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L'encadrement juridique des risques biotechnologiques

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par Faiza Tellissi
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de tunis - Mastère en Droit 2002
  

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§ 2 L'infléchissement de la «culture du libre échange».

La santé et l'environnement, en tant que valeurs non économiques, sont reconnus par le droit de l'OMC, et peuvent justifier des obstacles au commerce (A).

Cependant, ces valeurs ne peuvent jouer qu'à titre d'exception et sont limitées, à la fois dans le temps et dans leur portée juridique (B).

A. La reconnaissance des valeurs non économiques.

Une question essentielle se pose: la tendance du libre échange est elle compatible avec les exigences de la protection de l'environnement et de la santé?

Le système commercial multilatéral risque d'être gêné par la multiplicité des mesures visant la protection de l'environnement puisque ces mesures sont de nature à contrarier les règles bien établies du commerce international. En effet, il existe des conflits entre la politique environnemental et l'objectif économique de libéralisation des échanges.

En 1994, il y a eu prise de conscience que la protection de la santé et de l'environnement était le parent pauvre. L'OMC reconnaît que le commerce international fait intervenir des valeurs qui sont actuellement étrangers aux Accords qui fondent l'organisation, essentiellement la santé des humains, des animaux et des végétaux et la protection de l'environnement. On doit cependant se demander si cette reconnaissance ne conserve pas aujourd'hui encore un caractère très limité.

Certes, il ne faut pas perdre de vue la référence à l'objectif de développement durable contenue dans le Préambule de l'Accord de Marrakech, référence confirmée dans la Déclaration ministérielle adoptée lors de la Conférence de Doha105(*): «Nous sommes convaincus que les objectifs consistant à maintenir et à préserver un système commercial multilatéral ouvert et non discriminatoire, et à oeuvrer en faveur la protection de l'environnement et de la promotion du développement durable peuvent et doivent se renforcer mutuellement.(...) Nous reconnaissons qu'en vertu des règles de l'OMC aucun pays ne doit être empêché de prendre des mesures pour assurer la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux, la préservation des végétaux, ou la protection de l'environnement, aux niveaux qu'ils considèrent appropriés(...)»106(*)

Les valeurs non économiques sont ainsi au moins indirectement reconnues par l'exception de santé publique ou d'environnement, établies par l'article XX du GATT.

Ce dernier énonce en effet que des mesures restrictives peuvent être adoptées par les Etats, soit lorsqu'elles sont nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux (XX b), soit lorsqu'elles se rapportent à la conservation des ressources naturelles épuisables (XX g). En vertu de cet article, l'Etat Partie reste donc en principe libre de fixer de manière autonome ses propres objectifs sanitaires et environnementaux.

Dans l'affaire Etats-Unis - Normes concernant l'essence nouvelles et anciennes formules107(*), le Groupe spécial énonce qu'à partir du moment ou ils respectent les règles du GATT, les Etats Membres sont libres de fixer leurs propres objectifs environnementaux, y compris des objectifs sévères (§7.1).

En outre, pour rester dans le cadre du GATT, pour lequel la jurisprudence est la plus développée, il suffit de rappeler les assouplissements de l'interprétation du test de nécessité dans le cadre des exceptions de l'article XX, et ce à l'occasion de l'affaire du boeuf coréen.

A l'occasion de cette affaire108(*), l'Organe d'Appel a considérablement élargi le champ de l'analyse, en s'éloignant d'une conception de la mesure nécessaire comme étant la moins restrictive pour le commerce. La «nécessité» ne devenant qu'un critère parmi d'autres «dans le cadre d'une approche et d'une méthode de contrôle qui se rapproche de ce qu'on connaît en droit européen ou le contrôle de proportionnalité est familier».

L'Organe d'Appel considère que si ces mesures «indispensables» ou d'une «nécessité absolue», entrent dans cette catégorie, cette dernière est tout de même plus large. Une mesure nécessaire n'est pas forcement une mesure indispensable. L'Organe d'Appel ajoutant que «l'interprète d'un traité qui apprécie une mesure dont on prétend qu'elle est nécessaire pour assurer le respect d'une loi ou d'un règlement compatible avec l'Accord sur l'OMC, peut, s'il y a lieu, tenir compte de l'importance relative de l'intérêt commun ou des valeurs communes que la loi ou le règlement que l'on veut faire respecter est censé protéger. Plus cet intérêt commun ou ces valeurs communes sont vitaux ou importants, plus il sera facile d'admettre la «nécessité» d'une mesure conçue comme un instrument d'application».

Or s'agissant des OGM, les risques pressentis sont souvent des risques de dommages graves et irréversibles. Ne peut on raisonnablement penser que cela conduirait à considérer comme «important» sinon «vital» l'intérêt protégé?109(*)

La reconnaissance des valeurs non économique, transparaît également dans les Accords plus spécifiques de l'OMC.

Ainsi, les rédacteurs de l'Accord SPS se disent «désireux d'améliorer la santé des personnes et des animaux et la situation phytosanitaire de tous les membres» et affirment qu' «aucun membre ne devrait être empêché d'adopter ou d'appliquer des mesures nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux».Cependant ces restrictions doivent être fondées «sur des principes scientifiques» et ne doivent pas être maintenues «sans preuve scientifiques suffisantes».

En outre, dans l'affaire Hormones110(*), l'Organe d'Appel insiste sur l'importance de reconnaître à chaque Etat le droit de fixer lui-même le niveau de protection qui lui semble adéquat pour protéger la santé des hommes, des animaux ou des plantes, y compris si ce niveau est plus strict qu'indiquent les normes internationales. Il ne s'agit pas ici d'une exception à une obligation générale, précise l'Organe d'Appel, mais bien d'un doit reconnu à l'Etat(§172).

Les exceptions les plus importantes au principe du libre commerce se trouvent dans l'Accord OTC111(*). Son préambule énonce que «rien ne saurait empêcher un pays de prendre les mesures nécessaires (...) à la protection de al santé et de la vie des personnes et des animaux, à la préservation des végétaux, à la protection de l'environnement (...)».

L'article 2 de cet Accord stipule que les Membres peuvent élaborer, adopter, et appliquer des règlements techniques, qui «ne seront pas plus restrictifs pour le commerce qu'il est nécessaire pour réaliser un objectif légitime». Parmi ces objectifs légitimes on compte aussi, la protection de l'environnement.

Ainsi, dans le droit de l'OMC, l'obstacle au commerce peut être justifié.

Pourtant en l'état actuel des choses, les valeurs non économiques même si elles sont reconnues ne jouent que pour justifier des exceptions

B. Une reconnaissance strictement encadrée.

Les valeurs non économiques reconnues par le droit de l'OMC comme étant des «valeurs communes», sont toutefois limitées à la fois dans le temps et dans leur portée juridique.

Dans l'Accord OTC, par exemple, afin de limiter une possible entorse à la libre circulation des biens, les Etats sont obligés de se servir de normes internationales existantes pour établir leurs propres règlements techniques.

Ainsi, on n'interdit pas aux pays de protéger leur environnement par le biais des règlements techniques qui restreignent la circulation des produits, mais on limite cette liberté d'action, en liant les normes nationales à des règlements internationaux, autant que tels existent. A vrai dire, dans la pratique, ces valeurs non économiques, clairement reconnues, n'ont pas permis dans une grande majorité de conflits, de justifier des mesures litigieuses.

Ces mesures avaient beau protéger de telles valeurs, elles étaient tantôt appliquées «d'une manière qui constitue un moyen discriminatoire arbitraire ou injustifiable» ou une «restriction déguisée au commerce international», tantôt elles étaient «non nécessaires».

Si les valeurs non économiques sont reconnues, les exigences imposées aux Etats pour les mettre en oeuvre sont drastiques112(*).

Il faudrait ajouter que la jurisprudence du GATT a toujours essayé d'interpréter les exceptions non économiques d'une manière restrictive. Cette jurisprudence a été inspirée par la doctrine de «l'effet utile», c'est-à-dire toute exception à la règle doit être réduite au minimum, pour ne pas mettre en danger l'objectif principal de l'Accord113(*).

Comment cette réalité se décline t elle du point de vue du commerce des OVM?

Dans le droit de l'OMC, les OVM n'appellent pas de régime juridique spécifique en tant que produits. C'est le type de mesure commerciale utilisée qui détermine l'application de l'Accord SPS, de l'Accord OTC ou de l'Accord du GATT.

De plus aucun des trois Accord ne fait expressément référence au principe de précaution qui, en vertu du droit communautaire et du Protocole de Carthagène, accompagne le développement et la mise sur le marché des OVM.

De cette absence de référence expresse, les auteurs ont déduits deux enseignements114(*):

Premièrement le juge, pour trancher les conflits nés d'une telle restriction, se limite aux dispositions des Accords de l'OMC.

Certes, l'OMC énonce que le droit du commerce international n'a pas vocation à «s'isoler cliniquement des autres branches du droit international» (Etats-Unis- Normes concernant l'essence nouvelles et anciennes formules). Mais il est encore impossible de savoir dans quelle mesure, les Organismes de règlements des différends vont s'inspirer d'instruments extérieurs aux Accords de l'OMC.

Deuxièmement, dans ces Accords les restrictions au commerce pour des raisons de sécurité, ne sont pas érigées en principe mais en exception. Cela apparaît clairement dans l'Accord SPS, lorsque celui-ci énonce que «dans les cas ou les preuves scientifiques pertinentes seront insuffisantes, un Membre pourra provisoirement adopter des mesures» mais qu'il s'efforcera «d'obtenir les renseignements additionnels nécessaires pour procéder à une évaluation plus objective du risque» et examinera «en conséquence la mesure (...) dans un délai raisonnable» (article 5(7)).

Une mesure peut bien être adoptée en cas d'incertitudes sur la sécurité d'un produit, mais passé ce délai provisoire, soit l'Etat confirme l'existence du risque et il peut la maintenir, soit il n'y parvient pas et la restriction au commerce doit être levée.

En outre, parmi les décisions rendues sur le fondement de l'Accord SPS (CE- Hormones, Austalie-Saumons, Japon- Produits agricoles), au regard duquel seront probablement tranchés la plupart des litiges relatifs aux OVM, toutes jugent les mesures litigieuses contradictoires avec les règles du commerce international.

Cependant il ne faut pas s'arrêter simplement à ce constat, pour en tirer des conclusions de manière rapide115(*). En effet, selon M.A Hermitte et C. Noiville, chacune des ces affaires tirait son origine d'une violation manifeste des obligations procédurales posées par l'Accord SPS.

Dans l'affaire Hormones par exemple, les Communautés européennes avaient interdit ces substances, non pas à titre provisoire mais définitif, sans même avoir évalué les risques.

Ce manifeste infléchissement de la «culture du libre échange» strictement encadré, reste néanmoins soumis à des incertitudes116(*).

La première incertitude concerne la signification du «risque vérifiable»117(*). Un risque simplement probable à l'issue d'une recherche en laboratoire est il suffisant pour justifier la restriction au commerce, ou faut il qu'il soit plus appuyé par l'observation? En ce qui concerne les OVM, dont certains risques sont encore théoriques, cette question est essentielle mais elle reste aujourd'hui sans réponse.

Autre flou demeure concernant l'incertitude. Combien de temps peut elle être maintenue? Au delà du provisoire, certes, mais il existe des incertitudes de plusieurs années.

Les incertitudes qui caractérisent aujourd'hui les effets des OVM demandent du temps et surtout des moyens techniques et financiers important pour les surmonter.118(*). De la réponse à ces questions dépend en partie l'issue des litiges relatifs aux OVM

Dans le droit de l'OMC, on voit donc comment l'obstacle au commerce peut être justifié, mais comment il est strictement circonscrit. La santé et l'environnement, loin d'être intégrées immédiatement aux règles de circulation des produits, ne peuvent jouer ici qu'a titre d'exception119(*).

En dépit de ce système d'exception, il faut s'attendre à ce que des conflits surgissent.

* 105Maljean Dubois (S), «Le protocole de Carthagène sur la biosécurité et le commerce international des organismes génétiquement modifiés», L'Observateur des Nations Unies n°11, 2001.

* 106 Déclaration ministérielle adoptée le 14 novembre 2001, Conférence ministérielle de Doha,

WT/MIN (01)/DEC/1, 20novembre 2001, §6.

* 107 Rapport du Groupe Spécial du 29 janvier 1996 WT/DS2/AB/R. Voir dans le même sens l'affaire Etats-Unis -thon, Rapport DS/21/5, 1991

* 108 Corée- Mesure affectant les importations de viande de boeuf fraîche, réfrigérée et congelée 11 décembre 2000, WT/DS161/AB/R.

* 109Hermitte (MA), Noiville (C), «Marrakech et Carthagène comme figures opposées du commerce international», op. cit. p323.

* 110 Communautés européennes -Mesures concernant les viandes et produits carnés (hormones), rapport du groupe spécial, 18 août 1997 et rapport de l'organe d'appel, 16 janvier 1998

* 111Hermitte (MA), Noiville (C), «Marrakech et Carthagène comme figures opposées du commerce international», op. cit. p324.

* 112Hermitte (MA), Noiville (C), «Marrakech et Carthagène comme figures opposées du commerce international» op.cit, p325

* 113Lang (W), «les mesures commerciales au service de la protection de l'environnement», RGDIP 1995.

* 114 Parmi les auteurs concernés figurent, entre autre, M.A.Hermitte, C.Noiville, S.Maljean Dubois, E.Truilhé, LBoisson de Chazournes, M M..Mbengue.

* 115Hermitte (MA), Noiville (C), «Marrakech et Carthagène comme figures opposées du commerce international» op.cit, p326

* 116Ibid p327

* 117Christoforou (T), «Science, law and précaution dispute résolution on helth and environnemental protection: what rôle for scientific experts?», In Le commerce international des OGM, La documentation Française 2002, p213.

* 118Allbeury (K), Truilhé (E), «La preuve dans le règlement des différends à l'OMC. Applications possibles en matière d'OGM», In Le commerce international d'OGM, La Documentation Française, 2002.p285.

* 119Hermitte (MA), Noiville (C), «Marrakech et Carthagène comme figures opposées du commerce international» op.cit, p327

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway