venues des animaux et des conflits. Ces résultats correspondent globalement à d'autres études déjà menées au Inde du sud n'ayant pas trouvé de relations vraiment significatives entre les mesures de réduction et le risque de dégradations agricoles (Karanth, Gopalaswamy, et al., 2013; Kumar et al., 2017; Paleeri et al., 2016). Bien que Sinu et Nagarajan (2015) suggèrent un impact positif de l'utilisation de barrières en tissus au nord du Kerala, ceci n'est pas le cas sur ce terrain.

Néanmoins, bien que cela ne s'accompagne pas de visites animales plus rares, le fait de posséder un chien est associé à une réduction de dégradations agricoles causées par les éléphants, de même que pour les répulsifs sonores. Ceci concorde avec les résultats de Paleeri et al., (2016) dans un contexte similaire. Ceci s'explique peut-être par le fait que les éléphants sont plus aisément remarqués du fait de leur taille et de leur moindre discrétion, d'autant plus qu'ils s'aventurent également en journée contrairement aux sangliers et sambars. Ceci peut

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donc permettre aux habitants de réagir plus vite à leurs venues et de pouvoir les faire fuir avant qu'ils n'aient pu créer des dommages.

6.3. Analyse spatiale visuelle et distance à la forêt

Une analyse spatiale visuelle de la carte des conflits sera dans un premier temps effectuée. Ensuite, la relation entre la distance à la forêt (AWS et partie centrale de la zone du PRA, voir partie 3.4) et les visites des quatre espèces animales sera étudiée.

Initialement, une variable de proximité à une ouverture dans les mesures de ségrégation spatiale (5km de mur, 3km de fossé, 2km de barrière électrique) implantée par les autorités de l'AWS devait être également analysée. Cependant, les données nécessaires à l'élaboration d'une variable de proximité à une ouverture dans la séparation entre zone du PRA et AWS n'ont pas pu être obtenues. Les gardes forestiers m'ont en effet interdit de continuer ma reconnaissance à pied du long de la bordure, car un tigre avait été repéré plusieurs fois dans les environs, ce qui est assez rare. Ayant pu effectuer environ un tiers de la bordure avant d'être interrompu (22/05/2018), j'ai remarqué de nombreux pans de murs démolis et de tranchées à moitié remblayées.

Seule la variable de distance à la forêt a donc été étudiée plus en détail. En effet, de nombreuses études ont trouvé un lien entre la distance au refuge le plus proche et l'intensité des conflits en Inde du sud (Gubbi, 2012; K K. Karanth, Naughton-Treves, et al., 2013; Paleeri et al., 2016). La distance entre les foyers et la forêt a été obtenue à l'aide de l'outil « Distance to nearest hub » (voir partie 3.4).

Le foyer dont les résidents ont été interviewés le plus proche de la forêt est à 18 mètres et la plus éloignée à 1009 mètres, pour une moyenne de 458 mètres (84 foyers). Le premier quartile est à une distance de la forêt allant de 18 à 229 mètres, le deuxième de 229 à 449 mètres, le troisième de 449 à 715 mètres et le dernier de 715 à 1009 mètres. La distribution des foyers est donc relativement équilibrée.

Les sangliers montrent ainsi une tendance à moins venir dans les habitations les plus éloignées (r=0,21, p=0,0559, n=84). Bien que ce résultat statistique peut être peu pertinent sachant que 92% des foyers ont signalé des visites quotidiennes, il est intéressant de noter que 4 des 7 foyers n'ayant pas déclaré de visites quotidiennes font partie du 4ème quartile de distance à la forêt.

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En outre, une corrélation a été trouvée entre la distance au refuge le plus proche et la probabilité de visites des macaques (r=0,2167, p=0,04774, n=84). Les macaques viennent moins dans les habitations plus éloignées de la forêt.

Le fait que la mobilité des sangliers soit plus reliée à la distance que celle des éléphants et des sambars est assez étonnant. Plusieurs études ont en effet pointé que les sangliers sont une des espèces les plus aventureuses (Chauhan et al., 2009; Thinley et al., 2017). Cependant, encore une fois, la distribution des données pour les sangliers et les sambars est très asymétrique. La généralisation de leur analyse se doit donc d'être prudente.

L'analyse spatiale visuelle de la carte des dégradations agricoles signalées par les foyers interviewés selon l'espèce animale (Figure 1) montre une distribution marquée des conflits avec les macaques. Ces derniers semblent concentrés dans le nord de la zone du PRA et dans le sud. De même, les éléphants semblent créer moins de dégâts au sud. Les dégradations agricoles causées par les sambars et les sangliers semblent uniformément réparties.

Figure 14:Carte de dégradations agricoles signalées par les foyers interviewés de la zone du PRA

Source : Map Data @2018 Google (27/05/18)

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Carte des dégradations agricoles signalées par les foyers
interviewés de la zone du PRA

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus