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Dynamique des représentations sociales de l'agriculture et de la ruralité dans un contexte territorial du vieillissement de la population : Le cas du « Projet Nô-Life » de la Ville de Toyota au Japon

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par Kenjiro Muramatsu
Université de Liège - DEA Interuniversitaire en Développement, Environnement et Sociétés 2006
  

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Acteur 5 : Section Amélioration - Vulgarisation du Bureau départemental de l'agriculture, de la forêt et de la pêche de Toyota-Kamo (Ex-Centre pour l'Orientation et la Vulgarisation agricoles de Toyota-Kamo : ECV)

Nous allons ici examiner l'implication, dans la construction du Projet Nô-Life, de la Section Amélioration - Vulgarisation du Bureau Départemental de l'Agriculture, de la Forêt et de la Pêche de Toyota-Kamo que nous appellerons par la suite l'« ECV : Ex-Centre pour la Vulgarisation ». En effet, jusqu'aux années 90, son nom était l'Ex-Centre pour l'Orientation et la Vulgarisation agricoles de Toyota-Kamo (Toyota Kamo Nôgyô Fukyû Sidô Center).

L'examen sera principalement basé sur les documents officiels intitulés « Plan fondamental pour la Vulgarisation et l'Orientation (Fukyû Shidô Kihon Keikaku) » ainsi que l'entretien effectué avec Monsieur N, un conseiller agricole (nôgyô kairyô fukyû-in) chargé de l'accompagnement de « Porteurs (notamment les jeunes agriculteurs) et Gestion d'exploitation agricole ». Il est également responsable de la coopération avec le Centre Nô-Life au sein de l'ECV520.

Caractère général de l'acteur

Un agent technique et local du département et de l'Etat dans le secteur de l'agriculture et de la ruralité

Le territoire dont s'occupe l'ECV est celui de la Ville de Toyota et du Bourg de Miyoshi521 dont la surface totale est de 9505 8ha occupant 18.4% de la surface du territoire du département (en 2003). La surface agricole dans ce territoire est de 8035ha, soit 8.4% de la surface totale, dont les rizières occupent 5904ha (73% de la surface agricole), les cultures maraîchères 1343ha (16%) et l'arboriculture 788ha (9%)522 . Le nombre total des foyers agricoles est de 9481 dont 562 foyers sont des « exploitations professionelles (Sengyô Nôka) », 341 sont des « exploitations pluriactives de la première catégorie » et 4922 sont des « exploitations pluriactives de la deuxième catégorie »(Idem.)523.

Concernant le reste du territoire, la forêt de montagne occupe 6323 3ha soit 66.5% de la surface totale et la surface de l'habitat est de 6797ha soit 7.1% de la surface totale en 2003524.

520 Cependant, Monsieur N n'était pas dans son poste actuel lors de l'élaboration du Projet Nô-Life.

521 Le bourg (chô) de Miyoshi est une ville voisine dont le nombre d'habitants est 55570 en 2007.

522 Section Amélioration - Vulgarisation du Bureau départemental de l'agriculture, de la forêt et de la pêche de Toyota-Kamo (Centre pour la Vulgarisation et l'Orientation de Toyota-Kamo), 2005 : 3.

523 Ces catégories d'exploitations agricoles sont basées sur celles définies par la statistique agricole nationale (Nôgyô Census). La catégorie des foyers agricoles dont le nombre n'est pas cité dans ce plan (celui de 2005-20 10) peuvent inclure, en majeure partie, les « exploitations auto-productives (jikyû nôka) ». Pour les définitions de ces catégories, voir le chapitre I.

524 Bureau départemental de l'Agriculture, de la Forêt et de la Pêche de Toyota-Kamo, 2005 : 2. Ce taux de répartition spatiale des zones agricole, forêstière et de l'habitation correspond à peu près à celui du Japon même si, au niveau national, la surface agricole

L'établissement de l'ECV dans chaque département remonte à 1948, année de l'adoption de la Loi pour l'Incitation à l'Amélioration de l'Agriculture (Nôgyô Kairyô Jochô Hô). Cette loi obligea l'établissement de l'ECV dans chaque département525. D'après Monsieur N, cette loi incarnait « l'initiative de l'Etat de prendre la direction pour la protection et le développement de l'agriculture japonaise ». Et sa visée est notamment l'orientation des agriculteurs en terme technique et économique. A cet effet, les 11 ECVs présents dans le Département d'Aichi entretienent une relation étroite et verticale avec l'Institut Départemental de la Recherche Agronomique (Nôgyô Sôgô Shikenjô). Les conseillers dans les ECVs sont ainsi dirigés « d'en haut » par les ingénieurs de cet Institut dont chacun a une qualification de l'Etat526. Cette institution est un « agent » de ces institutions supérieures comme le département et l'Etat qui prennent leur direction de manière centralisée dans le cadre de la politique agricole nationale.

Les fonctions de Monsieur N sont d'accompagner les agriculteurs cibles designés comme « porteurs (ninaite) » dans les Plans pour l'Orientation et la Vulgarisation (expliqués plus bas). Parmi ces agriculteurs cibles, il accompagne notamment les jeunes agriculteurs pour améliorer leurs techniques agricoles et gestion d'exploitation tout en essayant de leur appliquer les nouvelles techniques provenant de l'Institut du Département de la Recherche Agronomique, et de les diffuser au sein de tous les producteurs agricoles de la région.

Ses partenaires : coopérative agricole et municipalité

L'ECV a une forte relation de partenariat avec les coopératives agricoles situées dans le territoire dont il se charge. Il s'agit ici de la CAT et du BPA de la Municipalité de la Ville de Toyota. Les plans fondamentaux de l'ECV sont ainsi élaborés en sorte qu'ils soient cohérents avec les plans globaux que la CAT et le BPA établissent respectivement.

Conseil et soutien techniques aux formations du Projet Nô -Life

Dans le cadre du Projet Nô-Life, d'après Monsieur N, l'ECV a participé à l'élaboration des programmes des formations Nô-Life notamment dans le domaine de la technique agricole. L'ECV participa à la discussion qui commença en 2003 pour la préparation de l'établissement du Centre Nô-Life. Depuis l'année 2004, l'année de l'inauguration du Centre Nô-Life, il envoie certains de ses employés en tant qu'enseignants pour les formations de Nô-Life.

Caractère général des données

Notre analyse se base principalement sur les deux plans quinquenaux les plus récents, publiés par l'ECV intitulé « Plan Fondamental pour la Vulgarisation et l'Orientation (Fukyû Shidô Kihon Keikaku) », dont l'un porte sur les années 200 1-2005 et l'autre sur les années 2006-20 10. Nous les appellerons par la suite le « Plan fondamental 2001-2005 » et le « Plan fondamental 2006-2010 ».

Ces plans déterminent la ligne directrice de l'ensemble des activités de l'ECV en montrant la « Direction de guidance (Yûdô hôkô) » de l'agriculture et de la ruralité du territoire concerné527. Et ils sont orientés par les

occupe un peu plus et la zone d'habitation un peu moins : 12.7% (agricole), 66.4% (forêt) et 4.4% (habitations) en 2003. Source : Statistics Bureau & Statistical Research and Training Institute, http://www.stat.go.jp/data/nenkan/01.htm

525 L'établissement de ce type d'institution par département n'est plus obligatoire suite à des modification de cette loi en 2004. Cependant, d'après Monsieur N, aucun organisme créé par cette loi n'est disparu dans tous les départements japonais aujourd'hui.

526 Nous avons également intérrogé Monsieur O qui était justement ingénieur de cet Institut, et qui est actuellement à la retraite et invité comme enseignant pour la formation Nô-Life. Pour devenir ingénieur dans un Institut Départemental de la Recherche Agronomique, il faut passer un concours national dans un domaine spécialisé (ex. riziculture, culture légumière etc.) après avoir eu des expériences en tant que conseiller agricole dans des Centres pour la Vulgarisation. Il en était ainsi pour le parcours de Monsieur O.

527 Section Amélioration - Vulgarisation du Bureau départemental de l'agriculture, de la forêt et de la pêche de Toyota-Kamo

plans officiels émanants de la politique agricole de l'Etat (Ministère de l'Agriculture, de la forêt et de la Pêche) et ensuite de celle du département528. Ils orientent l'ensemble des activités de l'ECV, et servent de critères pour les auto-évaluations de ces activités effectuées chaque année529 par l'ECV lui-même.

Nous pouvons examiner dans ces plans une série de discours de l'ECV qui représentent l'agriculture et la ruralité de son territoire, du point de vue de sa propre mission pour le développement technico-économique de l'agriculture.

Représentations

Sa politique générale d'orientation

Dans l'introduction et le premier chapitre intitulé « Idées de base (Kihonteki na kangaekata) » du Plan fondamental 200 1-2005, nous pouvons trouver le constat fait par l'ECV sur la situation globale précisant une série d'atouts et de menaces de l'agriculture et de la ruralité de du territoire concerné, et la direction fondamentale pour l'orientation.

Constat de la situation : atouts et menaces

Nous pouvons déjà entrevoir les principales idées de la politique d'orientation de l'ECV dans son constat de la situation qui présente les atouts et les menaces pour l'agriculture du territoire concerné. Concernant les atouts, le Plan fondamental 2001-2005 indique que :

« L'agriculture dans notre territoire est celle du type de l'utilisation extensive des sols (Tochi-Riyô-gata) comme la riziculture à grande échelle dans le Sud de la Ville de Toyota, l'arboriculture principalement développée sur le Nord, les cultures maraîchères dans le Bourg de Miyoshi. Egalement, l'agriculture du type hors sol (Shisetsu-gata) comme l'horticulture et l'élevage dans la Ville de Toyota, le Bourg de Miyoshi et le Village de Shimoyama. Ensuite, dans les zones de moyenne montage, la production de produits du terroir comme l'igname japonaise (Jinen-jo), le Wasabi, le chrysanthème sur sol ainsi que des activités de vente directe sont développées par des personnes âgées et des femmes »530

Tout en mettant l'accent sur une série de types de productions à haute productivité présents dans certaines zones limitées (riziculture à grande échelle, l'arboriculture, l'horticulture et l'élevage intensif), les activités locales animées par des producteurs à faible productivité comme « des personnes âgées et des femmes » dans les zones de moyenne montagne sont présentées de manière contrastée. En même temps, les autres types de productions à productivité relativement faibles existants partout dans la région, dont notamment la riziculture située en plaine ainsi qu'en zone de moyenne montagne, n'y sont pas citées.

Concernant les menaces, à la suite des phrases citées plus haut, le Plan fondamental 2001-2005 précise que :

« Cependant, l'agriculture de cette région est submergée de problèmes : diminution du nombre de jeunes agriculteurs, vieillissement des porteurs, baisse du taux d'utilisation des terrains agricoles, urbanisation - avancement de la cohabitation des urbains et des ruraux (konjû-ka), montée de la concurrence interrégionale accompagnée par l'internationalisation, baisse des prix agricoles, problèmes envionnementaux etc. »531

(Centre pour la Vulgarisation et l'Orientation de Toyota-Kamo), 2005 : 2.

528 Ibid. : 25.

529 Ibid.

530 Centre pour la Vulgarisation et l'Orientation de Toyota-Kamo, 200 1a : 3.

531 Ibid.

Et c'est « pour résoudre ces problèmes » et pour « y faire face de manière cohérente avec des plans à long terme comme à court terme » que le Plan fondamental 200 1-2005 fut établi532.

Parmi les problèmes cités plus haut, le manque de main-d'oeuvre dû au vieillissement de la population agricole est accentué avec un constat particulier formulé comme ceci dans le début du premier chapitre :

« En 2000, le nombre total des foyers agricoles est de 9922, dont 495 foyers sont des exploitations professionnelles. Le taux de présence d'exploitations professionnelles est de 5-6% en plaine, tandis qu'il est de 7% dans les zones de moyenne montagne. Ce dernier dépasse le chiffre de la plaine. Cela est dû à l'installation agricole de personnes retraitées d'autres secteurs industriels, et ce sont des familles nucléaires principalement constituées par des personnes âgées qui provoquent ce phénomène. C'est-à-dire que ce sont des exploitations professionnelles temporaires héritées par des personnes âgées et des femmes sans successeurs »533

Dans cette explication, le Plan fondamental 200 1-2005 constate que le vieillissement et l'exode des jeunes des foyers ruraux sont irreversibles alors que, quoique marginalement, de nouvelles personnes s'installent et reprennent les activités agricoles de leurs foyers. Il s'agit de nouveaux retraités de secteurs industriels de la région. Le Plan résume ainsi la caractéristique de l'agriculture de sa région :

« L'agriculture de notre territoire est développée de diverses manières allant du type entrepreunarial mettant en valeur une main d'oeuvre salariale, au type d'Ikigai principalement menée par des personnes âgées et des femmes »534

Curieusement, le Plan emploie ici le terme « Ikigai » pour designer le type d'activités agricoles diverses qui sont menées par des personnes âgées et des femmes des foyers agricoles, et se distinguent du type de l'agriculture « entrepreneuriale». Ensuite, dans le Plan fondamental 2006-20 10, on mettra davantage l'accent sur des apports potentiels pour la main-d'oeuvre agricole grâce au vieillissement de la population d'autres secteurs : urbains et industriels.

Après ce constat de la situation, le Plan fondamental 2001-2005 affirme délibérément sa cible comme ci-dessous. Ce qui va déterminer la direction de sa politique de « porteurs (ninaite) » :

« L'objet auquel l'ECV accorde de l'importance est : les exploitations familiales visant un revenu annuel de 10 millions de yens et les exploitations de type entrepreneurial visant un revenu annuel de 18 millions de yens, soit 420 foyers au total. »535

Politique sélective d'orientation

Nous pouvons constater avec le discours de l'ECV cité plus haut, une caractéristique modernisatrice et sélective très prononcée : sa politique d'orientation vise prioritairement une ultra minorité de producteurs à haute productivité qui représentent à peine 2% du nombre total des foyers agricoles. Ainsi, dans le Plan fondamental 2001-2005, l'objectif à atteindre vers 2010 en terme du nombre des exploitations des foyers agricoles est : « de 115 exploitations familiales ayant un revenu annuel de 10 millions de yens et 150 exploitations de type entrepreneurial ayant un revenu annuel de 18 millions de yens »536.

Puis, le Plan fondamental 2006-20 10 mettra en avant l'idée de la gestion rationnelle d'exploitation agricole en définissant « les meilleures exploitations » qui « développent rationnellement leur gestion agricole selon le `management cycle' tout en analysant l'environnement socio-économique de leur gestion et leurs propres

532 Ibid.

533 Ibid.

534 Ibid.

535 Ibid. 10 millions yens soit équivalent à environ 66666 euros.

536 Ibid : 4. Ce chiffre à atteindre donné ici émane directement du plan départemental supérieur « Vision 2010 pour l'Agriculture,

la Forêt et la Pêche d'Aichi (Aichi Nôrin Suisan Vision 2010) » (Ibid : 46)

ressources disponibles pour la gestion »537. Il modifie ainsi son objectif à atteindre avec plus de précision : « 149 exploitations familiales ayant un revenu de 8 millions de yens pour 2.5 membres par famille » et « 87 exploitations entrepreneuriales ayant un revenu de 14 millions de yens dont 8 millions pour le gestionnaire et 6 millions pour 1.5 membres par famille »538.

« La direction de guidance » pour les années 2001-2005

Afin d'atteindre l'objectif cité plus haut pour la formation des exploitations, le Plan fondamental 200 1-2005 fixe « deux piliers pour la direction de guidance » :

- Formation des porteurs de divers types (tayô na ninaite no ikusei)

- Développement de l'agriculture locale à l'initiative des agriculteurs eux-même (Nôgyô-sha mizukara no torikumi ni yoru chiiki-nôgyô no kasseika)539

Dans le cadre du premier pilier sur « la formation des porteurs de divers types », les mesures sont résumées en trois points : « formation des exploitations dotées d'un meilleur sens de gestion (keiei kankaku ni sugureta keieitai no ikusei) » ; « formation des agriculteurs porteurs de la génération future (jidai wo ninau nôgyô-sha no ikusei) » ; « aménagement de localités attrayantes avec un déploiement des compétences des personnes âgées et des femmes (josei - kôreisha no nôryoku hakki ni yoru miryoku aru chiiki zukuri) »540.

Le premier point sur la « formation des exploitations dotées d'un meilleur sens de gestion » mentionne des problématiques pratiques à aborder en priorité sur les 420 exploitations professionnelles cible : « pratique de comptabilité » ; « détection des problèmes et amélioration » ; « pratique de consultation et de `counseling ' pour chaque exploitation, et participation des femmes à la gestion »541.

Le second point concerne les activités pour améliorer les compétences de gestion des jeunes agriculteurs qui font partie de l'association des jeunes agriculteurs « 4H Club542». L'importance est également accordée au rôle des femmes en tant que « partenaires des gestionnaires »543.

Le troisième point indique que « les femmes occupent 51.2% de la population agricole active, et les personnes âgées 22.8%. Ils sont d'importants porteurs de l'agriculture de notre région »544. « Les lieux où ils animent leurs activités » sont « des points de vente directe, groupes pour la mise en valeur des ressources agricoles (comme le groupe de la production de Shimenawa, conseillers de la vie rurale, groupe pour l'amélioration de la vie) »545. Le Plan indique qu'il est important de mettre en valeur dans les localités « les compétences individuelles des conseillers de la vie rurale et des personnes âgées pour créer des localités attrayantes »546.

Dans le cadre du deuxième pilier de l'orientation « développement de l'agriculture locale à l'initiative des agriculteurs eux-même », les quatres points suivants résument les mesures d'orientation : « formation des zones

537 Section Amélioration - Vulgarisation du Bureau départemental de l'agriculture, de la forêt et de la pêche de Toyota-Kamo

(Centre pour la Vulgarisation et l'Orientation de Toyota-Kamo), 2005), p.6.

538 Ibid.

539 Centre pour la Vulgarisation et l'Orientation de Toyota-Kamo, 200 1a : 4.

540 Ibid .

541 Ibid. La pratique de comtabilité n'est effectuée que par un peu plus de 20% d'exploitations professionnelles. (Ibid.)

542 26 jeunes agriculteurs de moins de 28 ans font partie de cette association et font l'objet de l'orientation de l'ECV. L'âge

maximum des jeunes agriculteurs cible de cette orientation est de 39ans. « 4H Club » est une association nationale des jeunes agriculteurs japonais crééé en 1948 selon le modèle américain de l'association des jeunes agriculteurs. Le nom officiel de

l'association est « Nôgyô Seinen Club ». Mais ce nom de l'association a changé plusieurs fois jusqu'à nos jours. « 4H » signifient «Head to clearer thinking ; Heart to greater loyalty; Hands to larger service; Health to better living». Le nombre de clubs et de members ne cessent de diminuer depuis la deuxième moitié des années 50 jusqu'à aujourd'hui. Référence : le site officiel de l'association : http://www.zenkyo4h.org/2004/main.htm

543 Centre pour la Vulgarisation et l'Orientation de Toyota-Kamo, 200 1a : 4.

544 Ibid.

545 Ibid. Shimenawa est le produit d'une fablication traditionnelle fait d'une corde pour la décoration pour le Nouvel an au Japon.

« Conseillers de la vie rurale (Nôson-seikatsu adviser) », « Groupe pour l'amélioration de la vie (Seikatsu-kaizen group) » sont les noms d'associations d'agricultrices locales.

546 Ibid.

de production spécialisée (sanchi) à haute productivité avec innovation technique » ; « établissement d'une gestion rizicole mettant en valeur les spécificités locales » ; « promotion d'une agriculture locale respectueuse de la protection de l'environnement » ; « animation des zones de moyenne montagne» 547 .

Le premier point sur la « formation des zones de production spécialisée (sanchi) à haute productivité avec innovation technique » met l'accent sur le développement des zones de production spécialisée avec des innovations techniques pour « faire face à l'import de produits agricoles ainsi qu'à la concurrence interrégionale de l'intérieur du pays »548. Puis, des innovations concrètes à apporter sont précisées dans chaque production spécialisée à haute productivité visant « l'aggrandissement d'échelle (Kibo kakudai) », « la réduction du travail humain (Shô-ryoku) » et l'introduction de « techniques pour l'extensification des travaux (sagyô bunsan gijutsu)»549.

En poursuivant la ligne productiviste du premier point, le deuxième point sur l'« établissement d'une gestion rizicole mettant en valeur les spécificités locales » encourage la « mobilisation (ryûdô-ka) » et la « concentration (shûseki) » des terrains rizicoles par les « porteurs (entreprises agricoles de la riziculture) »550.

Concernant les zones de moyenne montagne, le Plan fondamental 2001-2005 affirme que « il est difficile de conserver les porteurs et d'utiliser efficacement des rizières via la concentration » en raison de « conditions défavorables aux niveaux naturel, économique et social, accompagnées par le vieillissement des gestionnaires »551. A cet effet, apparaît une volonté de soutenir l'application du « système d'aides directes aux zones de la moyenne montagne » via des « conventions villageoises »552.

Le troisième point sur la « promotion d'une agriculture locale respectueuse de la protection de l'environnement » affirme une volonté d'établir « une agriculture basée sur le recyclage, des techniques pour la réduction d'utilisation d'engrais chimiques et de pesticides »553. Et ceci « afin de se diriger vers la réalisation d'une agriculture susceptible de coexister avec sa localité (chiiki to kyôzon dekiru nôgyô wo mezasu tame) »554. Pourtant, les domaines d'application des mesures concrètes se limitent à certains types de productions spécialisées : « utilisation cyclique par les producteurs des cultures végétales du fumier issu des déjéctions du bétail » ; « réduction de l'utilisation des pesticides via l'emploi d'un produit empêchant la reproduction des insectes » ; « technique de réduction des engrais via l'emploi d'engrais à effet faible »555.

Le quatrième point sur l'« animation des zones de moyenne montagne » met l'accent sur la valorisation de produits du terroir destinés à la transformation et à la vente directe comme l'igname japonaise (jinenjo) et le wasabi etc556.

Enfin, quelles représentations pouvons-nous retenir dans l'ensemble du Plan fondamental 2001-2005 ? En fait, l'agriculture et la ruralité de la région de Toyota sont représentées de manière contrastée voire « dualiste ». Et cette approche fait suite au constat d'une série de crises agricoles (vieillissement de la main d'oeuvre agricole, baisse des prix agricoles). Son approche dualiste divise en deux, que ce soit de manière explicite ou

547 Ibid : 4-5.

548 Ibid : 4.

549 Ibid.

550 Ibid : 5. Ici, il nous faut évoquer que cette mesure semble tenir compte du fait qu'une grande partie des terrains rizicoles est détenue par une majorité de foyers agricoles pluriactifs, et que ces terrains sont pour la plupart de petite taille (20 a - 1ha),

morcelés et de plus en plus laissés en jachère ou en friche. Et nous pouvons également constater que, dans le domaine rizicole, ces foyers pluriactifs sont clairement exclus de la catégorie des producteurs-porteurs.

551 Ibid.

552 Ibid. « Système d'aides directes aux zones de la moyenne montagne (chûsankan-chiiki nado chokusetsu shiharai seido) » et

« conventions villageoises (shûraku kyôtei) » sont des systèmes nationaux de subvention lancés depuis 2000 pour les activités agricoles dans les zones de moyenne montagne.

553 Ibid.

554 Ibid.

555 Ibid. L'échange du fumier entre éleveurs et producteurs des cultures végétales est limité à certaines zones. L'utilisation du

produit empêchant la communication des insectes est pratiquée par le membre d'un groupement d'arboriculteurs spécialisés de la

poire et de la péche qualifiés de « ecofarmers », un label nationale récent créé pour qualifier les producteurs respectueux de l'environnement. 104 producteurs sont qualifiés de ce label en 2004, mais ceux dont 99 producteurs dans le domaine fruitier. Tous

les membres des groupements de producteurs de la Pêche et de la Poire ont été qualifiés. (Section Amélioration - Vulgarisation du Bureau départemental de l'agriculture, de la forêt et de la pêche de Toyota-Kamo (Centre pour la Vulgarisation et l'Orientation de Toyota-Kamo), 2005 : 20.

556 Centre pour la Vulgarisation et l'Orientation de Toyota-Kamo, 200 1a : 5.

implicite, les cibles d'orientation par le seul critère de la productivité (fort ou faible par rapport au marché) aux niveaux des producteurs, types des produits et zones de production (foyers professionnels cible ou non professionels ; jeunes agriculteurs ou personnes âgées et femmes ; quelques entreprises rizicoles dans la zone du sud ou nombreux riziculteurs pluriactifs non cités ; groupements de producteurs de la Poire et de la Pêche dans la zone du nord ou groupements de personnes âgées ou de femmes pour des produits artisanaux destinés à la vente directe ; plaine - moyenne montagne etc.)

Selon ces catégories dualistes multipliées, on constate que, d'une part, la politique d'orientation de l'ECV est d'emblée productiviste, sélective et orientée vers le marché. Et cette direction est justifiée pour « faire face à la concurrence interrégionale renforcée suite à l'internationalisation 557». D'autre part, l'ECV encourage une série d'activités productives ou animées des personnes âgées, des femmes des foyers pluriactifs, même s'ils sont rarement appellés « agriculteurs » ou « agricultrices ». Là, l'ECV a tendance à utiliser une série de termes « symboliques » plutôt qu'économiques dont il est difficile de critiquer les valeurs pour le public tels que : « agriculture d'Ikigai » ; « créer des localités attrayantes » ; « déploiement des compténces individuelles » etc.

« La direction de guidance » pour les années 2006-2010

Dans le Plan fondamental 2006-2010, le contenu de la « direction de guidance » ne change pas la nature de ses représentations dualistes de l'agriculture et de la ruralité du teritoire concerné, que nous avons constatée, sauf s'il y ajoute quelques éléments de nouveauté. Le Plan fondamental 2006-20 10 établit trois piliers suivants de l'orientation en y intégrant le contenu des deux piliers du plan précédent :

- Formation des exploitations et des zones à forte compétitivité via des innovations techniques - Assurer une production durable de l'alimentation de sécurité et de bonne qualité

- Aide des activités locales mettant en valeur les ressources de l'agriculture et de la ruralité »558

Rappelons que ce nouveau Plan fondamental 2006-2010 introduit une définition des « meilleures exploitations » basée sur l'idée de la gestion rationnelle, et modifie ainsi l'objectif à atteindre pour la formation des exploitations professionnelles : « 149 exploitations familiales ayant leur revenu de 8 millions yens pour 2.5 membres de la famille » et « 87 exploitations entrepreneuriales ayant leur revenu de 14 millions yens dont 8 millions pour le géstionnaire et 6 millions pour 1.5 membres de la famille » (recitée).

Le premier pilier sur la « formation des exploitations et des zones à forte compétitivité via des innovations techniques » est orienté vers les activités productives et entrepreneuriales. Le rôle des femmes accordé par ce pilier est le rôle d'entrepreneuses tandis que, dans le plan précédent, c'était le rôle de partenaires de gestionnaires qui était attendu par l'ECV. Ce changement semble se baser sur la présence de plus en plus importante de femmes exerçant la transformation artisanale et la vente directe de produits locaux559. 10 foyers individuels et 22 groupes développent leurs activités aussi bien en milieu urbain qu'en milieu rural de moyenne montagne560. L'attente de l'ECV vis-à-vis de ces femmes est affirmée du point de vue de la « valorisation des produits du terroir et de l'idée de `produire et consommer localement' (chisan-chishô) »561.

Ensuite, le Plan affirme son soutien aux nouveaux producteurs de légumes (fraise, igname, aubergine) et de fleurs (chrysanthème). En effet, pour la plupart ces produits sont destinés au marché local, dont le vieillissement des producteurs est relativement avancé562. Et dans le domaine des légumes, le Plan fondamental 2006-20 10 met l'accent notamment sur une nouvelle catégorie de producteurs qui s'installent de plus en plus : « retraités

557 Ibid. : 2.

558 Ibid. : 4.

559 Ibid. : 7.

560 Ibid.

561 Ibid. L'idée de « produire et consommer localement » est un slogan qui est à « l'ère du temps » au Japon aujourd'hui. Ce fait

est notamment lié au contexte de la préoccupation grandissante sur l'auto-suffisance alimentaire aussi bien au niveau pubic qu'au niveau politique. Cette idée est également promue dans la troisième pilier du Plan fondamental 2006-20 10.

562 Ibid : 12-15.

revenants à la terre (teinen kinô cha) ». Le Plan fondamental 2006-2010 constate que :

« Pour les légumes de notre territoire, de la plaine à la moyenne montagne, nous avons beaucoup de zones de productions spécifiques de petite taille sous diverses conditions environnementales : le chou chinois, l'aubergine pour les cultures sur sol en plaine ; la fraise, l'aubergine pour les cultures hors sol ; une série de légumes du terroir comme l'igname japonaise, l'asperge, l'aubergine en moyenne montagne etc. On peut constater un mouvement de nouvelles installations comme celui de retraités revenants à la terre. »563

Pour les légumes, le Plan fondamental 2006-20 10 envisage une série de soutiens à apporter vis-à-vis de ces nouveaux producteurs émergents (formation technique, introduction de nouvelles techniques et de nouvelles variétés des produits). Concernant les aubergines de l'été et de l'automne, il explicite même son intention de coopérer avec le Centre Nô-Life (inauguré en 2004) pour « recruter (boshû) et orienter (shidô) » de nouveaux producteurs au niveau de « l'ensemble des zones de productions spécialisées (sanchi zentai to shite) »564. Et ceci afin d'« élargir l'échelle des zones de productions spécialisées et les rendre plus compétitives »565

Cette attente est affirmée par l'ECV pour l'installation de nouveaux retraités alors que leur orientation de nature productiviste reste la même (« élargir et rendre compétitives les zones de productions spécilisées »)566.

Dans le deuxième pilier consistant à « assurer une production durable de l'alimentation de sécurité et de bonne qualité », le Plan fondamental 2006-20 10 intègre une préoccupation pour l'agriculture respectueuse de la protection de l'environnement. Le Plan fondamental 2006-20 10 y reprend et développe le contenu du troisième point du deuxième pilier du plan précédent qui était : « promotion d'une agriculture locale respectueuse de la protection de l'environnement ». Le Plan fondamental 2006-20 10 y ajoute des préoccupations en matière des sécurité et traçabilité alimentaires, de plus en plus grandissantes aujourd'hui au Japon 567.

La troisième pilier sur l'« aide aux activités locales mettant en valeur les ressources de l'agriculture et de la ruralité » est orienté vers les activités pour le développement local et rural. En y intégrant le quatrième point du deuxième pilier du plan précédent qui concernait l'« animation des zones de la moyenne montagne », le Plan fondamental 2006-2010 développe dans ce pilier ses mesures, plus diversifiées, orientées de manière générale vers le développement rural568. Les trois points de ce pilier sont : « formation des organisations agricoles mettant en valeur des spécificités locales (chiiki no tokuchô wo ikashita einô-soshiki no ikusei) » ; « soutien des diverses activités des agriculteurs pour la sensibilisation sur l'alimentation et la ruralité (shoku to nô heno rikai no zôshin ni muketa nôgyô-sha no tayô na torikumi shien) » ; « création des produits du terroir dans les zones de moyenne montagne (chûsankan chiiki no tokusan-hin zukuri) ».

Dans le premier point, le Plan fondamental 2006-20 10 exprime d'abord son constat de « la baisse de motivation (Iyoku ga teika shiteiru) » des producteurs vis-à-vis de l' « amélioration de la base de la production agricole et de l'environnement pour la gestion agricole » au sein des producteurs du territoire concerné569. Et ceci est dû à la « faible efficacité économique et au vieillissement »570. A cet effet, le Plan fondamental 2006-2010 accorde de l'importance à la « mise en valeur des terrains agricoles », la « formation de groupements agricoles susceptibles d'exercer avantageusement la vente et la distribution », le « développement de l'agriculture locale et du développement rural » et « aménagement de l'environnement confortable pour les travaux agricoles et de l'environnement rural »571. Et ceci « pour que les agriculteurs puissent travailler leur

563 Ibid : 12

564 Ibid.

565 Ibid.

566 Cependant, les réactions des stagiaires du Projet Nô-Life ne sont pas toujours conjointes ni homogènes par rapport à cette

attente de l'ECV. Nous allons les examiner dans le Chapitre IV.

567 Ibid : 20-2 1

568 Ibid : 22-23.

569 Ibid : 22.

570 Ibid.

571 Ibid.

agriculture en pleine motivation »572.

Dans le deuxième point, le Plan fondamental 2006-2010 affirme son soutien global aux diverses activités des agriculteurs non seulement du point de vue de la production agricole, mais aussi de celui de la multifoncionalité de l'agriculture (ce qui n'était pas mentionné dans le plan précédent)573. En se focalisant sur les zones de moyenne montagne, le Plan fondamental 2006-2010 affirme son soutien aux diverses activités des agriculteurs pour la « sensibilisation sur l'alimentation et la ruralité » représentée par les idées de «produire et consommer localement » et de l'« éducation alimentaire et rurale » etc574. Et ceci est dans le but de « développements agricole et local hamonieux valorisant les spécificités locales dans notre territoire où la ville et la campagne montagnarde voisinent »575.

Dans les mesures du troisième pilier, nous pouvons constater, d'une part, une volonté de l'ECV, qui semble être plus affirmée pour apporter ses soutiens aux acteurs qui étaient, considérés comme marginaux dans le plan précédent en raison de leur faible productivité. Et ces soutiens sont mis en relation avec une série de thématiques émergentes : multifonctionalité ; développement rural ; échage entre ville et campagne ; `produire et consommer localement' ; éducation alimentaire ; Ikigai pour les personnes âgées etc. Ces termes semblent contenir des définitions plus élaborées et complexes que les termes symboliques qui étaient employés dans le plan précédent, rappelons-en quelques-uns : « agriculture d'Ikigai », « créer des localités attrayantes », « déploiement des compténces individuelles » etc.

Complexification et ambiguïté de la politique d'orientation

Suite à notre examen des deux « direction[s] de guidance » de la politique d'orientation de l'ECV, nous pouvons constater une complexification des représentations de cette politique.

A travers des changements entre ces deux directions, nous pouvons remarquer que, dans le Plan fondamental 2006-2010, émergèrent une série de nouvelles thématiques dont les origines et les poids ne sont pas toujours les mêmes, et qui influencent les représentations de la politique d'orientation de l'ECV : renforcement de la force concurrentielle ; gestion rationnelle d'exploitation (management) ; agriculture respectueuse de l'environnement ; qualité et sécurité alimentaires ; renforcement de l'autosuffisance alimentaire ; multifonctionalité ; développement rural ; échange entre ville et campagne ; produire et consommer localement ; éducation alimentaire ; Ikigai pour les personnes âgées etc.

Ces nouvelles thématiques impliquent souvent des éléments dont la nature est différente de celle de la propre mission de l'ECV : le développement technico-écnomique de l'agriculture via la recherche de la productivité. Puis, ses intentions affirmées pour soutenir les divers producteurs étaient toujours accompagnées par un constat de la situation locale de plus en plus aggravée de l'agriculture et de la ruralité (vieillissement des producteurs porteurs même, aggravation de l'abondan de terrains etc).

Les représentations politiques de l'agriculture et de la ruralité de la région de Toyota qu'exprime l'ECV étaient, dans un premier temps, dualistes (fort ou faible par le seul critère de la productivité) et commandées par le haut (le département et l'Etat). Cependant, elles sont influencées, d'un côté, par une série de thématiques émergentes de plus en plus structurées émanantes de l'extérieur, de l'autre côté, par l'évolution de la situation locale où le vieillissement et l'exode marque décisivement un effet négatif. Ainsi, elles se complexifient et deviennent de plus en plus ambiguës.

Une forte attente vis-à-vis du Projet Nô-Life dans le cadre de la politique de « nouveaux porteurs »

Rappelons que l'ECV affirmait, dans le Plan fondamental 2006-20 10, son soutien pour les activités du

572 Ibid.

573 Ibid.

574 Ibid : 23 L'éducation alimentaire (Shokuiku) est une nouvelle thématique nationale. La Loi Fondamentale sur l'Education Alimentaire (Shokuiku Kihonhô) fut adoptée en 2005.

575 Ibid : 22.

Centre Nô-Life dans le cadre du « soutien de l'installation agricole des nouveaux participants » en vue de la « formation des porteurs de la génération future »576.

« Nouveaux participants » comme nouveaux porteurs ?

Le terme « nouveaux participants (shinki sannyû sha) » designe ici les personnes non originaires des exploitations professionnelles toujours considérées comme cibles de la politique sélective d'orientation depuis le Plan fondamental 2001-2005. Ce sont de nouveaux producteurs ou candidats producteurs dont le nombre est croissant et qui : « n'ont pas de base pour la gestion agricole (Nôgyô keieikiban wo motanai) » ; « ne font pas partie de l'association des jeunes agriculteurs (4H Club) » ; « sont âgés de plus de 30 ans » ; « n'ont pas de connaissances agricoles ni d'expériences »577. Quelle place est alors accordée par l'ECV à ces nouveaux venus dans le domaine agricole ?

Rappelons que le premier objectif de la politique d'orientation de l'ECV était formulé, dans le Plan fondamental 2006-2010, par un nombre d'exploitations professionnelles à former qui correspondait à seulement 2% du nombre total des foyers agricoles du territoire concerné (236 sur 9481). Et le type d'exploitations agricoles cibles de cette politique sélective était uniquement celui des exploitations professionnelles dont le nombre est de 426. Dans le Plan fondamental 2006-2010, la catégorie des « nouveaux participants » en tant que « porteurs » est clairement distinguée de celle des « successeurs des exploitations cibles (jûten shigô taishô keiei-tai nô sitei) »578. Donc, la place des nouveaux participants d'origine « non agricole », cités plus haut, reste secondaire du point de vue de la politique sélective de l'ECV. Et comme nous avons pu le constater dans l'examen du Plan fondamental 2006-2010, l'attente affirmée par l'ECV pour l'installation de nouveaux retraités est attaché au fait qu'ils suivent leur orientation de nature productiviste dans le domaine de légumes. Autrement dit, ce nouveau type de « participants » a simplement été ajouté dans la cartégorie des porteurs de l'agriculture selon le même critère de jugement de la production agricole. Monsieur N nous a répondu à ce propos lors de notre entretien en répondant à la question formulée ainsi « Que pensez-vous de l'objectif principal579 du Projet Nô-Life ? » :

« Euh, je pense qu'il est quand même important de former de nouveaux porteurs. Jusqu'à maintenant, on essayait d'assurer les porteurs en faisant que les successeurs reprennent les fermes (les activités agricoles). Mais il est inévitable de trouver des porteurs à partir d'autres personnes. `Non originaire des foyers agricoles (hi-nôka)', puis-je dire ? Mon idée est qu'il faut mettre en valeur de tels porteurs. »

Et il trouve qu'il y a un avantage particulier chez ces nouveaux porteurs grâce aux « bonnes images » de l'agriculture qu'ils ont, par rapport aux « mauvaises images » présentes chez les « gens originaires des fermes » :

« Par exemple, en discutant avec différentes personnes, je me suis rendu compte que, comme les personnes originaires des fermes connaissent trop l'amertume de l'agriculture et les grandes difficultés que leurs parents ont, certains en ont marre de l'agriculture. Puis, il y a pas mal de gens originaires des fermes qui étaient salariés et qui ont pris leur retraite. Eux, ils n' ont pas envie de faire de l'agriculture, je pense. Mais, au contraire, les gens qui ne se sont jamais occupés de l'agriculture jusqu'à maintenant, n'ont pas de telles mauvaises images. Ils pensent plutôt même que l'on peut travailler agréablement dans la montagne, quoique un peu naïvement, infuencés par la télé etc. (rire). Pourtant, ce n'est pas souvent la réalité...»

576 Ibid : 8.

577 Ibid : 9.

578 Ibid : 8.

579 Les objectifs principaux : inciter les habitants de se mettre à l'agriculture compte tenu des problèmes liés au vieillissement de population à venir (deuxième vie, Ikigai, santé etc) ainsi que des problèmes agricole et rural aggravés (augmentation de friches agricoles, diminution du nombre d'agriculteurs). Et ainsi contribuer à la diminution de friches puis au maintien de porteurs.

[Enquêteur : La `liberté' etc...]

« Une bonne image où il n'y plus de contraintes (shigarami) comme à l'intérieur d'une entreprise (kaisha), je crois. C'est pourquoi mon idée personelle est de bien mettre en valeur de telles personnes. Je pense que c'est également un travail dont il faut bien se charger en tant que conseiller. »

[Enquêteur : Pensez-vous uniquement aux personnes âgées ?]

« Non. Si je parlais des retraités,en fait, il y a aussi quelques jeunes dans Nô-Life, »

[Enquêteur : Ce qui est caractéristique dans Nô-Life, c'est qu'il y a divers types de personnes. En réalité, pas mal de personnes qui ne pensent pas forcément à la `deuxième vie' etc.]

«Oui, il y en a qui essaient de gagner leur croûte avec l'agriculture. Mais, surtout pour les jeunes personnes, on ne leur apporte que de bonnes images, lorsque ils essaient de s'installer et nous allons les orienter (rire jaune). Pour ceux qui vont gagner leur croûte, on les oriente en disant que ce n'est pas si heureux que ça. S'ils viennent uniquement avec de bonnes images comme ` il sera facile de gagner de l'argent 'ou ` on me prêtera facilement de l'argent et je pourrai facilement trouver des terrains' (rire jaune). Puis, s'ils n'ont que l'image où l'on peut travailler en liberté et que c'est bien, cela mettra en question notre responsablilié. Cela nous dérange s'ils viennent avec une telle facilité. Donc, on les oriente comme il faut. On les prévient même avant qu'ils y entrent. »

Là, on entrevoit qu'existe un décalage réel entre des perceptions générales de l'agriculture chez les nouveaux participants, qui sont « bonnes » mais souvent opportunistes d'après Monsieur N, et celles qui sont normatives et productivistes de l'ECV. Si Monsieur N s'exprime en faveur des nouveaux participants, il affirme clairement que les principes d'orientation de l'ECV ne vont pas changer vis-à-vis de ce type de personnes.

Mode d'actions

D'abord, le mode d'actions de L'ECV est fortement régi « par le haut » aux niveaux juridique et institutionnel. En effet, la Loi pour l'Incitation de l'Amélioration de l'Agriculture (Nôgyô Kairyô Jochô Hô) définit la place de l'ECV de façon à centraliser le pouvoir de décision au niveau départemental, et définit également l'objectif de l'établissement de l'ECV comme centré sur la diffusion des « techniques et connaissances scientifiques sur la gestion agricole et la vie rurale580 ».

En plus, Monsieur N nous a affirmé que l'ECV « n'effectue que les travaux liés au Plan fondamental quinquenal » dans lequel la coopération au Projet Nô-Life est prévue dans le Plan fondamental 2006-2010. De ce fait, le mode d'actions de l'ECV est, à la différence de la Municipalité ou de la Coopérative agricole, moins marqué par la manière du bricolage d'idées ou d'actions, ainsi que par la relation d'interaction avec les autres agents concernés. En fait, le principe des idées et du modes d'actions de l'ECV garde une forte autonomie assurée à la fois par son rôle privilégié en tant qu' « expert » technique, économique et scientifique, et par son statut institutionnel régi par le département et l'Etat. D'où sa politique à caractère productiviste et selectif qui persiste et même a tendance à se renforcer malgré son constat de la situation locale aggravée dû à la baisse de prix, au vieillissement de la population agricole etc.

580 L'article 1 défini l'objectif principal de de cette loi comme suit : « Cette loi incite les recherches et les activités de vulgarisation relatives à l'agriculture afin que les agriculteurs obtiennent les connaissances effectives et pratiques sur la gestion agricole et la vie rurale, et puissent les diffuser et les échanger. A cet effet, cette loi a pour l'objectif de développer : la méthode agricole optimale et harmonieuse avec l'environnement; la gestion agricole efficace et stable ; l'agriculture adaptée à la spécificité locale, et ainsi de contribuer à l'amélioration de la vie rurale. » Et l'Article 12 défini les trois tâches suivantes de l'ECV : « synthèse des découvertes obtenues par les activités » des Conseillers pour la Vulgarisation (Fukyû shidôin) au sein des instituts de la recherche ; « mener des activités visant à intégrer la vulgarisation et l'orientation des techniques et connaissances scientifiques relatives à la gestion agricole et à l'amélioration de la vie rurale » ; « donner aux agriculteurs les renseignements relatifs à l'amélioration de la gestion agricole et de la vie rurale » ; « afin de promouvoir la nouvelle installation agricole, mener les activités du renseignement et de la consulation etc. »

Prise de position vis-à-vis du Projet Nô-Life

L'ECV affirme son soutien au Projet Nô-Life en raison de son attente vis-à-vis de ce projet dans sa capacité de former les porteurs « non originaires des foyers agricoles (hinôka) » que le Plan fondamental 2006-2010 appelle « nouveaux participants (shinki sannyû sha) ».

Cependant, comme nous l'avons constaté dans l'examen du Plan fondamental 2006-2010 ainsi que lors de l'entretien avec Monsieur N, son implication dans le Projet s'effectue de manière à continuer le principe productiviste et sélectif. (« Cela nous dérange, s'ils viennent avec une telle facilité. Donc, on les oriente comme il faut. On les prévient même avant qu'ils y entrent. »)

D'ailleurs, dans un cours de la formation Nô-Life donné par un conseiller de l'ECV à tous les stagiaires des années 2005-2007 (l'enquêteur l'a observé en 2006), qui porte sur la nouvelle installation agricole, ce conseiller n'a expliqué le système de la nouvelle installation agricole qu'en terme de système d'aides à l'investissement agricole qui est disponible pour les « agriculteurs qualifiés (nintei nôgyô sha) ». Dans la définition de ce type d'agriculteurs, le revenu agricole annuel doit s'élever au minimum à 2 500 000 yens, ce qui dépasse largement l'objectif du Projet Nô-Life de « 1 000 000 yens de revenu agricole annuel ». Ce qui paraît à la grande majorité des stagiaires difficile à réaliser, et peu disponible pour eux.

Enfin, cette tendance « professionaliste » de la part de l'ECV ne semble pas forcément correspondre aux attentes des stagiaires de Nô-Life et également à l'objectif d'Ikigai des personnes âgées.

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