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La discrimination dans le monde du travail au Togo.


par Djignefa Komla YAO
Institut des hautes études des relations internationales et stratégiques - Master II en Droit Privé Fondamental 2017
  

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Paragraphe 2 : Une consécration insuffisante de la discrimination positive

Née aux États-Unis dans les années 1960-1970 sous le nom d'« affirmative action », la « discrimination positive » appelée aussi « action positive » avait pour but d'aider les descendants d'esclaves qui souffraient de discrimination, notamment en ce qui concerne l'accès à un emploi décent102. Aujourd'hui, la discrimination positive est ancrée dans plusieurs législations anti-discriminations et vise à éradiquer la discrimination subie par une catégorie de personnes qui sont systématiquement désavantagées surtout dans le monde du travail en leur faisant bénéficier un traitement préférentiel afin de rétablir l'équilibre. Elle renverse ainsi le fonctionnement de la discrimination.

Au Togo, les mesures prises pour protéger les personnes vulnérables afin de leur faciliter l'accès à l'emploi sont insuffisantes (A) et génèrent des incidences perverses (B).

A-L 'insuffisance de la réglementation de la discrimination positive

La politique de discrimination positive du Togo en matière d'emploi a connu une légère évolution qui pourtant reste problématique. Les avancées réelles enregistrées par l'Etat togolais ces dernières décennies s'inscrivent dans le renforcement du cadre juridique national par l'intégration des conventions internationales. Au Togo, « l'affirmative action » est essentiellement orientée vers les personnes en situation de handicap et les femmes qui sont souvent victimes de traitement défavorable en raison de leur état vulnérable.

100 Propos tenus à la conférence de presse à Dakar au Sénégal en 2013 lors de la visite de Barack OBAMA

101 Cass.soc. 6 novembre 2013 n° 12-22.270

102 www.wikipédia.org/wiki/ Discrimination, consulté le 10 janvier 2017

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S'agissant des personnes handicapées telles que définies par l'article 152 du CTT, il est évident que celles-ci n'auront certainement pas la chance d'être embauchées par des employeurs déterminés à ne pas supporter leurs charges supplémentaires. C'est justement pour cette raison qu'ils bénéficient d'une protection légale particulière103. La discrimination positive au Togo à l'égard des personnes handicapées a consisté à la ratification des conventions internationales à l'instar de celle des Nations Unies relative aux Droits des Personnes Handicapées. Celle-ci, ratifiée le 1er mars 2011, a une valeur universelle et a le mérite de faciliter l'insertion professionnelle des personnes handicapées.

Pour atteindre cet objectif, le législateur a également renforcé sa législation nationale. Primo, l'article 308 al.2 du CPT, ne pénalise point les mesures incitatives en faveur des personnes vivant avec un handicap. Cette absence de sanction est de nature à encourager la pratique de la discrimination positive à l'endroit des personnes handicapées. Secundo, la loi du 23 avril 2004 portant protection sociale des personnes handicapées consacre aussi une protection particulière aux personnes handicapées. Tertio, aux termes de l'article 153 du CTT, il est mentionné que « Les conditions de travail des personnes handicapées sont déterminées par décret en conseil des ministres ». Ces conditions de travail portent soit sur des mesures incitant104 et favorisant le recrutement des personnes handicapées dans les entreprises, soit à l'aménagement raisonnable de leurs lieux de travail.

Malheureusement, la réalité en est tout autre car le décret relatif aux conditions de travail des personnes handicapées est jeté aux oubliettes. En effet, les règles réglementaires devant être prises en application des dispositions du CTT sont restées lettre morte et, aucun « traitement différentiel » n'est prévu dans ce sens. L'absence notoire de prise de décret fait que les lois édictées en la matière sont restées inutiles et vaines. Cet état de choses bloque considérablement toute politique s'inscrivant dans la mise en oeuvre des droits des personnes handicapées. Toutefois, il s'est avéré « que lors du concours de recrutement de 2008, le Ministère de l'Action sociale avait fait un plaidoyer en faveur du recrutement des personnes handicapées. Cette action a permis le recrutement de 66 agents selon les autorités du ministère, 37 selon la FETAPH »105. Pourtant, ces mesures ne sont qu'éphémères, d'où l'impérieuse nécessité de prendre un décret devant résoudre définitivement le problème aussi

103 Article 33 CT « L'Etat prend ou fait prendre en faveur des personnes handicapées [...] des mesures susceptibles de les mettre à l'abri des injustices sociales ».

104 Article 16, 1 CSS

105 Prof. WOLOU (K.), op. cit. p.21

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bien dans l'administration publique que dans le secteur privé. L'inclusion des personnes handicapées dans le monde du travail se révèle donc très délicate.

Restant toujours dans le cadre des conditions de travail des personnes handicapées, selon l'article 155 al 2 CTT, celles-ci doivent exercer à la fois un travail convenable et compatible avec leur capacité. A défaut, leur contrat sera résilié ce qui leur donnera droit à une allocation d'indemnité de préavis et éventuellement une indemnité de licenciement.

La politique de discrimination positive engagée par l'Etat à l'endroit des personnes handicapées est restée pendant longtemps stéréotypée surtout que la législation-antidiscrimination n'est pas effective, à cause de l'inexistence de mesures d'application, ni de mesures de suivi d'exécution de celle-ci. En conséquence, « la mesure de leur degré de mise en oeuvre est difficile, voire impossible»106.

Il y a lieu de relever l'absence de dispositions aussi bien dans le CTT, dans la CCIT que dans le SGFPT prévoyant un quota pour l'emploi des personnes en situation de handicap. Cette situation met le législateur togolais en arrière-garde par rapport à son homologue ivoirien qui a pris la mesure de la chose en faisant aux termes de l'article 12.2. de son code du travail obligation à l'employeur de réserver un quota d'emplois aux personnes vivant avec un handicap qui possèdent la qualification professionnelle requise.

L'expression « personne handicapée » retenue par l'article 152 du CTT est à notre avis discriminante pour cette catégorie de personne. En effet, cette désignation les considère comme des personnes inaptes à exercer un travail, comme des malades. Alors qu'il est possible que les personnes ayant une incapacité peuvent ne pas être éternellement handicapées107. Il est donc clair que le CTT pratique la discrimination à leur égard.

Quant aux femmes, trois conventions internationales ont été ratifiées à leur profit. Il en est ainsi sur l'échiquier international, de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes du 18 décembre 1979 ratifiée par le Togo le 26 décembre 1983 (CEFDF), la Conférence de Beijing de 1995 ratifiée par le Togo le 18 septembre 1983, et au régional, de la Charte Africaine des droits de l'Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique dite Protocole de Maputo en 2005.

106 KOMBATE (K. L.), Analyse comparative des textes législatifs existant au Togo et le degré de prise en compte des personnes handicapées, en particulier les enfants, au regard des conventions internationales, novembre 2013, p.26

107 GOFFMAN. (E), Stigmate : les usages sociaux des handicaps, Paris, Éditions de Minuit, 1975

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En droit positif togolais, le législateur consacre une protection spéciale à la femme enceinte dans l'exercice de sa fonction aussi bien dans le CTT108, dans le SGFPT109 que dans le CSS110. Ce qui lui permet de bénéficier des prestations qui lui sont dues en période pré et post maternité tout en conservant son emploi. Toutefois, cette protection demeure inefficace car la grossesse est toujours signe de discrimination surtout dans le secteur privé.

La qualité du chef de famille du mari maintenue dans le droit positif togolais est une véritable entorse au principe de l'égalité des sexes111. En effet, selon les dispositions des articles 5 et 132 du CGIT, « les femmes sont plus sévèrement imposées que les hommes alors que dans la réalité elles assurent autant, sinon parfois plus que les hommes, les charges du ménage. Une femme fonctionnaire mariée et mère continue d'être imposée comme une personne seule n'ayant aucune charge»112. Cette fonction reconnue au mari spolie considérablement la femme de plusieurs avantages et handicape ainsi la politique d'« affirmative action » qui leur est dévolue. Cette qualité de chef de famille conforte d'ailleurs l'homme dans ses prises de décision et relègue la femme au second plan.

Une législation oeuvrant à faire de la femme une élite devrait en principe parer à ces inégalités et iniquités. Cependant, celle-ci regorge des dispositions défavorables à la femme, par-dessus tout, elle a toujours du mal à intégrer efficacement en son sein les conventions internationales et régionales ratifiées. Face à cette situation, la politique de discrimination positive ne peut être que vouée à l'échec. Ce qui justifie la difficile pénétration de la femme dans le monde du travail togolais. Les femmes togolaises n'échappent donc pas à l'infériorisation sur le marché du travail. Leur sous-représentation dans la fonction publique est manifeste : 10,87% catégorie A1 ; 17,86% catégorie A2 ; 20,98% catégorie B ; 26,08% catégorie C ; 15,35% catégorie D113 en sont les parfaites illustrations. Ces politiques n'impactent pas réellement le bien être des femmes.

Pire, au Togo, la parité n'est qu'une question de fait dans le monde du travail en raison de l'inexistence d'une loi en la matière. Même s'il existe une loi qui encourage les candidatures féminines aux élections législatives114 nous estimons qu'elle est illusoire eu égard à la faible participation des femmes à l'élection législative du 25 juillet 2013, de leur absence à

108 Articles 147, 148 et 149 CTT

109 Articles 225, 226, 227, 228, 229 et 230 SGFPT

110 Articles 38 et 39 du CSS

111 Prof. WOLOU (K), op. cit. p.24

112 Livre blanc : Femmes Togolaises : Aujourd'hui et Demain, COPEF, 2e édition 2007, p 45.

113 Prof. WOLOU (K.), op. cit. p.48

114 L'article 220 al. 5 de la loi portant modification de la loi n° 2012 du 29 mai portant code électoral « Les listes des candidats présentés par tout parti politique ou regroupement de partis politiques légalement constitués ainsi que par les personnes indépendantes doivent respecter dans l'ensemble, la parité homme-femme ».

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l'élection présidentielle du 25 avril 2015 et de leur faible représentativité dans l'actuel hémicycle dont leur taux est seulement que de17, 58%. Il est évident que le Togo n'arrive pas à atteindre le taux de 30% que recommande le programme d'actions de Beijing de 1995.

En reprenant la définition de la discrimination telle consacrée par la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes en son article premier, l'article 311 du CPT procède en tout état de cause à une innovation importante. Ce texte de loi anoblit la femme togolaise dans ses droits car théoriquement, elle peut aujourd'hui prétendre disposer des mêmes droits que l'homme.

Il est clair que des avancées significatives ont été réalisées, mais, la marche vers une égalité réelle dans la sphère du travail togolais demeure toujours problématique car de nombreux défis restent encore à relever. Aucun quota n'est fixé pour améliorer la représentation des groupes défavorisés dans l'administration publique tout comme dans le secteur privé. L'Etat togolais a aussi du mal à exploiter à suffisance les conventions internationales et régionales qu'il ratifie malgré l'innombrable potentialité qu'elles regorgent. Par conséquent, il doit s'actualisé en poursuivant les réformes nécessaires qui devront permettre une meilleure insertion professionnelle des personnes handicapées et des femmes au Togo. La discrimination positive bien que difficilement instituée, elle engendre des effets pervers.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote