2.3 Les facteurs influençant les usages et les
réticences :
Le niveau de connaissances des femmes vis à vis des
plantes médicinales et de la maternité influence directement les
pratiques : plus elles estiment avoir de connaissances, plus elles utilisent
les plantes pendant la grossesse (p=0,00 et r2=0,07). A l'inverse,
moins elles ont de connaissances, moins elles utilisent les plantes. 72,60 %
des femmes qui n'utilisent pas les plantes médicinales n'y ont pas
recours par manque de connaissances. Le message préventif de la
biomédecine concernant les connaissances non officielles est efficace.
Les résultats de notre étude concernant l'influence du niveau de
connaissances sont significatifs mais cette relation est faible. Le manque de
connaissances vis-à-vis des plantes médicinales et de la
maternité entrave donc peu les pratiques chez celles qui y ont recours.
Plusieurs facteurs influencent les pratiques. L'usage des plantes hors
grossesse par exemple, influence aussi l'usage pendant la grossesse. Plus les
femmes utilisent les plantes hors grossesse, plus elles utilisent les plantes
pendant la grossesse (p=0,00 et r2=0,19). Mais c'est plus un
ensemble de facteurs simultanés (connaissances personnelles, niveau de
connaissances, âge, parité, niveau de connaissances, sources des
conseils, fréquence d'usage hors grossesse et pendant la grossesse, zone
et lieu de résidence) qui guide les pratiques pendant la grossesse. Les
résultats de la régression linéaire multiple sont
significatifs : p=0,00 et r2= 0,14.
De la même manière, aucune des
caractéristiques du profil des femmes n'influence directement et
à elle seule l'usage des plantes par les femmes à la
Réunion de manière significative. Dans la littérature, on
retrouve l'étude de E. RONGIER qui constate que les femmes ayant recours
à la phytothérapie pendant la grossesse des primipares et
multipares entre 20 et 39 ans, étant allées dans l'enseignement
supérieur et professionnellement actives (39) . Notre étude n'a
pas permis de conclure sur un profil type de la femme qui a recours aux plantes
pendant la grossesse et chez le nouveau-né à la Réunion.
Mais par le biais de tests d'Anova, nous avons constaté plusieurs
tendances bien que non significatives. Ainsi, nous pouvons émettre
l'hypothèse que l'usage des plantes se fait plus souvent chez les
multipares (p=0,86), de 36 ans et plus (p=0,49), ayant un niveau scolaire
supérieur au secondaire (p=0,17) et ayant une activité
professionnelle (p=0,45). L. POURCHEZ souligne que la médecine par les
plantes est une médecine des femmes, qui se transmet surtout lorsque la
femme s'apprête à avoir un enfant. Les usages se font en plus
grande proportion dans l'Est de l'île (p=0,34), et dans les écarts
(p=0,27). Les écarts constituent en effet des déserts
médicaux à la Réunion, la proportion de cabinets
médicaux y est plus faible qu'en ville, c'est ce qui pourrait expliquer
la répartition retrouvée. Par ailleurs, l'Est de l'île
concentre une grande partie de la communauté tamoule, dont les pratiques
culturelles sont étroitement liées à l'usage des plantes
(7). (Annexe 3).
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Concernant les usages chez le nouveau-né, plus les
femmes estiment avoir de connaissances, plus elles utilisent les plantes chez
le nouveau-né (p=0,03 et r2=0,01), mais cette force
d'influence est faible. C'est un ensemble de facteurs simultanés
(âge, parité, niveau de connaissances, sources des conseils,
fréquence d'usage hors grossesse et pendant la grossesse, zone et lieu
de résidence) qui influence les usages des plantes médicinales
par les femmes chez leurs nouveau-nés (p=0,04 et r2=0,29).
Pris séparément, ces facteurs ont une faible influence sur les
pratiques. Néanmoins, nous pouvons constater des tendances, de
manière non significative. Les femmes ayant le plus recours aux plantes
chez le nouveau-né sont : les femmes de plus de 32 ans (p=0,65), ayant
accouché de leur deuxième enfant (p= 0,21), sans activité
professionnelle (p=0,25), étant allée jusque dans le
supérieur (p=0,14), résidant en ville (p=0,19) et dans l'Est de
l'île (p=0,06). On peut supposer que les femmes ayant plus
d'expérience, de recul et d'accès à l'information
(âge plus avancé, multiparité, niveau scolaire,
résidence en ville) sont plus confiantes vis-à-vis de l'usage des
plantes chez le nouveau-né. D'ailleurs, ces femmes sont celles qui
estiment avoir un niveau de connaissance sur l'usage des plantes chez la femme
enceinte et le nouveau-né ; et nous avons constaté que plus elles
ont de connaissances, plus elles utilisent les plantes chez le
nouveau-né (p=0,03 et r2=0,01).
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Les propositions d'action
Afin de sécuriser les pratiques, nous pouvons proposer
certaines actions. Face à l'automédication des femmes, il serait
intéressant de mettre à disposition de la population des outils
de prévention face à l'automédication tels que la
diffusion de reportages télé courts concernant les plantes
médicinales et la maternité. Les reportages télé
avec les tisaneurs sont de plus en plus fréquents grâce à
l'APLAMEDOM. Il serait intéressant d'y ajouter des messages de
prévention et conseils pour la maternité. Ces messages courts
contiendraient des informations, validées médicalement, comme les
plantes que l'on pourrait conseiller, à faible dose et sur une
durée de trois jours maximum : Le Gingembre Zingiber
officinale, L'Ayapana Ayapana triplinerve, Lanis Foeniculum
dulce, Le Framboisier Rubus idaeus, l'Aloes Aloe vera. 5
minutes de prévention par reportage suffiraient à passer un
message de prévention pour les femmes enceinte et les mères. Le
message pourrait être passé par le tisaneur ou tourné en
dehors et rajouté au reportage.
Par ailleurs, afin d'assurer la sécurité d'usage
des plantes, il faudrait orienter les femmes vers les tisaneurs reconnus par
l'APLAMEDOM. Des affiches à cet effet pourraient être
affichées dans les maternités et cabinets libéraux. Il
serait également intéressant d'établir une liste de
plantes utilisables et celles dangereuses pendant la grossesse et chez le
nouveau-né. Ces actions pourraient être encadrées par
l'APLAMEDOM.
De plus, la formation des professionnels de santé
permettrait de crédibiliser le recours aux plantes dans les soins et de
répondre à la volonté de la population d'être
entendue dans ce sens. Une formation en phytothérapie
pourrait-être proposée à l'école de sage-femmes.
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