Monde agricole et rural déchiré, mais
avec une nouvelle dynamique émergeante...
Du côté du monde agricole et rural, depuis la
Réforme agraire, l'agriculture et la ruralité ont beaucoup
évolué afin de se relever de la paupérisation et la
défaite de la guerre. Mais, malgré un
« succès » de la Réforme agraire et de grands
efforts fournis par les nouveaux cultivateurs et les anciens foyers agricoles
pour le défrichement, dès les années 50, face au contexte
dominant du « tournant de l'agriculture » à la
sortie de la crise alimentaire et l'avènement de la Haute croissance
économique de 1955 à 1975, la tendance d'évolution a
dû céder sa place à la déprise agricole et ainsi
à la situation de pluriactivité. Depuis lors, l'écart de
productivité entre l'agriculture et les industries n'a pas cessé
de croître. Le style de vie alimentaire des japonais a rapidement
changé avec l'import des excédents agricoles américains
ainsi que la campagne nationale massive pour la
« modernisation » de la vie alimentaire japonaise populaire
vers le style occidental, à l'aide de la politique américaine.
Puis, promu par la politique agricole nationale et tout en s'alimentant
largement de ces excédents agricoles américains, le
développement des élevages intensifs et spécialisés
(oeufs, poulets de chair, porcs, lait, boeufs) accompagna ce changement.
Toutefois, comme la possibilité de se lancer dans ce type
d'élevages « modernes » ou d'autres types de
spécialisation (légumes et fruits) était
extrèmement limitée en terme d'investissement et par les
contraintes du marché, la majorité des foyers agricoles ont
recourru à la pluriactivité et à la simplification de
leurs travaux agricoles par la mécanisation et l'utilisation des
intrants chimiques dont la diffusion massive et rapide fut assurée par
les industries mécanique et chimique qui étaient alors en plein
essor.
Puis, dans les années 60, la politique agricole
nationale a prétendu adapter l'agriculture et les agriculteurs à
la réalité des autres industries en pleine croissance. Cette
politique a renforcé d'un côté la tendance vers
l'agrandissement et la spécialisation de la production agricole, de
façon à limiter ses applications à un petit nombre
d'exploitations ou d'entreprises agricoles ou à certaines zones de
productions, de l'autre côté la tendance à la
simplification et la mécanisation des travaux rizicoles via
l'instauration de quelques entreprises agricoles locales à grande
échelle et des remembrements. Cette politique a eu pour effet
d'accélérer la situation de pluriactivité et
l'affaiblissement de la main-d'oeuvre agricole, et surtout de dualiser la
structure agricole entre une minorité de producteurs individuels et
organisés à forte rentabilité et la majorité,
à faible rentabilité, pluriactive dépendante des revenus
non agricoles.
Toutefois, nous avons souligné qu'un type
d'agriculture a eu une place pour se développer tout en résistant
à cette dualité imposée au cours des années
50-70 : comme par exemple, une cinquantaine de femmes de foyers agricoles
pluriactifs qui ont produit et distribué leurs légumes dans des
cantines des ouvriers de l'Automobile Toyota, en collaboration avec la
coopérative agricole et la coopérative de consommation. Ceci est
un indice d'une autre forme possible de développement agricole et rural,
basée sur la réalité territoriale contenant à la
fois les circonstances urbaine et rurale. Ce type de dynamiques agricoles
menées avec la population rurale, féminine et âgée,
sera bientôt nommé dans le monde agricole « agriculture
de type Ikigai » au cours des années 80. Elle va ensuite faire
l'objet d'une promotion dans la politique agricole locale afin de pallier le
fossé de la modernisation agricole dualiste.
Dans cette évolution, nous trouvons une
« étoffe » de la dynamique actuelle du Projet
Nô-Life, qui se situe en continuité du temps long de l'histoire de
la Ville de Toyota. Autrement dit, dans cette analyse historique de la Ville de
Toyota après 1945, nous avons trouvé une
« raison » historique, territoriale et identitaire, pour
laquelle la politique locale de redistribution de la Ville de Toyota a fait le
lien entre l'agriculture de type Ikigai et la question d'Ikigai pour sa
population urbaine en vieillissement.
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