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La pin-up et ses filles: histoire d'un archétype érotique

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par Camille Favre
Université Toulouse Le Mirail - Master 2 Histoire des civilisations modernes et contemporaines 2007
  

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1.3 Le scandale des comic books.

Assistant à la généralisation de ces figures de femmes très suggestives dans les bandes dessinées, les ligues morales, les association de parents, les organisations féministes, mais aussi les institutions religieuses et mêmes politiques se mobilisent contre ces magazines. Des mères de familles se regroupent pour amener les autres femmes à empêcher l'acquisition de ces bandes dessinées par leurs enfants, en exerçant un contrôle étroit sur l'utilisation de leur argent de poche. Des institutrices et des directrices d'école, de leur côté, apportent leur soutien à ce mouvement en se mettant à les confisquer dans les classes et les cours de récréation.

Mais les choses ne s'arrêtent pas là. Le fait que les lecteurs baptisent ces revues les «head-light comics » en reprenant l'expression des routiers américains désignant les seins en se référant aux phares de leurs véhicules165(*), et que ces publications mêlent ces héroïnes à des situations souvent violentes, transforme littéralement le problème en affaire d'Etat.

Dans les années cinquante, les bandes dessinées des comics books sont alors accusées d'exercer une influence pernicieuse sur la jeunesse et une commission sénatoriale est désignée pour étudier ce dossier dans le cadre de travaux sur la délinquance juvénile. On a fait appel à des savants, des médecins, des psychologues, des sociologues. Ils sont chargés de procéder à divers tests et recherches sur ce problème. Certaines équipes, qui avaient commencé des travaux étudiant les effets des images de femmes sur l'enfance dans le domaine du cinéma, reprennent du service. Notamment, elles utilisent des publics d'adolescents visionnant un film pour procéder à des expériences à leur insu : « des photographies étaient prises dans l'obscurité à l'infrarouge166(*) », et il suffit « d'observer les prunelles des spectateurs dans l'ombre propice pour se rendre compte de leur exaltation psychologique et parfois physique167(*) ».

D'autres expériences, d'autres études de cas sont entreprises avec des nouvelles méthodes adaptées à la bande dessinée, avec de jeunes « délinquants ». Un psychiatre, Frederic Wertham, directeur d'un hôpital psychiatrique de New York, prend la tête de cette croisade. Ayant mené ses propres recherches en laboratoire, il confirme la nocivité et le danger de ces publications dans les conclusions d'un livre qui va devenir un best-seller : The Seduction of the Innocent, ouvrage dans lequel figure, au fil des pages, de nombreuses images de pin-up servant à en illustrer abondamment l'argumentation « scientifique ».

De leur côté, les maisons d'édition qui publient ces magazines n'ont pas attendu ce verdict pour réagir. Beaucoup décident d'effacer systématiquement des dessins les décolletés suggestifs et les zones d'ombre trop évocatrices autour des poitrines et des cuisses. Et, à la suite de la faillite d'un certain nombre de petites sociétés, ruinées par les pressions exercées sur les ventes, les professionnels organisent leur propre autocensure et prennent en charge eux-mêmes ce qu'ils appellent « le nettoiement de la bande dessinée168(*) ». Ce mouvement, par exemple, met fin à Torchy, l'héroïne sulfureuse de Bill Ward.

Un code est rédigé en 1954 et un comité se crée pour se charger de son application : la « Comic Code Authority ». Les principaux sujets abordés par le code sont la délinquance et sa représentation (12 articles), l'horreur (5 articles) et une série de recommandations sur la décence des dialogues (3 articles), les références à la religion (1 article), la représentation de la nudité et du corps féminins (4 articles), le mariage et le sexe (7 articles)169(*). La section sur la publicité prohibe toute promotion pour les tabacs, alcools, armes et jeux de hasard. Est interdite également toute publicité pour les feux d'artifices, les ouvrages sur le sexe ou contenant des reproductions de nus et des produits médicaux « de nature contestable ». Après examen de chaque publication, le code délivre le droit de faire figurer sur la couverture de la revue un sceau en forme de timbre, garantie de « bonne moralité » pour les parents et les éducateurs : « approved by CCA ».

Equivalent du code de censure du cinéma, le Code Hays, cette réglementation régit principalement la représentation de la sexualité et des femmes :

« 1. La nudité, sous toutes ses formes est prohibée, ainsi que l'exposition indécente ou inconvenante des parties du corps.

2. Les illustrations suggestives et salaces ou les postures suggestives sont inacceptables.

3. Tous les personnages seront représentés dans des tenues raisonnablement acceptables dans notre société.

4. Les femmes seront dessinées de manière réaliste, sans exagération de quelque caractéristique physique que ce soit.

5. Les relations sexuelles illicites ne doivent pas être évoquées ni montrées. Les scènes d'amour violentes ainsi que les anormalités sexuelles sont inacceptables.

6. La passion pour autrui ne doit jamais être traité sous un angle qui stimule les émotions basses et viles.

7. Le rituel de séduction et le viol ne doivent jamais être montrés et suggérés.

8. La perversion sexuelle ou toute allusion à son propos est strictement interdite. »170(*)

Par ailleurs, en ce qui concerne le contenu publicitaire, il est spécifié que : « la publicité pour le sexe ou les ouvrages d'éducation sexuelle sont inacceptables et la vente de cartes postales illustrés, posters féminins (pin-up), "ouvrages artistiques" ou toute autre reproduction de corps nus ou demi nus est interdite171(*) ». 

Les nouveaux venus des années 70 mettent un point d'honneur à rejeter toute affiliation avec le Comics Code Authority. Le contrôle exercé par le CCA connaît alors un recul considérable, traduit par la modification du texte de son code en 1971, puis en 1989172(*). Mais le scandale des comics books ne touche pas, néanmoins, les bandes dessinées pour adultes. C'est sur ce nouveau support que quelques pin-up vont continuer à vivre.

* 165 MARY Bertrand, «op. cit.», p.327.

* 166 LO DUCA Giuseppe Maria, Techniques de l'Erostisme, Paris, J-J Pauvert, 1958, p.151.

* 167 «Ibid».

* 168 MARY Bertrand, «op. cit.», p.328.

* 169 GABILLIET Jean-Paul, «op. cit.», p.72.

* 170 Idem, pp.417-430.

* 171 «Ibid».

* 172 «Ibid», Jean-Paul GABILLIET reproduit en Annexe de son ouvrage les textes des principaux codes d'autorégulation du secteur des comic books.

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