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La divulgation d'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels dans les demandes de brevet

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par Monia BRAHAM epse YOUSSFI
Faculté de Droit et des Sciences Politiques Université Elmanar Tunis - Master en Droit de la propriété intellectuelle 2007
  

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Introduction

Avec l'avènement de l'ère technicienne totale, les frontières entre le vivant et l'inerte se sont estompées pour imposer une brevetabilité généralisée de la matière vivante. Loin d'être l'élément d'une politique générale, le Droit du brevet « se caractérisait au contraire par une certaine autonomie au sein du système juridique »1(*) avec une mission précise, celle de la promotion du progrès technique et des objectifs restreints de stimulation de la recherche scientifique et d'incitation à l'investissement.

La théorie de l'objet purement technique du Droit du brevet2(*) s'oppose donc à la prise en compte des considérations d'ordre éthique dans le cadre de cette discipline. En dépit de sa plasticité qui lui a permis de s'étendre aux différents éléments du vivant dans sa complexité à travers une approche d'adaptabilité / porosité, cette dernière traduit une vision de l'impérialisme du brevet en tant que système de protection de l'innovation technologique3(*).

Seulement, le droit du brevet est appelé aujourd'hui à intérioriser des considérations qui relèvent également de l'éthique : Une éthique environnementale4(*), celle qui s'attache à consacrer le bien être économique et social de l'être humain5(*) et qui défend l'intérêt commun de l'humanité6(*).

Face à ce nouveau défi, la théorie du Droit de la propriété intellectuelle a pu s'adapter à la protection des objets nouveaux tels que les savoirs traditionnels à travers les systèmes sui generis qui ne sont qu'une modification de certaines caractéristiques des mécanismes existants de la propriété intellectuelle afin de tenir compte des particularités de l'objet de protection et des besoins spécifiques qui conduisent à la création d'un système distinct7(*).

Parallèlement à ce mouvement qui vise à prévenir l'usurpation des savoirs traditionnels dans les savoirs modernes ou de les intégrer selon certaines visions dans le cadre du commerce international moyennent une régulation mineure au profit de leurs détenteurs8(*),  des voies s'élèvent aujourd'hui pour reconnaître les droits sur les savoirs traditionnels dans le cadre du système du brevet. L'articulation entre les systèmes de l'innovation officielle et non officielle9(*) est le fondement même d'une obligation juridique de divulguer l'origine des savoirs traditionnels dans les demandes des brevets, exigence nouvelle au niveau du Droit du brevet pour la régulation du commerce international de la biodiversité.

A vrai dire, les réflexions sur l'institution d'une telle obligation au niveau du Droit du brevet s'étendent à la divulgation de l'origine des ressources génétiques qui peuvent être définis comme des informations virtuelles, codés, transmissibles que l'on retrouve chez les êtres vivants : Micro-organismes, plantes et animaux, et qui présentent un intérêt potentiel comme source de produits nouveaux10(*).

La divulgation de l'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels dans les demandes de brevets est une obligation qui est susceptible d'assurer l'effectivité de la convention sur la diversité biologique11(*) qui vise à atteindre trois objectifs essentiels : La conservation12(*), l'utilisation durable de la biodiversité13(*) et le partage juste et équitable des avantages qui en sont issus14(*) et par conséquent de servir le développement durable15(*).

Elle peut être définie comme un instrument servant à faciliter le partage des avantages entre les utilisateurs et les fournisseurs du matériel génétique, il pourrait consister en l'obligation de déclarer l'origine géographique du matériel de la variété utilisée comme matière première, au moment de déposer une demande de propriété intellectuelle »16(*).

La divulgation de l'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels dans les demandes de brevets est également analysée comme « outil sui generis qui consiste en une obligation administrative extraordinaire »16(*) qui vise à assurer l'articulation entre les systèmes de l'innovation officielle et non officielle.

A ce titre, elle est distincte de la divulgation de l'invention brevetable objet de l'article 29 de l'AADPIC qui prévoit ce qui suit : « Les membres exigeront du déposant d'une demande de brevet qu'il divulgue l'invention d'une manière suffisamment claire et complète pour qu'une personne puisse l'exécuter et pourront exiger de lui qu'il indique la meilleure manière d'exécuter l'invention connue de l'inventeur à la date de dépôt ou, dans le cas où la priorité est revendiquée à la date de priorité de la demande ».

Elle est par ailleurs distincte du certificat d'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels, en tant que mécanisme qui vise également à faciliter le partage des avantages issus de la biodiversité entre les demandeurs et les fournisseurs des ces ressources et/ou de ces savoirs, et qui fait actuellement l'objet d'une réflexion à l'échelle internationale17(*) comme un système complémentaire à une obligation de divulgation de l'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels dans les demandes de brevets.

Si l'on s'attache à préciser le fondement théorique de l'obligation de divulguer l'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels dans les demandes des brevets, on peut dire que les innovations biotechnologiques18(*) protégées elles-mêmes par les droits de la propriété intellectuelle ne sont que la dernière étape des connaissances accumulées et des inventions réalisées au cours de millénaires, c'est pourquoi un brevet ne doit pas se contenter de protéger et rémunérer la dernière manipulation génétique basée sur des sélections successives et de connaissances traditionnelles qui ont permis l'accès même à ces ressources dans leurs éléments tangibles et intangibles19(*).

S'agissant de l'assise juridique de l'obligation de divulgation de l'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels au niveau des demandes de brevets, on peut dire que celle-ci est plutôt reconnue par des textes internationaux non contraignants tels que les Lignes Directrices de Bonn sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages résultant de leur utilisation 20(*)et dans l'article 16 d ii et la décision VI / 2421(*) de la 6ème conférence des parties à la Convention sur la Diversité Biologique.

En effet, l'article 16 d ii des Lignes Directrices de Bonn prévoit : « Les parties contractantes ayant sous leur juridiction des utilisateurs de ressources génétiques devraient prendre les mesures législatives, administratives ou de politique générale appropriées, selon qu'il conviendra afin de favoriser le respect du consentement préalable donné en connaissance de cause de la partie contractante fournissant ces ressources ainsi que des conditions convenues d'un commun accord auxquelles l'accès a été accordé. Ces pays devraient envisager....

ii) Mesures visant à encourager la divulgation du pays d'origine des ressources génétiques et l'origine des connaissances innovations et pratiques traditionnelles des communautés autochtones et locales dans les demandes de propriété intellectuelle »

Ce texte non contraignant de Droit international ne se contente pas d'encourager les parties contractantes à la Convention sur la Diversité Biologique à divulguer l'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels au niveau des demandes de brevets, mais également au niveau des droits de la propriété intellectuelle. La précision est importante, si l'on envisage l'institution de cette même obligation au niveau des demandes de certificats d'obtentions végétales qui protègent les variétés végétales issus d'un processus d'amélioration variétale classique22(*).

Elle sera reprise au niveau de la décision VI / 24 de la 6ème conférence des parties à la Convention sur la Diversité Biologique qui invite les parties contractantes et les gouvernements à « encourager la divulgation des pays d'origine des ressources génétiques dans les demandes d'octroi des DPI quand l'objet de la demande concerne ou utilise les ressources génétiques dans leur développement, en tant que contribution possible au suivi du respect du consentement préalable donné en connaissance de cause et des conditions convenues d'un commun accord» et à « encourager la divulgation de l'origine des connaissances, innovations et pratiques traditionnelles pertinentes des communautés autochtones et locales se rapportant à la conservation à l'utilisation durable de la diversité biologique dans les demandes d'octroi des droits de propriété intellectuelle, quand l'objet de la demande concerne ou utilise ces connaissances dans son développement ».

Conformément à cette décision, la divulgation de l'origine des RG et des ST constitue un mécanisme de suivi du principe du consentement préalable donné en connaissance de cause par la partie contractante à la Convention sur la Diversité Biologique pour l'accès à ses ressources génétiques23(*), elle permet en outre de faire référence aux clauses contractuelles d'accès entre les fournisseurs et les demandeurs de ces ressources conformément aux « conditions convenues d'un commun accord »24(*).

Pour ce qui est des savoirs traditionnels, ceux-ci doivent se rapporter à la conservation et à l'utilisation durable de la diversité biologique, à ce titre les savoirs traditionnels en question ne peuvent être que les savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques, c'est pourquoi l'objet de la demande de droit de propriété intellectuelle devrait être intimement lié à ces connaissances traditionnelles.

Il est à noter que la distinction entre ressources génétiques et savoirs traditionnels soulève particulièrement une difficulté vu les liens évidents entre ces ressources dans leur élément tangible en tant qu'échantillons à prélever dans la nature ou à conserver dans les banques de gènes et les savoirs traditionnels qui y sont associés et qui relèvent des pratiques culturales25(*) ou d'autres utilisations pertinentes telles que les connaissances traditionnelles médicinales26(*).

Seulement pour certains savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques tels que les savoirs traditionnels agricoles, la frontière entre la ressource génétique en tant qu'élément tangible et le savoir traditionnel en tant qu'élément intangible de l'innovation traditionnelle ne peut pas être délimitée avec précision. Peut-on dés lors conclure à une simple fiction juridique qui traduit les rapports conflictuels entre les parties prenantes à la gestion de la biodiversité27(*) ?

Certes, le Droit est un monde de fictions qui pourrait instituer ses propres réalités pour répondre à des exigences qui relèvent du domaine de la technique ou traduire une certaine vision de l'éthique. A ce titre, la définition même des savoirs traditionnels pose problème non seulement par rapport à leur rattachement aux ressources génétiques elles mêmes mais par rapport à la nécessité de concevoir un système juridique de protection conforme aux exigences techniques et éthiques précitées.

Dans les travaux de l'OMPI, les savoirs traditionnels sont définis comme suit : « Le terme savoir traditionnel s'entend du contenu ou de la substance d'un savoir qui résulte d'une activité intellectuelle ou d'une sensibilité ayant pour cadre un contexte traditionnel, et comprend le savoir faire, les techniques, les innovations, les pratiques et l'apprentissage qui font partie des systèmes des savoirs traditionnels, les dits savoirs s'exprimant dans le mode de vie traditionnel d'une communauté ou d'un peuple, ou étant contenu dans les systèmes des savoirs codifiés transmis d'une génération à l'autre ; Le terme n'est pas limité à un domaine technique spécifique et peut s'appliquer à un savoir agricole, écologique ou médicinal, ainsi qu'à un savoir associé à des ressources génétiques »28(*).

Si l'on s'attache à la nécessité d'établir un lien pertinent entre les savoirs traditionnels à protéger et les ressources génétiques qui en constituent la substance, on peut également définir ces savoirs traditionnels à la manière de la loi brésilienne :  « Les connaissances, innovations et pratiques relatives aux propriétés, utilisations et caractéristiques de la diversité biologique retenues et/ou produites par des peuples indigènes ou communautés locales à l'intérieur des contextes culturels qui peuvent être identifiés comme des indigènes ou locaux bien qu'il soit mis à la disposition en dehors de ces contextes tels que les banques de données, des publications et dans le commerce »29(*).

La protection juridique des savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques pose particulièrement problème par rapport à l'approche et le mécanisme juridique de protection : S'agissant de l'approche, le comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore30(*) a proposé l'adoption d'une approche défensive de protection mais qui n'exclut pas l'affirmation active de droits dans le cadre d'une vision de protection positive et « si la protection défensive vise uniquement à empêcher des tiers d'obtenir des droits de propriété intellectuelle et n'empêche pas en soi des tiers d'utiliser le matériel concerné. Bien souvent, pour l'affirmation active des droits, la protection positive est nécessaire pour empêcher l'utilisation abusive des savoirs traditionnels par des tiers »31(*).

Il s'agit des droits légalement établis conformément aux Lignes Directrices de Bonn32(*), le mécanisme de protection à concevoir pose particulièrement problème : Faut-il instituer un registre national comme le proposent certains spécialistes de la question33(*) et l'instaurent des législations nationales portant spécialement sur la protection des savoirs traditionnels34(*) ou accepter de créer des registres et des bases de données locales comme c'est le cas dans le cadre d'autres législations nationales35(*).

A vrai dire, la protection juridique des savoirs traditionnels est une question complexe aussi bien sur le plan juridique que pratique : Sur le plan juridique, la protection des savoirs traditionnels consiste à déterminer si le savoir traditionnel est reconnu en tant qu'élément de l'état de la technique selon la législation portant sur le brevet du pays concerné, elle pose également la problématique de la reconnaissance des savoirs traditionnels transmis oralement36(*).

Pour ce qui est de son aspect pratique, la question relève plutôt de l'information mise à la disposition des administrations chargées de la recherche et des examinateurs des demandes de brevets et du fait que ces savoirs soient effectivement accessibles afin de multiplier la chance de trouver les informations qui s'y attachent lors d'une recherche sur l'état de la technique pertinent.

A vrai dire, le débat suscité par la nécessité d'intégrer les savoirs traditionnels dans l'état de la technique pour des raisons d'équité envers les communautés détentrices de ces savoirs considérés comme pilier de leur système de connaissance et qualifié également de technologie traditionnelle, marque la montée en puissance du rôle de certains acteurs tels que des Organisations Non Gouvernementales qui se mobilisent à la défense des intérêts autochtones et locaux dans les différents fora internationaux spécialisés37(*).

Ce mouvement de dénonciation des actes de bio-piraterie qu'on peut définir sur le plan juridique comme l'appropriation des ressources biologiques sans que les populations locales et/ou les autorités compétentes n'aient donné, en toute connaissance de cause, leur accord préalable pour que l'accès aux ressources et/ou aux savoirs traditionnels et le partage des avantages se fassent à des conditions convenues avec la mise en oeuvre de lois nationales et des conventions internationales régissant l'accès aux ressources et l'élaboration des lois sui generis sur la propriété intellectuelle relative aux connaissances locales et autochtones.

En effet, plusieurs cas illustrent la dénonciation du pillage des ressources génétiques et des savoirs traditionnels des communautés traditionnelles, on peut citer trois exemples qui ont fait l'objet de véritables batailles juridiques : C'est le cas du neem indien, de la Hoodia plante originaire du Botswana et de l'Afrique du Sud et de l'enola bean, semence traditionnelle sur laquelle un brevet a pu être délivré sans que la condition de nouveauté, en tant que condition de brevetabilité ne soit respectée38(*).

En effet, le moyen invoqué pour dénoncer l'appropriation abusive des savoirs traditionnels par les firmes pharmaceutiques et semencières qui est l'absence de nouveauté a été à l'origine des propositions avancées par les pays du tiers monde pour inscrire la divulgation de l'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels dans les demandes de brevets en tant que condition additionnelle aux conditions de la brevetabilité telles que prévus par l'accord ADPIC et les législations nationales portant sur le brevet d'invention à savoir la nouveauté, l'activité inventive et l'application industrielle, son manquement sera éventuellement sanctionné par l'annulation.

Le pacte andin39(*), conformément à la décision 391 de 1996 relative au régime commun concernant l'accès aux ressources génétiques dans son article 35 al 2 prévoit que « les pays membres ne doivent pas reconnaître les droits, y compris les droits de propriété intellectuelle, touchant les ressources génétiques, leurs sous produits ou produits de synthèse et les éléments incorporels associés, obtenus ou élaborés par l'intermédiaire d'une activité d'accès non conforme aux dispositions de cette décision. Par ailleurs, le pays membre touché peut demander l'annulation et mener de telles actions, selon qu'il convient, dans les pays ayant conféré des droits ou accordé des documents formant titre de protection ».

Rappelant que la décision 486 de l'an 2000 relative au régime commun concernant la propriété intellectuelle prévoit des dispositions complémentaires sur la sauvegarde du patrimoine biologique et génétique et des connaissances traditionnelles, la procédure légale relative à la divulgation de l'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels et la sanction en cas de manquement à une telle obligation qui est l'annulation.

Face à cette position radicale des pays du pacte andin, d'autres groupements régionaux ont adopté des positions beaucoup plus nuancées par rapport à la sanction de l'inobservation de la divulgation d'origine des ressources génétiques dans les demandes brevets. La directive Européenne 98/44 sur la protection de l'invention biotechnologique du 6/7/1998 prévoit dans son considérant 27 ce qui suit : « Si une invention porte sur une matière biologique d'origine végétale ou animale ou utilise une telle matière, la demande de brevet devrait le cas échéant, comporter une information sur l'origine géographique de cette matière, que ceci est sans préjudice de l'examen des demandes de brevet et de la validité des brevets délivrés ».

La transposition de la Directive Européenne par les législations Européennes a permis de conclure à la consécration de l'obligation de divulgation de l'origine des ressources génétiques dans les demandes de brevets, mais sanctionnée en dehors du Droit du brevet.

On peut penser que ces sanctions sont très peu dissuasives pour l'observation de l'obligation de divulgation de l'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels au niveau des demandes de brevet. Seulement, l'annulation d'un brevet sur le fondement de ce motif est grave de conséquences au niveau de la sécurité juridique. Par ailleurs, on peut penser que la sanction du manquement à une telle obligation par la nullité risque de faire double emploi avec les moyens offerts par les législations nationales pour l'annulation d'un brevet sur la base des critères de la brevetabilité.

Contrairement à la position de l'OMPI dans la première version de l'étude technique sur la divulgation de l'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels dans les demandes de brevets (qui ne reflète pas nécessairement les positions des Etats membres) et qui défend l'idée qu'une divulgation suffisante de l'invention est susceptible d'assurer le respect des cadres juridiques d'accès aux ressources génétiques et de protection des savoirs traditionnels et ce à travers le recours aux moyens invoqués s'agissant des conditions de la brevetabilité de l'invention biotechnologique, les pays méga-divers40(*) ont revendiqué l'inscription de cette obligation comme une obligation distincte41(*).

La position de l'OMPI a été jugée plutôt favorable aux milieux industriels et conforme à l'avis émis par les Etats-Unis d'Amérique et largement contestée par les pays du tiers monde dans le cadre des travaux ultérieurs de l'OMPI42(*) mais également dans le cadre des négociations au sein du conseil de l'ADPIC43(*).

L'enjeu principal de cette contestation est la nécessité d'assurer l'harmonisation internationale de l'obligation juridique de divulguer l'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels dans les demandes de brevets au niveau du Droit du brevet comme une stratégie à défendre dans la perspective des négociations du régime international sur l'accès et le partage des avantages issus de la biodiversité.

Cette aspiration à assurer l'harmonisation des cadres juridiques nationaux portant sur la divulgation d'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels a été à l'origine des différentes interprétations de cette obligation qui ont été déjà adoptées par des législations nationales, allant d'une obligation renforcée de la divulgation à une divulgation volontaire de l'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels passant par des solutions intermédiaires telles que l'attestation de la preuve légale de l'acquisition des ressources et savoirs qui sont à la base des inventions revendiquées44(*) .

Face à cette divergence au niveau des législations nationales par rapport à la portée et la sanction de l'obligation de divulguer l'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels dans les demandes de brevets et aux difficultés d'une harmonisation internationale d'une telle obligation, quelles perspectives s'offrent pour la mise en oeuvre des cadres juridiques nationaux et internationaux dédiés à la régulation commerce international de la biodiversité ?

La réponse à cette interrogation passe inévitablement par l'étude du fondement juridique de l'obligation de divulgation d'origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels au niveau du Droit international du brevet (Première Partie) pour en conclure aux difficultés qui s'opposent à l'harmonisation d'une telle obligation au niveau des législations nationales (Deuxième Partie).

* 1 Noiville (Christine), Ressources génétiques et Droit : Essai sur les régimes juridiques des ressources génétiques marines, Edition Pedone, 1997, p 90.

* 2 Idem, p 82.

* 3 Le brevet est admis pour la protection de l'innovation dans tous les domaines de la technologie conformément à l'AADPIC dans son article 27 qui prévoit "Sous réserve des dispositions des paragraphes 2 et 3, un brevet pourra être obtenu pour toute invention, de produit ou de procédé, dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle....."

* 4 Celle de la protection de l'environnement en tant qu'une obligation à la charge de la communauté internationale au profit de l'humanité.

* 5 L'AADPIC dans son article 7 défend l'intérêt économique et social de l'homme, il prévoit ce qui suit:" La protection et le respect des droits de la propriété intellectuelle devraient contribuer à la promotion de l'innovation technologique et au transfert et à la diffusion de la technologie, à l'avantage mutuel de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent des connaissances techniques et d'une manière propice au bien être social et économique, et à assurer un équilibre des droits et d'obligations."

* 6 L'intérêt commun de l'humanité est un intérêt général internationalement défendu au profit de l'humanité dans sa double dimension trans-temporelle et trans-spatiale.

* 7 Un système sui generis peut être également défini comme la conception « d'un système nouveau de protection des DPI lorsqu'il est apparu que l'adaptation pure et simple des mécanismes existants ne tiendrait pas compte des caractéristiques d'un nouvel objet....Un régime de propriété intellectuelle devient sui generis si l'on modifie certaines de ses caractéristiques de manière à tenir dûment compte des particularités de son objet et des besoins particuliers qui conduisent à la création d'un système distinct ».

* 8 Qui sont le plus souvent des communautés locales et autochtones.

* 9 L'expression de l'innovation non officielle est utilisée dans la littérature de la FAO.

* 10 Il faut distinguer entre les ressources génétiques et les ressources biologiques. Conformément à la CDB, ces dernières sont des « ressources génétiques, organismes ou éléments de ceux-ci, les populations, ou tout autre éléments biotique ayant une utilisation ou une valeur effective ou potentielle pour l'humanité » tandis que par ressource phyto-génétique par exemple, on désigne le matériel génétique d'origine végétal ayant une utilisation ou une valeur effective ou potentielle. L'article 2 TIRPGAA précise que les RPG/AA désignent le matériel génétique d'origine végétale ayant une valeur effective ou potentielle pour l'alimentation et l'agriculture y compris le matériel de reproduction et de multiplication végétative, contenant les unités fonctionnelles de l'hérédité. Le matériel végétal désigne également la variété définie comme « un ensemble végétal d'un taxon botanique du rang le plus bas connu, défini par l'expression reproductible de ses caractères distinctifs et autres caractères génétiques ».On peut affirmer que l'utilisation ou la valeur du matériel végétal sont liés aux gènes en tant qu'unités fonctionnelles de l'hérédité ou supports de certains caractères. Le gène en tant que composition biochimique détermine la reproductibilité des RPG/AA mais également revêt une importance par rapport à leur composition moléculaire, par exemple les plantes médicinales.

* 11 Morin (Jean Frédéric), « la divulgation de l'origine des ressources génétiques : une contribution du droit des brevets au développement durable ». http://www.er.uqam.ca/nabel/ieum/pdf/Morin_origine_PI.pdf. ,

* 12 La conservation in situ et ex situ des éléments de la Diversité Biologique conformément à la convention sur la Diversité Biologique.

* 13 Conformément à la Convention sur la Diversité Biologique et aux principes d'Addis Abiba de 2002 portant sur l'utilisation durable de la biodiversité.

* 14 C'est le principe qui est actuellement au coeur des négociations internationales sur le régime international sur l'accès et la partage des avantages issus de la diversité biologique.

* 15 Le développement durable est un développement écologiquement soutenable, économiquement viable et socialement équitable.

* 16 Manuel de référence « L'accord sur les aspects des Droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce ». Collection Les négociations commerciales multilatérales sur l'agriculture. Rome 2001, p 112.

* 16 Teixieira Nascimento (Ana Rachel), Protection juridique des savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques : Cadre juridique international, Faculté de Droit et de Sciences Economiques de Limoges. CRIDEAU UMR 60/62 CNRS/INRA, 2003, p 92.

* 17 Notamment dans les travaux des juristes de l'United Nations University, Institut of Advanced Studies:

- UNU-IAS Report: «User Measures, options for developing measures in User Countries to implement the access and benefit sharing provisions of the conventions on biological Diversity» , 2nd Edition, December 2003.

- UNU-IAS study: «The feasibility, practicability and cost of a certificate of origin system for genetic resources», preliminary results of comparative analysis of tracking material in biological resource centres and of proposals for a certification scheme study prepared by Brenden Tobin, David Cumminghan and Kazuo Watanabe, December 2004.

* 18 On peut retenir la définition de l'invention biotechnologique telle que prévue par la directive Européenne de 1998 dans son article 3 " Aux fins de cette directive, sont brevetables les inventions nouvelles, impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle, même lorsqu'elles portent sur un produit composé de matière biologique ou en contenant ou sur un procédé, permettant de produire, de traiter ou d'utiliser de la matière biologique. Une matière biologique isolée de son environnement naturel ou produite à l'aide d'un procédé technique peut être l'objet d'une invention, même lorsqu'elle préexistait à l'état naturel".

* 19 Sur la distinction entre élément tangible et intangible voir les réflexions de Morin (Jean Frédéric), «Une réplique du Sud à l'extension du droit des brevets: La biodiversité dans le régime international de la propriété intellectuelle», Revue Droit et société n° 58, 2004, p 10-11. L'auteur affirme à ce propos qu'en absence d'un consensus international sur " la question de savoir si les droits d'accès au matériel génétique comprennent l'accès à l'intangible génétique, il semble vain d'espérer que les droits d'accès puissent servir d'assise pour retirer la brevetabilité du matériel génétique de l'accord sur les ADPIC".

* 20 Les Lignes Directrices de Bonn sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages résultant de leur utilisation est l'émanation des travaux du groupe spécial sur l'accès et le partage des avantages crée au sein de la CDB.

* 21 Cette décision est une simple recommandation de la conférence des parties sur la Convention sur la Diversité Biologique.

* 22 Voir à propos de la possibilité de l'institution d'une telle obligation au niveau des COV et la position favorable de la part de l'industrie semencière l'article de Smolders (Walter), «Disclosure of origin, access and benefit sharing: The special case of Seeds for food and Agriculture», Quaker United Nations Office (QUNO), Quaker International Affairs Programme (QIAP), Quno Occasional paper 17, October 2005. http://www.iprsonline.org/unctadrets/docs/Disclosure_Somolders.pdf

* 23 Objet de l'article 15 de la CDB, pour plus de détail voir l'article de Burhenne Gulmin (Françoise), «L'accès aux ressources génétiques, les suites de l'article 15 de la Convention sur la diversité biologique » in les hommes et l'Environnement : Quels droits pour le 21ème siècle, Edition Frison Roche, Paris, 1998.

* 24 Les conditions convenues d'un commun accord sont inclues soit dans le cadre d'un contrat de bio-prospection, soit au niveau d'un Accord de transfert du matériel génétique.

* 25 Dans le sens des innovations techniques moyennant les méthodes de la sélection classique et des procédés biotechnologiques appliqués dans le domaine de l'agriculture.

* 26 Ici, on fait allusion au recours de l'industrie pharmaceutique aux savoirs traditionnels indigènes pour le développement des nouveaux produits.

* 27 La notion de parties prenantes est apparue au niveau des Lignes Directrices de Bonn pour désigner les communautés locales et autochtones, voir à ce propos le Chapitre 3 des Lignes Directrices de Bonn portant sur la participation des parties prenantes.

* 28 La reconnaissance des savoirs traditionnels dans le système des brevets : Projet intérimaire, travaux de la 8ème session du comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore, Genève, 6-10 Juin 2005.WIPO/GRTFF/IC/8/8 Rev. Du 3 Juin 2005, p 6.

* 29 Teixieira Nascimento (Ana Rachel), Protection juridique des savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques : Cadre juridique international, mémoire précité, p 19.

* 30 Ce comité a été crée au sein de l'OMPI en 2001.

* 31 La reconnaissance des savoirs traditionnels dans le système des brevets : Projet intérimaire, document précité des travaux du comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore, p 6.

* 32 Le point 31 des Lignes Directrices de Bonn prévoit  ce qui suit : «  En ce qui concerne les droits légaux établis des communautés autochtones et locales relativement aux ressources génétiques auxquelles il est demandé d'avoir accès.... Le consentement préalable donné en connaissance de cause des communautés locales et autochtones et locales et l'approbation et la participation des détenteurs des connaissances, innovations et pratiques traditionnelles devraient être obtenus conformément à leurs pratiques coutumières, aux politiques nationales d'accès et compte tenu des lois internes »

* 33 Sambuc (Henri), la protection internationale des savoirs traditionnels la nouvelle frontière de la propriété intellectuelle, Edition Harmattan, Paris, 2003. L'auteur propose l'adoption d'un traité administré par l'OMPI portant sur la protection de la propriété intellectuelle traditionnelle et propose la création de registres nationaux de protection des ST, pp 217- 234.

* 34 La mesure provisoire n°2 186-16 du 23 Août 2001 du Brésil, la loi n° 27811 publiée au Journal officiel du Pérou le 10 Août 2002 intitulée : « Loi établissant le régime de protection des savoirs collectifs des peuples autochtones portant sur les ressources biologiques » et le Décret /loi n° 118/2002 du 20 Août 2002 du Portugal.

* 35 A l'instar de la loi indienne de 2001 portant sur la protection des variétés végétales et des droits des agriculteurs et la loi péruvienne de 2002 : « Loi établissant le régime de protection des savoirs collectifs des peuples autochtones portant sur les ressources biologiques ».

* 36 Voir les analyses de cette question au chapitre II de la partie II.

* 37 Un nouveau fond de financement de la participation des communautés locales et autochtones dans les réunions du comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore a été crée lors des travaux de sa la session de juin 2005.

* 38 Voir le détail de ces trois grandes affaires dans l'article de Dutfield (Graham), «Thinking aloud on disclosure of origin», Quaker United Nations Office (QUNO), Quaker International Affairs Programme (QIAP), QUNO occasional Paper 18, October 2005 sur l'adresse électronique suivante http://www.iprsonline.org/unctadictsd/docs/disclosure_Dutfield.pdt. , pp 5-8.

* 39 Qui réunit les pays de l'Amazonie : la Bolivie, l'Equateur, la Colombie, Venezuela et le Pérou et à l'exception du Brésil.

* 40 Les pays méga divers sont une coalition qui regroupe les pays suivants: l'Afrique de Sud, la Bolivie, le Brésil, la Chine, le Costa rica, la Colompbie, l'Equateur, l'Inde, l'Indonésie, le Kenya, le Mexique, la Malaisie, le Pérou, les Philippines et le Vénezuela et qui se sont engagés à promouvoir la divulgation d'origines des RG et des ST comme condition à la délivrance d'un brevet.

* 41 Projet d'étude technique sur les exigences relatives à la divulgation d'information en rapport avec les ressources génétiques et les Savoirs traditionnels. Document établi par le Secrétariat de l'OMPI pour la 30ème session de l'Assemblée Générale de l'OMPI, Genève 22 Septembre - 1 Octobre 2003. WO/GA/30/7 add.1 du 15 Août 2003 sur le site web http://www.wipo.org.

* 42 Premier rapport sur l'étude technique concernant les exigences relatives à la divulgation d'informations en rapport avec les ressources génétiques et les savoirs traditionnels, Document établi par le secrétariat de l'OMPI pour les travaux du comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore, quatrième session, Genève 9-17 décembre 2002. WIPO/GRTFF/IC/4/1 du 20 Novembre 2002 sur le site web : http://www.wipo.org et le Projet d'étude sur la problématique des liens entre l'accès aux ressources génétiques et les exigences de divulgation dans les demandes de titres de propriété intellectuelle, Document établi par le Bureau International pour l'Assemblée générale de l'OMPI, 32ème session, Genève, 26 Septembre -5 Octobre 2005. WO/GA/32/8 du 24 Août 2005 site web http://www.wipo.org

* 43 Voir à ce propos ces trois documents de l'OMC:

1/ W.T.O Council for trade related Aspects of intellectual Property Rights «The relationship between the trips agreement and the Convention on Biological Diversity». Document IP/C/W/368 du 8 Août 2002 http://www.wto.org/english/tratop_2/trips_c/ipcw368_.e.doc ,

2/ W.T.O Council for trade related Aspects of Intellectual Aspects of Intellectual Property rights «Additional comments by Switzerland on its proposals submitted to WIPO regarding the declaration of the source of genetic resources and traditional knowledge in patent applications», Document IP/C/W/423 du 14 Juin 2004. http://www.sipo.gov.cn/sipo/ztxx/yczyhctzsbh/gjhywj/w423doc. ,

3/ W.T.O Council for trade related aspects of intellectual Property rights «Article 27.3b, relationship between the trips agreement and the CBD, and the protection of traditional knowledge and folklore, communication of United states, document IP/C/W/434 du 26 Novembre 2004.

* 44 Voir à propos de ces trois options les analyses de Blakeney (Michael), « Proposals for the disclosure of origin of genetic resources in Patent Applications », Queen Mary Intellectual property Research Institute, Queen Mary University of London.

Adresse électronique: http://www.economica.uniroma.2.it/conferenze/icabri/2005/papers/Blaheney-pdf., pp 8-15; Egalement Dutfield (Graham), «Thinking aloud on disclosure of origin», article précité , p 2.

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