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Enjeux autour de l’occupation par les particuliers des aires protégées urbaines de Lubumbashi.


par Assaut BIATSHINI
Université de Lubumbashi - Master en Criminologie 2019
  

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Section 3 : Enjeux autour de l'occupation des aires protégées par les tiers

Cette partieest en soit l'objet proprement dit de notre travail. L'objectif de cette section est de ressortir les enjeux et les pratiques autour de la spoliation et l'octroi des espaces dans les aires protégées. Le but étant de rendre compte des enjeux qui sous-tendent les pratiques des agents des services concernés. Sur la ville de Lubumbashi, dans la majeure partie de cas, l'occupation des espaces réservés est effective soit par spoliation ou soit par octroi de la part des services « compétents » en dehors du cadre légal.

L'analyse stratégique s'appuie sur un ensemble de postulats et mobilise les concepts d'acteur, de pouvoir, de stratégie, de zone d'incertitude, de système d'action concret et de rationalité limitée. Michel CROZIER et Erhard FRIEDBERG mettent le conceptd'acteur au coeur de l'analyse stratégique. Aussi élaborent-ils un corpus quiconstitue un véritable « pari théorique », dans la mesure où celui-ci veut sedégager des chemins battus de la théorie classique des organisations.

Ainsi, au regard de l'analyse stratégique, nous allons commencer par présenter le système d'action comme zones de manoeuvres des acteurs impliqués dans la spoliation ou l'octroi des espaces aux particuliers dans les aires protégées. Ensuite, nous allons présenter les stratégies des acteurs en présentant les conditions de définition et de limitation de leurs comportements. Enfin, nous allons présenter les enjeux et les pratiques liés à l'application des sanctions disciplinaires relatives à l'absentéisme des agents dans le service de l'Etat sous étude.

A. Système d'action et zone d'incertitude

Considérant l'organisation comme étant un construit social et non une réponse a priori aux contraintes extérieures, elle n'est pas une donnée, mais plutôt le résultat des interactions entre acteurs. Elle revêt également un caractère contingent. Sa structure et sa configuration sont soumises aux aléas de la coopération entre les différents acteurs en présence. Ce postulat implique, enfin, un dépassement des frontières organisationnelles. Celles-ci deviennent mouvantes et aléatoires, dans la mesure où elles dépendent des acteurs en présence et du degré de leurs interactions. La notion de système d'action concret trouve ici toute sa place.

Le système d'action concret est « un ensemble humain structuré qui coordonne les actions de ses participants par des mécanismes de jeux relativement stables et qui maintient la structure, c'est-à-dire la stabilité de ces jeux et les rapports entre ceux-ci, par des mécanismes de régulation qui constituent d'autres jeux »(CROZIER, 1997). C'est le cadre où s'articulent les différents intérêts (convergents, divergents voire contradictoires) des acteurs. Leurs comportements représentent des forces internes qui font mouvoir le système à travers un ensemble de jeux et de stratégies qu'ils développent. Jean-Claude Lugan décrit le processus de formation des systèmes d'action concret comme suit : « Les acteurs, relativement libres et autonomes, produisent un système, le font fonctionner à travers un réseau de relations où ils négocient, échangent, prennent des décisions. Le réseau relationnel permet à ces acteurs de résoudre les problèmes concrets de la vie du système selon des relations d'habitude. Celles-ci sont créées, maintenues, entretenues en fonction des intérêts des individus, des contraintes de l'environnement, donc des solutions proposées par des acteurs. Ils le font en fonction de leurs objectifs qui sont toujours des compromis entre leurs propres buts et ceux de l'organisation. »(LUGAN, 2005)

Pour ce qui est des espaces réservés, plusieurs services, malgré leurs mandats respectifs, se retrouvent de loin ou de près impliqués. C'est ainsi qu'à la question de savoir le type de gestion des aires protégées qui existent à Lubumbashi, l'agent LUBUDI du service de l'environnement nous dit d'entrée de jeu ceci : nous assistons à un désordre sans nom au sein de l'administration », et à monsieur KAPANGA du cadastre de renchérir : « le problème de la gestion des aires protégées est complexe, à notre niveau nous avons du mal car les aires protégées n'ont pas de titres de conservations, d'où nous n'avons pas leurs traces. »

Nous nous sommes rendu compte qu'effective, bien que la gestion des espaces réservés à un caractère collégial, c'est-à-dire la mairie, via sa coordination urbaine de l'environnement en collaboration avec les services de l'urbanisme, de l'habitat, des travaux publiques, du tourisme et des affaires foncières, la majeure partie des espaces réservés de la villes de Lubumbashi échappent au contrôle, et cette situation confère une grande marge de liberté aux différents acteurs.

Pour monsieur LUBUDI, plus de 80% des espaces protégés de Lubumbashi n'ont pas de statuts juridiques, ce qui est une aubaine pour certains agents de l'Etat qui poussent certains particuliers à les occuper pour leurs activités.

La liberté des acteurs se perçoit dans les situations de contraintes. Celle-ci est illustrée par leur capacité à opérer des choix stratégiques en fonction du contexte et de la marge de manoeuvre dont ils disposent. L'acteur est ainsi porteur de rationalité dans ses actions, dans la mesure où il est capable de choix et de calculs qui lui évitent de trop perdre dans une situation donnée. On ne saurait, par conséquent, lui attribuer une place a priori au sein d'un système qui, lui-même, est contingent. L'acteur stratégique ne saurait donc entrer dans un quelconque moule qui détermine ses comportements. Michel CROZIER et Erhard FRIEDBERG ont démontré, à ce sujet, le caractère hypothétique des règles organisationnelles et des structures formelles. En effet, contrairement au résultat escompté, celles-ci créent des zones d'incertitudes qui sont autant d'opportunités que les acteurs cherchent à saisir dans leurs jeux de pouvoir.

Voilà pourquoi monsieur LUBUDI continue en disant : « certains textes légaux existent, tels que la loi 11/09 portant principes fondamentaux à la protection de l'environnement ; le code forestier ; l'arrêté 060/bur - mairie/ville/L'shi/2013 et l'arrêté 030/bur - mairie/ville /L'shi/2013. Mais le comble c'est que nous assistons à une négligence de l'Etat dans l'application des textes et à une faiblesse de l'Etat pour sanctionner les coupables. »Par rapport de cette situation, l'informel se transforme petit à petit en formel car nous sommes sans oublier que c'est à partir des relations et interactions des acteurs qu'une action organisée se construit, évolue et se stabilise. Bref, c'est l'acteur qui fait le système et qui l'actualise.

Pour Erhard FRIEDBERG, « ni les problèmes, ni les solutions, ni les contraintes, ni les opportunités, ni les structures formelles ni les institutions n'existent en soi, en dehors et indépendamment de la perception et des capacités des acteurs qui seuls peuvent les actualiser dans et par leurs comportements, les entretenant et les transformant en même temps »(FRIEDBERG, 1993).

La marge de liberté que l'analyse stratégique confère à l'acteur est également fondatrice de pouvoir, un autre concept fondamental dans la théorie. Le pouvoir est considéré comme fondement de l'action organisée. Il est défini comme étant « la capacité d'un acteur à structurer des processus d'échangeplus ou moins durables en sa faveur, en exploitant les contraintes etopportunités de la situation pour imposer les termes de l'échange favorables à ses intérêts ».

Le système d'action concret est donc le résultat de l'interaction et des processus d'échange et de pouvoir entre les acteurs. Gilles HERREROS, pour sa part, le décrit comme étant « l'ensemble des tiraillements que les acteurs font connaître aux contenus et contours formels de l'organisation pour finir par construire une entité sociale largement informelle et à chaque fois singulière »(HERREROS, 2008).

Dans la mesure où le système d'action concret suppose la coexistence d'acteurs dotés d'intérêts et de rationalités différents, on peut s'interroger sur son mécanisme de production et de stabilisation. La théorie de la régulation en fournit une explication qui nous semble bien pertinente. Partant du principe que « la régulation fonde et institue l'acteur collectif »(REYNAUD, 1990), Jean-Daniel REYNAUD identifie trois formes de régulation dont l'articulation permanente assure la stabilité de tout système social ou de toute action collective. Ainsi, de la dynamique entretenue par la régulation de contrôle (ensemble des règles et procédures formelles) et la régulation autonome (normes sociales construites de façon informelle par les acteurs), naît une régulation conjointe (ensemble des règles issues de la négociation entre les acteurs sociaux).

A la question de savoir comment les responsables des entités devant collaborer dans la gestion des espaces réservés, observaient la règlementation chacun dans son secteur respectif, nous avons recueilli deux sont de cloches.

D'une part, monsieur KANYAMA de l'urbanisme nous renseigne que : « nous constatons une ignorance criante de la réglementation dans le chef de certains cadres politico - administratifs, si nous trouvons un cas litigieux de spoliations d'un espace réservé, nous tentons de nous entendre avec le propriétaire » et à monsieur KISENGE d'ajouter : « dans la plupart de cas, nous assistons au non - respect et à la non - maitrise des procédures administratives de la part de nos hiérarchies ». Nous avons compris que si dans certains cas, les situations de spoliations restent impunies c'est suite aussi au manque de compétence.

Les règles organisationnelles, définies au départ pour régir les relations, génèrent des incertitudes qui donnent lieu à des rapports de pouvoir qui dépassent ce cadre formel. En conséquence, le chercheur ne pourrait pas se limiter à ces relations officielles ni non plus les ignorer. Il devra « trouver les causes des structures et des règles du jeu caractéristiques d'un contexte d'action non pas dans des phénomènes, événements ou structures extérieurs à lui, mais dans les processus d'interaction mêmes qui s'y déroulent entre les acteurs concernés»(MAURICE, 1994).

La procédure administrative est la voie formelle des actes par le biais desquels se déroule l'action administrative pour accomplir une fin. Le but est l'émission d'un acte administratif. L'obligation d'obéir à des voies légales strictes assurant la garantie des citoyens distingue l'action publique de l'activité privée. Cette garantie est donnée par l'ordre juridique et par l'assurance de savoir que l'information peut être connue et fiscalisée par toutes les personnes.

Ainsi, la procédure administrative est en quelque sorte le garant de l'action administrative, ne pouvant être ni arbitraire ni discrétionnaire puisqu'elle doit impérativement respecter les règles de la procédure. La procédure administrative englobe quatre grands principes, à savoir: le principe d'unité, le principe de contradiction, le principe d'impartialité et le principe d'officialité.

- Le principe d'unité soutient que la procédure est un processus unique qui a un début et une fin (elle doit se résoudre peu importe sa forme initiale).

- D'après le principe de contradiction, la résolution de la procédure est basée sur les faits et les fondements de droit, suite à la vérification des faits et des preuves.

- Le principe d'impartialité assure que l'action se déroulera sans favoritismes ni inimitiés. Les fonctionnaires doivent s'abstenir s'ils ont un intérêt personnel dans l'affaire, un lien de parenté ou une certaine amitié/inimitié, ou bien s'ils font partie des témoins.

- Enfin, le principe d'officialité oblige à ce que la procédure soit développée d'office au cours de toutes les démarches.

D'autre part, monsieur TUMBWE nous explique : « nous avons d'autres chefs compétents et qui connaissent le travail, mais qui, pour certains cas ferment les yeuxpour les raisons que nous ignorons et qui, pour d'autres cas, sont incapables de réagir suite aux instructions qui viennent d'en haut. » il continue en disant : « l'un de nos responsable avait voulu suivre le dossier de la maison en étage qu'on construit au niveau de l'espace protégé situé entre l'arrêt de bus KASAPA et l'avenue Lumumba, cela a failli lui couter son boulot du fait le propriétaire faisait partie de la famille présidentielle ».

Par rapport à tout cela, nous comprenons que la mise en évidence du système d'action concret requiert, toutefois, que certaines conditions soient remplies. Pour CROZIER et FRIEDBERG, il faut « un minimum d'interconnaissance, de circulation d'informations et de connaissances communes, permettant des anticipations correctes des comportements des autres ainsi qu'un minimum de contrôle »(FRIEDBERG, 1993).

Pour ce qui est da la collaboration entre les différentes entités, monsieur KASOMBO nous renseigne ceci : c'est compliqué de fois la situation dans laquelle nous travaillons, nous assistons à des conflits sérieux de compétences dans les traitements de dossiers d'occupations des espaces réservés entre les services des affaires foncières, de l'urbanisme, de l'environnement et de l'aménagement du territoire »

Dans l'administration publique de la République Démocratique du Congo chaque ministère, chaque division et chaque service a un mandat bien défini, mais il se fait que pour des raisons liées aux intérêts individuels, certains services font le travail des autres pour by passer certaines contraintes.

En se référant à l'Ordonnance n° 12/008 du 11 juin 2012 fixant les attributions des ministères, nous avons eu ceci comme renseignement :

1. Ministère de l'Aménagement du Territoire, Urbanisme, Habitat, Infrastructures, Travaux Publics et Reconstruction

a) Aménagement du Territoire

§ Conception et élaboration des plans d'aménagement du Territoire et suivi de leur exécution ;

§ Exécution des politiques et des stratégies opérationnelles et d'orientation visant la meilleure répartition dans l'espace des activités humaines ;

§ Evaluation des potentialités du Territoire en ce qui concerne les ressources naturelles renouvelables et non renouvelables du sol et du sous - sol national ;

§ Contrôle et surveillance de manière permanente de l'utilisation de l'espace physique du pays ;

§ Etablissement des programmes et des stratégies de mobilisation des ressources tant humaines, institutionnelles que financières pour codifier, implanter et administrer le développement.

b) Urbanisme et Habitat

§ Aménagement de l'espace urbain en matière d'urbanisme et d'habitat ;

§ Gestion et administration du patrimoine immobilier relevant du domaine privé de l'Etat ;

§ Etude et promotion des matériaux de construction locaux ;

§ Mise en oeuvre du Plan National d'habitat ;

§ Police des règles de l'Urbanisme et Habitat ;

§ Apport d'une assistance technique permanente à l'auto - construction ;

§ Elaboration des études en vue de la création de nouvelles villes ou de la modernisation des villes existantes ;

§ Développement et promotion de la construction des établissements humains tant par le secteur public que privé ;

§ Etude et promotion des organismes financiers et banques d'habitat en collaboration avec le Ministère ayant les finances dans ses attributions ;

§ Elaboration des normes en matière de construction des établissements humains ;

§ Création et agrément des agences et courtiers immobiliers.

2. Ministère de l'Environnement, Conservation de la Nature et Tourisme

a) Environnement et Conservation de la Nature

§ Exécution des politiques nationales de gestion durable de l'environnement et de la préservation de la biodiversité et des écosystèmes ;

§ Elaboration des plans de mise en oeuvre desdites politiques, leur suivi et évaluation ;

§ Gestion durable des forêts, des ressources en eau, des ressources fauniques et de l'environnement ;

§ Gestion des établissements humains ;

§ Evaluation et suivi des études environnementales et sociales de tout projet susceptible de porter atteinte à l'environnement;

§ Réglementation de toutes les activités susceptibles de porter atteinte à l'environnement, à la biodiversité et aux écosystèmes ainsi qu'à la salubrité des milieux ;

§ Elaboration et mise en application des normes relatives à l'assainissement des milieux ;

§ Création et aménagement des zones vertes et parcs d'attraction ;

§ Elaboration des normes relatives au respect de l'environnement dans les secteurs mines, carrières et hydrocarbures ;

§ Réglementation de la chasse et de la pêche ;

§ Protection de la faune et de la flore ;

§ Promotion et coordination de toutes les activités relatives à la gestion durable de l'environnement, des ressources forestières, fauniques et aquatiques, et à la conservation de la nature ;

§ Suivi et audits environnementaux des établissements publics et des entreprises privées ainsi que des organisations non gouvernementales oeuvrant dans les secteurs de l'environnement et conservation de la nature;

§ Détermination et gestion des écosystèmes ;

§ Gestion des services environnementaux ;

§ Création des aires protégées autres que les réserves naturelles intégrales et propositions de création de ces dernières ;

§ Gestion des aires protégées ;

§ Création et gestion des stations de capture de la faune sauvage ;

§ Elaboration, vulgarisation et gestion des programmes d'éducation environnementale.

3. Ministère des Affaires Foncières

o Application et vulgarisation de la législation foncière et immobilière;

o Notariat en matière foncière et cadastrale ;

o Gestion et octroi des titres immobiliers ;

o Lotissement en collaboration avec le Ministère ayant en charge l'urbanisme et l'habitat ;

o Octroi des parcelles de terre en vue de la mise en valeur.

Dans l'exercice de leurs fonctions, les animateurs de quatre entités évoquées font de fois face à un conflit d'intérêts, l'expression "conflit d'intérêts" désigne une situation avérée ou apparente dans laquelle un individu ou une organisation est soumise à des intérêts multiples du fait des fonctions ou des responsabilités occupées dans des institutions publiques, dans une entreprise, une association, une fondation, etc. Ces intérêts multiples peuvent entrer en opposition et corrompre les décisions ou la façon d'agir. Le conflit d'intérêts apparaît ainsi chez une personne qui doit accomplir une fonction d'intérêt général et dont les intérêts personnels sont en concurrence avec sa mission. Il est plus fréquent dans certaines professions réglementées qui mettent alors en place une charte déontologique afin de faire respecter les règles de neutralité ou d'impartialité.

Ainsi, nous avons compris que les conflits et autres dysfonctionnements témoignent des limites de la structuration formelle. La prise en compte de facteurs d'ordre informel dans le fonctionnement de l'organisation est, par conséquent, un impératif pour toute analyse sociologique qui se veut pertinente. Cela constitue d'ailleurs l'un des mérites de l'approche stratégique.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein