WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Dynamique des représentations sociales de l'agriculture et de la ruralité dans un contexte territorial du vieillissement de la population : Le cas du « Projet Nô-Life » de la Ville de Toyota au Japon

( Télécharger le fichier original )
par Kenjiro Muramatsu
Université de Liège - DEA Interuniversitaire en Développement, Environnement et Sociétés 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2. Réponses aux questions : analyse du processus entre acteurs institutionnels

Le processus de la construction du Projet Nô-Life ne peut pas être considéré comme un procédé résultant de simples opérations administratives, juridiques, techniques ou politiques, mais comme un processus émergent et complexe qui implique les dimensions historique, sociale et culturelle des acteurs impliqués dans ce processus, que nous avons étudiés plus haut.

Rappelons-nous ici les trois éléments déterminants de l'objecif du Projet Nô-Life tels qu'ils ont officiellement été définis par la Municipalité de Toyota.

607 En plus, Monsieur N n'a pas été prévenu par le Centre Nô-Life de cette politique de l'élargissement...

1 Conservation des terrains agricoles (prévention de friches)

2 Conservation de la main-d'oeuvre agricole (formation agricole)

3 Proposition de nouvelles activités aux personnes âgées pour assurer leur Ikigai

Ces trois éléments déterminent l'objectif du Projet Nô-Life à savoir : le développement de l'agriculture de type Ikigai.

Cependant, ces éléments officiellement présentés par le Projet ne nous permettent pas immédiatement de répondre à une série de questions générales que nous pouvons supposer telles que : quel est l'objectif initial du projet ? (développement agricole ou mesure sur le vieillissement de la population ?) ; de quel domaine ou secteur le Projet relève-t-il ? (politique agricole ou Ikigai des personnes âgées, mais quelle définition opérationnelle du terme d'Ikigai ?) ; dans quel contexte le Projet a-t-il été établi ? (il semble être multiple...) ; quel est le contenu des actions du projet ? (formation agricole ni professionnelle ni amatrice, mais de quel type ? Et location de terrains agricoles, mais cela relève du domaine privé...) ; quelle finalité le Projet se donne-t-il ? (y a-t-il une fin à ce projet ?)

Vu la complexité et le flou que l'objectif officiel du projet implique, il nous paraît quasiment impossible de répondre à ces questions d'un point de vue objectif ou général, ce qui nécessite de recourrir à d'autres types d'explications capables d'appréhender les dimensions plus concrètes et substantielles des choses. C'est pourquoi nous avons pris un « détour » qui, afin de comprendre plus sociologiquement le Projet comme une action, va mettre en évidence les éléments déterminants les représentations et actions de chaque acteur dans son enjeu, et nous permettera finalement d'analyser la relation sociale entre ces acteurs qui est à la fois construite autour du projet et mis en jeu par le Projet.

En sa basant sur les éléménts de l'analyse des acteurs effectuée plus haut, nous allons répondre aux quatre questions posées au début de ce chapitre.

Elaboration de l'ensemble des actions concrètes pour la construction du Projet Nô-Life

Comment l'ensemble des actions concrètes pour la construction du projet a-t-il été élaboré par différents types d'acteurs locaux ? Le Projet Nô-Life n'a pas été construit de manière isolée des autres projets précédemment menés soit par le BPA lui-même, soit par d'autres acteurs du territoire de la Ville de Toyota, dont les thématiques ont des points communs avec celles du Projet Nô-Life. Mais il se situe dans la continuité d'idées et d'actions qui l'ont précédée au sein des 7 acteurs étudiés plus haut. Chacun de ces acteurs avait construit ses propres actions, anticipant d'une manière ou d'une autre, les thématiques du Projet Nô-Life. Nous avons établi ci-dessous un tableau chronologique les situant à la fois par période (année) et par acteur afin de mettre en évidence la relation entre ces actions historiques liées au Projet Nô-Life.

Ce tableau chronologique nous permet de réorganiser les actions constitutives du processus de la construction du Projet Nô-Life. C'est pourquoi il est intéressant de retracer l'itinéraire que le BPA, notamment Monsieur K président du Centre Nô-Life, a pris pour arriver à la réalisation de son but : réalisation du Projet Nô-Life. En fait, cet itinéraire nous montre tout un emsemble d'actions du type du bricolage qui combine plusieurs types de ressources disponibles aux yeux de l'acteur (BPA et Monsieur K) Puis, cette démarche, dont l'oeuvre est la réalisation du Projet Nô-Life, n'a pas exclu la réalisation d'un certain nombre de transactions sociales entre les agents concernés de champs sociaux différents à base territoriale.

 

Tableau chronologique des actions dans le processus de l'élaboration du Projet Nô-Life

Act. 1
BPA

Act. 2
SCI

Act. 3
CAT

Act. 4
BDPA

Act. 5
ECV

Act. 6
CLFS

Act. 7
GASATA

Avant
1996

Jardins Familiaux
(- aujourd'hui)

 

Marché du Marrdi Soir
(vers 1984-
aujourd'hui)

 
 
 

Journée de la Peinture
des Fleurs de pêcher
(1 993-2003)

1996

Plan fondamental de
l'Agriculture
(-2005)

 
 
 
 
 
 

1997

 
 
 
 

Maison des fleurs
(-aujourd'hui)

 

1998

Jardins Citoyens
(- aujourd'hui)

 

Jardins Citoyens
(- aujourd'hui)

 
 
 

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Plan fondamental
2001-2005

Projet Nô-Life
(- aujourd'hui)

Ecole Vivante de
l'Agriculture
(-2003)

Discussion pour la
« Recherche et
formation
de nouveaux porteurs
»
(-2002)

Ferme-Ecole pour les
Personnes agées
(-aujourd'hui)

Comité pour le
« Centre pour le
soutien aux activités
agricoles »
(-2004)

Enquête sur la
Conscience sur
l'agriculture de Toyota

Zone spéciale pour la
Création de Nô-Life

Projet Nô-Life
(- aujourd'hui)

Comité pour la
Promotion de la
Création d' Ikigai :
CPCI
(- aujourd'hui)

Dépôt du "Rapport de
propositions"
au Maire de la Ville de
Toyota

Ferme-Ecole pour les
Personnes agées
(-aujourd'hui)

Ecole Vivante de
l'Agriculture
(-2003)

Discussion pour la
« Recherche et
formation
de nouveaux porteurs
»
(-2002)

Comité pour le
« Centre pour le
soutien aux activités
agricoles »
(-2004)

Projet Nô-Life
(- aujourd'hui)

Comité pour le
« Centre pour le
soutien aux activités
agricoles »
(-2004)

Zone spéciale pour la
Création de Nô-Life

Projet Nô-Life
(- aujourd'hui)

Comité pour le
« Centre pour le
soutien aux activités
agricoles »
(-2004)

Projet Nô-Life
(- aujourd'hui)

Plan fondamental
2006-2010

Comité pour le
« Centre pour le
soutien aux activités
agricoles »
(-2004)

Enquête sur la
Conscience sur
l'agriculture de Toyota

Discussion pour
l'établissement du
GASATA

Etablissement du
GASATA
(-aujourd'hui)

Itinéraire des actions du BPA pour la construction du Projet Nô-Life

Nous illustrons ici les manières dont ont été mises en place les six actions suivantes, dont les trois premières se sont déroulées avant que le Projet Nô-Life ait été mis en discussion en 2001, et les trois autres se sont déroulées après 2001.

Avant la mise en discussion du Projet Nô-Life :

1 Mise en place des Jardins citoyens avec la CAT(acteur 3) en 1998

2 Etablissement de l'Ecole de l'agriculture vivante avec la CAT en 2000

3 Etablissement de la Ferme école des Personnes âgées avec la SCI(acteur 2) en 2001 (inauguration en 2002) Après la mise en discussion du Projet Nô-Life :

4 Etablissement du GASATA(acteur 7) avec des arboriculteurs de Sanage en 2003

5 Réalisation de l'Enquête sur la Conscience sur l'agriculture de Toyota avec le CFLS(acteur 6 ) en 2003

6 Application de la politique de la Zone spéciale pour la Création de Nô-Life avec le BDPA(acteur 4) et l'ECV(acteur 5) en 2003

1 Mise en place des Jardins citoyens avec la CAT(acteur 3) en 1998

Les Jardins citoyens ont été réalisés à l'initiative de la CAT mais à la demande plus ou moins informelle du BPA qui voulait les réaliser dans le prolongement de la conception du « Parc rural » présentée dans le Plan de 96 (voir la partie de l'acteur 1).

L'idée des Jardins citoyens est importée de l'idée des « Jardins familiaux » en Europe, connue au Japon sous le nom du « Klein garten », alors que la construction des cabanes était interdite par la Loi agraire au Japon, ce qui a contraint la CAT à aménager les jardins sans cabane. Et pour la création des Jardins citoyens, il y avaient deux intérêts différents croisés : faire du bien au public (pour la Municipalité), mais également profiter des usagers de ces jardins pour s'assurer de futurs producteurs agricoles (pour la CAT).

L'intérêt de la CAT était de conserver les terrains agricoles et de s'assurer de futurs producteurs au sein des usagers de ces jardins pour un développement durable du secteur agricole. C'est pour cela que la taille d'une parcelle est plus grande (100 \u13217§) que celle des « Jardins familiaux » (20 - 30 \u13217§). Et si les Jardins citoyens sont aménagés à l'extérieur de la zone à urbaniser, les Jardins familiaux sont aménagés à l'intérieur de cette zone.

Puis, l'intérêt du BPA était de réaliser l'idée de la multifonctionalité qui était pronée par le Plan de 96 en incitant les citoyens à se mettre aux activités agricoles. Ce qui est considéré par le Plan comme une approche « bien commun » vis-à-vis de l'agriculture et de la ruralité. Cette idée est conforme à la position de la Municipalité orientée vers le bien-être public.

Malgré quelques insatisfactions de la part de la CAT(voir la partie de l'acteur 3), le fait qu'il y ait constamment des usagers constitue un élément de succès des Jardins citoyens.

2 Etablissement de l'Ecole de l'agriculture vivante avec la CAT en 2000

Ensuite, l'Ecole de l'agriculture vivante fut réalisée à l'initiative de la CAT en coopération avec le BPA comme un projet qui était également prévu dans la conception de l' « Ecole rurale » conçue dans le Plan de 96.

L'intérêt de la CAT portait toujours sur la conservation des terrains agricoles et les porteurs de l'agriculture face à la situation de crise (pluriactivité démotivant les producteurs pour leur production agricole ; vieillissement de la population rurale etc). D'ailleurs, c'était Monsieur S qui avait conçu cette idée afin d'animer les activités agricoles de la population des foyers agricoles pluriactifs, dont notamment les femmes et les retraités salariés. C'est pourquoi il voulait destiner ce projet uniquement à cette population.

Mais l'intérêt du BPA était de destiner le projet au public y compris la population non agricole. Finalement, un compromis entre ces deux agents aboutit à la réalisation d'une formation agricole destinée au public. (« Pour la Coopérative, dit Monsieur S de la CAT, s'ils deviennent ainsi successeurs, c'est suffisant pour nous de s'adresser uniquement aux foyers agricoles. Mais si on travaille avec la Municipalité, elle veut s'adresser également au public, c'est-à-dire à ceux qui n'ont pas de terrains agricoles. C'est ainsi que l'on a fait appel aux personnes non agricoles pour lancer l'Ecole de l'agriculture vivante »)

A travers les tentatives des Jardins citoyens et de l'Ecole de l'agriculture vivante, le BPA a réellement commencé à mener sa politique de manière à s'orienter vers le public, c'est-à-dire la population générale à majorité urbaine.

Un facteur de la réussite de ce projet réside dans le grand nombre de stagiaires qui ont participé à la formation du projet, et l'établissement d'un groupement de producteurs de l'agriculture biologique au sein de la CAT.

Enfin, l'expérience de ce projet a relevé la nécessité d'établir un nouveau système de location de terrains agricoles pour que les stagiaires puissent continuer et développer leur activité agricole après leur formation. C'est ainsi que, par la suite, le Projet Nô-Life fut envisagé par le BPA et la CAT.

3 Etablissement de la Ferme école des Personnes âgées avec la SCI(acteur 2) en 2001 (inauguration en 2002)

La Ferme école des Personnes âgées fut réalisée à l'initiative de la SCI à l'aide du BPA dans le cadre des mesures pour la création d'Ikigai des personnes âgées dans le contexte du vieillissement de la population générale (urbaine comme rurale). Ce fut la première approche dans la Ville de Toyota combinant la thématique d'Ikigai des personnes âgées et l'agriculture.

Si l'idée de ce projet a été énoncée par une citoyenne participant au Comité pour la Promotion de la Création d'Ikigai (CPCI), lequel a rendu le « Rapport de propositions » au maire de Toyota en 2001, le CPCI a également « recyclé » l'idée du « Second Life Academy » qui avait été proposée par Monsieur S de la CAT pour le Plan de 96, pour formuler son idée dans ce rapport remis au maire en 2001.

Monsieur K, en tant que délégué du BPA, avait participé au CPCI et coopéré pour l'élaboration et la réalisation de ce projet. En effet, Monsieur K s'est impliqué dans ce projet à la fois afin de « servir » à sa réalisation avec les compétences qu'il a en tant qu'agent de la politique agricole, et également « s'en servir » pour chercher à valoriser autrement les biens agricoles et ruraux.

Les intérêts étaient donc conjoints entre ces deux agents de la Municipalité pour valoriser des éléments de « nô (l'agricole et le rural) » pour le bien-être public.

Pour le BPA (Monsieur K), les procédures pratiques pour monter ce projet de formation agricole destinée au public (élaboration des programmes, location de terrains par la Municipalité etc) furent un bon apprentisage. (« C'était, dit Monsieur K, encore le moment où le plan de notre projet (Nô-Life) n'était pas clair, puis, j'ai négocié avec le [BPA] pour réaliser cette Ferme école et ainsi de suite, faire les programmes etc. Ces expériences-là nous ont servi à commencer ici (Nô-Life) »)

Après 2001 où le Projet Nô-Life était mis en discussion, le BPA dont le responsable était Monsieur K, mena les trois actions suivantes vers la réalisation du Projet Nô-Life.

4 Etablissement du GASATA avec des arboriculteurs de Sanage (acteur 7) en 2003

L'établissement du GASATA en 2003 était un acte réalisé à l'initiative d'arboriculteurs de Sanage. Monsieur K a participé à des réunions pour cet établissement en vue de mener une coopération avec eux dans le Projet Nô-Life. La filière frutière est ainsi réalisée avec la coopération avec les membres du GASATA.

L'intérêt des arboriculteurs membres du GASATA pour l'établissement de ce groupement portait sur le maintien de leur zone de production via un renforcement de : l'entraide entre arboriculteurs ; la reconnaissance publique de cette zone de production et de ses produits fruitiers ; l'augmentation de la motivation des autres arboriculteurs âgés des foyers pluriactifs pour leur production.

En fait, la coopération avec le GASATA fut tout à fait occasionnelle aussi bien pour le BPA que pour le GASATA. Le BPA est intervenu dans son établissement pour réaliser son propre objectif à lui : Projet Nô-Life. Mais cette intervention du BPA fut effectuée de manière à intéresser son objet d'intervention (GASATA) au Projet Nô-Life.

5 Réalisation de l'Enquête sur la Conscience sur l'agriculture de Toyota avec le CFLS(acteur

6 )en 2003

Puis, l'Enquête sur la Conscience sur l'agriculture de Toyota fut réalisée à l'initiative du BPA en coopération avec le CFLS. Cette enquête avait, avant le lancement du Projet Nô-Life, pour but de confirmer les types et les degrés des attentes de la population locale (urbaine et rurale) de la Ville de Toyota, vis-à-vis de l'agriculture et de la ruralité. Puis, cet acte a permis au BPA d'avoir, pour la première fois, un rapport de coopération avec le CFLS qui représente la grande majorité des syndicats ouvriers présents dans la Ville de Toyota, et constitue ainsi la plus grande organisation sociale dans cette Ville.

L'intérêt du CFLS pour la coopération dans le Projet Nô-Life était également lié à sa propre position

sociale : contribuer à la politique municipale lui permet de renforcer l'ancrage local de son organisation. Ainsi, la promotion d'Ikigai des personnes âgées constitue, aujourd'hui, un pilier de sa politique locale.

Le rapport établi entre le BPA et le CFLS se situe spécifiquement dans le contexte de la construction du Projet Nô-Life. Ces deux agents appartenant à deux champs sociaux habituellement opposés (secteurs agricole et industriel), ont ouvert un espace de discussion sur le thème du Projet Nô-Life, celui croisé vieillissement / agriculture et ruralité. Et ce rapport est construit de manière à ne pas se baser sur les effets du Projet à court terme. En effet, en réalité, le rapport entre l'idée d'Ikigai et l'idée de la conservation des terrains agricoles ou de s'assurer de futurs producteurs agricoles paraît peu compatible pour le CFLS.

6 Application de la politique de la Zone spéciale pour la Création de Nô-Life avec le BDPA (acteur 4) et l'ECV(acteur 5) en 2003

Enfin, en 2003, la procédure pour l'application de la politique de la « Zone spéciale pour la Création de Nô-Life » fut réalisée en coopération avec les agents agricoles du département d'Aichi : le BDPA et l'ECV.

Cet acte avait pour la Municipalité, d'un côté, pour but pragmatique de la dérèglementation de la Loi agraire, et de l'autre pour but politique et stratégique : renforcement de la valeur officielle du Projet Nô-Life au delà du niveau local via une reconnaisance dans le cadre de cette politique gouvernementale qui était bien « en vogue ».

En fait, l'objectif officiel de la politique nationale de la Zone spéciale de la Réforme structurelle est la relance économique de l'Etat. Mais en réalité, la Municipalité de Toyota « s'en est servi » afin d'avancer le processus qui était déjà en marche dans son territoire, à savoir le processus de la participation citoyenne aux activités agricoles avec une série de projets antérieurs expliqués plus haut. Et ceci malgré le fait que le Projet Nô-Life ne servirait pas forcément - objectivement parlant - à contribuer à l'objectif de la relance économique de l'Etat...

Bricolage et transaction

En survolant l'itinéraire des actions et les oeuvres du BPA dont Monsieur K était responsable, nous permet de voir une forme de l'action publique locale qui s'est effectuée sous forme de « bricolage » agencé par une série de transactions sociales qui sont des compromis entre agents de champs sociaux différents à base territoriale. Nous utilisons le concept du « bricolage », célébre notion anthropologique employée par Cl. Lévi-Strauss, et le concept sociologique de la « transaction sociale » et du « compromis » pour analyser le processus de la construction du Projet Nô-Life. Ceci dans la mesure où le BPA agit comme un « donneur de sens » vis-à-vis des ressources disponibles à ses yeux afin de « s'en servir » pour la réalisation de son projet, tout en effectuant des communications entre ses propres projet et la structure de ces ressources humaines (personnelles, institutionnelles et représentationnelles) et non-humaines (juridiques et économiques : matérielles, foncières et financières).

Concept du « bricolage » chez Lévi-strauss : ses caractéristiques et possibilité

Nous relevons ici les caractéristiques du concept du « bricolage » proposé par Lévi-Strauss dans une partie de son ouvrage « la pensée sauvage » publié en 1962, dans laquelle il essaie d'expliquer la nature de la pensée mythique et établit le lien entre celle-ci et la pensée scientifique608.

D'abord la caractéristique du bricoleur réside dans ses rapports avec les moyens qu'il utilise pour son acte créateur. A la différence de l'ingénieur, le bricoleur effectue son acte créateur non pas à partir de ses projets déterminés par des concepts, mais à partir de moyens disponibles qui lui sont des occasions de réaliser « un ensemble » qui est son oeuvre. Ensuite, il donne des sens à ces moyens pour que ceux-ci puissent effectivement jouer le rôle d' « opérateur » pour la réalisation de son oeuvre.

Or, de ce fait, le bricoleur et l'ensemble ainsi réalisé (oeuvre) sont forcément dépendants de la nature des

608 Lévi-Strauss, 1962 : 30-36.

moyens utilisés, c'est-à-dire, leurs fins antérieures. Les moyens du bricoleur ne sont donc pas définissables par les fins proprements conçues par le bricoleur, autrement dit, la structure de son projet.

A partir de cette explication de Lévi-strauss que nous avons résumée, nous pouvons relever la qualité, le défaut et la possibilité de l'action et de l'oeuvre de type bricolage.

D'abord, la qualité de l'action et de l'oeuvre de type bricolage est son approche ascendante (d'en bas). Il s'agit, comme dit Lévi-strauss, de celle « première »609 qui est originale et non standardisée par des critères descendants (d'en haut) donnés par des « savants ». Et ceci surtout dans la mesure où l'action et l'oeuvre de type bricolage sont « libéralisatrices » des objets quelconques mobilisés par cette action, car le bricoleur leur donne une nouvelle signification.

Ensuite, son défaut réside dans l'incertitude du résultat de son action, car cette action est limitée par la nature de ses ressources. Il s'agit, comme nous l'avons dit plus haut, de sa dépendance à la structure des moyens qui impliquent toujours des fins antérieures.

Lévi-strauss relève ainsi la capacité limitée du « signe » donné par le bricoleur par opposition à la capacité illimitée du « concept » qui donne une « ouverture » vers la généralisation610. D'après lui, si l'ingénieur peut toujours aller « au-delà » de ses moyens pour créer un « autre message » par le biais de son projet, de ses concepts et de ses fins, le bricoleur reste « en deçà » de ses moyens611.

Mais, en complément à la proposition de Lévi-strauss, nous pouvons relever que la possibilité du développement « réel » et non théorique de l'action et de l'oeuvre de type bricolage est illimitée : puisque le processus de l'acte créateur du bricoleur est un processus de « reconstruction incessante à l'aide des même matériaux »612 dont le cycle de la fin et du moyen des objets mobilisés est le moteur.

Et d'ailleurs, aujourd'hui, est-ce que les matériaux et les savoirs sur ceux-ci doivent toujours être « limités » ou « mêmes » en réalité, comme Lévi-strauss entend le dire ? La réponse peut clairement être non. D'ailleurs Lévi-strauss reconnaît lui-même que la différence entre l'ingénieur et le bricoleur n'est jamais absolue en réalité, en disant que le pouvoir créteur de l'ingénieur est également limité par ses ressources qui sont ses « interlocuteur[s] » avec lesquels il doit toujours dialoguer et transiger. Et il doit souvent recourrir à des moyens dont les fins sont antérieurement déterminées613.

En plus, vu que la circulation des savoirs est aujourd'hui explosive au niveau mondial, on peut souvent avoir accès à des oeuvres données par des « savants » et des savoirs généraux diffusés sur celles-ci. Ainsi, tout en étant bricoleur, on pourrait bien « détourner » la fin de ces oeuvres scientiques en les « inventoriant » et les transformant en des moyens pour réaliser une nouvelle oeuvre. Et le résultat de cet acte créateur du bricoleur implique toujours, comme dit Lévi-strauss, « un compromis entre la structure de l'ensemble instrumental et celle du projet » du bricoleur.

Du bricolage à la transaction sociale...

Ici, les types des ressources mobilisées dans ce processus sont divers et complexes tels que les types humains et sociaux (personnel, organisation, relation sociale et représentations), économiques (matériel, foncier, financier) et politiques (décision politique, législations).

Et l'ensemble des actions s'est effectué en relation avec des agents de champs sociaux différents à base territoriale, aux niveaux des contextes, des secteurs et même des échelles institutionnelles. D'où la nécessité de la réalisation d'une série de transactions sociales entre agents intersectoriaux.

D'ailleurs, comme nous l'avons vu avec en nous référant à Lévi-Strauss, le bricolage s'effectue par le biais d'un « compromis entre les structures de l'ensemble instrumental et du projet ». La transaction sociale nous semble ainsi constituer, avec le bricolage, le moteur de l'ensemble des actions temporelles (processus) de la

609 Ibid. : 35.

610 Ibid. : 34.

611 Ibid. : 33.

612 Ibid. : 35.

613 Ibid : 33. « lui aussi devra commencer par inventorier un ensemble prédéterminé de connaissances théoriques et pratiques, de moyens techniques, qui restreignent les solutions possibles »

construction du Projet Nô-Life614. Paradigme de transaction sociale

La transaction sociale n'est pas un concept bien défini, mais celui qui est suscetible d'être un « paradigme » qui permet d'appréhender la vie sociale comme « une forme de séquence d'ajustements successifs »615. En se référant à quelques recherches récentes s'inscrivant dans ce cadre616, sans toutefois être exhaustif, nous pouvons relever un certains nombre de traits caractéristiques de ce cadre d'analyse. Ensuite, nous allons montrer, selon l'approche proposée par Mormont (1994), dans quelle mesure ce cadre pourrait être pertinent comme grille d'analyse pour comprendre le processus du Projet Nô-Life.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe