WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le modèle de bus rapid transit et l’Afrique subsaharienne.


par Camille JEAN-BAPTISTE
Université Jean moulin Lyon 3 - Master Ingénierie des transports et politiques de déplacements durables 2017
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

1.2 Démographie et urbanisme

L'alliance démographie, urbanisme et transport reste encore un équilibre fragile pour l'Afrique subsaharienne. « En un siècle de 1950 à 2050 la population africaine aura été multipliée par près de 11, quand celle de l'Amérique latine (la plus forte progression après l'Afrique) aura été multipliée par 4,6, la moyenne mondiale se situant à 3,9. Actuellement, la population africaine croît de 2,5% par an pour une moyenne mondiale de 1,2%. Il y a une spécificité africaine, ou plutôt de l'Afrique subsaharienne puisque l'Afrique du Nord (et la République d'Afrique du Sud) a suivi un parcours beaucoup plus proche de la moyenne mondiale »4. Dans certains pays, les perspectives sont vertigineuses. Le Niger pourrait voir sa population dépasser 70 millions en 2050 contre 20 millions aujourd'hui. Cette situation résulte du maintien d'une forte fécondité mais aussi d'une baisse de la mortalité. L'espérance de vie même si encore assez éloignée de la moyenne mondiale (70,5 ans en 2016) a gagné plus de vingt depuis 1950, passant de 36 à 57 ans.

3 La problématique des transports urbains et la réduction de la pollution de l'air due aux transports motorises en Afrique subsaharienne. Disponible sur Research.com

4 Pour la science, 2015

29

Figure 14 : Evolution et estimation de la population africaine entre 1950 et 2050

A cette forte croissance démographique s'associe le phénomène massif de transition urbaine. La ville joue désormais un rôle déterminant dans la reproduction des sociétés subsahariennes. Depuis 1960 le taux d'accroissement de la population urbaine est le plus élevé du monde avec plus de 5 % par an. De petites villes au sortir de la guerre, des capitales sont devenues des métropoles5. La ville de Lagos au Nigéria par exemple comptait 280 000 habitants en 1950 contre plus de 7 millions aujourd'hui ou encore Kinshasa au Congo démocratique dénombrait 165 000 habitants en 19650 et aujourd'hui sa population frôle les 5 millions d'habitants.6

Si l'urbanisation semble être un phénomène bien lancé, la réflexion autour de l'organisation spatiale qui entoure le développement de ces nouvelles villes est parfois défaillante, créant au sein même des agglomérations de fortes disparités.

5 Annexe 1

6 Le mouvement social, 2003 disponible sur http://www.cairn.info

30

En effet, en Afrique subsaharienne il existe un véritable problème d'autorité locale. Les collectivités locales selon les pays, peuvent avoir un pouvoir de décision et d'action moindre sur la question de la gestion des sols. Même si elles disposent d'une autorité définie théoriquement, dans la pratique il en est parfois tout à fait autrement. Le manque de moyens financiers peut venir entacher le bon fonctionnement des collectivités et donc limiter leurs possibilités d'actions pour encadrer et contrôler ce phénomène d'expansion urbaine. Des constructions illégales fleurissent à toute vitesse et leur démantèlement peut susciter de vives contestations et venir complexifier les relations politiques. De fait les villes s'épandent de manière « sauvage » sans concertation préalable avec les autorités locales - permis de construire, titre de propriété -.

Lorsque ce ne sont pas les autorités qui sont dépassées par le phénomène d'expansion urbaine il peut également s'agir d'une absence d'accompagnement de l'urbanisation qui va de pair avec l'absence de politiques et d'actions en matière d'usage des sols. Ceci a ainsi a pour conséquence un étalement urbain considérable, la création de bidonvilles, l'absence de création de voiries dans certains quartiers... La forte croissance démographique des villes africaines associées aux coûts respectifs des terrains dans le centre et la périphérie ainsi qu'au pouvoir d'achat restreint de la population fait que l'expansion urbaine est fortement consommatrice d'espace.

Ce qui nous amène rapidement à la question des transports puisque le demande de déplacement est une demande dérivée. Les besoins de déplacements naissent des besoins d'échanges des individus dans la ville et de la dispersion des lieux d'activités à travers la ville. Si la structure urbaine change, la demande de déplacement est modifiée. Aussi, l'étalement urbain massif entraîne un accroissement considérable des trajets quotidiens. Il en résulte par extension une forte demande de transports collectifs souvent difficilement satisfaite et un rôle important des transports informels. En effet, le manque de cohésion entre les politiques d'usage des sols et les politiques de transports viennent complexifier la mobilité des individus. Les offres de transports sont réparties inégalement ce qui tend à exclure une partie de la population et renforcer les inégalités sociales.

31

En bref, depuis la deuxième moitié du XXème siècle l'Afrique subsaharienne connaît une croissance démographique importante couplée à une forte transition urbaine. Ces deux paramètres viennent jouer un rôle déterminant dans la question de la mobilité des individus. Le nouveau défi des transports va être finalement de planifier un réseau viable, efficace et accessible à toutes ces nouvelles populations. La question qui se pose aujourd'hui est donc d'organiser d'une part, un réseau en cohérence avec la densité urbaine présente actuellement mais d'autre part de proposer des solutions de mobilité pour une population qui ne va cesser de croître.

1.3 Désorganisation du service de transport

L'histoire du développement des transports publics en Afrique subsaharienne varie généralement d'un pays à l'autre. Toutefois, à ce jour, nous pouvons affirmer qu'il s'agit d'un secteur qui reste peu organisé à l'échelle du continent. Nombre d'entreprises ont été créées dans différents pays, et parfois à plusieurs reprises, mais la grande majorité d'entre elles ont fait faillite ce qui a largement compromis la réussite d'un système de transport efficace.

 
 
 

En effet, une profonde mutation du secteur des transports urbains a eu lieu en Afrique subsaharienne au cours des années 90. La fin du XXème siècle a été marqué par la disparition progressive des grandes entreprises structurées de transport collectif, les petites structures artisanales (ou informelles) ayant peu à peu occupé l'espace laissé vacant. « Si à Abidjan et à Nairobi, le secteur structuré maintient encore une place non négligeable (à Abidjan la société de transport a cependant vu sa part de marché passer de plus de 50 % à environ 25 % entre 1988 et 1998), à Bamako, l'offre de transports collectifs urbains est entièrement assurée par le secteur artisanal, tandis qu'à Harare, les minibus, qui ne représentaient qu'à peine 3 % de l'offre de

32

transport public en 1993, sont passés à plus de 90 % en 1999. »7 La « prise de pouvoir » des petites entreprises du secteur artisanal s'effectue dans des conditions précaires où, pour survivre, ces entreprises opèrent souvent en marge de la légalité. Il s'agit d'un secteur très atomisé reposant sur une multitude de petites entreprises (dans les quatre villes, Abidjan, Bamako, Harare et Nairobi, environ 80 % des propriétaires ne possèdent qu'un seul véhicule). Il s'agit également d'un secteur dominé par des minibus de petites capacités (à Abidjan par exemple, le parc des minibus est constitué à 92,6 % de véhicules de 14 à 22 places, 63 % si l'on ne tient compte que des véhicules de 18 places). 8

Par ailleurs, la question de la maintenance technique représente une part importante des difficultés des entreprises de transport public et l'une des principales sources de leur échec. Généralement, les opérateurs de transports publics sont confrontés à de nombreux problèmes, l'un des plus importants étant l'insuffisance et l'inadéquation des infrastructures de transport. Dans un tel contexte, le résultat est une lutte pour la survie en raison principalement de frais à supporter afin de maintenir l'activité de transport. La difficulté à obtenir des pièces détachées, combinée à des pannes récurrentes, conduisent souvent les opérateurs à procéder à des modifications structurelles aux véhicules.

Afin d'illustrer les particularités des réseaux de transports africains je propose de prendre l'exemple des transports publics Camerounais. A travers cet exemple nous aurons ainsi l'occasion de mieux cerner la régulation du transport public ainsi que les différents opérateurs de transports à l'oeuvre dans le pays. L'ensemble de cet exemple s'inspire de l'étude réalisée par Trans Africa.9

7 Compte rendu de coloc : problématique des transports urbains et la réduction de la pollution de l'air due aux transports motorisés en Afrique subsaharienne, disponible sur research gate.com

8 ibid

9 Trans Africa, 2009 disponible sur mypsup.org

33

Les transports publics au Cameroun

Figure 16 : Localisation du Cameroun, source reflectim

En 1973, en réponse à la fulgurante croissance urbaine et au manque d'offres en transport public, l'Etat Camerounais décide de créer la société anonyme SOTUC (Société des Transports Urbains du Cameroun) qui appartient autant au gouvernement central qu'aux municipalités de Douala et de Yaoundé. Pendant près de 25 ans cette nouvelle société disposera du monopole d'exploitation de service de transport urbain dans ces deux villes. Toutefois, La SOTUC après une période de prospérité s'enlisa doucement une crise importante pour

diverses raisons, on retiendra notamment sa mauvaise gestion qui l'a très certainement conduite

à la faillite. Après sa liquidation en 1995 le gouvernement Camerounais décida de libéraliser

les services de transports publics à Douala et Yaoundé dans l'espoir que la concurrence entre

les opérateurs conduirait à un système de transport public urbain auto-efficient ne nécessitant

pas de subventions des pouvoirs publics.

Depuis ce jour, les taxis, minibus et les taxis-motos ont envahi l'espace urbain ne réussissent pas pour autant à satisfaire efficacement la demande de transport.

« Concernant la régulation du transport public il faut avoir à l'idée que le transport public est administré par le ministère des transports. Il comprend une direction des Transports Terrestres impliquée dans les questions de transports urbain et interurbain. Elle est notamment chargée de l'élaboration et de la mise en oeuvre de la politique gouvernementale en matière de transport terrestre, ainsi que de la coordination, la conception et l'application de la régulation afférente. »10

10 ibid

34

Le ministère des Transports et des Finances est lui chargé de fixer les prix des courses des autobus, minibus et des taxis collectifs. Comme indiqué précédemment les transporteurs publics sont au nombre de trois. On retiendra les bus de grande capacité, les taxi-motos et les taxis-informels.

Les bus de grande capacité :

Figure 17 : Modèle de bus, source tripafrique

Plusieurs réformes ont vu le jour après la faillite de SOTUC. L'état Camerounais a procédé à un appel d'offres dans le but de choisir une compagnie d'autobus qui puisse assurer la desserte des lignes de la ville de Douala. Une nouvelle société nommée SOCATUR (Société camerounaise de transport urbains) voit le jour en

2001 désormais détenue par des investisseurs privés camerounais. Cette dernière opère dans le

cadre d'une convention de concession qui lui a accordé le monopole du service public de

transport à Douala pour une période de 5 ans. Actuellement la société fonctionnerait avec de

nombreux bus âgés en moyenne de 10 à 15 ans qui assuraient 10% des déplacements quotidiens

à Douala.

La SOCATUR ne dispose par ailleurs d'aucune subvention gouvernementale et le mauvais état des routes de Douala semble être un obstacle majeur au développement et à l'expansion de cette société.

35

Les taxis informels :

Figure 18 : Taxis africains, source africapress

« Compris entre 9.000 et 10.000 les taxis informels de 4 à 5 places de couleur jaunes

sont des véhicules d'occasion,
majoritairement importés d'Europe très souvent en mauvais état »11. La structure du marché est très fragmentée : très peu de propriétaires ont plus d'un véhicule. Les taxis

opèrent principalement selon deux formules de prix appelée « dépôts » et « course ». Les tarifs

« dépôts » sont fixés par accord entre les syndicats et le gouvernement alors que les tarifs des

« courses » sont la plupart du temps librement négociés entre les utilisateurs et les conducteurs

au cas par cas.

Les taxis-motos :

Figure 19 : Mototaxi africaine, source africatime

 

Ces dernières années la croissance de l'activité des taxis s'est accompagnée d'une croissance spectaculaire de l'utilisation des taxis-motos. Très populaire elles représenteraient pas loin de 30% du marché total des transports collectifs de la ville de Douala. Les tarifs étant négociés entre les parties.

 

11 ibid

 
 
 

Bien qu'il existe des cas de figure différents, le cas du Cameroun n'en reste pas moins un exemple constitutif de la réalité du secteur des transports publics en Afrique Subsaharienne. La presque totalité des compagnies de transports n'ont aucun contrat avec les autorités de régulation des transports. A l'exception de quelques pays, les transports publics en Afrique sont presque toujours placés sous le contrôle direct des ministères en charge du transport. L'administration est parfois du fait des collectivités territoriales ce qui ne permet pas en général un suivi et une gestion assez rationnelle de l'activité. Par ailleurs, les textes régissant les transports publics sont très souvent dépassés (ils datent des premières périodes post-coloniales autour des années 1970) ce qui pose un problème d'inadaptation des législations en vigueur face aux réalités de développement actuelles. D'autant plus, qu'il arrive que les textes existants se chevauchent ou qu'il y ait des conflits de compétences dans les attributions des différents démembrements étatiques (Directions des transports, collectivités territoriales, ect...) Il est donc nécessaire aujourd'hui d'avoir recours à des réformes institutionnelles complètes des systèmes de transports en vue d'un développement durable de cette industrie.

 

36

Croissance démographique, transition urbaine, manque de planification de l'usage des sols, pollution de l'air, désorganisation du système de transport constituent l'ensemble des défis auxquels se confrontent l'ensemble du continent africain et plus particulièrement encore l'Afrique subsaharienne. Petit à petit l'idée d'un système de transport efficient apparaît comme une solution pertinente pour répondre à ces différents enjeux et le modèle de BRT commence à se positionner comme une véritable solution. Une prise de conscience émerge et porte avec elle des réflexions inédites quant au développement de nouveaux réseaux de transport. En s'inspirant d'expériences outre atlantique quelques pays africains se lancent désormais dans le pari du Bus Rapid Transit aussi connu sous l'acronyme BRT. Ce dernier porte avec lui l'espoir d'un réseau de transport ou rapidité et fonctionnalité seront les maitres mots. La partie à suivre s'attachera à mettre en évidence les différents modèles de BRT qui viennent aujourd'hui donner un nouveau souffle au secteur des transports publics en Afrique subsaharienne.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984