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évolutions et perspectives de la littérature de jeunesse dite "engagée"

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par Caroline Lecomte
Université de Limoges - Master 2 Édition 2008
  

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2.4.4. La littérature de jeunesse engagée permetelle forcément l'engagement du lecteur?

Afin d'appréhender cette question, nous aborderons successivement deux albums, parus la même année et traitant du même thème, à savoir le sexisme, dans le but de saisir les différences d'engagements offertes au lecteur pour s'approprier une oeuvre et son contenu.

Nous nous pencherons dans un premier temps sur l'analyse d'un album de Nella Bosnia, Francesca Cantarelli et Adela Turin, publié en 1976 aux éditions Des femmes, et qui s'intitule, Les cinq femmes de Barbargent41.

40CHIROUTER Edwige, op. cit. 41Cf. Annexe C

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Comme nous pouvons le voir à première vue, la couverture de l'album ne laisse pas présager du contenu engagé de l'ouvrage. Très classique tant au niveau des illustrations, que du choix de la typographie ou de l'organisation de la page, son titre thématique nous indique de plus qu'il s'agit ici d'un conte, genre traditionnel en littérature de jeunesse. Comme en témoignent l'éléphant orné ou les serviteurs en habits traditionnels, l'histoire comme bien souvent se déroule dans un ailleurs exotique, ici l'Inde et le nom de Barbargent cité dans le titre affilie définitivement cet album au genre du conte populaire puisqu'il rappelle au lecteur Barbe Bleue, personnage éponyme du célèbre récit de Charles Perrault.

Si l'engagement ne se manifeste pas clairement sur cette couverture, il est néanmoins perceptible tout au long de ce récit qui entend lutter contre le sexisme en prônant le droit des femmes à faire et à être ce qu'elles veulent et en dénonçant le machisme totalitaire.

L'histoire est celle d'un maharadjah qui décide de se marier pour tromper l'ennui mais ne parvient pas à trouver l'épouse idéale. Sa première épouse, Lisa, trop timide, l'ennuie rapidement. Il l'exile dans un lointain palais vert émeraude où elle passe le temps en chantant. Quatre autres femmes, Hanna, Zelda, Flor-Inda et Lil-Yana, épouses successives de Barbargent ne tardent pas à la rejoindre, elles aussi exilées dans le palais car tour à tour jugées trop insolente, trop cultivée, trop indépendante ou trop désinvolte. Aucune ne lui convient. Menées par Hanna, les anciennes épouses de Barbargent qui se retrouvent toutes ensemble dans le palais, vont allier leurs talents de musiciennes et créer un opéra-bouffe dans lequel elles pourront se moquer allègrement de leur époux, rebaptisé pour l'occasion Barbentoc.

Ce court conte adopte un ton résolument féministe qui vire même à la misandrie. Les femmes sont montrées avec toutes les qualités et les hommes avec tous les défauts, ils sont inconditionnellement idiots, que ce soit le maharadjah, son père ou le médecin, aucun homme ne trouve grâce aux yeux des auteurs. Si le contenu de l'ouvrage est clairement engagé, les illustrations ne font preuve d'aucune originalité ou recherche esthétique, le récit littéraire est quant à lui plutôt répétitif puisque la même

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scène de divorce se reproduit cinq fois de suite et l'humour par le biais des jeux de mots, un Barbargent qui se transforme en Barbentoc, est un peu facile.

En somme, le récit est un peu trop simpliste et réducteur dans la mesure où les stéréotypes y sont exacerbés. Il n'y a pas vraiment ici d'implicite et de place pour l'interprétation et le positionnement axiologique dans la mesure où le texte manque de nuance et la sentence est sans appel. Cet ouvrage dénonçant le sexisme amène à penser que ce problème ne concerne que la seule discrimination à l'égard des femmes, laissant sur le bord de la route les jeunes lecteurs masculins.

Un autre ouvrage publié la même année au Sourire qui mord et traitant lui aussi du sexisme peut servir de contre-exemple, et montrer comment cette problématique peut être abordée de manière à permettre au lecteur, un plus grand engagement dans le texte. Cet album est le premier de Christian Bruel et s'intitule, Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon42.

L'histoire est celle de Julie, une petite fille énergique au caractère affirmé de « garçon manqué ». Ses parents, surtout sa mère, veulent la modeler selon l'image stéréotypée des petites filles. Lorsqu'ils y parviennent et que Julie est conforme à leurs attentes, celle-ci ne se reconnaît plus. L'incompréhension s'installe et Julie se réveille un matin avec une ombre de garçon, mais personne ne la croit. Elle veut s'en débarrasser, car elle sait qu'elle est une fille. Elle cherche alors une solution et a l'idée d'aller dans un endroit où il fait nuit, sous la terre. Arrivée au fond de son trou, elle rencontre un garçon qui pleure parce que tout le monde le traite de fille à cause de ses larmes. Après une longue conversation sur ce monde qui met « chacun dans son bocal (...) Les cornifilles dans un bocal, les cornigarçons dans un autre, et les garfilles, on ne sait pas où les mettre! », ils finissent par conclure qu'ils ont droit à la différence. Confiants et plus sereins ils vont pouvoir aller affronter leurs parents.

Le message de cet album est plus subtil et tend davantage vers la recherche et l'affirmation de soi, en somme l'accomplissement personnel, que dans la dénonciation pure et simple du sexisme. Plus nuancé, cet album montre que tout n'est pas bleu d'un

42Cf. Annexe D

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côté et rose de l'autre, comme le suggère la création de ce mot valise « garfille » sur lequel le lecteur pourra s'interroger. La fin du récit est quant à elle ouverte et laissée à la libre appréciation de chaque lecteur, car si Julie parvient à accepter sa différence, en aucun cas le problème initial, à savoir le conflit entre Julie et ses parents dû à cette différence, n'est résolu. Le lecteur peut ainsi librement prolonger le récit à sa guise.

S'il est désormais possible d'aborder tous les sujets, la limite est l'autoritarisme ou le dogmatisme qui obstruent le débat interprétatif ou le positionnement du lecteur et l'empêchent en ce sens de s'engager librement dans le texte. Nous allons alors dans une troisième partie nous interroger sur les fonctions et finalités de ce type de littérature et envisager comment elle se situe au regard du cadre législatif.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle