Contradiction du Projet
Mais ce compromis impliquait une ambiguïté de
principe basée sur une divergence d'intérêts entre les
agents de ces deux secteurs, dont notamment les gestionnaires du Projet :
adminisrateur municipal agricole (BPA) et coopérative agricole (CAT).
D'un côté, le BPA essaie de valoriser l'agriculture en sorte
qu'elle soit vouée à l'intérêt public en
s'inscrivant dans l'approche de la multifonctionalité apparue au cours
des années 90 dans le contexte de restructuration après les
Accords du GATT. De l'autre côté, la CAT essaie d'imposer une
norme productiviste pour la réalisation du Projet, qui se reflète
dans le slogan de « gagner un million de yens de revenu agricole
annuel » donné à la formation agricole organisée
par le Centre Nô-Life. Mais en même temps, l'engagement de la part
de la CAT dans le Projet s'avère faible par rapport au BPA en raison de
l'apport économiquement faible de ce projet : la coopérative
agricole japonaise est en réalité un grand organisme financier et
commercial, plutôt qu'une organisation agricole et sociale. Ce qui est
largement du à la situation de pluriactivité
généralisée pendant la Haute croissance.
Selon L. Boltanski, un compromis est un accord impliquant
l'approche du bien commun entre plusieurs mondes différents ayant chacun
sa nécessité de justification. Si le compromis a pour objectif de
résoudre des conflits et de régler des différends en
mobilisant des principes et des objets relevant de ces différents
mondes, toutefois, le compromis doit sa fragilité à cette
divergence d'identités entre les parties en présence, ainsi
qu'à l'impossibilité de mettre en cause ces identités.
Sur la base d'un tel compromis, dans le cas du Projet
Nô-Life, nous avons constaté un rapport de pouvoir
désquilibré dans le dispositif de la mise en oeuvre du Projet,
lié à l'emprise des agents du secteur agricole. Et ce rapport de
pouvoir désquilibré ancre fortement les éléments de
représentation donnés à l'agriculture de type d'Ikigai que
le Projet Nô-Life doit promouvoir : priorité donnée
à la production matérielle avec la reprise du slogan
présenté plus haut. Or ce slogan provient implicitement (que ce
soit inconsciemment ou consciemment) de l'histoire de la modernisation agricole
des années 60 au Japon, dont le référentiel était
le rattrapage de la Haute croissance économique du pays.
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