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L'encadrement juridique des risques biotechnologiques

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par Faiza Tellissi
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de tunis - Mastère en Droit 2002
  

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Section 2: Le contenu du Protocole de Carthagène

L'objectif des négociations était la définition de règles et procédures spécifiques pour sécuriser le commerce international des OGM. Au rang des principaux apports du Protocole, figurent un champ d'application relativement large, ainsi que l'inscription du principe de précaution qui acquiert un caractère opérationnel.

§1 : Un champ d'application relativement large

Le champ d'application du Protocole a fait l'objet d'intenses négociations entre les Etats. En général, les pays en développement souhaitaient l'application du protocole à l'ensemble des OVM, tandis que les pays développés souhaitaient un champ d'application plus restreint. Lors de la Conférence des parties à Montréal en janvier 2000, un compromis a finalement été trouvé. Un champ d'application relativement large a été en définitive obtenu (A), mais au prix de plusieurs exceptions (B).

A : La définition du champ d'application du protocole

La définition du champ d'application rationae materiae du Protocole, figurait parmi les enjeux majeurs des négociations. En effet, certains souhaitaient qu'il ne concerne que les OGM destinés à être introduits dans l'environnement, comme les semences, seuls susceptibles de menacer l'environnement et la diversité biologique. D'autres envisageaient un champ d'application beaucoup plus vaste, englobant outre les produits agricoles, les OGM utilisés pour la nourriture humaine ou animale, directement ou après transformation, ou encore les OGM utilisés pour la médecine.

Finalement une solution intermédiaire a été retenue. Le champ d'application général du protocole comprend "tous les mouvements transfrontières, le transit, la manipulation et l'utilisation de tous les OVM pouvant avoir des effets défavorables sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, compte tenu également des risques pour la santé humaine"(article 4).

Ainsi, le champ d'application visé à l'article 4 comporte deux éléments 28(*):

1/ l'objet auquel le Protocole est applicable concerne "tous les OVM". Le terme "OVM" est expressément défini par le protocole et compte trois principaux éléments :

Il doit s'agir d'un "organisme vivant", qui s'entend de toute entité biologique capable de transférer ou de répliquer du matériel génétique, y compris des organismes stériles, des virus et des viroïdes29(*). Le Protocole, ne définit pas le matériel génétique. La CDB en fournit par contre une définition à l'article 2. Il s'agit du "matériel d'origine végétale, animale, microbienne ou autre, contenant des unités fonctionnelles de l'hérédité". Le libellé "transférer du matériel génétique" vise à inclure dans la définition des entités telles que les virus et les viroïdes, qui ne peuvent par eux même répliquer activement du matériel génétique.

Un "OVM" possède une "combinaison génétique inédite"; Une combinaison inédite peut être entendue comme une combinaison inconnue avant le moment de sa première production. Le caractère inédit d'une combinaison peut se manifester par la présence d'une forme nouvelle d'une unité fonctionnelle de l'hérédité, changeant ainsi leur séquence d'ensemble; elle peut aussi se manifester comme une disposition inédite des unités fonctionnelles de l'hérédité.

Le matériel génétique inédit doit avoir été obtenu "par recours à la biotechnologie moderne". Le terme "biotechnologie moderne" est défini par le protocole à l'article 3(i) comme étant l'application de techniques in vitro aux acides nucléiques et la fusion cellulaire d'organismes n'appartenant pas à une même famille taxinomique. Il semble important de souligner que le Protocole n'emploie pas l'expression usuelle d'organismes génétiquement modifiés (OGM), mais s'attache comme nous venons de le voir, aux "Organismes Vivants Modifiés" définis à l'article3.

La notion de modification génétique est difficile à cerner et c'est ici le recours aux techniques biotechnologiques qui permet de définir les organismes modifiés30(*). Est un organisme "vivant", "toute entité biologique capable de transférer de répliquer du matériel génétique, y compris des organismes stériles, des virus et des viroïdes". Par "vivant", le protocole signifie ainsi qu'il ne couvre que les produits biologiquement actifs, destinés à l'alimentation humaine ou animale (les céréales par exemple).

Les produits dérivés tel que l'huile ou la farine, les oeufs de poules nourries au maïs transgéniques, qui ne peuvent se reproduire ou transmettre du matériel génétique, sont donc exclus du champ d'application.

2/ Les activités auxquelles le protocole est applicable sont les suivantes :

Les mouvements transfrontières: il s'agit selon la définition de l'article 3(k) du protocole de " tout mouvement d'un OVM en provenance d'une partie et à destination d'une autre partie, a ceci prés qu'aux fins des articles 17 et 24, "mouvement transfrontière" s'étend aux mouvements entre Parties et non Parties".

Cette définition indique qu'en général, le terme "mouvements transfrontières" est limité aux mouvements entre parties au protocole, sauf aux fins des deux articles spécifiques.

L'article 17 traite des mouvements transfrontières non intentionnels d'OVM et l'article 24 des mouvements transfrontières avec les non parties.

S'agissant des "mouvements transfrontières non intentionnels", le Protocole pose une obligation de prévention et prévoit, en cas de survenance, un certain nombre de mesures d'urgence, reposant sur la coopération et l'échange d'information.

Le transit: ce terme n'a pas été définit par le Protocole. Cependant, le sens courant de transit dans le contexte du Protocole et à la lumière de l'objectif de celui-ci, est le passage d'un OVM sur le territoire d'une ou plusieurs parties au Protocole31(*).

La manipulation et l'utilisation: le protocole n'a pas non plus définit ces termes. Le sens courant de "manipulation" semble viser les processus et méthodes manuels ou mécaniques de transfert, de transport, de livraison et de travail sur les OVM.

Concernant le sens du terme "utilisation", nous pouvons faire référence à l'article 3 (b) qui contient une définition de "l'utilisation en milieu confiné"32(*).

Ainsi, dans son sens courant et dans le contexte de la définition de l'utilisation en milieu confiné dans le Protocole, le terme «utilisation» semblerait s'appliquer à toute activité impliquant des OVM.

En outre, le champ d'application du protocole prend en considération non seulement la diversité biologique, mais aussi la santé humaine33(*). Cette référence à la santé humaine est notable dans la mesure ou le protocole aurait pu se limiter aux risques de la diversité biologique étant donné sa filiation avec la Convention de Rio. L'article 19 (3) de la CDB ne mentionnant pas la santé humaine dans ses dispositions.

Le traitement des questions liées à la santé humaine dans le Protocole a été litigieux depuis le début des négociations. Le libellé "compte tenu également..." représente un compromis entre ceux qui souhaitaient inclure dans le texte la protection de la santé humaine et ceux qui estimaient qu'il fallait limiter l'objectif à la conservation et à l'utilisation durable de la diversité biologique.

Cependant, les effets juridiques du libellé ne vont pas de soi. Le sens de ce dernier n'étant pas très clair, quels risques pour la santé humaine doit on prendre en compte? S'agit il uniquement de ceux découlant d'impacts sur la diversité biologique, ou également d'effets plus "directs" sur la santé humaine (effets causés par la consommation d'OVM par exemple)? Ces effets potentiels, doivent ils être évalués de la même façon que les risques pour la diversité biologique? Des effets portant uniquement sur la santé humaine suffiraient ils à justifier des restrictions à des importations d'OVM dans le cadre du protocole?

B : Les exceptions

Le champ d'application qui vient d'être analysé est relativement large. Celui ci a été retenu au prix de plusieurs exceptions, qui confèrent une géométrie variable aux obligations définies en fonction des catégories d'OVM (articles 5 et 6).

Dans certains cas, les exclusions sont limitées aux dispositions spécifiques associés à la procédure d'Accord Préalable en Connaissance de Cause (APCC), dans d'autres cas elles opèrent des exclusions générales de l'ensemble des dispositions du Protocole34(*).

1/Concernant les OVM exclus des dispositions du protocole sur l'accord préalable en connaissance de cause:

Il y a tout d'abord les OVM en transit35(*) pour lesquels les règles spécifiques de l'APCC ne s'appliquent pas.

Cependant, le protocole ne porte pas atteinte au droit d'un Etat de transit, au sens du droit international général, de réglementer les activités menées sur son territoire. A cet égard, une partie (tout comme un Etat non partie) sur le territoire de laquelle transite un OVM, peut réglementer le transport et la manipulation, de sécurité des transports, de santé et d'autres mesures réglementaires aux OVM en transit.

Si l'article 6(1) exempte les OVM en transit de la procédure d'APCC, le reste des dispositions du protocole est applicable.

Les OVM destinés à l'utilisation en milieu confiné dans la partie importatrice sont également exclus des dispositions du protocole sur l'APCC36(*) mais restent soumis aux autres dispositions du protocole.

Pour que cette exception soit applicable, trois conditions doivent être remplies: il doit y avoir un "mouvement transfrontière" d'OVM; les OVM doivent être destinés à une utilisation en milieu confiné (article 3(b)); l'utilisation en milieu confiné doit être effectué conformément aux normes de la partie importatrice. En conséquence, si l'OVM n'est pas destiné à une utilisation en milieu confiné, ou si cette utilisation n'est pas effectuée conformément aux normes de la partie importatrice pour ce type d'utilisation, les OVM en question seront toujours soumis à la procédure d'APCC aux termes du Protocole.

Nonobstant les dispositions de l'article 6(2), les Parties et les non Parties ont toujours le droit de soumettre tous les OVM à des évaluations de risques et d'établir des normes et des règlements pour l'utilisation des OVM en milieu confiné à l'intérieur de leur territoire.

Les OVM destinés à une utilisation directe pour l'alimentation humaine ou animale ou voués à être transformés sont également exclus des dispositions du protocole sur l'APCC.

Cette catégorie d'OVM, a fait l'objet de débats houleux lors des négociations du Protocole. Certains soutenaient que l'inclusion de ce genre d'OVM dans le champ d'application de la procédure d'APCC pourrait avoir des conséquences préjudiciables pour le commerce des produits agricoles. Ils estimaient que, dés lors que ces OVM n'étaient pas destinés à être introduits dans l'environnement, ils n'entraient pas à proprement parler dans le domaine de la compétence du protocole, conçu pour répondre aux risques potentiels pour la diversité biologique.

La réponse à cet argument a été de dire que, quelles que soient les utilisations prévues pour les OVM exportés, dans la pratique ces OVM pouvaient être introduits dans l'environnement, notamment dans les pays en développement.

De ce fait, ils devaient être également soumis à la procédure d'APCC et à des évaluations des risques, afin de sauvegarder la diversité biologique.

La solution trouvée a été d'inclure dans le champ d'application du protocole les OVM destinés directement à l'alimentation humaine, animale ou à être transformés, mais de soumettre leurs mouvements transfrontières à une procédure distincte et moins onéreuse, définie à l'article 11 du Protocole. Les article 8, 9, 10 et 12 ne s'appliquent donc pas à ce genre d'OVM37(*).

Enfin, les OVM définis par la Réunion des Parties au protocole comme peu susceptibles d'avoir des effets défavorables sont de même exclus des dispositions du protocole sur l'APCC.

L'article 7(4) permet à la Réunion des Parties à une date ultérieure, de décider collectivement d'exclure d'autres OVM du champ d'application de la procédure d'APCC. A cet effet, une décision de la Réunion des Parties est requise.

Tout OVM de ce type devra être préalablement défini comme peu susceptible d'avoir des effets défavorables sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, compte tenu également des risques pour la santé humaine.

2/ Pour ce qui est des OVM exclus des dispositions du Protocole sur les mouvements transfrontières, l'article 5 exclut du champ d'application du protocole, les mouvements transfrontières des OVM qui sont des produits pharmaceutiques destinés à l'homme.

L'article 5 est le résultat de négociations intenses lors des réunions du Groupe Spécial de travail, ainsi que lors des sessions de la Conférence des Parties à Montréal et à Carthagène.

Pendant ces négociations, de nombreuses délégations de pays en développement ont exprimés leurs préoccupations quant à une possible exclusion des produits pharmaceutiques pour l'homme du champ d'application du Protocole. Or, incontestablement, l'article 5 s'applique aux produits pharmaceutiques pour l'homme, mais pas à l'utilisation de plantes et d'animaux génétiquement modifiés pour les produire.

La culture de ces plantes et la multiplication de ces animaux, ainsi que leurs mouvements transfrontières ne sont pas exemptés en vertu de cet article.

Cet article reflète en fait un compromis, en vertu duquel seuls les mouvements transfrontières d'OVM qui sont des produits pharmaceutiques pour l'homme et relevant en tant que tels d'autres accords ou organismes internationaux, notamment l'OMS, sont exclus du champ d'application du Protocole.

Les mouvements transfrontières de ces OVM n'ont donc pas besoin d'être soumis à la procédure d'APCC ainsi qu'aux autres dispositions du protocole relatives aux mouvements transfrontières, sans préjudice au droit des Parties de soumettre l'OVM à des évaluations de risques. En d'autres termes, si les mouvements transfrontières des OVM visés par cet article ne sont pas soumis aux dispositions du protocole, les Parties peuvent néanmoins décider de les soumettre à une évaluation des risques préalablement à leur importation.

* 28Guide explicatif du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques; UICN, Droit et Politique de l'environnement n°46, Centre de droit de l'environnement à l'UICN, 2003, p59.

* 29 Article 3(h) du protocole.

* 30 Sur cette notion et sa transcription juridique, Noiville (C), «Ressources génétiques et droit», op.cit, p.216.

* 31 En l'absence d'une définition spécifique exprimée dans le traité par les parties, les termes d'un traité doivent être interprétés "de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but". Article 31.1 et 31.4, Convention de Vienne sur le droit des traités (1969).

* 32 Article 3 (b) du protocole: "utilisation en milieu confiné" s'entend de toute opération, entreprise dans un dispositif, une installation, ou tout autre structure physique, faisant intervenir des OVM qui sont réglementés par des mesures spécifiques qui en limitent effectivement le contact avec le milieu extérieur, et l'impact sur ce milieu.

* 33Guide explicatif du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques; UICN, op cit, p12.

* 34ibid. p17.

* 35 Article 6(1) du protocole.

* 36 Article 6 (2) du protocole.

* 37 L'article 8 est relatif à la notification, l'article 9 à l'accusé de réception de la notification et l'article 10 aux procédures de décision.

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