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L'encadrement juridique des risques biotechnologiques

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par Faiza Tellissi
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de tunis - Mastère en Droit 2002
  

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§ 1 La libéralisation des échanges comme but suprême de la

régulation.

Fondée sur le principe de liberté d'entreprise, la culture du libre échange repose sur une croyance en la neutralité des objets techniques qui aboutit à traiter toutes les marchandises de la même manière (A).

La libéralisation des échanges, est de même fondée sur une culture du risque très classique, reposant sur le risque avéré, marginalisant de ce fait toute incertitude scientifique(B).

A Libre circulation, liberté d'entreprise et neutralité des marchandises.

La libéralisation du commerce, c'est-à-dire la réduction des entraves aux échanges commerciaux, remonte à la signature en 1947 de l'Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce ou GATT (Général Agreement on Tariffs and Trade).

En effet, dès 1946, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, deux négociations sont lancées, l'une pour créer une institution des Nations Unies consacrée au commerce, l'autre pour amorcer la réduction des barrières douanières.

La Charte de la Havane, signée en mars 1948, qui prévoyait la création d'une Organisation internationale du commerce (OIC), n'entrera jamais en vigueur, faute de ratification par plusieurs pays, notamment les Etats-Unis, inquiet d'une perte de souveraineté au détriment de l'OIC.

Les négociations pour la réduction des tarifs douaniers déboucheront, elles, sur un simple accord, l'Accord du GATT, signé en octobre 1947 par vingt-trois pays, qui n'aura jamais le statut d'organisation internationale. L'objectif de cet Accord était d'assurer «un environnement sûr et prévisible au commerce international».

Le cycle de négociation de l'Uruguay (huitième série de pourparlers commerciaux tenue sous l'égide du GATT) qui s'est échelonné de 1986 à 1993, a donné naissance à l'OMC en tant qu'institution internationale de régulation. C'est désormais dans le nouveau cadre de négociations commerciales multilatérales que tente de se concrétiser, depuis le 1er janvier 1995, l'objectif des discussions de Punta del Este afin de réduire les entraves au commerce.

De fait, l'ensemble des instruments intégrés à l'accord de Marrakech, institutif de l'OMC est centré sur «l'expansion de commerce mondial».

Les objectifs, évoquent certes des intérêts humains, mais ils sont avant tout de nature économique, «le relèvement du niveau de vie», «la réalisation du plein emploi» ou le «développement durable» impliquent «l'utilisation optimale des ressources mondiales».

Ces objectifs sont censés être réalisés par «la réduction des tarifs douaniers et autres obstacles au commerce».

Le moyen utilisé, le commerce, est affiché comme adéquat pour réaliser les fins espérées. Tout repose en fait, sur la confiance accordée aux objets techniques, qui s'exprime par la liberté d'entreprendre, dont le corollaire est la liberté de mise sur le marché de toute marchandise, sauf si l'on a préalablement démontré qu'elle recelait des dangers. En conséquence, une marchandise peut circuler librement.

Le principe de confiance mutuelle s'est généralisé avec l'OMC, puisque les Etats Membres doivent se témoigner réciproquement leur confiance en laissant les produits circuler sauf s'ils démontrent que ceux ci présentent un risque particulier et qu'ils ont choisi un niveau de protection différent92(*).

L'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et l'Accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC), qui sont tous deux annexés au traité instituant l'OMC,ont aussi pour finalité de ne pas remettre en cause la suprématie de la liberté des échanges et de traduire la volonté de limiter le rôle potentiellement restrictif des réglementations pour les échanges93(*).

Concernant l'Accord SPS, celui ci a essentiellement pour objet la protection de la santé et la vie des personnes, des animaux et la préservation des végétaux, en mettant en oeuvre des mesures sanitaires ou phytosanitaires, dont la nécessité est justifiable et qui ne sont pas une restriction déguisée au commerce international.

Le préambule SPS indique clairement que le but suprême poursuivi est «de voir établir un cadre multilatéral de règles et disciplines pour orienter l'élaboration, l'adoption et l'application de mesures sanitaires et phytosanitaires afin de réduire au minimum leurs effets négatifs sur le commerce».

Le § 4 et le § 6 de l'article 5 de cet Accord va dans le même sens: «lorsqu'ils déterminent le niveau approprié de protection sanitaire ou phytosanitaire, les Membres devraient tenir compte de l'objectif qui consiste à réduire au minimum les effets négatifs sur le commerce (...)».

En ce qui concerne l'Accord (OTC), l'Uruguay Round a énormément accru sa portée puisque désormais tous les Membres de l'OMC doivent s'y plier et que les conclusions des panels ne peuvent être rejetées par un pays lorsqu'elles lui sont défavorables.

Cet accord s'applique à tous les aspects des normes alimentaires non couverts par l'Accord SPS. En outre, il est applicable pour tout ce qui ne concerne pas explicitement la santé (conditionnement, étiquetage nutritionnel...). Ces mesures doivent, avoir un objectif légitime et l'atteindre de manière à entraver le moins possible le commerce, être fondées sur des normes internationales et être proportionnelles à l'effet désiré.

Il est important de souligner que l'Accord OTC n'est pas interchangeable avec l'Accord SPS puisque le premier est plus large et englobe tous les obstacles techniques au commerce alors que le dernier ne s'applique que pour les mesures sanitaires et phytosanitaires telles que définies dans son annexe A. Cela signifie que quand l'Accord SPS s'applique, l'Accord OTC ne peut en aucun cas s'appliquer. Par contre, l'Accord SPS n'englobe pas tous les moyens d'application des mesures sanitaires, tel que l'étiquetage, c'est dans ce cas l'Accord OTC qui s'applique.

Le système de l'OMC repose aussi sur le postulat de la neutralité des marchandises, considérées dans leur seule qualité d'objet marchand, et il réglemente leur commerce sans élaborer de distinction entre elles.94(*)

A ce dispositif s'oppose celui des accords commerciaux environnementaux, qui organisent au cas par cas le commerce de certaines marchandises «de nature particulière», qu'il s'agisse de déchets, de produits chimiques dangereux ou d'organismes vivants modifiés95(*).

Dans de telles hypothèses, c'est la nature d'une marchandise qui est mise en exergue et détermine le particularisme de son mode de circulation.

Dans le droit de l'OMC, les OVM n'appellent pas de régime juridique spécifique en tant que produit. C'est le type de mesure commerciale utilisée qui détermine l'application de l'Accord SPS, l'Accord OTC ou de l'Accord général du GATT de 1994.

B. L'incertitude scientifique «marginalisée».

La question qui se pose est de savoir dans quelle mesure un Accord de l'OMC autorise t il à adopter une réglementation restrictive du commerce, lorsque le risque redouté est seulement potentiel, non avéré par la démonstration scientifique? Cette question est rendue difficile par le flou des décisions de l'OMC.

Plusieurs Accords de l'OMC sont susceptibles d'entrer en conflit avec les mesures restrictives au commerce adoptées conformément au principe de précaution.

Pourtant, concernant la question des OVM, nous allons orienter notre réflexion principalement autour de l'Accord SPS pour plusieurs raisons96(*).

D'abord cet Accord est entièrement voué aux mesures sanitaires et phytosanitaires qu'il encadre pour mieux éviter les dérives abusives. Or la problématique des OVM s'inscrit en grande partie dans celle des mesures sanitaires et phytosanitaires.

Ensuite, l'interprétation de cet Accord fait allusion au principe de précaution, explicitement comme l'illustre, dans le cadre de l'Organe de règlement des différends de l'OMC, le «Rapport hormones»97(*).

Enfin, son champ d'application relativement vaste, semble englober certaines mesures concernant les OVM.

En faite, entre la lettre de l'Accord SPS et le principe de précaution, il existe un conflit de logique apparemment indépassable98(*).

D'un coté, le principe de précaution autorise l'adoption de mesures protectrices en cas d'incertitudes scientifiques. En cas de risques potentiels pour la santé ou l'environnement, la précaution postule d'agir, sans attendre que l'existence de ce risque soit confirmée par la preuve scientifique. Ainsi dans la logique de précaution, l'incertitude scientifique autorise la restriction au commerce, sous forme d'interdiction de commercialisation, de retrait du marché ou d'évaluation obligatoire des effets produits sur l'environnement ou la santé.

De l'autre, si l'on s'intéresse à l'Accord SPS, il en résulte que l'incertitude scientifique est loin d'autoriser la restriction au commerce. Au contraire, elle justifie le maintien de la libre circulation des produits. La lettre de l'Accord SPS ne fait aucun doute: la justification scientifique s'impose comme l'épine dorsale du texte99(*).

Cet Accord a été négocié en raison de la crainte que les Etats n'abusent de l'article XX du GATT en matière agricole. Il a pour objet d'empêcher que les règles techniques qui visent à assurer la protection de la santé et la sécurité des personnes, des animaux n'aient pour effet de créer des obstacles aux échanges internationaux.

Le texte de l'Accord SPS ne se réfère pas, en tant que tel au principe de précaution. Il constitue par ailleurs une exception parmi les Accord du GATT puisque c'est le seul Accord à laisser une place aussi grande à la rigueur scientifique. L'article 2(2) illustre bien la logique de l'Accord. Il prévoit que les mesures sanitaires et phytosanitaires ne sont autorisées que si elles sont fondées sur des principes scientifiques et si elles ne sont pas maintenues sans preuves scientifiques suffisantes.

Par ailleurs l'article 3(2) établit, une présomption de compatibilité en faveur des mesures SPS «qui sont conformes aux normes, directives ou recommandations internationales». Ces normes sont établies essentiellement par la Commission du Codex Alimentarius100(*).

En fait, dans ce qui constitue le premier rapport rendu dans le domaine de la sécurité alimentaire dans l'affaire Hormones, l'Organe d'Appel a refusé de reconnaître le principe de précaution comme un principe juridique autonome (§125)101(*).

L'Organe d'Appel a tout d'abord constaté que ce principe «du moins en dehors du droit international de l'environnement, n'a pas encore fait l'objet d'une formulation faisant autorité». Il a par ailleurs estimé que prendre position dans le débat était pour lui «superflu», parce que le principe de précaution, fut il coutumier, ne peut primer un accord plus spécifique et plus récent que les textes internationaux faisant référence au principe.

Refusant de prendre en compte le principe de précaution comme une règle autonome d'interprétation du dispositif de l'OMC, l'Organe d'Appel a ensuite affirmé que les références de l'Accord SPS au principe de précaution ne sauraient prévaloir sur l'existence d'une preuve scientifique des risques encourus102(*).

Cependant pour l'Organe d'Appel, le principe de précaution est pris en compte aux articles 3(3) et 5(7) de l'Accord SPS. Il convient de déterminer la place reconnue à l'incertitude scientifique dans cet Accord, afin de vérifier cette affirmation103(*).

Concernant l'article 3(3), l'affirmation de l'Organe d'Appel, relève d'une conception extensive du principe. En fait cette disposition ne fait que consacrer le droit à chaque Etat de déterminer le niveau de protection qu'il juge approprié, même si ce niveau est supérieur à celui déterminé par les normes internationales pertinentes104(*).

Or cette faculté ne semble pas s'inscrire dans une logique de précaution, puisque la place attachée à l'obligation de l'évaluation scientifique, conformément à l'article 5(1), vient contredire la thèse de la prise en compte du principe de précaution.

Seul l'article 5(7), semble «prendre en compte» le principe de précaution. Cette disposition permet dans l'hypothèse où les preuves scientifiques sont insuffisantes, d'adopter des mesures restrictives à condition que ces mesures soient provisoires et réexaminées dans un délai raisonnable pendant lequel l'Etat s'efforce d'obtenir les renseignements additionnels.

Mais la démarche est strictement encadrée. Ainsi, selon l'article 5(7), la mesure doit être «fondée sur des principes scientifiques» et ne doit pas être maintenue «sans preuves scientifiques suffisantes». En fait, cet article suppose une connaissance scientifique partielle, temporaire et n'envisage pas l'hypothèse d'incertitude et de risques seulement potentiels.

La biotechnologie étant un domaine nouveau, dans lequel les connaissances sont limitées, il n'est pas certain que les mesures fondées sur le Protocole par exemple, franchissent le test de justification scientifique. Au delà du provisoire c'est la preuve scientifique qui est exigée.

* 92Hermitte (MA), Noiville (C); «Marrakech et Carthagène comme figure opposées du commerce international», in Le commerce international des OGM, La Documentation Française 2002, p322.

* 93 Les textes des Accords SPS et OTC sont disponibles sur le site de l'OMC: www.wto.org

* 94Hermitte (MA), Noiville (C); «Marrakech et Carthagène comme figure opposées du commerce international», op.cit.p322.

* 95cf. M. Prieur et S. Doumbé-Billé: Recueil francophone de traités et textes internationaux en droit de l'environnement, Bruylant, 1998; L. Boisson de Chazournes, R. Desgagné et Cesare Romano: Protection internationale de l'environnement, Pedone, 1998

* 96Lanfranchi (MP), Truilhé (E); «la portée du principe de précaution», in Le commerce international des OGM, La documentation française 2002, p78.

* 97 Rapport de l'Organe d'Appel sur les mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (hormones), 16 janvier 1998, WT/DS26/AB/R

* 98Noiville (C), «le principe de précaution et l'OMC, le cas du commerce alimentaire», JDI 2,2000.

* 99Noiville (C), «le principe de précaution et l'OMC, le cas du commerce alimentaire», JDI 2,2000

* 100 Voir: Rapport d'information du Sénat n°450, «Sécurité alimentaire: le Codex Alimentarius», 1999-2000, rapporteur Bizet (J), disponible sur le site du Sénat: www.senat.fr et Romi (R), «Codex Alimentarius: de l'ambivalence à l'ambiguïté», RJE, ,2 pp201/213.

* 101 Communautés européennes -Mesures concernant les viandes et produits carnés (hormones), rapport du groupe spécial, 18 août 1997 et rapport de l'organe d'appel, 16 janvier 1998

* 102«Le principe de précaution ne l'emporte pas sur les dispositions de l'article 5(1) et 5(2) de l'Accord SPS» qui exigent que les Etats prennent leurs mesures sur la base d'une évaluation scientifique (article 5(1)), évaluation fondée sur des preuves scientifiques disponibles (article 5§2).

* 103Lanfranchi (MP), Truilhé (E); «La portée du principe de précaution», op.cit p79.

* 104 L'Organe d'Appel précise au §172 que «ce droit qu'a un Etat Membre d'établir son propre niveau de protection au titre de l'article 3§3 de l'Accord SPS est un droit autonome et non une «exception» à une «obligation générale» au titre de l'article 3§1».

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