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L'encadrement juridique des risques biotechnologiques

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par Faiza Tellissi
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de tunis - Mastère en Droit 2002
  

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§2 : Des négociations sous les auspices de la Convention sur la Diversité Biologique

L'objectif des négociations, organisées dans le cadre de la CDB, était de définir les règles et procédures spécifiques pour sécuriser le commerce international des OGM.

Adopté sous les auspices de la Convention sur la diversité biologique (A), le protocole s'inscrit formellement et matériellement dans la filiation du droit international de l'environnement(B).

A : Le rattachement du protocole à la CDB

L'attention que porte la communauté internationale à la menace qui plane depuis quelques siècles sur la vie animale et végétale n'est pas récente. Les premiers traités consacrés à la protection de la nature apparaissent dés le XIX siècle. Il s'agissait d'instruments sectoriels qui ne protégeaient que certains éléments de la faune et/ou de la flore.

Ces instruments portaient la marque d'un "utilitarisme indéniable" comme le prouve par exemple la Convention de Paris du 19 mars 1902 ne protégeant que des oiseaux "utiles à l'agriculture" lesquels étaient limitativement énumérés.

Après l'avènement de "l'ère écologique" dans les années 60 et surtout à l'issue de la conférence de Stockholm en 1972, apparaît une nouvelle manière d'appréhender le problème de la protection des espèces. L'innovation de cette approche vient de ce que l'espèce protégée, l'est désormais "pour elle même en tant qu'élément de la nature". C'est cette approche globalisante de la préservation de la diversité biologique que consacre la Convention de Rio de 1992, qui non seulement vise la protection des espèces et leur habitat, mais saisit pour la première fois la diversité biologique dans son ensemble14(*).

La CDB, adoptée en mai 1992 à Nairobi, a été ouverte à la signature à Rio de Janeiro le 5 juin de la même année, lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement. Avec 183 Etats parties, elle connaît aujourd'hui une très large participation. Cette Convention s'attache à la protection de la diversité biologique à travers ses éléments constitutifs.

Au titre de son article premier, trois objectifs sont assignés à la Convention. Ils recouvrent la promotion de "la conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses composantes et le partage juste et équitable des profits tirés de l'utilisation des ressources génétiques".En réalité, la Convention exprime une vision plutôt utilitariste de la biodiversité15(*).Il est certes excessif de considérer que la Convention de Rio ramène "la biodiversité à une simple question de ressources génétiques dont il s'agit de tirer les bénéfices les plus élevés possible"16(*), mais les différentes institutions qui sont établies en son sein s'intéressent plus aux questions posées par l'exploitation des ressources génétiques, qu'à ceux posés par la conservation de la biodiversité. D'ailleurs, le fait que son premier protocole porte sur la prévention des risques biotechnologiques est significatif.

La CDB contient trois dispositions directement liées aux organismes vivants modifiés. L'une d'entre elles (article 19(3)) a été à l'origine des négociations du protocole de Carthagène, les deux autres (articles 8(g) et 19(4)) contiennent des obligations applicables à toutes les Parties à la CDB, qu'elles soient ou non parties au Protocole.

La technique des conventions cadre, qui permet de faire évoluer le droit international de l'environnement, a été utilisée dans le domaine des biotechnologies17(*). Les Etats désirant apporter une amélioration à l'état de l'environnement dans un domaine déterminé élaborent une convention les engageant à coopérer et à poser les grands principes de l'action. Les modalités précises de leurs obligations sont ensuite déterminées par des protocoles additionnels, c'est à dire des traités ayant une existence juridique propre en ce qui concerne les conditions de leurs entrées en vigueur et de leur application18(*). Cette technique s'est révélée dans le domaine des biotechnologies particulièrement utile, pour faire mûrir un consensus au sein de la communauté internationale.19(*).

Cette opportunité, prévue par l'article 19(3), a été saisie pour assurer la prévention des risques biotechnologiques et donner un contenu juridique à deux principes qui avaient émergés des débats du sommet de Rio : le principe de précaution et le principe de consentement informé.

B : l'inscription du protocole dans le droit international de l'environnement

Il serait difficile de soutenir que le Protocole de Carthagène n'a rien à voir avec la protection de l'environnement20(*). Destiné à protéger la diversité biologique, le Protocole relève d'une logique essentiellement environnementale. Plusieurs raisons conduisent à ce constat.

Le protocole de Carthagène est un instrument juridique qui s'inscrit dans la filiation de plusieurs traités internationaux relatifs à la protection de l'environnement et régissant le commerce des espèces sauvages ou de produits sensibles comme les déchets dangereux, les produits chimique dangereux, ou encore les chlorofluorocarbones et s'inspire de mécanismes éprouvés par certains d'entre eux21(*).

Il s'agit d'un instrument universel à vocation globale qui comble un «vide» dans la mesure où, avant le protocole il n'existait en la matière que des instruments sectoriels et/ou non contraignants. A titre d'exemple, nous pouvons citer les directives techniques internationales pour une biotechnologie sans danger adoptées en 1995 par le PNUE et qui ne sont qu'incitatives. De même nous pouvons citer d'autres instruments non contraignants comme les recommandations adoptées par l'OCDE22(*). Nous pouvons de même citer la Convention Internationale pour la Protection des Végétaux de 1951 telle que modifiée comme applicable aux OGM lorsque l'on considère qu'ils présentent une menace pour la vie végétale.

Les seuls instruments à la fois contraignants et de portée générale qui existaient avant le protocole, sont régionaux puisqu'ils appartiennent au droit communautaire.

En effet, le commerce des biotechnologies ne faisait l'objet d'aucune réglementation internationale spécifique contraignante. Par contre, le droit communautaire s'est très tôt emparé de cette question.

La première initiative de la communauté en matière de réglementation des biotechnologies, remonte à 1982 avec l'adoption d'une recommandation 82/472/CEE du conseil du 30/06/1982, relative à l'enregistrement des travaux concernant l'ADN recombinant23(*).

Quelques années plus tard, deux propositions de directives du conseil ont été présentées par la commission concernant respectivement l'utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés (MGM), et la dissémination volontaire d'organisme génétiquement modifiés (OGM) dans l'environnement. Ces dernières ont finalement été adoptées le 23 avril 1990. Il s'agit des directives 90/219/CEE régissant les procédures d'utilisation confinée des OGM et la directive 90/220/CEE relative de aux conditions leur dissémination volontaire dans l'environnement24(*).

Ces directives constituent le fondement de la réglementation dans cette matière. Ces deux directives centrales ont été complétées par des législations sectorielles dont le nombre évolue sans cesse.

Toutefois nous pouvons nous poser la question de l'articulation du droit communautaire avec le Protocole (nouvel instrument international). Cette question s'impose d'elle même vu la précocité du droit communautaire en la matière. D'emblée, l'articulation entre eux ne paraît pas susciter de difficultés particulières. Le Protocole reconnaît en effet la légitimité des «accords et arrangements bilatéraux, régionaux et multilatéraux» qu'ils lui soient antérieurs ou postérieurs, ce qui couvre le droit communautaire antérieur en la matière.

Formellement, «l'emboîtement du droit communautaire»25(*)devrait donc être facile, mais le Protocole prévoit une condition d'admission de la légalité de telles démarches.

En fait, le protocole ne requiert pas une stricte conformité avec son dispositif et laisse une marge de manoeuvre, mais il exige tout de même une cohérence globale avec ses objectifs. Ainsi, à travers cette analyse nous constatons qu'au delà d'une filiation avec le droit international de l'environnement, le protocole semble se situer aussi dans une sorte de «filiation»26(*) avec le droit communautaire.

Cette thèse de l'accord purement environnemental a reçu le soutien décisif de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE), sollicitée par la Commission sur la base juridique qu'il convenait de retenir pour que le Conseil prenne la décision portant conclusion du Protocole de Carthagène27(*).

Reprenant l'ensemble des arguments évoqués par les participants pour rattacher le Protocole à la logique du droit de l'environnement, la Cour, qui reconnaît les implications commerciales de l'accord, tranche le débat en faveur de l'ancrage environnemental exclusif. Cette décision ne peut manquer de frapper, alors que le système du consentement préalable a été introduit en droit communautaire par la directive 90/220CE, devenue 2001/18CE qui ont, l'une et l'autre, un ancrage «purement marché intérieur».

* 14 Cf. S. Doumbé-Billé: L'apport du droit international à la protection de la nature: la Convention des Nations Unies sur la conservation de la diversité biologique, in «vingt ans de protection de la nature», hommage au Professeur Michel Despax, PULIM, 1998, p.p.179 et s.

* 15Aubertin (C), Vivien (F.D), «Les enjeux de la biodiversité», Economica, 1998, p. 49; Beurier (J.P), «Le droit de la biodiversité», RJE, n°1-2/11996.

* 16Marechal (JP), «Quand la biodiversité est assimilée à une marchandise», Le Monde diplomatique, juillet 1999, pp. 6-7.

* 17Kiss (A), «les traités cadres: une technique juridique caractéristique du droit international de l'environnement», AFDI, 1994, pp. 792-797, Maljean-Dubois (S), «La régulation du commerce international des OGM: entre le droit international de l'environnement et le droit de l'OMC», op. Cit. p 29.

* 18Kiss (A), Beurier (JP), «Droit international de l'environnement», Pedone 2° ed. 2000, p.53.

* 19Maljean-Dubois (S), «La régulation du commerce international des OGM: entre le droit international de l'environnement et le droit de l'OMC», op.cit, p 29.

* 20 Plusieurs auteurs, notamment S.Maljean Dubois, soutiennent la thèse selon laquelle le Protocole serait un accord purement environnemental.

* 21Maljean-Dubois (S), «La régulation du commerce international des OGM: entre le droit international de l'environnement et le droit de l'OMC», op.cit, p 31.

* 22Noiville (C), «Ressources génétiques et droit», Pedone, 1997, pp.53 et ss.

* 23 JOCE L 213, 21/7/1982.

* 24 Directive 90/219/CEE modifiée par la directive 98/81/CE du conseil du 26 octobre1998, JOCE L330 du 5/12/1998, p.13; Directive 90/220/CEE du conseil du 23 avril 1990, relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement, JOCE du 8/05/1990, p.15.

* 25 Maljean-Dubois (S), «Biodiversité, biotechnologies, biosécurité: Le droit international désarticulé», op.cit, p.975

* 26 Pour certains auteurs, le contenu final du protocole serait quasi «calqué» sur le régime communautaire. Romi (R) est de cet avis, «Le Protocole sur la biosécurité: Une étape vers «l'écologisation» des échanges économiques internationaux», Les Petites Affiches, 9 juin 2000, n°115, p.6

* 27 CJCE, Avis 2/00 du 6 décembre 2001.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo