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Conflits hommes-faune sauvage en Inde du sud: déterminants spatiaux et socioculturels


par Paul Badaire
Le Mans Université - Master Gestion des Territoires et Développement Local 2018
  

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6.5. Couverture des sols et risques de dégradations agricoles

Cette sous partie s'attachera à évaluer le lien entre couverture des sols et dégradations agricoles sur les cultures. Nyhus et Tilson (2004) ont en effet montré qu'une végétation dense peut favoriser le risque de raids en offrant un refuge aisément accessible. Selon les espèces animales et leurs besoins, certains couverts sont de plus préférés (Linkie et al., 2007 ; Pant et al., 2009 ; Baskaran et al., 2013). Un couvert forestier minimal est jugé essentiel pour les petits primates (Hill et Wallace, 2012). Les macaques d'Aralam restent ainsi essentiellement dans les arbres, et les rares incursions à terre sont brèves. De même, les sangliers préfèrent les espaces de végétation dense dans les milieux tropicaux, qui sont plus riches en ressources alimentaires

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(Guo et al., 2017). Thinley et al. (2017) ont démontré que les sangliers privilégient les forêts en bordure immédiate de champs. Sur ce terrain, il a de plus été suggéré que les éléphants et les cerfs ont tendance à sortir de l'AWS car ce dernier ne comporte pas d'espaces ouverts, qui sont particulièrement recherchés par les grands herbivores Les éléphants en particulier ont tendance à privilégier les espaces de végétation intermédiaire, qui offrent un compromis entre la qualité nutritionnelle supérieure des espaces ouverts et la quantité supérieure de nourriture des espaces denses (Gara et al., 2016).

Les incursions animales étant motivées par la quête de nourriture et les raids agricoles probablement plus opportunistes que volontaires (voir partie 6.1), la présence d'un type de couverture des sols particulièrement recherché par certains animaux peut donc s'accompagner de visites animales et de risques de dégradations supérieurs pour les foyers à proximité.

Les hypothèses d'association entre la couverture du sol et les visites de la faune sauvage seront donc différentes selon les espèces animales : les espaces de végétation intermédiaire sont supposés être plus propices aux venues des sambars et des éléphants, alors que les espaces plus denses sont supposés être privilégiés par les sangliers et macaques.

La vérification de ces hypothèses sera effectuée à partir de la composition des différents types de couverture des sols entre un foyer et le refuge le plus proche.

Dans un premier temps, une carte de la couverture des sols a été établie à l'aide de l'image Sentinel 2A et des connaissances du terrain. Un sous-ensemble correspondant à la zone étudiée a d'abord été sélectionné sur SNAP, en ne gardant que les bandes 2, 3, 4, 5, 11 et 12 et en redimensionnant chaque bande en pixel de 10 mètres. Une classification supervisée par pixel a ensuite été effectuée sur SPRING, à l'aide de la méthode couramment utilisée de la « Maximum Likelihood » à 99% (Lu et Weng, 2007). L'étape de post classification a ensuite été exécutée pour réduire le nombre de pixels indépendants ou en très petit groupe. Un poids de 2 et un seuil de 5 se sont avérés les plus appropriés.

L'objectif a été de classifier la couverture des sols en 4 classes : surfaces sans végétation (ex. surfaces artificielles, eau, sol nu), végétation herbacée ouverte et basse, végétation intermédiaire (principalement des fruticées ouvertes et des forêts ouvertes) et végétation dense (incluant plantations denses). La vérification de la qualité de la classification a finalement été jugée à l'aide du coefficient de Kappa (Congalton, 1991). Ce dernier a été obtenu à l'aide d'une matrice de confusion construite à partir de 100 points sélectionnés de manière aléatoire sur QGIS. La précision totale de la classification effectuée est de 83% et le coefficient de Kappa

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s'élève à 77%. Bien que ce résultat ne soit pas excellent, il demeure raisonnable. La différence entre végétation basse et intermédiaire a été la principale source d'erreur (9 des 17 erreurs).

Cette carte de couverture des sols a ensuite été exportée vers QGIS pour être traitée. Cette couche et une couche rastérisé de la « couche des lignes foyers/forêt » (lignes tamponnées entre les foyers et le refuge le plus proche) ont été croisées à l'aide de l'outil « Cross-Classification and Tabulation ». Il a fallu dans un premier temps créer une couche raster par foyer à partir de la « couche des lignes foyers/forêt » et ensuite les croiser individuellement. Ceci a permis d'obtenir la composition de la couverture des sols entre les foyers et le refuge le plus proche. Les données ont ensuite été extraites sur Excel pour calculer le pourcentage de chaque type de couverture des sols dans chaque ligne tamponnée foyer-forêt. Ces valeurs continues ont ensuite transformées en valeurs discrètes en les regroupant en plusieurs classes.

Une corrélation significative a été trouvée entre la fréquence de venue des éléphants et la présence de végétation intermédiaire (rho=0,24, p=0,028, n=84). Moins il y a de végétation intermédiaire, plus les éléphants viennent fréquemment dans les parcelles des foyers. Ce résultat peut donc indiquer que lorsque le type de végétation qui leur convient le mieux est abondant, les éléphants ne cherchent pas à aller chercher de la nourriture chez les hommes. Ceci semble donc corroborer le résultat de la partie 6 .1 sur l'utilisation des sols: les éléphants ne semblent pas venir sur les parcelles humaines car ils préfèrent s'y alimenter, mais plutôt quand ils ne trouvent pas assez de nourriture.

L'analyse des tables de contingences a montré une faible corrélation négative entre la présence de végétation dense et les venues des sangliers. Cependant, étant donné que 92% des foyers ont signalé des venues quotidiennes des sangliers, la signification de ce résultat est faible.

L'hypothèse de lien entre la densité de la végétation, et donc la présence d'arbres, et les visites de macaques a été rejetée. Il n'y a également pas de corrélation entre la présence de végétation intermédiaire et de végétation dense combinées et leurs venues. L'hypothèse de lien entre la présence de végétation intermédiaire et la venue de sambars a également été rejetée.

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Carte de couverture des sols

Figure 16: Carte de couverture des sols

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L'analyse des configurations spatiales de la zone du PRA a donc permis de montrer plusieurs tendances. Les animaux sauvages venant de l'AWS montrent des préférences alimentaires certaines, mais ne semblent pas spécifiquement pour les cultures qui leur sont appétentes. Les raids agricoles dans les parcelles habitées découlent probablement plus d'un comportement opportuniste lors de leurs venues à la recherche de nourriture. Les éléphants, par exemple, viennent plus chez les humains quand il y a peu de végétation intermédiaire (qu'ils favorisent) entre la forêt et les espaces habités.

La présence d'habitations entre la forêt et les parcelles visitées a tendance à faiblement limiter les venues des animaux. Les routes en revanche ne semblent augmenter les risques perçus par les animaux, si ce n'est faiblement pour les éléphants.

Les mesures de prévention mises en place par les habitants ne sont pas efficaces, comme estimées par ces derniers. En revanche, l'usage de méthodes de réaction, telles que des répulsifs sonores et visuels, permettent généralement de faire fuir les animaux. Cependant, seulement pour les éléphants, ceci semble s'accompagner d'une baisse des dégradations agricoles. Le fait qu'ils soient plus facilement repérables peut permettre aux habitants de réagir avant qu'ils n'aient causé de dégâts.

Les macaques ont tendance à rester près de la forêt et à ne pas s'aventurer au-delà. Ils sont de plus peu présents entre le Sud et la partie centrale de la zone du PRA. Le fait que la végétation soit moins dense influe peut-être leur venues.

Les résultats de cette analyse spatiale sont cependant limités pour les sangliers et les sambars à cause de la distribution très marquée des données sur leurs fréquences de visites et sur leurs dégradations agricoles. Une classification des dégâts par leur ampleur aurait permis de procéder à une analyse plus fine. Les résultats les plus significatifs ont ainsi été trouvés pour les éléphants. Ces derniers semblent éviter les humains tant qu'ils ont une source de nourriture à disposition. D'une manière générale, l'échantillon des 84 foyers interviewés est certainement trop faible pour donner des résultats suffisants sur ce terrain.

Bien que l'étude des configurations spatiales favorisant les conflits soit importante pour concevoir des mesures de prévention et de réduction des conflits efficaces, l'analyse du volet social est également indispensable pour mieux comprendre l'origine des conflits et mettre en oeuvre des solutions adaptées aux habitants locaux.

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7. ATTITUDES DES HABITANTS ET DÉTERMINANTS

SOCIO-CULTURELS

Cette partie abordera le problème des conflits hommes-animaux dans la zone du PRA d'Aralam sous un prisme plus qualitatif, en examinant le volet social. Elle se fondera sur des données de l'enquête sociale, obtenues à travers des questions ouvertes et fermées, afin d'étudier les rapports des habitants aux animaux sauvages, à la conservation et à la résolution des conflits, ainsi que les filtres socio-culturels oeuvrant dans la construction de ces rapports.

Les habitants de la zone du PRA sont en effet directement et profondément touchés par les politiques de protection de la biodiversité comme l'instauration de l'AWS. Ils sont également des acteurs dont les actions influencent l'atteinte de l'objectif de conservation de l'AWS. La prise en compte de leur vision du monde, de leurs valeurs et de leurs intérêts est donc indispensable à la fois à la mise en oeuvre d'une gestion efficace de l'AWS et à la mise en place de solutions adaptées pour réduire l'intensité et la gravité des conflits avec la faune sauvage. Ceci requiert donc de connaître les attitudes et les représentations des habitants locaux envers les différents aspects du problème.

Les filtres socioculturels participant à la construction des représentations et des attitudes des habitants sont également importants. L'efficacité d'une action, qu'elle vise par exemple à instaurer une gestion partagée ou simplement à sensibiliser sur un thème particulier, repose sur sa correspondance à un besoin, mais aussi sur l'acceptation et la volonté des acteurs concernés. Déterminer les filtres pouvant influencer les opinions permet ainsi d'être en capacité de cibler ces actions et les adapter selon la réceptivité des divers groupes sociaux.

Tout d'abord, afin de déterminer les tendances globales, les réponses des habitants seront analysées à l'aide de statistiques descriptives. Dans un deuxième temps, l'influence des filtres socio-culturels sur les représentations et les attitudes sera approfondie sur certaines questions à l'aide des tables de contingences et du test du khi2. Les facteurs étudiés seront le sexe, l'âge, les expériences vécues, le rapport à l'agriculture et les bénéfices reçus des autorités de conservation. Les hypothèses pourront varier selon le type d'attitude étudié. Par exemple, une personne âgée peut avoir une représentation positive de la faune sauvage mais une attitude négative envers la mise en place d'une action collective car elle ne se sent pas assez dynamique pour s'y impliquer.

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La première hypothèse suppose que le sexe influence les attitudes. Les femmes sont en effet souvent plus confrontées aux animaux sauvages (ex. lors de la recherche de bois de chauffe) et peuvent avoir une sensibilité plus aigüe aux dégâts, notamment lorsqu'ils peuvent remettre en cause la sécurité alimentaire de la famille (Ogra, 2009).

L'âge est également considéré comme impactant les représentations et les attitudes (Wang et al., 2006). Cette variable a été classée en 3 catégories : moins de 20 ans, 20-55, plus de 55 ans. Ces catégories ont été choisies car elles représentent plus ou moins les 3 étapes de la vie locale sur ce terrain : jeunes n'ayant pas de famille à supporter, adultes ayant une famille à supporter, personnes âgées n'étant plus les principaux supports de la famille.

Le troisième facteur étudié concerne les expériences de la coexistence avec la faune sauvage. Cette variable était supposée être binaire : 1 pour les personnes vivant depuis au moins 5 ans sur ce terrain ou pour celles y habitant depuis moins de 5 ans mais ayant été en contact avec les animaux dans leur précédents lieux de vies, 0 sinon. Cependant, seulement 9 foyers sur 84 interviewés correspondant à la 2ème catégorie, la pertinence de l'analyse risquait d'être réduite. Une variable binaire sur la présence d'un sentiment d'insécurité provoqué par cette proximité avec les animaux sauvages a été privilégiée par rapport aux occurrences de dégradations agricoles, dommages matériels et physique ou prédation d'animaux domestiques, qui présentent une distribution des données trop asymétrique. En outre, l'insécurité et son impact psychologique reflète une forme particulière de conflit, dont les impacts peuvent être particulièrement profonds (Barua et al., 2013; Ogra, 2008) L'hypothèse est que le fait de ressentir de l'insécurité impacte les attitudes.

Le lien entre l'occupation principale des individus et les représentations sera également approfondi. Cette variable a été séparée en trois catégories représentant 83 des 84 foyers interviewés : Agriculteur, Travailleur journalier agricole, Travailleur journalier non-agricole. En effet, selon le type de source principale de revenus, et notamment la dépendance à l'agriculture, les attitudes peuvent varier (Naughton-Treves et Treves, 2005).

Les bénéfices retirés du fait de l'existence de l'AWS peuvent également influencer la tolérance et les attitudes des habitants. Par exemple, les autorités de l'AWS ont implanté 3 comités d'écodéveloppement pour les communautés de la zone du PRA et offrent des opportunités d'emplois, ainsi que des bénéfices matériels (ex. gazinières). L'Aralam Farm emploie plus de 450 personnes de la zone du PRA et ont développé plusieurs initiatives d'aides. Bien que ces bénéfices ne soient pas issus de l'AWS, il peut être intéressant d'étudier comment les attitudes peuvent changer selon l'origine des avantages reçus, notamment quand les 2 donateurs sont des institutions gouvernementales. Ceci peut ainsi indiquer si le conflit est vécu,

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en partie, comme causé par l'impératif de conservation en lui-même ou plus globalement par le gouvernement. Ces bénéfices ont été séparés en deux catégories : majeurs (emplois) et mineurs (participation à un comité d'écodéveloppement et autres bénéfices).

Les représentations et les attitudes, ainsi que leurs déterminants socio-culturels, des habitants envers l'AWS et les animaux sauvages, la conservation, les conflits, les gestionnaires de l'AWS, la résolution des conflits et la mise en oeuvre d'une solution collective seront successivement étudiées.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand