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Le libertarisme de gauche permet-il une réconciliation des concepts de libertés et d'égalité ?

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par Jérôme Grand
Université de Genève - Bachelor en science économique et sociale 2008
  

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D'une manière générale, ce but se traduit par une volonté d'élargir le domaine des ressources externes, lesquels sont soumises à la clause lockéenne et doivent par conséquent être réparties égalitairement. Ainsi« Plutôt que de nationaliser toute la valeur qui n'a pas été produite (par un être humain), on peut nationaliser ou distribuer également toute la valeur qu'elle n'a pas produite, qu'elle réside dans des ressources naturelles ou dans des amélioration passée »70(*). Le problème est que cet élargissement empiète sur le domaine de la propriété de soi étant donné que, contrairement aux ressources non produites, les ressources du passé ont déjà été la propriété de quelqu'un. Sans un travail sur les prémisses qui établit qu'il n'y a plus de propriété, tel que l'a effectué Steiner, cette proposition semble être uniquement motivée par un but : la réduction des inégalités.

Plus particulièrement chez Van Parijs, le but à atteindre est la liberté réelle pour tous. Ce but absolu dans sa théorie demande un moyen : l'égalisation radicale des chances. Pour que chaque un puisse exercer sa liberté, il faut en effet que tous aient les mêmes opportunités. C'est pourquoi, selon lui « Un véritable libertarien (...) semble devoir réclamer une égalisation radicale des chances »71(*), et toujours selon lui, cette « (...) égalité des points de départ implique pratiquement la prohibition de tout don »72(*). Dans le principe il serait donc pour abolir l'héritage, mais des hypothèses d'ordre empiriques, tel que la préservation de l'initiative économique, le pousse à lui préférer une taxation élevée.

Il rejète donc l'héritage en vertu d'une conception normative qui donne priorité au bien, la liberté réelle (et la réduction des inégalités), sur le juste, le respect des droits de propriété. A nos yeux, une telle théorie ne peut se prétendre libertarienne et «  les termes égalitariste ou égalitariste libéral (...) conviendrait mieux »73(*).

Comme les formes précédentes du libertarisme de gauche, la théorie de Van Parijs privilégie donc l'égalité des ressources au détriment de la propriété de soi, ce que nous considérons comme inacceptable en vertu de notre exigence théorique.

Nombre de théories libertariennes de gauche ne font donc pas face aux contraintes imposées par la cohérence théorique et seule la théorie de la taxation complète des avantages de Steiner semble être une alternative crédible. Nous allons donc soumettre cette dernière à notre deuxième exigence théorique, la limitation du principe de propriété de soi.

2.b) Implication de la propriété de soi

En vertu de notre deuxième exigence théorique, nous ne pouvons donc pas accepter que le libertarisme de gauche s'étouffe dans une propriété de soi trop forte, qui ne laisse aucune place aux partages des ressources. La solution que nous avons proposé précédemment était de bien dissocier le principe central, la propriété de soi, de ses dérivés, le droit à son travail et aux fruits de son travail, afin de pouvoir au besoin sacrifier les seconds au premier.

Nous avons ainsi abouti à un principe de propriété de soi inconditionnel et à un principe de propriété des fruits de son travail conditionnel, dans la mesure où il est acceptable s'il n'entre pas en contradiction avec le premier. A nos yeux, c'est la seule solution crédible et il est donc indispensable d'accepter un principe de propriété de soi restreint et divisé dans des cas comme celui-ci.

Ce n'est certainement pas l'avis de Steiner, qui semble refuser ce compromis. Face aux problèmes des premiers propriétaires d'eux-mêmes, il préconise une solution alternative ingénieuse à celles que nous avons proposé : montrer «  que toute personne est bien le résultat du travail des autres mais aussi d'une ressource naturelle, à savoir de l'information génétique »74(*). La solution de Steiner consiste donc à « interpréter l'information génétique comme une ressource naturelle sur laquelle le travail des adultes s'effectuerait. Cela permet de limiter les droits de propriété des parents sur leur enfant à ne s'exercer que jusqu'à sa majorité.»75(*) En d'autres termes il modifie les prémisses afin de pouvoir donner une justification à la limitation de la propriété.

Mais il ne faut pas oublier qu'en vertu du postulat libertarien de gauche, les propriétés issues des ressources naturelles sont soumises à « une clause égalitaire qui porte sur la valeur des ressources »76(*). Estimer que les gènes utilisés lors de la création d'un enfant sont des ressources naturelles, implique donc des compensations en fonction de la qualité de ces gènes.

La conséquence pratique est que « ceux qui ont des enfants avec des dots génétiques en or  transfèrent des ressources à ceux qui n'en ont pas »77(*).

Si la proposition de Steiner nous semble ingénieuse et que l'idée d'une mutualisation des risques liées à l'information génétique peut paraître attrayante, notamment de par le fait qu'elle défend implicitement « un droit à ne pas être né avec des incapacités génétiques »78(*), nous estimons toutefois qu'elle aboutit à des conséquences beaucoup moins plaisantes.

Hormis les objections d'ordre moral que cette proposition peut soulever, elle n'est surtout pas conforme à l'équilibre nécessaire pour le libertarisme de gauche entre propriété de soi et égalité des ressources. En cherchant à limiter la propriété des parents sur leurs enfants, elle aboutit en effet à l'effacement de la propriété de soi face à l'égalité des ressources. Car si l'on pousse le raisonnement de Steiner un peu plus loin , on constate que «(...) les parents font usage de l'information génétique, une ressource naturelle, non seulement pour faire des enfants, mais aussi pour produire leurs protéines, métaboliser la nourriture, travailler et avoir accès au bien-être »79(*). Dès lors on peut légitimement se demander « Pourquoi tous leurs droits de propriété s'épuisent quant aux enfants et non quant à leur propre ressource ? »80(*). Steiner ne nous donne aucune réponse.

Dans cette version du libertarisme de gauche toute action implique au bout du compte l'utilisation de ressources naturelles et par conséquent une compensation au fond social, ce qui n'implique rien de moins que la non propriété du corps.

Steiner refuse donc le compromis que nous avons proposé et se tourne vers une solution qui n'en est pas une. Percevoir l'information génétique comme une ressource naturelle, conduit en effet à la négation de la propriété de soi de part le fait que toute action humaine nécessite l'intervention d'information génétique.

Sa proposition conduit donc à effacer le principe de la propriété de soi au bénéfice du partage des ressources, et nous avons démontré précédemment que cette option était incompatible avec les contraintes théoriques du libertarisme de gauche.

* 70 Philippe Van Parijs « Qu'est-ce qu'une société juste ? », p.148

* 71 Philippe Van Parijs « Qu'est-ce qu'une société juste ? »,p.159

* 72 Philippe Van Parijs « Qu'est-ce qu'une société juste ? »,p.160

* 73 Geert Demuijnck «Les libertariens de gauche et la question de l'héritage » in Raison politique, n.23, p.145

* 74 Speranta Dumitru « Steiner et la propriété des ressources génétiques »p.149

* 75 ibid. p.153

* 76 ibid. p.154

* 77 H.Steiner « Silver Spoons and Goden Genes » art.cité, p.144

* 78 Speranta Dumitru « Steiner et la propriété des ressources génétiques »p.156

* 79 Speranta Dumitru « Steiner et la propriété des ressources génétiques »p.151

* 80 Ibid.p.151

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry