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La pin-up et ses filles: histoire d'un archétype érotique

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par Camille Favre
Université Toulouse Le Mirail - Master 2 Histoire des civilisations modernes et contemporaines 2007
  

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V. De la pin-up à la playmate.

Aujourd'hui dans le langage courant, il arrive que l'on désigne aussi les playmates sous le terme de pin-up. Or la playmate est contemporaine de la pin-up. Son histoire de « fille du mois » est intimement liée à l'une des revues de charme la plus populaire du XXe siècle Playboy. Le succès de ce magazine masculin n'aurait peut-être pas été aussi important sans l'attrait du poster central. Mais l'iconographie de la playmate ainsi que son utilisation font que celle-ci s'inscrit dans la lignée de la pin-up classique. Elle innove le genre tout en respectant le « système pin-up » qui a fait, certes la renommée des femmes dessinées, mais aussi l'incroyable popularité de ce nouveau fantasme de papier glacé. Playboy ouvre alors un nouveau chapitre de l'histoire de l'érotisme.

1. L'histoire excessive de Playboy.

1.1 Des débuts incertains.

Hugh Marston Hefner, né le 9 avril 1926, lance en 1953, à l'âge de vingt-huit ans, le magazine pour hommes qui deviendra le plus d'influent du XXe siècle, avec 8000 dollars empruntés à sa famille et ses amis - y compris plusieurs centaines de dollars sur la garantie des meubles.

Etudiant moyen, pendant ses études secondaires Hefner passe plutôt son temps à des activités extracurriculaires, comme le dessin humoristique et la publication du journal scolaire : The Pepper. A l'âge de 16 ans, il commence à rédiger son autobiographie, sorte de journal intime très dense et complet qu'il tiendra toute sa vie. Après avoir servi dans l'armée à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, durant laquelle il illustre de nombreux journaux de caserne, Hefner décide d'étudier la psychologie à l'université de l'Illinois. Il devient le rédacteur en chef du journal humoristique du campus Shaft mais écrit et dessine aussi pour le journal universitaire The Daily Illini. En 1948, après la publication du premier rapport Kinsey, il décide d'en faire un compte rendu dans Shaft. L'une de ses premières innovations est l'introduction dans ce même journal, d'une rubrique intitulée « l'étudiante du mois ». Après avoir soutenu son mémoire à la fin de l'année scolaire 1950 ayant pour thématique : le comportement sexuel et la loi, Hugh publie son premier ouvrage de dessins satiriques : Balade en ville. Cet ouvrage, édité à 5 000 exemplaires, est une fresque burlesque des usages et des moeurs de Chicago, selon la définition de l'auteur. Le ton est léger, comme nous le prouve un de ses dessins : un homme s'adresse à un autre, croisant une fille dont la jupe s'envole jusqu'à la poitrine, découvrant ses jarretières "Voilà bien longtemps que j'avais envie de visiter la Ville du Vent"127(*).

Après ses études Hefner exerce des tas de petits boulots pour finalement devenir rédacteur publicitaire pour Esquire. Lorsque cette revue transfère les bureaux de la rédaction de Chicago à New York, Hefner demande une augmentation de cinq dollars. La direction refuse et Hefner resté à Chicago, décide de lancer son propre magazine. Esquire lui sert de modèle. Le distingué mensuel pour hommes, fondé en 1933 par Arnold Gingrinch, avait acquis sa notoriété en combinant des textes littéraires rédigés par les grands écrivains de l'époque avec des pin-up de Petty, des photos glamour de George Hurrel et des dessins humoristiques osés. Hefner et les vétérans de la Seconde Guerre Mondiale forment la nouvelle génération, et avec un culot propre à la jeunesse, il se propose d'améliorer la formule d'Esquire pour l'adapter au goût du lecteur de l'après rapport Kinsey, première étude scientifique des comportements sexuels des hommes et des femmes. Comme lui-même le souligne dans le volume 52 de son autobiographie : « j'aimerais créer un magazine pour distraire l'homme de la ville, un journal à la fois enjoué et intelligent. Les photos des filles garantiraient les ventes initiales, mais le magazine aurait la qualité en plus128(*) ». Il veut appeler la nouvelle publication Stag Party, mais quant le périodique Stag émet une objection, il change le cerf mascotte du logo en un lapin et intitule son magazine Playboy.

Hugh donnera sa propre définition d'un playboy dans l'éditorial du numéro d'avril 1956 : « qu'est ce qu'un playboy ? Est-ce simplement un oisif, un bon à rien, un faignant toujours tiré à quatre épingles ? Non évidemment ! Un playboy peut-être un jeune homme d'affaire très brillant, un artiste, un professeur d'université, un architecte ou un ingénieur. En fait le métier importe peu ; ce qui compte c'est la vision du monde. Un playboy voit la vie non comme une vallée de larmes, mais comme une occasion de prendre du bon temps. Bien sûr, il aime son travail, mais ne le considère pas comme une fin en soi. C'est un homme vif, un homme aisé, un homme de goût, sensible au plaisir et qui, sans être un épicurien forcené, sait vivre intensément sa vie. Voilà ce que nous pensons lorsque nous utilisons le mot playboy ».

Le premier numéro sort sans date sur la couverture, parce que, d'après ce qu'il en est dit, il n'était pas sûr de la date de parution - s'il y en avait une - du prochain numéro. Le nom de Hefner n'est mentionné sur aucune des pages pour, du moins on le suppose, lui permettre de retrouver plus facilement du travail dans l'édition si le numéro fait un flop. La « note de l'éditeur » anonyme du premier numéro donne tout de suite le ton. Ce ton, qui dénote une certaine suffisance, est paradoxalement cordial avec une connotation d'appartenance : nous sommes élitistes, mais nous serions ravis de vous aider à vous hisser à notre niveau. Nous retrouvons ce même ton dans toutes les pages du magazine au cours des décennies suivantes. Ce premier numéro sera édité à 70 000 exemplaires et les réactions sont plutôt enthousiastes. Pour le Times, Playboy est « un journal futé et coquin129(*) », pour le Saturday Review : « même dans sa période la plus provocante, Esquire faisait figure de manuel de catéchisme comparé à Playboy130(*) » et pour Newsweek : « les rédacteurs d'Esquire doivent se sentir bien mal à l'aise à l'idée qu'un rival plus jeune d'une génération et nettement plus effronté était en train de pénétrer en force la chasse gardée des vieux messieurs131(*) ».

L'humour, le raffinement et le libertinage mis à part, le premier numéro de Playboy (Ill. 140) a une chose qui intéresse énormément les hommes - à savoir la page du milieu, une icône d'aujourd'hui, la photographie (Ill. 141), réalisée par Tom Kelley, de Marilyn Monroe dans le plus simple appareil, que Hefner a rachetée 500 dollars, à un imprimeur de calendrier local, Baumgarth Company. Dès le premier numéro, la formule soigneusement élaborée du magazine est une éclatante réussite : il se vend à plus de 54000 exemplaires132(*), ce qui est suffisant pour payer les factures et justifier la sortie du deuxième. Et du troisième... Et du quatrième... Et pour que Hefner appose son nom en haut de la couverture.

Tout comme le premier numéro, Hught réalise les trois numéros suivants dans son appartement. Au bout d'un an, Playboy est édité à plus de 175000 exemplaires, en 1956 à 500000 exemplaires et en 1959, avec ses 1 millions d'exemplaires il détrône Esquire133(*). Pour quelles raisons la formule connaît-elle un tel succès ? La clé réside dans l'expression « à la maison ». A l'exception d'Esquire, jusque là tous les magazines américains pour hommes supposent que leurs lecteurs sont de « vrais mâles », des chasseurs, pêcheurs, amateurs de bières, des fiers-à-bras de bistrot qui ne s'intéressent aux femmes que pour le sexe et panser leurs blessures, pour ensuite retourner se mesurer aux autres hommes. Contrairement à Modern Man par exemple, Playboy offre une vie plus sensuelle, où la culture l'emporte sur le muscle, où un homme peut passer ses loisirs en compagnie des femmes et y prendre du plaisir. Dans le monde de Playboy, un homme peut s'habiller avec élégance (les pyjamas en soie de Hefner sont là pour en témoigner), décorer son appartement, être un fin cuisinier et ne rien perdre de son charme auprès des femmes.

Hefner est absolument sérieux lorsqu'il parle de produire un magazine de très grande qualité comme il l'a promis. Comme les ventes continuent à augmenter, il recrute une équipe de rédacteurs, de dessinateurs, de photographes et d'illustrateurs de talent ; et il est connu pour payer tous ses collaborateurs à prix d'or dès les premiers numéros. Ces tarifs généreux lui assurent la collaboration d'écrivains de classe internationale, souvent très contestés à leur époque, comme Henry Miller (1891-1980), Vladimir Nabokov (1899-1977), Norman Mailer (né en 1923), Ray Bradbury (1920- ), Philip Roth (1933- ) et John Updike (1932- ). Pour achever sa vision d'un Esquire pour une génération plus jeune, Hefner engage Alberto Vargas (Ill. 142), un artiste quelque peu plus audacieux que George Petty pour dessiner la pin-up de Playboy dès le mois de mars 1957. Cette collaboration durera jusqu'en 1978. Il faut aussi reconnaître qu'au cours de son histoire, Playboy publie à maintes reprises d'excellents articles et entretiens. Cette série des interviews de gens célèbres forme à l'heure actuelle une impressionnante source documentaire. Le premier est Miles Davis (1926-1991), en 1962, interviewé par Alex Haley. Au cours des années suivantes, de nombreuses personnalités importantes se succèdent de Malcolm X (1925-1965), Fidel Castro (1927-), Snopp Dogg, les Beatles ou le candidat Jimmy Carter (1924-).

* 127 MILLER Russel, L'histoire excessive de Playboy, Paris, Albin Michel, 1987, p.32.

* 128 Idem, p.36.

* 129 Idem, p.45.

* 130 «Ibid».

* 131 «Ibid».

* 132 HANSON Dian, The history of girly magazines, Paris, Taschen, 2006, p.272

* 133 MILLER Russel, «op. cit.», p.48.

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