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Conflits hommes-faune sauvage en Inde du sud: déterminants spatiaux et socioculturels


par Paul Badaire
Le Mans Université - Master Gestion des Territoires et Développement Local 2018
  

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1.3.2. Activités humaines et dynamiques paysagères

L'utilisation des sols et le choix des cultures plantées sont donc des facteurs déterminants de conflits selon les préférences alimentaires des animaux. L'agriculture de subsistance, courante dans les pays en développement, se fonde souvent sur des cultures hautement nutritionnelles et donc attractives pour les animaux sauvages (Naughton-Treves, 1997). L'irrigation des cultures peut de plus être un facteur d'attraction de la faune sauvage (Sukumar, 1989), bien que Gubbi (2012) dans une étude extensive au centre du Kerala ne trouve pas de relation entre conflits et irrigation. Outre les cultures agricoles, la plupart des foyers du Kerala entretiennent également des potagers et des vergers domestiques, ce qui renforce les risques de dégradations animales. Les monocultures d'arbres, comme les plantations d'hévéa très présentes au Kerala, sont en revanche peu visitées par la faune sauvage à cause de la faible diversité végétale (Baskaran et al. 2013).

L'identification des types de récoltes particulièrement prisées par la faune et leur substitution avec d'autres moins appétentes, voire non comestibles, permettraient de limiter les raids de ces animaux (Parker et Osborn, 2006). Ceci est bien entendu conditionné à la présence de ressources alimentaires suffisantes à l'intérieur des aires protégées, ainsi qu'à la volonté et possibilité pour les habitants de modifier leurs pratiques de production. L'adaptabilité de la

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faune aux conditions de son environnement rend cependant difficile une généralisation de ces préférences et requiert des études spécifiques à chaque environnement. Bal et al. (2011) ont ainsi récemment découvert que les éléphants asiatiques à Kodagu (dans le sud de l'Inde) se nourrissaient de baies de café. Ces dégradations agricoles peuvent également simplement résulter de comportements opportunistes, notamment lors des migrations qui les amènent d'une aire protégée à une autre (Sukumar, 1990), ce qui peut fausser les analyses statistiques des relations entre types de cultures et dégradations agricoles.

Les conflits hommes-éléphants procèdent ainsi principalement d'une utilisation des sols inadéquate (Sitati et al., 2003). L'éléphant requiert en effet une zone vitale très large pour accommoder ses besoins en termes de migrations, et la fragmentation de son habitat naturel le met naturellement en contact avec les sociétés humaines, où il a tendance à compenser en venant s'y nourrir (Sukumar, 1994).

Le type de couverture de sol influence également les raids d'herbivores sauvages. Nyhus et Tilson (2004) notent ainsi que la présence d'une végétation dense peut servir de protection à la faune sauvage pour effectuer des incursions rapides. Les plantations servent par exemple de refuge lors de raids dans les cultures en Inde (Bal et al. 2011). De même, Paleeri, Jayson, et Govind (2016) indiquent que l'absence d'espace dégagé entre la lisière de la forêt et les cultures renforce considérablement les problèmes dus aux écureuils géants indiens et aux singes. En effet, ces espaces dégagés augmentent fortement le risque ressenti, notamment pour les petits mammifères essentiellement arboricoles.

En revanche, la proximité de signes de présence humaine, que ce soit des habitations ou des routes, a tendance à s'accompagner d'une baisse des pillages agricoles, en augmentant les risques perçus par la faune sauvage (Pozo et al., 2017). Guerbois et al. (2012) trouvent ainsi que la densité d'habitation en Ouganda tend à réduire les risques de conflits, en considérant une zone d'influence circulaire de 100 m de rayon autour de chaque foyer. Cependant, dans un contexte de forêt fragmentée au Kerala, Ananda Kumar et al. (2011) concluent que les habitations et les routes ne sont pas des facteurs déterminants de conflits. La densité d'habitations, ainsi que le type de couverture des sols environnant semblent donc influencer le risque de conflits.

L'utilisation de mesures de prévention vise également à renforcer les risques perçus par les animaux. Les mesures de ségrégation spatiale telles que les clôtures électriques ou les tranchées sont efficaces mais requièrent une maintenance importante (Gubbi 2012; Karanth et al. 2012). Dans une étude très complète en Inde, Karanth et al. (2013) estiment que l'utilisation d'animaux de garde et de barrières tend à réduire légèrement les pertes agricoles. Sinu et

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Nagarajan (2015) ajoutent que la méthode traditionnelle de clôtures de tissus demeure la plus efficace contre les sangliers. L'utilisation de mesures traditionnelles de gardiennage humain est estimée efficace par certains (Guerbois et al., 2012; Karanth et al., 2012), mais beaucoup moins par d'autres (Kumar et al., 2017; Linkie et al., 2007). Les caractéristiques territoriales et temporelles peuvent avoir un impact sur l'efficacité de ces mesures. Par exemple, Linkie et al. (2007) indiquent qu'en période de pluie le gardiennage est beaucoup moins effectif. Globalement, le contexte local influence l'efficacité des mesures de réduction des conflits. D'une manière générale, l'intelligence des animaux et leur capacité à apprendre de leurs expériences rend, de plus, souvent inefficace sur le long terme, la plupart de ces mesures (Dickman, 2010; Lenin et Sukumar, 2008).

Enfin, beaucoup d'études analysent certaines caractéristiques environnementales liées à l'accessibilité comme l'altitude, la pente, l'orientation de la pente, la distance à l'AP, la distance à la source d'eau la plus proche... La proximité à l'AP est en grande partie jugée être un facteur déterminant des risques de pillages de cultures (Goswami et al., 2015; Gubbi, 2012; Guerbois et al., 2012; Karanth et al., 2012).

Chacune de ces dimensions joue donc, à divers degrés selon les spécificités du terrain et des acteurs engagés, sur la possibilité de subir une incursion animale. La compréhension de leur relation dans l'espace offre l'opportunité de révéler les configurations spatiales à l'origine des conflits (Ananda Kumar et al., 2011).

Si l'analyse des configurations spatiales favorisant les conflits hommes-faune sauvage est importante pour identifier des solutions appropriées, ce seul point de vue environnemental et écologique n'est pas suffisant. En effet, la dimension humaine de la cohabitation entre hommes et animaux aux alentours d'espaces protégés joue un rôle essentiel dans la gestion des espèces animales sauvages (Treves et al., 2006). Le contexte socioculturel et socio-spatial est donc à prendre en compte pour résoudre ces conflits (Bortolamiol et al., 2017; Marchand, 2013; Redpath et al., 2015).

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway