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Le BIM: enjeux juridiques et contractuels

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par Stanislas Audibert
ENSAPVS - Architecte 2018
  

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Conclusion

Afin de répondre à la problématique, j'ai ainsi fonctionné en trois temps. J'ai premièrement rappelé les différentes généralités concernant le BIM et notamment les niveaux de développement de la maquette numérique qui aura des répercutions sur les droits de propriété de celle-ci et les responsabilités des acteurs. Dans un deuxième temps, j'ai étudié le cadre légal actuel en France en terme de BIM et je l'ai comparé avec ce qui se fait dans les autres pays. Le France a voulu ne pas l'imposer dans ces marchés de contrats de travaux contrairement à d'autres, comme Singapour, les pays scandinaves et la Grande Bretagne. C'est un choix mais pas une mauvaise idée car cela permet aux acteurs de s'habituer avant d'imposer par la loi son utilisation. Dans la dernière partie j'ai montré que le BIM pouvait s'adapter aux contrats actuels mais qu'il fallait plus de hiérarchisation et essayer de mieux clarifier les choses. «Les contraintes juridiques du BIM ne sont aucunement un frein à son expansion, bien au contraire, d'autant que le contrat est son allié privilégié»114. L'utilisation du BIM fait naître, certes, un certain nombre de problématiques juridiques et le contrat semble être, à l'heure actuelle, le meilleur moyen pour éviter aux acteurs de la maquette numérique de s'exposer aux risques juridiques que j'ai pu identifier. L'arrivée du BIM engendre par conséquent des interogations puisque c'est un nouvel outil qui vient perturber les échanges entre les acteurs d'un projet mais elles ne sont aucunement un frein à son développement.

114 Marie-Alexandra Vankemmelbeke et Wanda Bellaiche, « les craintes juridiques autour du BIM sont elles justifiées ?, Batiactu, février 2017

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Annexes

Les entretiens

A - Monsieur Jean Paul TREHEN

Directeur Building Information Management chez Egis Bâtiment Innovation Design & Informatique.

Vendredi 5 Janvier 2018 (10h30 - 11h15)

«- Monsieur TREHEN, merci de m'accueillir dans votre entreprise. Je suis ingénieur en bâtiment. Je suis des cours de droit au CNAM-ICH de Paris et je prépare en même temps dans le cadre de mon Master 2 d'architecture à l'ENSAPVS un mémoire sur les questions juridiques et contractuelles du BIM. Vous êtes le directeur BIM chez Egis, en quoi consiste votre travail?

Monsieur TREHEN : Bonjour Stanislas ! Je participe à l'élaboration de la stratégie de déploiement et d'adoption du BIM au sein du groupe EGIS pour la discipline dans lequel j'ai le plus d'expertise à savoir le bâtiment.

- Vous vous occupez de toute la France?

Monsieur TREHEN : Oui! Territorialement il n'y a pas véritablement de territoire, c'est même à l'international. C'est à dire qu'Egis est structuré de la façon suivante, c'est un groupe qui est représenté dans le monde où la maison mère est à Boulogne-Billancourt. Dans le cadre de la SA (Société Anonyme), il y a un sous groupe qui s'occupe du projet d'entreprises appelé «BIM By EGIS» qui de façon formelle, identifie et pilote, extrait, recherche tous aspects du BIM qui peut être déployé dans EGIS.

- J'ai vu que le groupe EGIS était extrêmement large, est ce que vous vous occupez que du BIM dans le bâtiment?

Monsieur TREHEN : Je m'occupe que du bâtiment. Il y a en effet d'autres disciplines qui sont couvertes par d'autres personnes. On est à la fois des experts et des référents. On est un peu des passages obligés c'est à dire que l'on ne connait pas tout mais l'idée d'avoir des référents

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Corporate, cela permet de concentrer de l'information pour permettre de ne pas refaire deux fois la même chose. Cela recouvre à la fois la technique, les process, les méthodes, les outils et la formation que j'assure directement moi-même.

- Votre entreprise est-elle très développée dans le BIM et dans quel secteur?

Monsieur TREHEN : Alors chez nous c'est principalement le bâtiment. L'histoire du BIM chez Egis, c'est 2010 et cela a commencé parle bâtiment. Moi je suis arrivé en 2012 donc on peut dire que le BIM a réellement débuté en 2012. Avant ils y avaient seulement quelques outils. Je suis en quelque sorte le pionnier du BIM chez Egis car il y avait que moi pour mettre réellement en place le BIM dans tous les domaines. Il s'est avéré rapidement, qu'au delà des grands principes, dès que l'on commence à descendre vers la pratique, on a besoin des expertises métiers. On ne peut pas prétendre tout savoir. Encore une fois, le BIM ce n'est pas faire le métier des autres, c'est d'articuler les métiers entres eux. Il faut donc des expertises métiers pour faire du BIM, il n'y a pas de secret.

- En parlant d'expertise métier, j'ai vu que vous avez été anciennement un BIM Manager?

Monsieur TREHEN : Oui, j'ai été moi-même BIM Manager. J'ai été architecte etj'ai fait des vrais projets avant de commencer à les faire de façon virtuelle. J'ai travaillé également huit ans chez AutoDESK avant d'arriver en 2012 chez Egis, où je faisais du déploiement afin de trouver des solutions BIM chez AutoDESK. J'avais mis en place une méthodologie pour adopter les outils BIM au sein d'AutoDESK. Je le fais maintenant chez EGIS et à l'international en plus, au Moyen Orient sur des «petits» projets d'un million de mètre carré plus précisément.

- Etes vous en contact avec les responsables BIM Egis d'autres pays ? En effet, j'ai remarqué que l'on été pas très évolué en France. Pourquoi eux avancent et pas nous?

Monsieur TREHEN : Je vais être clair, je ne sais pas pourquoi on évolue pas plus vite juridiquement. En effet, je suis arrivé en 2012 et avantj'étais à l'étranger chez AutoDESK qui est une société américaine et qui ne s'occupe pas que d'un seul pays. Quand je suis arrivé chez EGIS, c'est la première chose que j'ai remarquée en effet. J'étais vraiment étonné qu'il ne fasse pas plus de loi pour que cela avance parce que si au bon vouloir des uns et des autres on sera prêt en 2035. Et non, c'est très français ! Je ne sais pas ce que l'Etat attend. C'est dans la culture

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française à mon avis. Cela ne se fait pas de faire la version 2 de quelque chose qui a été fait en version 1 par quelqu'un d'autre. En fait, si un tel fait quelque chose, cela ne viendrait pas à l'idée de faire la version 2 de celui qui a fait la version 1. C'est ça le fond du problème en France, c'est totalement sidérant, alors que dans tousles autres pays du monde lorsque quelque chose est bienfait les gens le prenne et l'enrichisse. En France, lorsque une chose est bien faite, tout le monde va commencer à dire que ce qui a été fait est mauvais et on va recommencer nous< même. C'estfou mais c'est comme ça ! C'est comme le PTNB. J'adore le PTNB, il y a que des gens compétent mais la mission initiale du PTNB est quand même surréaliste c'est à dire que l'on va inciter les gens à faire connaître. Il n'avait pas vocation à imprimer quelque chose, à dire c'est comme ça qu'il faitfaire. Donc inspirer, faire connaître, solliciter, conseiller mais au bout du compte, on a rien. Le manifeste qu'ils viennent de créer et signer en début d'année avec le gouvernement. C'est une charte numérique dans le cadre de la transition numérique qui inscrit en dur que d'ici 2022 : on ne fera rien ! C'est vraiment une catastrophe numérique pour la France. Ce rapport s'intitule «Objectif BIM 2022». Il faut que vous le lisiez absolument! Ce qui est étonnant c'est que tout le monde est content de cela et tout le monde se réjouit de cela. Cela montre encore une fois que cela impose que chacun fasse ce qu'il veut en matière de BIM.

- On n'est donc pas prêt d'évoluer?

Monsieur TREHEN : Si on va évoluer mais chacun dans son coin. On est encore chez les Gaulois. Cela augmente le fait qu'il y a encore rien de normalisé. Voilà le fond du problème. Au jour d'aujourd'hui des gens se plaignent parce que tel BIM Manager fait ceci, tel BIM manager fait cela, telle assurance veutfaire ceci, telle assurance veutfaire cela, tel syndicat veutfaire ceci, tel syndicat veut faire cela, etc. Il y a donc rien de cohérent, tout le monde fait ce qu'il veut. Un maître d'ouvrage peut dire ce BIM manager il est bien mais celui là l'est moins. Il ne peut pas puisque de toute façon chacun fait ce qu'il veut. C'est donc du copinage, cela induit des erreurs et on perd du temps.

- En attendez-vous donc plus de l'évolution de la loi relative au BIM en France?

Monsieur TREHEN : Alors oui on devrait aller plus vite au niveau législation mais surtout faire évoluer les données contractuelles du BIM en France. Pour être clair, entre la convention BIM, charte BIM, protocole BIM, contrat BIM, plan d'exécution BIM...on est perdu. Il n'y aura jamais la solution puisque tout le monde aura un bon argumentaire pour défendre son point de vue

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donc moi la dessus j'ai pas mon avis puisqu'il aura peu d'intérêt. Puisque de toute façon c'est un argumentaire. C'est donc la responsabilité du gouvernement de donner l'ordonnancement des documents officiels du BIM.

- Pourquoi cet ordonnancement aurait-il une réelle importance?

Monsieur TREHEN : Le BIM aura une réelle importance le jour où l'on pourra faire une recherche en responsabilité sur le BIM. Or pour faire une recherche en responsabilité sur la maquette numérique il faut voir comment les contrats s'enchaînent. Si une personne me dit: «de quoi vous me parler? En effet vous me citez des documents mais ceux-là ne font pas parti de mon contrat...». Aujourd'hui, chacun fait ceux qu'il veut. Des BIM Manager vont arriver vers un maître d'ouvrage de nos jours et lui dire «je vais au moins vous mettre un protocole BIM. Ah bon parce que on m'avait parlé d'une charte. Les uns appellent cela une charte et d'autres les protocoles. Ils vont dire que c'est la même chose alors que c'est faux.

- C'est donc le contrat qui va résoudre en quelque sorte les choses?

Monsieur TREHEN : C'est quand même a un pays d'imposer les choses. Hors BIM, les choses sont légiférées. Tout le monde respecte les CCAG, CCTP... Des décrets les obligent. On ne se pose pas de question. Si on reste comme ça on pourra pas dire qui est réellement responsable.

- Et que disent les avocats en ce moment?

Monsieur TREHEN : Ils disent «mais Monsieur c'estjuste une convention? Ah mais non vous avez utilisé un guide donc cela ne peut pas marcher !'. On ne sait pas de quoi on parle en ce moment car on ne sait pas sur quels documents s'appuyer et on ne sait pas non plus ce qu'il y a dedans. Ce qui donc important c'est donc l'enchainement des pièces contractuelles du BIM qui ne sont pas définit aujourd'hui.

- La France n'impose donc rien alors que d'autres pays le fait dans les marchés publics à partir d'un certain coût par exemple. On ne pourrait pas obliger par exemple les constructions de plus de 10 millions d'euros à utiliser le BIM. C'est ce que je trouve étonnant au niveau de l'Etat français. Qu'en pensez-vous?

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Monsieur TREHEN : La notion d'imposer le BIM selon certains critères est toujours délicat. On ne peut pas l'imposer en France parce qu'on l'a toujours pas définit. Pour imposer quelque chose il faut le définir. En Angleterre par exemple, ils disent il faut travailler de telle façon mais vous devez nous fournir un format commun, vous devez fournir la base de données dans ce format là. Et pour fournir dans ce format là, je vous incite à travailler en BIM. En France, c'est ni l'un ni l'autre c'est à dire que l'on ditjuste «on fait du BIM». C'est vrai que l'on ne peut pas l'imposer parce que on ne sait pas de quoi on parle.

- De grands rapports sont sorties (PICAN, etc.) sont ils selon vous importants pour l'avancée du BIM en France?

Monsieur TREHEN : Oui bien sur ! Il faut quand même reconnaitre ce qui est bon de ce qui a été fait. Pour autant, le PTNB est passé à côté de certaines choses. Certains rapports sont initiés par le PTNB qui est en quelques sortes la voie de la France sur le sujet. Et on a besoin d'avoir la voie de la France. Parce que tout le monde a son opinion. C'est un bon début, c'est un référentiel. Il faut lire le rapport de la MIQCP venant de l'état et soutenu par le PTNB qui prend en compte la loi MOP. C'est un outil de référence et on attend cela dans tous les domaines. Mais ils auraient pu le faire pour la charte, la convention... Il aurait pu le faire comme le CCTP est légiféré ou au même titre Bimisé un CCTP pourquoi pas. Il y a plein de sujet là dessus.

- Et en terme de responsabilités qu'est que cela va changer selon vous?

Monsieur TREHEN : Oui le BIM est un exercice à lourde responsabilité si il estfait comme un acteur de Maîtrise d'oeuvre. A partir du moment, où l'on manipule la Data directement, c'est à dire qu'elle est manipulé pour être mise ailleurs, on est susceptible d'être reconnu comme étant être l'auteur de cette data. La fondation du BIM, c'est la gestion de la data. La data circule par les uns et les autres et nous on estjuste là pour vérifier que les autoroutes sont dégagées, que les péages sont encore là, savoir si la signalisation est toujours bien active... Mais on n'est surtout pas là pour prendre la voiture qui est en panne sur le côté, prendre le volant et terminer la route. Cela est strictement interdit. On n'est pas vérificateur. Je ne peux pas toucher à la maquette. Mon rôle est de dire «faites attention, parce que si vous êtes sur cette branche là, vous risquez d'avoir un problème plus loin». Mais ce n'est pas moi qui vais les conseiller d'aller sur telle ou telle branche. On reste dans la gestion de la data. Et donc la dangerosité de la

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responsabilité du BIM, c'est de mettre en place le processus dans lequel l'intervention du BIM Manager est indispensable.

- Les responsabilités légales dans le BIM 2.0 et 3.0 vont-elles être modifiées?

Monsieur TREHEN : Oui elles vont être profondément modifiées. En BIM 2.0, on est encore en fichiers séparés donc la source de la responsabilité est parfaitement identifiable. En 3.0 le problème est que la responsabilité sera déléguée et cela peut être très grave. C'est comme la responsabilité qui est déployée lorsqu'on installe un logiciel. Lorsqu'on l'installe, on a toujours un texte qui nous demande si on a compris. Je ne suis pas propriétaire du logiciel mais j'ai simplement le droit d'usage. La data que vous allez rentrer dans le logiciel, j'en suis le seul responsable et que la solidité de l'information mise dans le logiciel n'est pas de la responsabilité de l'éditeur. Donc si je ne suis pas capable de la relire, ce n'est pas de sa faute.

- Mais il peut y avoir d'autres problèmes autres que la saisie pour l'éditeur non?

Monsieur TREHEN : Non en cliquant sur la charte d'utilisation, l'éditeur se dédouane de toutes responsabilités même en cas de bug du logiciel qui entraine des retards sur le projet. C'est donc le problème du 3.0. Il va falloir trouver un moyen de savoir comment on peut prouver ce problème à cause des problèmes informatiques car la partie noyau d'information il sera nul part, sur un cloud. On aura je pense des assurances spéciales. Le 3.0 n'existe toujours pas de toute façon. On peut faire croire que le 3.0 existe lorsque tout le monde travaille sur un même logiciel comme REVIT. Mais ce n'est qu'une impression. Il existe seulement un environnement dans lequel on touche au 3.0, c'est PDMS qui est une solution de travail. Il touche au 3.0 car c'est une seule et unique base de donnée disponible par tous les acteurs plus les process qui vont avec. C'est à dire qu'il faut que l'information soit validée pour que une autre personne puisse toucher par la suite à la maquette numérique. On est dans un process de validation. Toute la chaine d'information doit être réalisée. C'est comme ça que l'on construit les centrales nucléaires, tous les bâtiments qui ne demandent aucune erreur.

- Pourquoi le BIM fonctionne pour confectionner des avions de chasse et pas pour un bâtiment alors que c'est plus simple?

Monsieur TREHEN : pour la simple et bonne raison est que l'avion de chasse va être décliné en plusieurs exemplaires. Le jour où Airbus va dire je vais sortir l'A380, il y aura pensé 15 ans à l'avance. Si vous dites à un maitre d'ouvrage, je vais mettre quinze ans à construire votre bâtiment, il va vous rigoler au nez. Et la masse n'est pas le même non plus.

- Avez vous vu les contrats MAF ? Quel est votre avis?

Monsieur TREHEN : Ils ne posent pas le problèmes dans le bon sens. Ils ont oubliés que le BIM manager n'était pas un synthétiseur de données. Ils se sont trompés sur son réel rôle. Il doit mettre en place toutes les infrastructures de process de données pour que tous les acteurs puissentfaire la maquette numérique du projet. La maquette numérique à une échelle donnée c'est tout simplement n'importe quoi. Cela n'a aucun sens !»

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- Monsieur Trehen, je vous remercie d'avoir répondu à mes questions.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon