Mise en place du Comité pour la Création
d'Ikigai (Ikigai-zukuri Suishin Kaigi) dans la Direction Santé et
Bien-être
Dans le Plan pour les années 2000-2004,
l'établissement du CPCI est prévu dans le cadre de la
première thématique « Soutien pour la réalisation
d'une vie avec la bonne santé et Ikigai (santé -
ikigai) » qui se divise en trois domaines suivants : 1 Promotion
Santé (Kenkô-zukuri no Suishin) ; 2 Soutien aux Participation
sociale et Création d 'Ikigai (Shakai-sanka ya Ikigai-zukuri heno Shien)
; 3 Soutien au travail (Shûrô heno Shien) 455.
L'étabilissement du CPCI est explicité dans le deuxième
domaine indiqué ci-dessus avec un ensemble de projets concréts
à réaliser dont l'agriculture est abordée pour la
première fois. Les projets principaux prévus dans ce domaine sont
ainsi les suivants :
- Enrichissement des cours dans les centres cummunaux
(université des personnes âgées, cours sur les hobbies etc)
- Enrichissement des opportunités de présentations des fruits de
l'éducation (exposition, compétition etc)
- Etablissement de centres pour un usage
multigénérationel
- Examen de l'étabisssement d'un centre complexe de
l'Education permanente « maison pour l'échange
intergénérationel »
- Etablissement du Comité pour la Promotion de la
Création d'Ikigai
- Réunion pour la formation des leaders des personnes
âgées
- Promotion des Activités pour la communication et
l'échange avec l'agriculture456
(souligné par le rédacteur)
Comme il l'a été expliqué plus haut, en
2000, le CPCI a été organisé par la participation de 12
citoyens sélectionnés par un concours général et 7
administrateurs de la Municipalité dont Monsieur A, responsable du CPCI
et Monsieur K, président actuel du Centre Nô-Life et
employé du BPA de l'époque. Ensuite, en aôut 2001, ce
comité a abouti à rendre au maire de Toyota un rapport de
propositions sur les mesures pour la création d'Ikigai. Il formula les
trois propositions suivantes qui vont déterminer les piliers des mesures
de la création d'Ikigai au sein de la municipalité de Toyota et
dont la première sera l'idée qui va précéder le
Projet Nô-Life457.
- « Travail d'Ikigai valorisant le `Nô'
(ruralité) (`Nô' wo ikashita Ikigai shûrô) » :
projet d'une Ferme école des personnes âgées
(Kônenreisha Taiken Nôjo Jigyô)
453 Ibid.
454 Ici, le contexte est clairement lié à la
thématique internationale du « vieillissement actif ».
455 Direction Santé et Bien-être, 2000 : 85.
456 Ibid. : 89.
457 Comité pour la promotion de la création
d'Ikigai, 2001 : 1.
- « Enrichissement d'un lieu de création
d'Ikigai par le biais d'apprentisage de techniques et de connaissances (gijutsu
- chishiki wo shûtoku shi Ikigai zukuri no ba no jûjitsu) » :
Inauguration de l'Université du Trosième âge (Kônen
daigaku no kaikô)
- « Mise en place d'une fonction de coordination des
demandes diverses d'Ikigai (Tayô na Ikigai needs no Coodinate Kinô
no Secchi » : Ouverture du « Young Old Support Center (Centre du
soutien des jeunes vieux) » (souligné par le
rédacteur)
Le lien entre l'idée d'Ikigai et la ruralité
(Nô) a ainsi été établi par ces propositions du
CPCI. La mise en relation de ces deux éléments a
été réalisée par des réflexions faites au
sein du CPCI et de travaux de coordination effectués par la SCI. Pour
éclairer les éléments de représentations
mobilisés dans cette mise en relation, nous examinerons le contenu de ce
rapport de propositions et des explications données par Monsieur A,
Madame S et Monsieur K, président du Nô-Life.
Relation entre Ikigai et Nô (ruralité) avec la
dimension sociale et territoriale
Dans le Plan pour les années 2003-2007, version
révisée du Plan précédent, la SCI présente
un schéma mettant en relation les idées de la participation
sociale (shakai sanka) et de la Création d'Ikigai et les
différents types d'acteurs locaux concernés dont les acteurs
ruraux (foyers et organisations agricoles) sont mentionnés (Voir
l'annexe 9)458.
Dans ce schéma, autour d'une série
d'institutions coordonnées par le CPCI (Young Old Support Center,
Université du Troisième âge, Ferme école des
Personnes âgées, Centre des Ressources humaines
âgées, Clubs des Personnes âgées etc), les
thématiques de la Participation sociale et de la Création
d'Ikigai met en relation en réseau sous la forme d'un cercle quatres
types d'acteurs territoriaux : les « communautés locales » ;
les « foyers et organisations agricoles » ; les «
bénévolats et NPOs (Non Profit Organisation) » ; les «
entreprises ».
Ici, nous pouvons remarquer une intention, de la part de la
SCI, de lier les acteurs territoriaux de différents niveaux et secteurs
par l'intermédiaire des thématiques de la participation sociale
et d'Ikigai autour des activités coordonnées par le CPCI.
Monsieur A nous a expliqué comme ci-dessous son intention pour cette
coordination intersectorielle en répondant à une question de
l'enquêteur :
« [L'enquêteur : Quelles sont les autres
structures extérieures avec lesquelles vous êtes en collaboration
depuis l'établissement du Comité ?] Euh, dès le
départ, la thématique que l'on a choisie pour démarrer le
Comité était la `Création d'Ikigai par le biais du travail
(Shûrô ni yoru Ikigai zukuri)'. C'est le CPCI. C'était de ce
point de vue-là que l'on a intégré des employés de
Hellowork459 chargés des personnes âgées qui
étaient dans la Direction de la Politique de l'Industrie et du Travail
(sangyô- rôsei ka) (de la Municipalité), et le Centre pour
les Ressources humaines âgées. On a intégré ces deux
organismes dans notre comité du point de vue d'Ikigai des personnes
âgées en tant qu'un centre doté de la fonction du centre
dans son ensemble. »
Et le Projet Nô-Life, qui s'organise en collaboration
entre la Municipalité de Toyota et la CAT, se situe, d'après
Madame S, dans la partie indiquant le rapport avec « les foyers et
organisations agricoles » et les mesures de la Création d'Ikigai.
Puis, l'explication donnée dans le Plan sur ce schéma, en
redéfinissant les contextes et les objectifs de l'application des
mesures, met l'accent sur les liens sociaux au niveau territorial.
« Vu la tendance d'affaiblissement des
communautés locales liée à la mobilité
démographique, le changement de la structure des foyers, la
diversification de Life Style, il devient important d'avoir des objectifs de la
vie et Ikigai pour que chacun puisse passer sa vie comme il le souhaite en
maintenant une relation avec la société. A cet effet, nous
commençons la promotion de l'éducation permanente tout en
intégrant les niveaux locaux, et nos soutiens au travail dans lequel les
personnes âgées peuvent mettre en valeur leurs techniques et
compétences qu'ils avaient acquis au
458 Section Bien-être et Vieillissement de la Direction
Santé et Bien-être, 2003 : 61.
459 Le Hellowork est le nom d'un agence public pour
l'emploi au Japon comme l'ANPE en France.
cours de leur carrière (professionnelle). Puis,
nous nous efforçons à assurer les diverses occasions et lieux qui
permetteront aux personnes âgées de valoriser leurs
énergies comme les activités bénévoles,
récréatives et l'échange
intergénérationnel460. »
Là, on peut voir une intention manifeste de la SCI de
mettre en relation des liens sociaux et leurs thématiques de la
participation sociale et d'Ikigai tout en mettant l'accent sur le
problème d'un affaiblissement de liens sociaux de type «
communautaire » et « locaux », du à l'individualisation
et l'urbanisation des modes de vie de la population locale comme indiquent les
termes suivants « mobilié démographique », le «
changement de la structure des foyers » et la « diversification de
Life Style ».
Pourquoi une telle mise en relation ? : Réponses de Madame
S
Pourquoi alors un tel raisonnement autour de l'idée
d'Ikigai ? Madame S explique le principe de sa mission comme ci-dessous en
définissant d'abord l'idée d'Ikigai comme étant avant tout
« subjective » et pouvant différer chez les uns ches les
autres :
« ..., en fait, Ikigai n'a pas de limite
d'âges, dès la naissance jusqu'à la mort, chacun peut
l'avoir en fonction de sa période de vie. Il peut y en avoir 10 chez 10
personnes, 100 chez 100 personnes. C'est une histoire très subjective,
je pense. La question est : comment l'administration peut s'y impliquer ? De
notre part, on se spécialise aux personnes qui vont être
âgées et qui sont âgées d'à peu près 55
ans jusqu'à leur fin de la vie, ce qui peut durer à peu
près 40 ans. (...) On leur propose un menu et après, c'est
à chacun de trouver un Ikigai ou pas. On présente une telle
chose, et le choix de l'utiliser ou de ne pas l'utiliser, c'est à la
liberté de chaque citoyen. Puis, ce dont l'on s'occupe, ce n'est pas des
loisirs personnels - c'est à chacun d'en chercher - mais, ce que l'on
appelle la `contribution territoriale ou sociale', ou la `participation
sociale', de faire trouver Ikigai [à chacun], en ayant un lien avec la
société ou le territoire où il habite. C'est par là
que l'administration pourrait apporter une aide, je pense. »
Puis, elle a expliqué des traits spécifiques de
la population de la Ville de Toyota et son vieillissement en abordant le
problème de la retraite massive de la génération du
baby-boom (dankai no sedai) et l'histoire urbaine de Toyota marquée par
l'essor industriel avec l'Automobile Toyota depuis les années 65-75 :
« (...) Quant au problème de 2007 où la
génération du baby-boom née après 1947 va
massivement prendre leur retraite, c'est sois disant `happy retire'. Cependant,
avec la prolongation d'emploi lié au problème de la
pension461, cela ne serait pas si massif et brutal que l'on le
croyait. Mais vers 2012 où ils auront 65 ans, il y aura des
problèmes quelques part. Le changement sera un peu plus doux
plutôt que brutal. De toute façon, c'est la même chose, je
pense. (...) Il s'agit du système urbain de la Ville de Toyota, l'impact
de l'Automobile Toyota vers les années 65 - 75 est grand. La ville a
grandi, physiquement et démographiquement. Bien entendu, il y a des
fusions des collectivités, non celle de Heisei mais... (...). Vers le
début des années 65 - 75, l'époque où l'Automobile
Toyota s'est développée, il y a eu de plus en plus d'arrivants de
l'extérieur de la ville ou plutôt du département. Et
à cette époque, la génération du baby-boom choisit,
pour leur travail après l'école, l'Automobile Toyota ou ses
filiales. Ces gens-là, qui ne sont pas originaires de Toyota au niveau
ancestral, disons que ce sont des `immigrants de la première
génération'. Il se marient et créent leur famille et leur
maison ici. C'est ces gens-là qui vont être à la retraite.
Bien sûr, avec le problème de 2007, le babyboom est important au
niveau national, mais à Toyota, c'est particulièrement
significatif. Puis, comment puis-je dire, pour ces gens-là qui ont leur
maison, mais n'ont pas de rizière ni de champs chez eux dont ils
pourront s'occuper après leur retraite, qu'est-ce qu'ils vont faire
après avoir quitté leur entreprise ? De le départ, ils
n'ont pas de lien d'enfance entre eux, et sont devenus citoyens de Toyota
après être adultes. Leur lien territorial est donc très
faible. On dit, plus on est « homme d'entreprise (kaisha ningen) »,
plus cela a tendance à être le cas. C'est par rapport à ces
gens
460 Ibid.
461 Il s'agit de la réforme politique actuelle de la
sécurité sociale au Japon. Le début du paiement des
pensions sera progressivement repoussé de 60 ans à 65 ans.
L'accomplissement de cette réforme est prévue pour 2025.
là qu'il y a le rapport avec les mesures d'Ikigai,
c'est pareil dans le cas de Nô-Life. Le président K disait que, il
y en a beaucoup qui sont originaires de Kyûshû qui sont
deuxième ou troisième fils de fermes. En fait, ce sont des gens
qui ne sont pas totalement urbains. »
De ces explications, nous pouvons comprendre le poids de la
dimension historique et spécifique à la Ville de Toyota,
concernant la relation entre l'idée d'Ikigai et la ruralité dans
ces représentations que Madame S nous a exprimé ci-dessus par
rapport au problème du vieillissement. Il s'agit d'un «
déracinement », oserait-on dire, de la population toyotaienne de la
génération baby-boom à majorité ouvrière et
non-originaire de cette région462. Pourtant, ce
déracinement, il ne faudrait pas le confondre avec la
prolétarisation des paysans des années 60-70, à savoir la
fameuse émigration saisonnière des paysans japonais qui
subissaient des conditions de vie extrèmement défavorables dans
les grandes villes, appellée comme « dekasegi ». En effet,
dans le cas de Toyota que nous étudions ici, il s'agit, en
général, de problèmes de la « retraite heureuse
». Cela comme Madame S nous l'a évoqué avec le mot `happy
retire', de manière quelque peu ironique, au début de ces
explications citées ci-dessus. Ainsi, la question d'Ikigai de la
population de la Ville de Toyota n'est pas direcrement liée à
celle du déracinement des paysans prolétarisés, mais
plutôt à la faiblesse du lien social et territorial au sein d'une
population locale qui a pu bénéficier d'un grand essor
économique réalisé dans la période de la Haute
croissance.
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