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L'organisation internationale de la francophonie et la démocratie en Afrique noire francophone.


par Abdou-Ramane MAMA
Université d'Abomey-Calavi (UAC) - Master 2 Droit international et organisations internationales 0000
  

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CHAPITRE II :

DES PERSPECTIVES A UNE MEILLEURE IMPLICATION DEMOCRATIQUE

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L'optimisation de l'accompagnement démocratique de la Francophonie ne saurait être une réalité si de profondes réformes ne sont pas engagées dans le fonctionnement interne de ladite organisation. Ainsi, c'est la conduite de toute la démarche politique de l'OIF qui doit être revue et amplifiée (Section 2). Mais avant tout, l'organisation doit s'engager à inciter les Etats à opérer des réformes dans l'ordre interne (Section 1).

Section 1 : Les réformes à soutenir au niveau des Etats

La préservation de la démocratie repose pour l'essentiel sur le respect aussi bien par les gouvernés que les gouvernants des textes et donc de la constitution ; instrument fondamental qui organise les pouvoirs dans un Etat. Mais à l'heure actuelle le constitutionnalisme adopté par les Etats d'Afrique noire dans les années 1990 est soumise de façon générale à de vives convulsions qui maintiennent la démocratie africaine dans une sorte de léthargie. La conséquence est la désintégration des principes cardinaux qui ont caractérisé le constitutionnalisme africain à son avènement. Il urge alors de redonner au constitutionnalisme africain ces lettres de noblesse en la revalorisant (paragraphe 1). Au-delà, l'OIF doit inciter les Etats à accompagner les acteurs alternatifs internes du maintien démocratique que sont l'armée et la société civile (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La revalorisation du constitutionnalisme.

Le nouveau constitutionnalisme africain instauré dans les années 90 était caractérisé par une préoccupation fondamentale : permettre aux démocraties africaines en gestation de décongestionner la fonction présidentielle en établissant l'équilibre des pouvoirs.

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L'objectif était donc de mettre en place des contrepoids politiques et juridiques afin de rationaliser le pouvoir politique231 et que « le pouvoir puisse arrêter le pouvoir et que l'homme soit le remède à l'homme »232. Cette innovation que l'on peut retrouver dans la majorité des constitutions africaines n'a cependant qu'une existence théorique.

En effet, il n'est pas rare d'enregistrer une immixtion du pouvoir exécutif dans le pouvoir judiciaire ou que par l'effet du phénomène partisan, le parlement finisse par prêter allégeance au Président de la République s'écartant ainsi du rôle de contrepoids politique que lui confère la Loi Fondamentale.

De ce point de vue, la séparation des pouvoirs ne reste qu'une pétition de principe233 et la constitution exposée à toute sorte de manipulation politique.

Il faudra alors tout d'abord revitaliser le principe de la séparation des pouvoirs; principe cardinal des démocraties contemporaines (A). Cet effort permettra à coup sûr à la justice constitutionnelle de rétablir son autorité d'antan afin de préserver la constitution de l'effet dégradant de la fraude à la constitution (B).

A- Une nécessaire revitalisation de la séparation des pouvoirs.

« Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a pas de constitution »234. Cette disposition met en exergue la sacralité du principe de la séparation des pouvoirs dans toute démocratie qui favorise la construction de l'Etat de droit.

On le sait très bien que depuis le célèbre de l'esprit des lois235, « la séparation des pouvoirs est considérée comme le crédo de la démocratie et un instrument de mesure de la bonne disposition des pouvoirs au sein de l'Etat »236. Sur ce point, s'il est vrai qu'en

231 AÏVO Frédéric Joël, « Les constitutionnalistes et le pouvoir politique en Afrique », Revue Française de Droit Constitutionnel, n°104, 2015, p.777.

232 AHANHANZO GLELE Maurice, « La constitution ou Loi Fondamentale », in Encyclopédie juridique de l'Afrique, Tome 1, l'Etat et le droit, Abidjan, N.E.A. Cité par AÏVO Fréderic Joël, « Les constitutionnalistes et le pouvoir politique en Afrique », article précité, p.777.

233 AÏVO Frédéric Joël, « Les constitutionnalistes et le pouvoir politique en Afrique », article précité, p.783.

234 Article 16 de la Déclaration française des droits de l'homme et du citoyen du 26/08/1789.

235 MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, Paris classiques Garnier, éd Garnier, 1973.

236 AÏVO Frédéric Joël, « Les constitutionnalistes et le pouvoir politique en Afrique », article précité, p.781.

Afrique en général et en Afrique noire francophone en particulier, l'érection des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire est une réalité237 l'effectivité de leur séparation en est tout autre.

En effet, selon Montesquieu, toute personne qui détient des pouvoirs, aura tendance à en abuser c'est-à-dire outrepasser les limites de ses prérogatives. La séparation des pouvoirs garantie dans le nouveau constitutionnalisme africain vise à éviter une telle confusion des pouvoirs et permet de cantonner chaque pouvoir dans son secteur. Pourtant, en Afrique noire francophone, le principe peine à s'enraciner et la pratique la plus récurrente est celle d'une mainmise du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire et même sur l'organe législatif réputé contrôler l'action gouvernementale 238 . Sur ce point, MANANGOU Vivien Romain, enseignant à la faculté de droit de l'université de la Rochelle nous explique comment en Afrique, par l'effet récurrent du phénomène majoritaire, l'exécutif parvient à neutraliser l'Assemblée Nationale dans son rôle de contrepoids politique en étouffant les ardeurs de la minorité parlementaire. Dans ce cas, l'Assemblée se transforme en une caisse de résonnance de l'exécutif en facilitant ses initiatives y compris les plus hostiles à la démocratie239.

Le Professeur AÏVO, faisant une analyse de l'effectivité de ce principe dans les démocraties africaines, écrit que « dans la plupart des Etats, la séparation des pouvoirs est devenue une pétition de principe et l'action attendue des institutions de contrepoids presque un mythe. Au lieu de la séparation des pouvoirs l'observation des systèmes politiques africains laisse apparaître un alignement des pouvoirs. A l'exception de quelques rares Etats où la culture institutionnelle semble progressivement s'implanter cet alignement se traduit par l'abaissement volontaire ou conditionné du parlement, la mise

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237 Selon le Professeur GUEYE Babacar, « La séparation des pouvoirs est solennellement consacrée par toutes les constitutions ». L'objectif étant de « conjurer les démons de la confusion des pouvoirs qui avait caractérisé la période autoritaire des régimes africains ». Voir GUEYE Babacar, « La démocratie en Afrique : succès et résistances », Pouvoirs, n° 129, 2009, p.526.

238 Par exemple, selon l'art 79 de la constitution béninoise du 11 décembre 1990, « Le parlement est constitué par une assemblée unique dite Assemblée Nationale dont les membres portent le titre de député. Il exerce le pouvoir législatif et contrôle l'action du gouvernement ».

239 MANANGOU Vivien Romain, « Contre-pouvoirs, tiers pouvoirs et démocratie en Afrique », in 8é congrès de l'Association Française de Droit Constitutionnel, Lyon, 26 au 28 Juin 2014, p.6.

au pas de la justice au service du pouvoir exécutif, l'impuissance du juge constatée face à la majorité présidentielle »240.

Et pour preuve, l'actualité africaine de ces dernières années est émaillée de tristes évènements dans lesquels la juridiction constitutionnelle ou encore le parlement se sont révélés incapables de s'émanciper du pouvoir politique241. Dans ce rapport de force entre les institutions, le parlement est neutralisé dans son rôle de contrepoids politique242.

Si le parlement est constitutionnellement reconnu comme étant la représentation du peuple et de surcroît un contrepoids politique243, il est important que, pour la vitalité de la démocratie, il puisse jouer le rôle constitutionnel qui lui est dévolu. Sur ce plan, la Francophonie doit, en collaboration avec ses réseaux institutionnels, intensifier la coopération entre les parlements d'Afrique noire francophone en vue du partage des expériences sur les techniques appropriées pour jouer efficacement leur rôle de contrepoids politique. L'Assemblée Parlementaire de la Francophonie, actrice principale de la coopération interparlementaire au sein de la Francophonie doit intensifier ses

240 AÏVO Frédéric Joël, « Les constitutionnalistes et le pouvoir politique en Afrique », article précité., p.783.

241 D'abord, En Côte d'Ivoire en 2010, à la suite du deuxième tour de l'élection présidentielle, les résultats ont été diversement voire contradictoirement appréciés par les deux institutions chargées de rendre les résultats. Le verdict donné par la CENI et validé par la communauté internationale donnait Alassane Ouattara vainqueur de l'élection. Mais la Cour Constitutionnelle conteste ce résultat en donnant la victoire à Laurent Gbagbo bien que les résultats qui lui sont transmis par la CENI donnaient la victoire à Ouattara. Cette même Cour constitutionnelle après capture de Gbagbo par la force Licorn et les forces pro Ouattara revient sur sa décision en estimant que le vrai vainqueur de l'élection est Alassane Ouattara. Cette divergence entre les institutions a fait plonger le pays dans une crise civile généralisée. En 2005, à la suite de la mort du Président Eyadema, son fils s'était emparé du fauteuil présidentiel avec l'aval des députés togolais qui procéderont à la modification de deux dispositions fondamentales de la Constitution empêchant ainsi le dauphin présidentiel légitime, M. Fambaré Natchaba Ouattara d'assurer l'intérim qui lui revient de droit (ce sont les articles 65 et 144 de la constitution du 27 septembre 1992 modifiée le 31 décembre 2002. Le premier organise la vacance du pouvoir. Le second portait sur l'interdiction de procéder à une révision de la constitution en période d'intérim, de vacance ou d'atteinte à l'intégrité du territoire). Ensuite, on peut citer Sénégal où la Cour Constitutionnelle a validé la candidature de Maître A. Wade dans le cadre des élections présidentielles de 2012. Tous ces faits prouvent que le cordon ombilical entre les juridictions constitutionnelles et le pouvoir politique n'est pas rompu. Enfin, dans un autre registre, la Cour Constitutionnelle congolaise s'évertue à rejeter systématiquement les requêtes de l'opposition congolaise sur des éléments de forme sans prendre soin de répondre au fond alors même que souvent les atteintes à la constitution sont avérées. Voir sur ce point Décision n°005/Déc./PR/09/ du 25 juillet 2009 sur les recours en annulation du scrutin du 12 Juillet 2009.

242 En Afrique, le système représentatif n'apparait pas, comme un organe de représentation fidèle du peuple. Une fois élus, les hommes politiques se coalisent autour de leurs intérêts corporatifs plutôt que de privilégier ceux du peuple. Or l'objectif du constitutionnalisme des années 90 en accordant le pouvoir aux parlementaires de se prononcer par exemple sur les projets de révision constitutionnelle, est d'aménager un moyen de prise de décision, ou, d'amendement de la constitution dans les conditions plus maitrisables que la voie référendaire qui s'est révélée beaucoup plus plausible pour les Présidents révisionnistes surtout lorsque le peuple est suffisamment instrumentalisé. Voir à propos de l'implication des parlements dans la procédure de révision constitutionnelle : Constitution du Burkina Faso du 2 juin 1991 Art 164, Constitution de la République du Benin du 11 décembre 1990, art. 155 pour ne citer que ces deux cas.

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243 MANANGOU Vivien Romain, « Contrepouvoir, tiers pouvoirs et démocratie en Afrique », article précité. p.6.

activités afin d'accompagner les parlements d'Afrique noire francophone dans les dynamiques démocratiques qu'ils sont appelés à assurer.

Par ailleurs, la séparation des pouvoirs implique également que la justice et plus particulièrement la justice constitutionnelle ne soit pas saisie par le politique. Mais la réalité reste que l'action des juridictions constitutionnelles dans le dispositif institutionnel n'est pas sans reproches. Ainsi, « L'effectivité de la justice constitutionnelle peine à se développer et traduit indéniablement les hésitations à l'avènement de la constitutionnalité des lois »244.

Il est vrai que la Francophonie dans son désir de faire éclore les valeurs démocratiques au sein de ses Etats membres n'est pas restée insensible à la problématique de l'indépendance de la justice constitutionnelle. Elle bénéficie d'une attention particulière dans le cadre de la coopération juridique à travers les réseaux institutionnels tels que l'Association des Cours et Conseils Constitutionnels des Pays ayant en partage l'Usage du Français (ACCPUF) et de l'Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AAHJF).

Toutefois, son apport plus accru est souhaité afin d'exorciser le constitutionnalisme africain245 de la confusion des pouvoirs ou du phénomène notoirement connu en Afrique noire francophone de la présidence à vie et du régime viaget246. Ainsi le juge constitutionnel pourra-t-il s'afficher comme un véritable rempart de la démocratie.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe