PARAGRAPHE I : L'OBLIGATION ESSENTIELLE / ELEMENTS
ESSENTIELS DU CONTRAT
  
   Cette distinction a été établie par
Maître Christian Lavabre. A priori, ces deux termes  semblent recouvrir
la même réalité. Cependant cela ne doit être
affirmé qu'avec réserve. Si l'obligation essentielle est vue
comme « la prestation qui donne à un contrat son
caractère, qui permet de la distinguer des autres et qui constitue le
centre de gravité et la fonction socio-économique  de
l'opération contractuelle » ; les éléments
essentiels eux, sont perçus comme l'ensemble des composantes de la
prestation qui donne  son caractère au contrat assurant par là
même l'efficacité du lien contractuel. Les éléments
essentiels  se rencontrent depuis la phase pré contractuelle où
les parties négociant en toute liberté vont tout de même
s'appliquer à s'entendre  sur des points déterminants ou
essentiels du contrat. Et  ces éléments seront maintenus tels
qu'ils dans le futur contrat. Cette technique contractuelle s'appelle la
punctation contractuelle. Dans cette phase pré
contractuelle ignorée par le Code civil, on ne peut pas nous semble-t-il
parler d'obligation essentielle mais  plutôt d'éléments
essentiels. Ceux-ci apparaissent aussi dans le mécanisme de l'offre et
de l'acceptation. Cela se comprend aisément car l'offre n'est efficace 
que si elle contient des références à ces
éléments là. Dans le cas où l'offre est
dépourvue de ces  éléments essentiels, on bascule dans les
pourparlers qui n'ont  aucune valeur juridique aux yeux  du législateur
de 1804. L'accord sur les seuls éléments essentiels suffit
à impliquer le contrat en dépit des désaccords 
persistants sur  les points accessoires. Cela est précisé par
l'article 1583 du Code civil à propos de la vente : « elle est
parfaite dès qu'on est convenu de la chose et du prix». La
Cour d'appel de  Versailles  avait  déjà abondé
également dans ce sens à l'occasion d'une décision portant
sur une demande due à la rupture abusive du lien contractuel
«Aucun contrat ferme et définitif n'est intervenu lorsque les
parties ne sont pas parvenues à un accord parfait de volonté sur
l'ensemble des éléments essentiels du contrat et qu'à tous
les stades  de la négociation l'une des parties a formulé des
contre-propositions ou réserves impropres à former le contrat  et
cela jusqu'à la rupture  des relations contractuelles ». Cette
démarche de la Cour d'appel de Versailles est basée sur le fait
que  l'ensemble des éléments  essentiels du contrat participent
à la détermination de l'obligation essentielle qui, à son
tour, contribue à qualifier le contrat.  
La distinction entre obligation essentielle et
éléments  essentiels du contrat est très difficile car
elle n'est pas claire. Mais ce qui demeure évident c'est que dans la
notion d'obligation essentielle, il y a un sentiment de contrainte. Celle-ci
est inhérente au terme d'obligation même  et si elle n'est pas
respectée, il y aura corrélativement une sanction. Ce sentiment
de contrainte n'existe pas à propos  des éléments
essentiels  du contrat.  Pour schématiser, on relève tout
simplement que si les éléments essentiels sont indispensables
à la formation du contrat, pour que celui-ci soit viable, il faut
nécessairement une obligation essentielle. 
   Le législateur a déterminé les
éléments qu'il tient pour  essentiels dans  certains contrats.
Ainsi, la charge de restituer certains biens en nature,  constitue un
élément essentiel du contrat de dépôt. De
même, le caractère accessoire du cautionnement est un
élément essentiel du contrat portant le même nom. Enfin, le
rédacteur  de la  convention de Rome du 19 juin 1980 ,tient pour
élément  essentiel  la prestation caractéristique. Cela se
déduit de la présomption générale qu'il
établit entre le contrat et le pays où la partie qui doit cette
prestation a, au moment  de la conclusion du contrat, sa résidence
habituelle ou, s'il s'agit d'une société, association ou personne
morale, son administration centrale. 
  La jurisprudence aussi participe à la
détermination des éléments essentiels des contrats, mais
non de la même façon que le législateur. En effet, les
tribunaux tentent d'ajuster « les qualifications incompatibles
» avec les éléments essentiels du contrat. Ce qui peut
les conduire à qualifier les faits et actes litigieux au delà de
la qualification des parties. Selon M.E. PUTMAN, l'article 12 alinéa 3
du NCPC devrait permettre, lorsque aucune règle d'ordre public ne s'y
oppose et que les parties agissent sans fraude, de « reléguer
au rang d'accessoires des éléments habituellement essentiels
». 
 Enfin , nous retenons que l'obligation essentielle et les
éléments essentiels du contrat sont des éléments
vitaux du contrat, que sans eux on ne saurait parler de contrat. 
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