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Conflits hommes-faune sauvage en Inde du sud: déterminants spatiaux et socioculturels


par Paul Badaire
Le Mans Université - Master Gestion des Territoires et Développement Local 2018
  

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1.4.3. Un contexte socio-spatial et des jeux d'acteurs déterminants

Cependant, si le territoire des animaux sauvages est plus ou moins continu d'un point de vue écologique, il peut rencontrer plusieurs sous espaces aux dynamiques sociales et préoccupations différentes (Bortolamiol et al., 2017). Les conflits hommes-animaux peuvent en effet révéler des conflits humains-humains sous-jacents, dont la non-résolution limitera l'efficacité de toute tentative de réduction des conflits avec les animaux (Hill, 2015). Redpath, Bhatia et Young (2015) argumentent donc que toute étude sur les conflits hommes-animaux doit d'abord s'attacher à identifier les différents groupes d'acteurs et les intérêts qui déterminent leurs actions et interactions. La prise en compte des dynamiques territoriales et du contexte socio-spatial est donc capitale (Marchand 2013).

Les aires animales se caractérisent en effet plus par la continuité que par la séparation avec les sociétés humaines. Les rencontres hommes-animaux et les acteurs engagés se multiplient sous la pression démographique qui peut aller jusqu'à réduire l'habitat de nombreuses espèces aux seules aires protégées. La complexité du partage de l'espace qui s'ensuit peut expliquer en partie les conflits hommes-faune sauvage (Bortolamiol et al., 2017). En effet, les espaces protégés sont connectés avec plusieurs territoires aux contextes sociaux, économiques, culturels, institutionnels... variés et mettant en relation plusieurs groupes d'acteurs ayant des logiques et des intérêts qui peuvent être antagonistes, et ayant des capacités d'actions très inégales.

La représentation de la faune peut ainsi varier fortement selon les catégories d'acteurs concernées: nuisance pour les agriculteurs et les populations vulnérables en bordure des aires protégées, produit touristique pour les classes moyennes urbaines et les professionnels du tourisme, patrimoine de la biodiversité à protéger pour les autorités forestières, représentation religieuse pour certains... (Lassiter, 2002). Chaque groupe d'acteurs a sa propre conception de

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la juste place de l'animal déterminée par sa représentation associée (Mauz, 2002). La place de l'animal est donc en constante négociation à travers les jeux des acteurs concernés et leurs intérêts. En conséquence de cause, les perceptions des animaux sont aussi politiques (Kamau, 2017).

Les comportements envers les animaux et les politiques de conservation s'inscrivent en effet souvent dans un cadre social plus large où la perception d'inégalités et de différentiels de pouvoir génèrent des attitudes négatives (Dickman, 2010). Dans le cas des aires protégées, où les actions humaines sont restreintes au profit de la conservation de la faune par les institutions, les conflits hommes-animaux se retrouvent souvent être utilisés comme proxys par les habitants des alentours au conflit les opposant aux autorités (Emel et Urbanik, 2010).

Ces dissensions ont de plus tendance à s'exacerber dans les pays en développement, où les habitants autour de ces aires sont souvent déjà vulnérables socialement et dépendent des ressources naturelles et forestières pour leurs besoins (Karanth et al. 2013). Les perceptions des animaux et les attitudes face à la conservation peuvent être influencées par le sentiment que le droit à subvenir à ses besoins n'est pas respecté ou pour l'accès aux ressources naturelles (Sillero et al., 2006). Les populations locales peuvent ainsi avoir le sentiment que les animaux sont protégés par les autorités à leur détriment, et percevoir ces animaux comme appartenant à ces derniers.

Les problèmes de confiance et d'antagonisme entre les parties prenantes locales peuvent de plus aggraver ces dissensions (Dickman, 2010). Ceci est d'autant plus important que certains acteurs peuvent chercher à instrumentaliser les espèces animales et viser à modifier les représentations afin de servir leurs propres objectifs (Emel et Urbanik, 2010).

Certaines approches de political ecology (Barua, 2014; Kamau, 2017) en mobilisant l'histoire socio-écologique du lieu, ont d'ailleurs permis de mieux comprendre les différents processus et phénomènes ayant impacté les différents acteurs et leurs stratégies. Ils ont ainsi pu expliquer l'évolution et la différenciation des représentations et attitudes des différents groupes d'acteurs envers les animaux et la conservation.

Un nombre important d'études tend de plus à omettre l'agentivité des animaux et leurs capacités à être des acteurs à part entière (Campbell, 2009). Ceci questionne pourtant l'étude des relations hommes-animaux par le seul biais des perceptions et représentations (Estebanez et al., 2013). L'animal possède un libre arbitre et des stratégies qui lui sont propres, qui l'amènent à dépasser les limites qui lui sont imposées et les perceptions à son égard (Wolch et

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al., 2003). Il est capable de s'adapter selon les contraintes qui lui sont imposées ou les changements paysagers, ce qui peut apporter un décalage entre la juste place donnée par l'homme et sa place réelle (Mauz, 2002). Cette intelligence lui permet d'ailleurs de trouver des solutions face à un obstacle, de choisir sa place et force les humains à modifier leur modes de cohabitation avec les animaux (Luquiau, 2013). La subjectivité et le point de vue des animaux, qui est un des champs majeur de la géographie animale contemporaine, est cependant un domaine encore largement inconnu (Emel et Urbanik, 2010).

Les facteurs sociaux tendent ainsi à impacter à la fois les représentations de la faune et les attitudes envers les actions de conservation, à travers, entre autre, les vulnérabilités biophysiques et sociales, les différences de valeurs et de croyances, ainsi que les jeux d'acteurs et pouvoirs antagonistes. Ces facteurs trouvent leur source dans le contexte socio-spatial et les dynamiques territoriales du lieu, et ses caractéristiques culturelles, démographiques, politiques... L'étude du volet humain des conflits hommes-animaux se doit également donc d'être spécifique à chaque situation.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo