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Dynamique des représentations sociales de l'agriculture et de la ruralité dans un contexte territorial du vieillissement de la population : Le cas du « Projet Nô-Life » de la Ville de Toyota au Japon

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par Kenjiro Muramatsu
Université de Liège - DEA Interuniversitaire en Développement, Environnement et Sociétés 2006
  

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Changement des représentations du vieillissement dans la politique japonaise

Sans entrer dans le détail du fonctionnement de ce système, retenons les aspects essetiels du changement : il s'agit d'une hausse de responsablités de la part des organismes locaux (dont notamment les collectivités territoriales) et de celle des individus.

Pour les organismes locaux, leurs responsabilités sont grandissantes et considérables aussi bien quantitativement que qualitativent. La quantité absolue de la demande en la matière et sa hausse prévue à long terme sont importantes. Puis, le contenu et la qualité des offres des services doivent être différenciés et surtout individualisés en fonction des degrés de risque de dépendance de chaque usager de ces services. A cet effet, les degrés de dépendance (yô-kaigo do) sont fixés à six niveaux. Puis, le montant de l'assurance dont les usagers peuvent bénéficier est très différent selon ces degrés. L'inégalité éventuelle de la quantité et de la qualité de services offerts paraît d'autant plus accentuée que deviennent sensibles et difficiles les travaux pour l'évaluation de ces degrés effectués par les collectivités territoriales.

Pour les individus, le poids financier pèse davantage lourd pour les cotisants de moins de 65 ans, du fait qu'ils n'ont pas le droit de bénéficier de cette assurance à la différence de l'Assurance Nationale Santé (Kenkô hoken) où chaque cotisant, quelque soit son âge, peut en bénéficier. De plus, l'augmentation du montant de cotisation est fort probable dans le futur.

Par ailleurs, cette série d'augmentation de responsablités locales et individuelles face aux risques dus au vieillisement induit la nécessité de renforcer la capacité d'autonomie des personnes âgées au sein de la société. « Développer des systèmes sociaux où les personnes âgées peuvent exercer leurs compétences » est de plus en plus exigé426. Puis, « agir en sorte que les personnes âgées puissent retrouver leur Ikigai dans la société va contribuer à augmenter le nombre des pesonnes âgées en bonne santé »427. Enfin, « cela va produire de bons effets secondaires comme une rationalisation de la sécurité sociale grâce au freinage des coûts des aides aux personnes âgées dépendantes et de ceux médicaux »428.

La Ville de Toyota ne fait pas exception à ce type de raisonnement général sur l'autonomie des personnes âgées. D'ailleurs, c'est ce raisonnement qui a fait apparaître la SCI dans la Municipalité de Toyota. Les mesures pour la « Création d'Ikigai (Ikigai zukuri) » destinées aux « personnes âgées en bonne santé (genki na kôrei-sha) » sont ici considérées comme efficaces pour la « prévention de la dépendance (Kaigo-yobô) ». D'ailleurs, en 2005, une réforme nationale de la Loi sur l'Assurance des Aides aux Personnes âgées dépendantes

423 Ibid. D'où le phénomène de l' «hospitalisation sociale» et l'augmentation d'attentes pour l'entrée dans les organismes d'aide-soignante dont le nombre était limité.

424 La moyenne nationale du montant de cette cotisation par personne est de 2500 yens soit environ 17 euros par mois (Ibid. :

158).

425 Ibid. : 150.

426 Ibid. : 146.

427 Ibid.

428 Ibid.

a accordé davantage d'importance à cette prévention429. Nous examinerons d'abord la situation locale de la Ville de Toyota à l'égard du vieillissement de la population, et ensuite les travaux de la SCI.

Situation du vieillissement de la population dans la Ville de Toyota

Dans la Ville de Toyota, le taux de vieillissement430 est de 11.1% en 2000. C'est relativement bas en comparaison avec les chiffres national et départemental (17.3% et 14.5%). C'est pourquoi on qualifie cette ville d'une « ville jeune »431. Toutefois, ce taux va augmenter de manière accélérée d'ici 10-15 ans du fait de l'importance démographique de la génération baby-boom432. En effet, dans la Ville de Toyota, le nombre de la population de cette tranche d'âge est particulièrement important en raison de l'histoire de son développement réalisé grâce à l'essor de l'industrie automobile depuis les années soixante433. Selon l'estimation faite par la Ville, le taux de vieillissement sera de 13.4% en 2005, de 16.7% en 2010, de 19.8% en 2014434. Et la Municipalité estime que, dans la Ville de Toyota, l'augmentation du taux de vieillissement continura à s'accélérer jusqu'en 2020.

Le nombre des personnes âgées de la première catégorie (zenki kôrei-sha : personnes de 65 ans à 74 ans) est de 26 745 et celle de la deuxième catégorie (Kôki Kôreisha : personnes de plus de 75 ans) est de 17 204, soit au total 43 949 sur une population totale de 394 467 en 2000. Cependant, la Ville estime qu'en 2018, le nombre des personnes âgées de la deuxième catégorie va dépasser le nombre de celles de la première catégorie.

Rapport implicite avec la décentralisation en cours

Ajoutons que cette dynamique politique du vieillissement n'est pas sans rapport avec le processus de la décentralisation actuellement en cours au Japon. Takemoto relève ce point : « Les assureurs de l'Assurance des Aides aux personnes âgées sont les municipalités (shi-chô-son). Le système est ainsi construit de manière décentralisée pour que les services propres à leur localité puissent être offerts »435. Mais cette diversité de services est « à double tranchant » : « certaines collectivités motivées font de grands efforts, mais d'autres pas, en réduisent les tarifs des cotisations. D'où une inévitable disparité régionale. »436. D'ailleurs, l'offre de ces services peut dépendre de la demande locale : « Soit les services à domicile, soit les services en institution, sans avoir plus de certaine quantité de demandes, il est impossible d'offrir les services efficaces. »437 D'où un inévitable lien avec le mouvement massif de la fusion des collectivités au Japon : « La mise en vigueur de la Loi sur l'Assurance des Aides aux personnes âgées dépendantes constitue une des causes de la fusion des collectivités actuellement en discussion »438.

Dans le mouvement massif de la fusion des collectivités appelée « grande fusion de l'ère de Heisei (Heisei no daigappei) »439, qui s'est amorcée à la fin des années 90, les collectivités à faible capacité financière dont les collectivités rurales dépeuplées (kaso jichitai)440 notamment, risquent de perdre leur entité administrative en

429 Section Bien-être et Vieillissement de la Direction Santé et Bien-être de la Ville de Toyota, 2006 : 1-2.

430 Le taux du nombre des personnes âgées de plus de 65 ans sur la population totale.

431 Section Bien-être et Vieillissement de la Direction Santé et Bien-être de la Ville de Toyota, 2006 : 13.

432 La génération baby-boom designe la population née entre 1946-1949. Cette génération est appellée au Japon « dankai no sedai (génération de cohorte) ». Ce terme provient d'un romain du même titre publié en 1976 traitant ce sujet, dont l'auteur est Taichi SAKAIYA, ecrivain et économiste japonais. Ce terme implique que cette génération a toute une particularité commune au niveau des expériences et des caractères et par rapport aux autres générations antérieures et ultérieures (Sakaiya, 2005 : 11-16)

433 Section Bien-être et Vieillissement de la Direction Santé et Bien-être de la Ville de Toyota, 2006 : 12.

434 Ibid. : 17.

435 Takemoto, 2001 : p. 162.

436 Ibid. : 162 - 163.

437 Ibid. : 163.

438 Ibid.

439 Sur l'historique des fusions des collectivités locales au Japon, voir le Chapitre 1.

440 En 1970, l'Etat a adopté une loi visant à établir un ensemble de mesures visant à relever les collectivités dépeuplées. A cette époque, il y avait près de 1000 collectivités dépeuplées. Et en 2000, il y en a près de 1200 collectivités concernées par ces mesures. Aujourd'hui, si ces collectivités occupent la moitié de tout le Japon au niveau de la surface, le nombre total d'habitants dans ces collectivités occupent que près de 6% sur la population totale japonaise. Aujourd'hui, si ces collectivités occupent la moitié de tout le Japon au niveau de la surface, le nombre total d'habitants dans ces collectivités occupent que près de 6% sur la population totale

fusionnant avec d'autres collectivités voisinantes.

La Ville de Toyota s'inscrit pleinement dans ce contexte. Elle a fusionné, en 2005, avec six collectivités rurales dont cinq étaient désignées jusqu'alors comme « collectivités dépeuplées (kasoka) » et situées dans des zones de moyenne montagne. La nouvelle Ville de Toyota a ainsi adopté un nouvel réglement municipale (jôrei) sur l'aménagement du territoire intitulé « Règlement fondamental de l'aménagement de la Ville (machizukuri kihon jôrei) » dont le préambule ci-dessous est marqué par la nécessité de faire face aux problèmes liés à la relation urbain - rural émergente et inévitable ainsi qu'au vieillissement de la population. Tous les projets exercés au sein de la municipalité doivent respecter le contenu de ce Règlement.

« Tout en mettant en valeur nos diverses localités irremplaçables que nous avions développées, notre ville de Toyota travaille pour créer une ville où vivent ensemble la ville et les campagnes rurales et montagnardes. Orienté par la Charte communale de Toyota, nous souhaitons apprendre, travailler et vivre riche et en toute sécurité. Ici, nous établissons le Règlement fondamental de l'aménagement de la Ville de Toyota, avec l'idée de base que, pour notre futur, tout le monde, les enfants et les personnes âgées inclus, s'efforce à l'aménagement de la ville via la coopération en tant que porteurs de cet aménagement, et a pour objectif de réaliser une société locale et autonome. »441

Représentations du vieillissement dans la politique municipale : une généalogie de l'idée d'Ikigai

Une idée centrale de la politique de la ville à l'égard du vieillissement fut formulée comme ci-dessous dans un plan intitulé « Perspective pour une société longévitale de la Ville de Toyota (Toyota-shi Chôju Shakai Kihon Kôsô) » créée en 1989 :

« Viser une société de coexistence où chaque citoyen joue son rôle et, sur la base des principes de jijo (aide par soi-même ou self help) et de gojo (entraide ou mutual help), tout le monde devient autonome et peut partager le plaisir de vivre »442

Ensuite, les trois idées de base furent formulées comme ci-dessous en 1993 dans le « Plan municipal de la Santé et du Bien-être des personnes âgées (Toyota-shi Kôrei-sha Hoken Hukushi Keikaku) »443 :

1 Une société de coexistence qui nous permet de maintenir une vie sociale et d'avoir Ikigai même si l'on devient grabataire.

2 Une société longé vitale et saine où tout le monde peut se soutenir et peut être soutenu.

3 Soutiens à l'autonomie en tant qu'objectif fondamental du bien-être social

Le Plan municipal de la Santé et du Bien-être des personnes âgées pour les années 2000-2004, résume ainsi ces idées : « l'idée que l'ensemble des citoyens se soutiennent pour que l'on puisse passer une vie autonome avec Ikigai même si on devient grabataire »444. Puis, « cette idée est conjointe avec les idées fondamentales des mesures de la Santé et du Bien-être (Hoken-hukushi) de la Ville de Toyota, c'est-à-dire, le jijo (efforts personnels et familiaux), le gojo (entraide entre habitants locaux) et le kôjo (aides publiques : larges soutiens institutionnels réalisés par l'administration et des organismes privés etc.) »445. C'est pour cela que ces idées ont été reprises par ce plan pour les années 2000-2004.

Le Plan pour les années 2000-2004 formule son objectif fondamental comme ceci : « Une ville de longévité et de santé où l'on passe une vie vivante et en toute sécurité (anshin shite ikiiki to kuraseru kenkô chôju no

japonaise. (Source : Site officiel de la Préfecture d'Aichi. : http://www.pref.aichi.jp/chiiki/kaso1/index-frmpg.htm)

441 Selon « Toyota-shi Machizukuri Kihon Jôrei (Règlement fondamental sur la Production de la Ville de Toyota) ».

442 Direction Santé et Bien-être, 2000 : 80.

443 Ibid.

444 Ibid.

445 Ibid.

machi) »446. En fait, cette formule est fruit d'un changement apporté, dans le contexte de l'introduction du Système de l'Assurance des Aides aux personnes âgées dépendantes, à la formule faite en 1991 dans un plan global de l'aménagement de la Ville de Toyota qui était comme celui-ci : « une ville du bien-être où l'on peut passer toute la vie en toute sécurité (anshin shite shôgai wo sugoseru hukushi no machi) »447. En remplaçant le mot « bien-être » par les mots « longévité et santé », le Plan pour les années 2000-2004 met l'accent sur l'élément de la « vie vivante (Ikiiki to kurasu) » qui implique le sens d'Ikigai. Pour expliquer ce changement de formule, le Plan pour les années 2000-2004 fait une mise en relation avec l'introduction de la Loi sur l'Assurance des Aides aux Personnes âgées dépendantes :

« La Loi sur l'Assurance des Aides aux Personnes âgées dépendantes est un système `où l'on soutient les aides aux personnes âgées dépendantes par l'ensemble de la société en se basant sur l'idée de la solidarité' et également un système `où les usagers décident leurs services de santé (hoken), de médecine (iryô) et de bien-être (hukushi)' et en bénéficient de manière englobante et cohérente.'. C'est un nouveau système de la sécurité sociale ayant pour objectif de soutenir les aides aux personnes âgées dépendantes sans polariser les charges de ces aides qu'à certaines personnes particulières. De ce fait, il est nécessaire d'inclure une orientation où chacun continue sa propre vie de manière autonome en bénéficiant des services. Une vie autonome et indépendante se réalise dans un cadre de vie où la bonne santé et Ikigai sont présents, et qui permet de pouvoir vivre en toute sécurité »448.

Suite à cet objectif fondamental, les deux piliers suivants sont formulés pour l'application des mesures concrètes : « production de la santé vivante par chacun de nos citoyens (shimin hitori-hitori no ikiiki kenkô-zukuri) » ; « établissement d'un système local de soins chaleureux (omoiyari ahureru chiiki `care-system' no kakuritsu) »449. Ensuite, le Plan se donne trois thématiques des points de vue suivants : « santé - ikigai » ; « soutien à autonomie » ; « environnement sécurisant »450.

En fait, c'est à ce niveau-là que l'idée d'Ikigai a vu le jour dans le cadre de la politique du vieillissement de la Ville de Toyota. C'est dans la première thématique qu'elle est clairement définie et située. Dans la première thématique, l'idée d'Ikigai est clairement liée à la longévité et à la santé. Et la santé étant un élément universel comme « ce que tout le monde souhaite »451. Et l'idée de la « prévention de la dépendance (kaigo-yobô) » est clairement formulée comme suit « nous allons susciter une prise de conscience au sein du public sur la gestion de santé, via une mise en valeur de diverses affaires de santé, pour son maintien de la bonne santé et sa prévention des risques de dépendance »452.

Donc, l'idée d'Ikigai est non seulement située dans le cadre de la sensibilisation à la santé, mais précisément dans le cadre de la prévention de la dépendance. Elle est destinée aux personnes qui ne sont pas encore dans la phase de dépendance. D'où l'apparition de la nouvelle catégorie de la population cible de la politique du vieillissement : personnes âgées en bonne santé (genki na kôreisha).

La première thématique va encore plus loin en terme de définition de l'idée d'Ikigai. Elle la met en relation avec une série de nouveaux éléments : « santé mentale (kokoro no kenkô) » liée à la « participation sociale » et l'« apprentisage à vie ou l'éducation permanente (shôgai gakushû) » et ensuite « travail d'Ikigai (ikigai shûrô) ». Elle explique ainsi ces mises en relation :

- « Concernant la santé, il est nécessaire de tenir compte non seulement de la santé physique mais aussi de la santé
mentale. Il sera ainsi nécessaire de mettre en place des soutiens pour construire une vie pleine d'Ikigai par le biais de la

446 Ibid : 81.

447 Ibid.

448 Ibid.

449 Ibid.

450 Ibid. « 1 Soutien pour la réalisation d'une vie avec la bonne santé et Ikigai (santé - ikigai) ; 2 Soutien pour la réalisation d'une

vie autonome des personnes âgées (soutien à l'autonomie) ; 3 Aménagement d'un environnement où l'on peut vivre

indépendamment en toute sécurité (environnement sécurisant). » (Ibid.)

451 Ibid. : 82.

452 Ibid.

participation sociale et de la promotion de l'apprentisage à vie »453

- « Près de 90% des personnes âgées sont en bonne santé et ils ont une haute motivation pour le travail. Le travail des personnes âgées peut être lié à Ikigai et constituer une grande puissance qui soutient l'ensemble de la société dans le contexte du vieillissement - diminution accélérée de la population jeune (shôshi-kôreika). De ce fait, le soutien au travail des personnes âgées sera davantage nécessaire. »

L'idée d'Ikigai est ainsi située et plus structurée dans une des trois thématiques de la politique du vieilissement, en relation avec la promotion de la santé mentale qui est suceptible d'avoir un effet positif sur celle physique. Puis, ceci est destiné aux personnes âgées en bonne santé plutôt que celles qui ont besoin d'aide, et cette promotion est encouragée, par le biais des : participation sociale ; éducation permanente; travail454.

En même temps, l'idée d'Ikigai se sépare, de fait, des deux autres thématiques concernant la mise en place et le développement d'une série de nouvelles infrastructures pour les aides aux personnes âgées dépendantes comme les services à domicile, services en institution, informations sur l'Assurance des Aides aux Personnes âgées dépendantes, main-d'oeuvre dans les aides aux personnes âgées dépendantes etc.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus